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L'ONU et la démocratie

( Télécharger le fichier original )
par Salwa HAMROUNI
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis - D.E.A. de droit public et financier 1996
  

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L'ORGANISATION

DES NATIONS UNIES

et

LA DÉMOCRATIE

Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention
du Diplôme d'Études Approfondies en Droit Public et Financier

Par

Salwa HAMROUNI

Sous la Direction du Professeur

Slim LAGHMANI

"Nul n'est plus esclave que celui qui se croit libre sans l'être"

Johann Wolfgang Goethe

LISTE DES ABRÉVIATIONS

A.C.P. Pays de l'Afrique, des Caraibes et du Pacifique

A.F.D.I. Annuaire Français de Droit International

A.G Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies

A.I.D.I. Annuaire de l'Institut de Droit International

A.J.I.L. American Journal of International Law

A.PR.O.N.U.C. Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge

C.E. Conseil de l'Europe

C.E.E. Communauté Économique Européenne

C.I.J. Cour Internationale de Justice

C.N.S. Conseil National Suprême

C.P.J I Cour Permanente de Justice Internationale

C.S Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations Unies

C.S.C.E Conférence pour la Sécurité et la Coopération en Europe

D.U.D.H. Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

F.U.N.C.I.N.P.E.C.Front Uni, National pour un Cambodge Indépendant,
Neutre, Pacifique et Coopératif

M.I.CIV.I.H Mission Civile Internationale en Haïti

M.I.N.U.H A. Mission des Nations Unies en Haïti

M.O.N.U.A.S. Mission d'Observation des Nations Unies en Afrique du Sud

M.P.L.A. Mouvement pour la Libération de l'Angola

O.E.A. Organisation des États Américains

O.N.U. Organisation des Nations Unies

O.N.U.MOZ. Opération des Nations Unies au Mozambique

O.N.U.V.E.H Groupe d'Observation des Nations Unies pour la

vérification des Élections en Haïti

O.N.U.V.E.N Mission d'observation des Nations Unies Chargée de la

vérification du processus Électoral au Nicaragua

O.S.C.E. Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe

O.U.A. Organisation de l'Unité Africaine

P.K.D Parti du Kampuchéa Démocratique

P.N.U.D Programme des Nations Unies pour le Développement

P.P.C. Parti du Peuple Cambodgien

R.C.A.D.I. Recueil des Cours de l'Académie de Droit International

RE.NA.MO. Résistencia National Moçambicana

R.G.D.I.P Revue Générale de Droit International Public

R.T.D Revue Tunisienne de Droit

R.U.D.H. Revue Universelle des Droits de l'Homme

S.G. Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies

U.N.A.V.E.M. Mission de vérification des Nations Unies en Angola

U.N.I.T.A. Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola

SOMMAIRE
INTRODUCTION 1

CHAPITRE PREMIER : L'ACTION DE L'O.N.U. POUR ÉTABLIR LA DÉMOCRATIE 16

SECTION PREMIÈRE : L'ACTION NORMATIVE : LA PROMOTION DU

PRINCIPE D'ÉLECTIONS PÉRIODIQUES ET HONNÊTES 18

Paragraphe Premier : L'obligatoriété incertaine du principe d'élections

périodiques et honnêtes 19

Paragraphe Deuxième : La portée ambivalente du principe d'élections

périodiques et honnêtes 31

SECTION DEUXIÈME : L'ACTION OPÉRATIONNELLE : L'ASSISTANCE ÉLECTORALE 41

Paragraphe Premier : Des opérations croissantes en matière d'assistance technique 43

Paragraphe Deuxième : L'observation et la vérification des élections : un

contrôle de la démocratisation 48

Paragraphe Troisième : L'organisation et la conduite des élections au

Cambodge : une véritable prise en charge de la démocratisation 61

CHAPITRE DEUXIÈME : L'ACTION DE L'O.N.0 POUR RÉTABLIR LA DÉMOCRATIE 69

SECTION PREMIÈRE : UN FONDEMENT PROBLÉMATIQUE :

AUTONOMIE CONSTITUTIONNELLE ET LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE 71

Premier Paragraphe : L'autonomie constitutionnelle : Un principe bien ancré

en Droit International 71

Paragraphe Deuxième : La légitimité démocratique : Une nouvelle

revendication de l'O.N.U. 79

SECTION DEUXIÈME : LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE CIRCONSCRITE

PAR LA LÉGALITÉ INTERNATIONALE 95

Paragraphe Premier : Les fondements de l'action de l'O.N.U. en vue de rétablir

la démocratie en Haïti 96

Paragraphe Deuxième : L'action de l'O.N.U. en vue de rétablir la démocratie

en Haïti 101

CONCLUSION 116

BIBLIOGRAPHIE 118

TABLE DES MATIÈRES 128

INTRODUCTION

"Tout ce qui ce passe n'est que symbole"1, symbole de la fin de l'histoire pour les uns, symbole de l'accélération de celle-ci pour les autres.

En 1989, alors que la révolution française fête son bicentenaire, le mur de Berlin s'écroule. Depuis, ou même avant, de profondes mutations ont bouleversé l'ordre politique international et ont été à l'origine d'un grand débat concernant "Les nouveaux aspects du droit international"2.

Entamer une recherche sur l'Organisation des Nations Unies et la démocratie aurait été insensé une dizaine d'années avant. Cela s'explique par le fait que depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, l'hétérogénéité de la société internationale et la diversité des structures étatiques ont été à l'origine d'un ordre juridique basé sur la liberté qu'a chaque État de choisir son système politique, économique, social et culturel. Le respect de ce principe conditionnait alors la coexistence pacifique entre les États.

Aujourd'hui, après la chute du mur de Berlin et après la dislocation du bloc de l'Est, le monde communiste s'effondre et la bipolarisation prend fin. C'est dans ce contexte qu'apparaît ou plutôt réapparaît la démocratie libérale comme une idéologie des États vainqueurs.

Comme tous les termes que nous utilisons souvent, la démocratie n'est pas un concept univoque. Le mot démocratie est même frappé d'un "excès de signification"3 et "d'une surcharge sémantique"4. Ainsi, pour Georges Burdeau, la démocratie "n'est pas seulement une formule d'organisation politique ou une modalité d'aménagement de rapports sociaux, elle est une valeur"5. Les différentes, voir les contradictoires conceptions de la démocratie, proviennent en fait du contenu que l'on donne à cette valeur.

1 Johann Wolfgang GOETHE.

2 Titre d'un ouvrage collectif, BEN ACHOUR (R) et LAGHMANI (S), dir., Paris, Pedone, 1994.

3 BURDEAU (G), Démocratie, in. Encyclopedia Universalis, corpus 5, Paris, 1988, p. 1081.

4 Ibid. loc. cit.

5 Ibid. loc. cit.

En effet, pour les marxistes, la démocratie n'est que "l'affirmation du primat de l'égalité réelle dont la liberté n'est qu'un corollaire"6 étant donné que "si la liberté appartient peut être à tous, il n'est en tout cas pas donné à chacun de pouvoir en user, ce qui importe alors c'est d'établir l'égalité dans la possibilité de cet usage, c'est-à-dire d'introduire dans la société une justice qui empêchera la liberté d'être le privilège de quelques uns"7 . De cette manière la démocratie n'est qu'un moyen pour réaliser l'égalité et la justice. Pour les libéraux par contre, la démocratie est le moyen garantissant les libertés aussi bien individuelles que collectives. "Il apparaît ainsi que la démocratie est d'abord un système de gouvernement qui tend à inclure la liberté dans les relations de commandement à obéissances inséparables de toute société politiquement organisée. L'autorité y subsiste sans doute, mais elle est aménagée de telle sorte que, fondée sur l'adhésion de ceux qui lui sont soumis, elle demeure compatible avec leur liberté"8. Cette conception, héritée du siècle des lumières, met l'accent surtout sur les droits civils et politiques de l'individu. Ces droits étant exercés "par l'élection bien sûr, mais aussi par la jouissance des prérogatives qui garantissent la liberté de ses choix liberté d'opinions, liberté de la presse, liberté d'association, liberté de réunion, etc...."9.

Nous le constatons donc, la démocratie libérale est intimement liée à l'idéologie des droits de la personne. Le respect de ces droits est d'ailleurs un étalon de mesure de toute démocratie. Le modèle démocratique libéral relève d'une philosophie basée sur le respect de l'État de Droit non seulement au sens formel de cette expression qui veut que l'État respecte la légalité mais aussi au sens substantiel qui veut que l'État garantisse les droits fondamentaux, les libertés publiques, le pluralisme politique, les élections libres et honnêtes etc....10.

La conception libérale de la démocratie qui n'était qu'une alternative, tend aujourd'hui à s'imposer comme une conception universelle bénéficiant de l'adhésion de la communauté internationale.

6 DEBBASCH (Ch), DAUDET (Y), Lexique de la politique, Paris, Dalloz, 1992, p. 143.

7 BURDEAU (G), art. cit. P. 1082.

8 Ibid., p. 1081.

9 Ibid., p. 1082.

10 Cf CHEVALLIER (J), l'Etat de Droit, Paris, Montchrestien, 1992.

La démocratie est une valeur qui appartient au vocabulaire politique et idéologique certes, seulement, au niveau régional, cette valeur a pu être élevée au rang des normes juridiques.

Ainsi, la démocratie libérale se trouve consacrée par différents instruments juridiques de portée régionale.

Concernant le continent américain, la charte constitutive de l'Organisation des États Américains adoptée à Bogota le 30 avril 1948 a prévu, dans son article 5, que la solidarité des États américains exige que leur organisation politique soit basée sur l'exercice effectif de la démocratie représentative. Cette option pour la démocratie représentative a été réitérée lors de l'amendement de la Charte de l'O.É.A. par le protocole de Buenos Aires du 27 février 1967 qui stipule dans son article 3 que "les États américains réaffirment les principes suivants...

