INTRODUCTION GENERALE.
Le cèdre de l'Atlas (Cedrus atlantica Manetti)
est une essence endémique des montagnes de l'Afrique du Nord : Maroc et
Algérie.
Son importance découle de l'intérêt
bio-écologique et socio-économique ainsi que de ses
qualités qui lui permettent d'occuper une place primordiale dans la
fôret méditerranéenne. En effet la faculté
d'adaptation du cèdre de l'Atlas dans des conditions difficiles, sa
résistance aux incendies, ses qualités forestières (faible
inflammabilité, bois de bonne qualité et longue
longévité) ornementales (port remarquable et esthétique)
et touristiques ; TOTH (1990 a) signale à ce propos que
l'intérêt touristique de ce résineux est unanimement
reconnu. En outre, il protège le sol contre l'érosion grâce
à sa cime tabulaire et son système racinaire profond et
ramifié, élimine la strate herbacée, diminuant ainsi les
risques d'incendie.
Toutes ces qualités confèrent à cette
espèce une place de choix dans les projets de reconstitution, la
création et la revalorisation des peuplements particulièrement en
régions méditerranéennes. Elle est économiquement
et écologiquement la plus importante des montagnes
méditerranéennes et sa gestion doit s'articuler, du moins pour
les cédraies algériennes sur la protection et l'exploitation
rationnelle : régénération stricte --réglementation
pastorale.
En Algérie, les peuplements de cèdre de l'Atlas
sont localisés au Centre et à l'Est, dans différentes
situations bioclimatiques où ils forment de belles futaies quand les
conditions écologiques sont favorables. Ils sont présent
principalement dans l'étage montagnard méditerranéen :
subhumide, humide et perhumide à variante fraîche à
très froide.
Son faciès subhumide dans les sous-étages
à hiver frais à très froid est dominant ; il couvre
partiellement les monts des Aurès, de Belezma, de Boutaleb et de Maadid.
Quant aux étages bioclimatiques humides à hiver frais, on le
rencontre dans l'Atlas blidéen, le Djurdjura et les Babors à
hiver froid, il est localisé dans l'Ouarsenis, les Babors et Tala-Guilef
; dans les étages perhumide il évolue dans le Djurdjura, les
Babors, Chréa et l'Ouarsenis dans la variante à hiver froid.
Grâce à son pouvoir exceptionnel d'adaptation
à la fois aux conditions écologiques, climatiques et
édaphiques variées et souvent difficiles, de nombreux forestiers,
écologistes, biologistes, botanistes ... se sont
intéressés à cette essence. Ainsi M'HIRIT (1982 et 1993)
TOTH (1982 - 1984 et 1990 b), ROQUES (1983) FERRANDES (1986) LAMER (1993) et
RIPERT et al (1993) signalèrent que le cèdre de l'Atlas est
devenu hors de son aire naturelle, l'essence de base pour la revalorisation et
la reconstitution des forêts improductives ou dégradées et
la restauration des montagnes dénudées. Par ailleurs BARITEAU
(1993) dans son étude sur l'amélioration génétique
des cèdres rapporte que Cedrus atlantica M est potentiellement
intéressant pour les reboisements des terrains calcaires dans le sud de
la France.
CLAUZEL (1976) notait que des reboisements en cèdre de
l'Atlas sont souhaitables du fait que cette essence donne des peuplements
rentables. Ainsi il a pris une importance capitale dans le monde forestier et
son introduction a pleinement réussi dans les montagnes
méditerranéennes ou il s'est très bien adapté ; son
acclimatation selon PARDE (in SABATIER et al 1993) dans la zone bioclimatique
de la «chênaie pubescente chaude» s'avère être une
réussite. RIPERT et al (1993) signalèrent dans leurs
études sur l'écologie du cèdre de l'Atlas qu'il s'est
très bien adapté en région méditerranéenne ;
il a prospéré, se régénère facilement dans
la plupart des zones ou il avait été introduit et on
considère son implantation comme réussie.
TOTH (1970) rapportait que le premier succès
réalisé durant la période de 1861 --1862 a mené un
tel encouragement chez les forestiers du Vaucluse (France), que lors de la
campagne de reboisement de 1935 -- 1936, le cèdre de l'Atlas avait
occupé la première place dans les projets. Actuellement cette
essence a pris une importance croissante en région
méditerranéenne française où 4 à 5 millions
de plants sont élevés chaque année, pour être mis en
place sur 2.000 à 3.000 hectares ; cela a crée des peuplements
forestiers productifs, stables adaptés aux conditions difficiles de
climats, de sols et qui se régénèrent naturellement (TOTH,
1984 ; FERRANDES 1986 ; LANIER, 1993 ; SABATIER et al 1993 ; TIL, 1995).
Si le cèdre de l'Atlas se trouve surtout en climat
méditerranéen, cela ne reflète en aucune façon ses
aptitudes écologiques. Son introduction dans divers pays montre qu'il
peut prospérer sous d'autres climats ; on cite habituellement les dates
de 1862 en France, 1864 en Italie et 1890 en Bulgarie. Son introduction dans
quelques Etats américains (Pennsylvanie, New York) en ex U.R.S.S et dans
le Caucase en 1890 a donné de beaux peuplements.
Aussi, les fonctions des cédraies
méditerranéennes sont multiples; elles répondent selon
TOTH (1970; 1980 a; 1990 a) à plusieurs principales exigences :
- Maintien d'un équilibre biologique, en améliorant
les conditions écologiques favorables à la
pérennité de l'espèce.
- Production de bois de qualité et en quantité
importante.
- Accueil d'une population désireuse de se relaxer, de se
reposer, de s'oxygéner dans un cadre agréable : sa remarquable
silhouette améliore la beauté des paysages.
Cet intérêt que revêtent les peuplements de
cèdre a incité le Comité des Questions Forestières
Méditerranéennes « Silva Méditerrnea »de la
F.A.O de créer parmi ses nombreux réseaux de recherches, le
réseau « Sylviculture des essences, Cèdre » lors de sa
13ème session (Saragosse : Espagne) en Octobre 1987, afin de
promouvoir les recherches relatives à cette espèce. Aussi, des
symposiums internationaux ont été consacrés au Cedrus
en Octobre 1990 à Antalya (Turquie), puis en Juin 1993 à
Ifrane (Maroc). Ce qui a permis de créer, sous l'égide de la
F.A.O un réseau spécial " Cedrus " qui fonctionne sur la base
d'un programme orienté sur les aspects suivants :
- Sélection et amélioration génétique
(Inventaire et conservation des ressources génétiques du genre
Cedrus).
- Sylviculture et production (Comportement du cèdre dans
différents milieux, établissement des modèles de
croissance, de tables de production et de tarif de cubage)
- Ecophysiologie et auto-écologie (Croissance et
développement du système racinairenutrition minérale --
mycorhizes --dendrochronologie- photosynthèse).
- Protection du cèdre et des cédraies.
La capacité du cèdre de l'Atlas des Aurès
à résister à la sécheresse a amené le «
Réseau Cèdre » à effectuer de nouveaux essais
comparatifs de provenances. Pour cela, les prospections et les récoltes
en Algérie ont touché 15 peuplements en collaboration avec
l'I.N.R.F d'Alger. Le massif des Aurès a fait l'objet de Septembre 1991
à Octobre 1992, d'un échantillonnage très dense en raison
des fortes variabilités phénotypiques et écologiques
observées ainsi que la présence d'écotypes ayant de bonnes
potentialités de résistance à de longues périodes
sécheresses.
BARITEAU et al (1990) et BARITEAU (1993) notèrent qu'en
Algérie les peuplements de cèdre méritent
vraisemblablement d'être mieux valorisés, d'autant plus que le
problème de la conservation des ressources génétiques se
pose en terme d'urgence dans certains cas.
Dans le cadre de l'écologie forestière, la
régénération d'une forêt, désigne son
renouvellement, suite à une exploitation abusive ou à une
dégradation. Son absence remet en cause, la pérennité de
la couverture végétale, qui assure la stabilité des
versants.
A ce problème, le seul remède connu est la
plantation dont la réussite est non seulement aléatoire, mais
nécessite de gros investissements. Le problème de la
régénération domine selon BOUDY (1950) toute la question
du traitement du cèdre en Afrique du Nord. Le mode de
régénération et le produit principal imposent des modes de
traitements et des méthodes d'aménagement en futaie
régulière et en futaie jardinée (M'HIRIT, 1993).
Les difficultés de régénération
constituent le principal problème de la cédraie du Belezma. En
effet, cette dernière n'arrive pas à assurer sa
pérennité, il est donc indispensable de prendre toutes les
précautions pour que la régénération naturelle
et/ou artificielle réussisse.
La régénération naturelle des essences
forestières a fait l'objet de très nombreuses études,
où de diverses corrélations entre l'aptitude à la
régénération et les facteurs écologiques,
climatiques et édaphiques, mais aussi celles liés au peuplement
(houppier, diamètre, hauteur, densité, âge, état
sanitaire...) à l'année de fructification, à l'homme
Les études réalisées par BOUDY ( 1950 et
1952 ) , LEPOUTRE ( 1961, 1963 -1964 ) LEPOUTRE et PUJOS (1963,) ,MARION (1955)
, TOTH ( 1978 a , 1982-1984 ),DERRIDDJ (1990), MALKI ( 1992 ) et TILL (1995)
ont montré l'importance de l'effet des facteurs climatiques,
écologiques et édaphiques ainsi que leurs interactions sur la
régénération naturelle. Ils ont souligné les
difficultés et les contradictions de la
régénération naturelle du cèdre de l'Atlas, et
insistèrent sur la complexité de ce
problème pour cette espèce endémique des monts de
l'Afrique du Nord par apport aux autres espèces.
