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Enjeux politiques et sociaux d'un changement spatial

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par Audrey LELONG
Université de Rouen - Master 2001
  

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1-3 Les habitants et la volonté de modernisation

Les habitants qui sont favorables aux transformations urbaines ne souhaitent pas une ville totalement nouvelle au niveau de son architecture mais veulent au contraire qu'apparaissent les différents styles architecturaux des époques antérieures. La reconquête du centre-ville ne doit pas être conçu comme une rupture avec le passé ni comme un rejet de la tradition mais comme une cohabitation entre l'ancien et le moderne :

« Je ne comprends pas vraiment ceux qui sont contre le projet Monet Cathédrale car il est certes moderne mais cela ne fait qu'un style de plus sur la place. Cette place est tellement faite de styles différents que rien ne peut choquer. Le Palais des Congrès représente l'architecture des années 70. C'était de toute façon en inadéquation avec la cathédrale », (Nicolas, dentiste, entretien n°1).

J'avais d'ailleurs noté lors de mes observations et de mes recherches la pluralité architecturale des bâtiments de la place de la Cathédrale.

La cathédrale est une architecture du style roman, essentiellement du gothique, et approchant la Renaissance. Les trois premiers étages de la tour St Romain date du XIe et XIIe siècle ; sur la gauche de la façade, est d'un style gothique et contraste avec la tour de Beurre, située à droite. D'un côté, une froide simplicité des lignes ; de l'autre, une richesse décorative tout à fait caractéristique du gothique flamboyant. Par ailleurs, la Cathédrale dans son ensemble, est un bâtiment que la critique pourrait légitimement qualifier d' « arrogant » pour la ville, dans la mesure où l'édifice prétend dominer la ville.

Les magasins du Printemps datent de 1928. Ils ont été deux fois transformés, en perdant leurs caractéristiques d'origine. En 1981, ont été supprimées des menuiseries qui donnaient une échelle au bâtiment, et évidemment des ouvertures qui se sont révélées désastreuses, dans la mesure où elles ont fait perdre au bâtiment son caractère originel. Le rehaussement d'un étage neuf a révélé un toit sans détails, qui est hors de proportions avec le bâtiment.

Le bâtiment de la « pharmacie du centre » est de style art décoratif, mais d'une expression et d'un style assez rigide et il ne montre pas une qualité esthétique.

Face au site du projet Monet Cathédrale, dans la rue Saint-Romain, il existe encore une des rares maisons du XVe siècle de la ville de Rouen.

Cette rue, qui donne sur le projet, montre que la structure de ses maisons à pans de bois, ne serait-ce que par la présence de ses encorbellements, est formellement très différente de ses vis-à-vis. L'unité architecturale de cet espace et de cette rue, si elle existe, repose sur le simple fait que les matériaux utilisés sont les mêmes et non sur une unité architecturale.

Le sud de la Place de la Cathédrale est ourlé de bâtiments de la Reconstruction (années 1950), dont la facture et la modénature n'est pas différente sur cette place que dans le reste de la ville, témoignant ainsi de leur indifférence à l'espace majeur de la ville au bord duquel ils sont bâtis.

Le Bureau des finances, siège des trésoriers généraux de France, construit à l'angle de la rue du Petit-Salut, aligne des arcs surbaissés surmontés d'un entresol à l'italienne, décoré de feuillages soutenus par des angelots. Le premier étage, en revanche, est percé de grandes fenêtres sans meneau central. Cette superposition témoigne d'un mélange entre le style gothique et l'art de la Renaissance.

Par son implantation privilégiée, le projet de construction en cause doit également amorcer une transition entre le fond de la place formée notamment par les bâtiments du Printemps, de la Pharmacie et de l'Office du Tourisme et la Cathédrale située en vis-à-vis.

La réponse apportée par l'architecte du XXIème siècle, pour assurer cette transition, est de créer une double peau vitrée en façade principale Sud soutenue par une trame métallique verticale. La densité de cette trame s'estompe dans les niveaux supérieurs, participe et prépare ainsi à l'important effet d'élancement de la cathédrale située à proximité immédiate.

Maquette de l'Espace Monet Cathédrale vue de la rue du Gros Horloge

Les vitres permettront d'apercevoir la cathédrale en reflet, comme pour le projet que J.P Viguier a fait à Reims.

La Cathédrale de REIMS

L'architecte avait rencontré des habitants inquiets qui avaient l'impression que le dossier de la médiathèque n'était pas réfléchi. Mais avec le recul, les habitants sont très heureux du rendu. L'incorporation d'une architecture moderne sur le site du parvis de la Cathédrale n'a pas entraîné un éclatement de l'architecture mais au contraire une transformation douce. Le reflet de la Cathédrale gothique dans la médiathèque en verre juste en face est un mélange qui plait beaucoup aux habitants et aux touristes.

En conclusion, les styles de la place de la Cathédrale ne peuvent en aucun cas être dit unitaires, ni même cohérents. Il s'agit, pour l'architecte de produire la meilleure expression de l'architecture de son époque.

Vu la diversité architecturale, faire un immeuble en colombage pour l'espace Monet Cathédrale n'aurait pas de sens. Pour les adeptes de la modernité, ce serait reculer d'un pas. Ils conçoivent le patrimoine dans son aspect dynamique et dans son intégration au projet urbain.

Envisager sa démolition n'est contesté par personne. Son remplacement par un édifice neuf, contemporain, ne peut être considéré que comme un progrès, voire un embellissement du site.

Les personnes qui se situent dans cette perspective me font infirmer ma première hypothèse car elles voient à travers les modifications spatiales une formidable avancée. Pour elles, l'identité de « ville d'histoire » de Rouen n'est en rien remise en cause car tous les monuments historiques restent inchangés et constituent la mémoire historique. Les nouveaux bâtiments construits révèlent une nouvelle période architecturale et les oeuvres récentes doivent cohabiter avec les monuments historiques.

A travers les deux types de réactions face à l'évolution du patrimoine Rouennais, nous ne pouvons répondre catégoriquement à ma première hypothèse. L'analyse ne permet pas en effet de dire si les habitants s'identifieront ou pas au nouveau lieu car ils disent ce qu'ils pensent ressentir mais seul le temps permet d'assurer que l'oeuvre contemporaine pourra rétrospectivement être admiré comme un succès, une banalité ou un échec.

La moitié des personnes réticentes à un projet moderne ne savent pas comment ils vont réagir face au bâtiment lorsqu'il sera construit. Mais ceux qui disent qu'ils ne se l'approprieront jamais ne seront finalement peut-être pas si mécontents du résultat. Les surprises de pérennité face aux critiques destructives sont nombreuses dans ce domaine. Par exemple, la Tour Eiffel est parmi les édifices exceptionnels qui ont été décriés, alimentés par des pétitions négatives alors qu'elle est devenue un des emblèmes de France et que le temps nous présente aujourd'hui comme exceptionnellement réussi. Mais à quelques exceptions près, l'architecture moderne n'a pas réussi à acquérir une valeur patrimoniale.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe