Identité culturelle dans "Bleu Blanc Vert" de maissa bey( Télécharger le fichier original )par Souad et Amine Khaldoun Centre Universitaire Moulay Tahar - Saida - Licence en langue française 2007 |
Les confidences de Ali et Lilas ne cessent de se croiser sous les embrayeurs "il" et "elle" afin de construire la texture de ce roman. Ces personnages ne se parlent pas, ne confient pas. La communication entre mère et fille, père et fils, entre frère et soeur, semble très difficile. Finalement, seules les femmes paraissent libres de partager entre elles ce qui produit et tisse la trame de leur quotidien.La narratrice a envisagé ce texte comme une sorte de journal intime, dans lequel les propos sont rapportés par les personnages centraux : il s'agit d'un choix d'écriture. Il est vrai qu'au sein de la famille, elle ne prétend pas faire un travail de sociologue bien souvent, par tradition, par pudeur ou simplement par impossibilité d'établir un vrai dialogue. La communication n'est pas simple. On peut considérer les familles décrites par la narratrice comme un prototype de la famille algérienne. Il est vrai aussi que les femmes, dès qu'elles se retrouvent entre elles, font preuve de connivence immédiate puisqu'elles n'hésitent pas à s'épancher vers la réalité. Elles ont plus de facilité à se raconter que les hommes, peut-être justement parce qu'elles sont trop souvent réduites au silence chez elle. Les deux mères sont constamment au coeur des préoccupations quotidiennes des personnages. Cependant, elles sont représentées comme courageuses. Quand les maris sont défaillants, traditionnels dans leur rôle face aux fils, les femmes sont fières quand il s'agit de "faire comme si pour ne pas perdre la face»93(*), discrètes face au couple. Et pourtant, Lilas, fille de la Révolution pleine de promesses d'émancipation, déclare : « Je ne comprends pas ma mère»94(*). On peut considérer ces portraits comme des hommages
à ces femmes restées à l'écart du progrès.
Ces femmes sont gardiennes des valeurs traditionnelles. Le roman est un hommage
au courage et à l'abnégation des femmes qui ont apporté
leur contribution à la révolution. Ces mères ont
renoncé à leur vie de femme puisqu'elles n'ont d'autre souci que
d'être présentes, disponibles, et irréprochables en tant
qu'épouses et en tant que femmes. Pour le personnage-féminin
Lilas, l'accès à l'indépendance représente
véritablement une rupture avec le monde ancien. Tout ce qui était
refusé à sa mère, et à toutes les femmes des
générations précédentes, lui est accessible : les
études, le monde extérieur, le dévoilement, et surtout la
possibilité de choisir le sens que l'on veut donner à sa
vie. Avec cette richesse sémantique des deux cultures, tradition et modernité, la narratrice a pu construire un milieu hostile et une atmosphère homogène entre les deux héros. Cette diversification distingue, une culture de l'autre, la tradition (« Le Haïk, Le Hammam... »), de la modernité (« le Dévoilement, La liberté de la femme... »). 111.3-L'écriture entre « culture » et « interculture » :Une culture peut se définir par de nombreux niveaux (région, nation, groupe etc.). Chaque être humain a sa propre histoire, sa propre vie et par conséquent sa propre « culture »ou son appartenance culturelle. « Bleu Blanc Vert » est une histoire
d'un couple qui se connaît depuis l'enfance, nourrit par des espoirs et
des doutes. Ce roman devient passionnant quand il se situe dans l'Histoire de
l'Algérie. Questionnement concernant l'héritage de la culture
française, sur l'intégrisme, l'identité,
l\u8217faltérité, la constitution d\u8217fun pays, et le combat
pour la liberté \u8230cetc. En effet, dans ce roman, l'Interculturalité suppose l'existence d'une relation entre les deux héros qui appartiennent aux différents groupes socio-culturels, C'est un concept plus ample qu'un simple fait « pluriculturel ». En conséquence, l'altérité est une attitude développée en médiation et particulièrement développée dans les contextes d' interculturalité. D'autant plus que la reconnaissance de l'autre dans sa différence. C'est une valeur essentielle de la laïcité qui privilégie le métissage des cultures comme source d'enrichissement intellectuel, d'évolution et de paix. « [...] il répète toujours qu'on ne peut pas coloniser un peuple instruit [..] Il faut qu'on quitte le village. »95(*) La rencontre de l'autre en ce qu'il est « différent », c'est la raison pour laquelle le terme « altérité » nous semble mieux rendre compte de cette valeur essentielle. La tolérance ou l'altérité n'ont évidemment de sens et de portée que dans la différence. Le phénomène d'altérité repose sur différentes convictions humaines qui se heurtent, s'entremêlent et se fusionnent sans que l'être perde sa personnalité, son identité, ses racines, et sa culture. « J'ai écrit sur mon carnet. Certainement à celui qui viendra un jour habiter mes rêves. J'ignore qui il est, ce qu'il fait en cet instant. Mais je sais qu'il existe. Forcément. Et qu'il les lira un jour. Je pense très souvent à celui qui sera mon aimé. Mon seul. Mon unique amour [...] Je sais que je devrais penser à autre chose. A mes études par exemple. Mais je ne peux pas m'empêcher de rêver [...] De franchir les frontières et de m'inventer des vies. »96(*) « Mais je connais mieux le français. L'arabe qu'on apprend à l'école n'est pas exactement le même que celui qu'on parle à la maison »97(*) L'écrivaine recherche le mot juste dans son écriture afin d'exprimer des situations vécues et son ressenti concernant son pays, sa révolte. On pourrait presque retracer l'Histoire à partir de ces seuls verbes « Conquérir. Découvrir. Construire. Fonder. Créer. Façonner. Forger. Produire. », d'où la re-constitution de l'histoire des personnages. D'après notre analyse de l'espace, le contexte est simple: il s'agit de l'espace référentiel de « Algérie » et de son histoire. Tous les évènements historiques évoqués dans « Bleu Blanc Vert », sont tirés de la réalité, de vécu : « la guerre d'Algérie, et la décennie noire » L'espace algérien est d'abord espace d'origine des écrivains, le lieu où ils vivent actuellement. Mais l'origine géographique de l'écrivaine n'est qu'un critère socio-historique incomplet. Il faut ajouter que de tous les extraits décrivent l'Algérie comme un référent principal. Cet espace fonctionne, donc, comme un lien où la représentation des deux discours permettra d'appréhender leurs rapports divergents ou semblables au réel. * 93 Maissa Bey, « Bleu Blanc Vert », p 104. * 94 Ibid, p66. * 95 Maissa Bey, « Bleu Blanc Vert », p 21. * 96 Maissa Bey, « Bleu Blanc Vert », p 66. * 97 Ibid, p155. |
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