Les principales causes évoquées par EZZAHIRI et
al (2000) pour expliquer l'absence de régénération sont :
la brièveté de la période de
régénération, l'absence de toute opération
sylvicole et le manque de connaissance approfondie sur les
écosystèmes où se développe le cèdre.
Cette complexité se traduit par une
régénération capricieuse: des semis apparaissent à
certains endroits et pas d'autres et de belles nappes de semis de 4 à 5
ans disparaissent sans raison apparente. Son explication, se heurte souvent
à la complexité de ce phénomène.
Dans le but d'élucider cette problématique
difficile, plusieurs auteurs ont tenté de déterminer les
principales causes impliquées dans la régénération
naturelle. Cette dernière constitue un vaste problème
extrêmement complexe et, elle est influencée par divers
facteurs, qui agissent en même temps depuis le stade de la floraison,
jusqu'à l'installation, le maintien et le développement des
semis. C'est finalement la résultante d'un ensemble de facteurs, dont la
pluviométrie constitue le facteur le plus déterminant. En effet,
selon DUCHAUFFOUR (1988) l'échec des régénérations
des péssières d'altitudes peut être attribué
à la convergence de facteurs physiques, chimiques ou biologiques
défavorables.
L'influence humaine (exploitation, surpâturage...) sur
les cédraies sèches constitue l'un des grands obstacles à
l'installation des semis. Le vieillissement est également néfaste
au renouvellement de ces cédraies, il est donc indispensable d'appliquer
une sylviculture rationnelle afin d'éliminer des arbres
dépérissants. Dans leurs études sur les peuplements des
résineux, CARLIER (1988) et CANTEGREL (1988) soulignent par ailleurs que
l'une des nombreuses causes possibles de l'insuffisance de la
régénération des péssières d'altitude est
due à l'état et au comportement de la graine (production,
germination ...). ROQUES (1983 et 1988) rapportait que les difficultés
de la régénération du genévrier de thurifère
et du Mélèze sont dues non seulement à l'influence des
conditions écologiques mais également aux insectes ravageurs de
graines.
L'existence d'insectes inféodés au cèdre
qui peuvent causer des problèmes à la production grainière
et donc à la régénération. Les insectes des fleurs
mâles : Dioryctria peyerimhoffi Dejoannis, et
Rhodophaéa praestantella des inflorescences femelles, sur des
cônes Hapleginella laevifrous LW et un ravageur des graines
Megastignus sapinis (MOUNA 1993).
Néanmoins, les insectes ravageurs de cônes et de
graines n'ont pas fait l'objet d'études par rapport aux autres insectes
défoliateurs; ainsi, selon ROQUES (1983) les différentes
données (distributions biologie ...) sur le Megastignus sapinis,
principal insecte ravageur des graines restent imprécises en raison
du peu d'importance accordée à ce parasite.
TOTH (1971, 1973a, 1975, 1978a, 1980b, 1980c, 1984) BARRITAU
(1986) MULLER et al (1984) MULLER (1986) ROQUE (1983) DERRIDDJ (1990) MALKI
(1992) M'HIRIT (1983) LAHMADI et al (1993,2002) ont mis en évidence
d'étroites relations entre la production qualitative et quantitative des
graines, la germination et l'installation des plantules de Cedrus atlantica
M.
La production grainière des résineux est
irrégulière pour le cèdre de l'Atlas, seule une
année sur trois ou sur quatre correspond à une bonne "
grainée ".TOTH (1980 c) a rapporte qu'au cours d'une telle année,
un seul arbre peut produire 50 mille à un million de graines. Afin
d'assurer une production grainière satisfaisante, il serait
intéressant de procéder à des traitements sylvicoles qui
consistent à ouvrir certaines parties du peuplement : les houppiers
seront étalés et les arbres plus éclairés.
La régénération, qui devrait être
assurée, doit correspondre à de bonnes conditions climatiques
pour la germination et le développement des semis. Cette
coïncidence est aléatoire, car une bonne grainée pourrait
être suivi de circonstances climatiques défavorables, provoquant
un arrêt prolongé de la régénération.
D'autres facteurs cycliques peuvent intervenir, comme la sécheresse, en
éliminant toutes possibilités de
régénération.
En effet, l'installation et le développement des semis
est possible que si les conditions écologiques soient favorables pour
l'ensemble du cycle de production des graines (floraison,
pollinisation, fécondation, développement et maturation
morphologique et physiologique des cônes) et le cycle
d'ensemencement (désarticulation, dissémination et
germination des graines - installation et maintien des semis).
En outre, des travaux réalisés par
différents auteurs ont montré que le travail du sol conditionnera
les succès de la régénération naturelle et
artificielle. En effet, le bon développement du système racinaire
des jeunes semis dépend de la profondeur du sol. Il faut souligner que
la disparition des jeunes plantules qui peut atteindre 100 %, est surtout
attribuée aux difficultés de pénétration de la
radicule principale (TOTH, 1978a et 1982 ; DERRIDJ, 1990).
Les recherches ont montré que la
régénération naturelle des essences forestières est
le résultat d'un enchaînement de phénomènes
(climatiques, édaphiques, biotiques et humaines) qui agissent sur le
cycle de production des graines, le cycle d'ensemencement et la survie des
semis.
Ainsi, afin d'étudier la
régénération naturelle de cette essence, nous avons dans
un premier temps présenté la zone de travail après
étude de ses principales caractéristiques. Compte tenu de la
complexité de la régénération naturelle nous avons
adopté la méthodologie suivante :
1-- Etude de la fructification.
2 - Régénération proprement
dite.
La fructification, qui constitue la première phase de la
régénération naturelle a été divisée
en 3 chapitres distincts mais liés
méthodologiquement :
1- La phénologie du cycle de reproduction
qui consiste à étudier les principales
phénophases des organes de reproduction depuis la floraison
jusqu'à la dissémination des graines soit une durée de
l'ordre de 32 mois.
2 -L'estimation de la fructification et de
la production des organes de reproduction femelles. Il s'agit
d'estimer quantitativement la production des graines dans deux stations
(Station à exposition Nord et à exposition Sud ) en utilisant la
méthode recommandée par TOTH ; puis, nous l'avons adapté
à la cédraie de Belezma.Par la suite, nous procédé
à des analyses statistiques sur la production des différents
organes de reproduction femelles selon leurs évolutions (Inflorescences
femelles, Cônes N+1 et N+2) en relation avec l'exposition, leurs
positions dans l'arbre et l'importance de l'année de fructification.
3 - Etude des cônes et des graines. Dans
ce chapitre l'étude portera sur :
-La répartition des graines selon les
différents types et catégories dans le cône et leurs
nombres selon l'année de fructification.
-La production des graines fertiles et attaquées
selon la branche pendant l'année de forte fructification.
-L'influence de la position des cônes dans
l'arbre sur leurs caractères biométriques. - La
biométrie des graines fertiles et attaquées selon
l'exposition.
Après ce 3ème chapitre, nous avons
étudié la régénération
proprement dite. Cette dernière qui constitue la
deuxième partie, a été scindée
également en 3 chapitres :
1 - La germination des graines.
2 - Influence des prétraitements graines
sur le développement des semis
3 - Influence du travail du sol sur les premiers
stades des semis.
Le pouvoir germinatif des graines constitue la phase initiale
de la régénération. Pour cela, il s'agit de
procéder à des tests de germination afin de déterminer
d'éventuelles variabilités du pouvoir germinatif des graines en
fonction de plusieurs paramètres:
-Provenance : Station à exposition Nord et à
exposition Sud.
-Positions des cônes dans l'arbre : Cône des
branches hautes et ceux des branches basses -Différentes parties de la
graine: Influence de l'aile, de l'endosperme et des téguments. -Poids
des graines : Impact du poids des graines sur le temps moyen et la
capacité de
germination.
-Dates de récolte : la détermination de la
meilleure période de récoltes après maturation des
cônes.
- Prétraitements: il s'agit de comparer le rôle du
froid et l'eau oxygénée sur le pouvoir germinatif.
- Modes de prétraitements et de conservations : La
conservation des graines de cèdre sans diminuer leur pouvoir germinatif,
est primordiale pour la production des plants ; ainsi, les tests de germination
que nous avons réalisés ont pour objet de déterminer la
meilleure période de récolte permettant d'avoir le maximum de
graines germées en un minimum de temps.
Ceci nous permettra de mieux apprécier les conditions qui
par leurs influences pourraient contribuer aux difficultés de la
régénération et inversement d'en écarter
d'autres.
La connaissance des prétraitements des graines est
indispensable, elle nous permettra de mieux connaître son influence non
seulement sur la germination mais également sur le comportement des
jeunes plantules.
Le second chapitre a pour objet
d'étudier l'influence des prétraitements des graines
par l'eau oxygénée et le froid humide sur les principaux
caractères morphologiques des semis (poids, longueur et nombre de
cotylédons) et leur composition minérale
Le maintien des semis qui constitue le
3ème chapitre, a pour objectif de traiter
l'influence de certains facteurs, particulièrement le travail du
sol sur les possibilités de germination des graines et le
développement des semis ainsi que leur survie au-delà de la
période estivale.
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