- d - La solidarité des États américains et les buts élevés qu'ils poursuivent exige de ces États une organisation politique basée sur le fonctionnement effectif de la démocratie représentative".

L'affirmation de la démocratie par les instruments juridiques obligatoires pour les États qui y adhèrent ne s'est pas limitée à la Charte de l'O.E.A. La convention américaine des Droits de l'Homme adoptée le 22 novembre 1969 à Saint José et entrée en vigueur le 18 juillet 1978 a prévu dans son préambule que les États américains réaffirment "leur propos de consolider sur ce continent dans le cadre des institutions démocratiques un régime de liberté individuelle et de justice sociale, fondé sur le respect des droits fondamentaux de l'Homme"11. Considérés comme une base fondamentale de la démocratie, les droits politiques de l'individu ont figuré dans l'article 23 de cette convention qui prévoit que "-1- Tous les citoyens doivent jouir des droits et facultés ci-après énumérés a - De participer à la direction des affaires publiques, directement ou par l'intermédiaire de représentants librement élus. b - D'élire et d'être élus dans le cadre de consultations périodiques authentiques, tenues au suffrage universel égal, et par scrutin secret garantissant la libre expression de la volonté des électeurs

11 voir R.U.D.H., 1992, p. 209.

12 Voir R.U.D.H., 1992, p. 209.

La lecture de ces différents textes juridiques nous permet de confirmer l'existence de la démocratie comme une norme obligatoire du droit international américain. Il n'est donc pas étrange que les États Unis d'Amérique aient, depuis longtemps, mené une politique étrangère favorable à la démocratie. C'est dans ce cadre que s'insère la résolution du 18 novembre 1989 adoptée par l'Assemblée Générale de l'O.E.A. soulignant "la décision des États membres de soutenir et de renforcer les systèmes réellement démocratiques et participatifs par le respect total pour tous les droits de l'Homme, particulièrement par la tenue de processus électoraux honnêtes et par lesquels la volonté du peuple s'exprime librement et est respectée en ce qui concerne l'élection des responsables, sans interférence extérieure"13. C'est aussi dans ce cadre que s'insère l'intervention de l'O.E.A. en Haïti lors du coup d'État survenu en 1991.

Pour ce qui est de l'Europe, la référence à la démocratie libérale comme une norme juridique s'est répétée dans plusieurs documents de portée régionale.

L'Europe a trois dimensions différentes : l'Europe politique fondée sur le Conseil de l'Europe, l'Europe essentiellement économique fondée sur l'Union européenne et l'Europe culturelle fondée sur l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

Le statut du conseil de l'Europe fondé en 1949 prévoit dans son préambule que les États Membres sont "inébranlablement attachés aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à l'origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et prééminence du Droit sur lesquels se fonde toute démocratie véritable". L'article 3 de ce statut met à la charge des États Membres la reconnaissance de ces principes. Leur violation par un État peut provoquer son retrait ou sa suspension du Conseil. Cette hypothèse s'est vérifiée dans le cas de la Grèce : en 1967, la légalité constitutionnelle et la démocratie parlementaire ont été supprimées par les colonels. Sur la base d'une interprétation de l'article 3 du statut, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a recommandé la suspension ou l'exclusion de cet État du

13 BEIGBEDER (Y), Le Contrôle international des élections, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J., 1994, p. 93.

Conseil. La Grèce s'est alors retirée en 1969 et ce n'est qu'en 1974, jugée alors démocratique, qu'elle a été invitée à rejoindre le Conseil de nouveau14.

Le Conseil de l'Europe qui traduisait au départ une homogénéité idéologique entre les États de l'Europe Occidentale est aujourd'hui ouvert à la candidature des États de l'Europe de l'Est. Cette candidature est conditionnée par la garantie des droits de la personne, par le respect de l'État de Droit et par l'instauration d'un véritable régime démocratique et parlementaire. L'Europe qui a été divisée en blocs pendant plusieurs années semble aujourd'hui retrouver une identité culturelle camouflée par un conflit idéologique depuis 1917.

Dans le traité de l'Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992, les chefs d'État et de gouvernement des douze États membres de la communauté européenne ont réaffirmé "leur attachement aux principes de la liberté, de la démocratie et du respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'État de Droit"15. L'article F du traité prévoit que " -1- L'Union respecte l'identité nationale de ses États membres, dont les systèmes de gouvernements sont fondés sur les principes démocratiques". L'engagement de l'Union pour la démocratie a été réitéré dans l'article J -1- qui prévoit que "Le développement et le renforcement de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales" comme l'un des objectifs de la politique étrangère et sécurité commune des États de l'Union.

Ces États ont même fait de la démocratie une condition de leur coopération économique avec d'autres États. L'Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les communautés européennes et leurs États membres d'une part et la République tunisienne d'autre part, est significatif à cet égard. Conclu à Bruxelles le 31 mai 1995, l'accord "permettra de renforcer les liens existant entre les communautés européennes et leurs États membres d'une part, et la Tunisie, d'autre part, en instaurant des relations fondées sur la réciprocité et le partenariat. Le respect des principes

14 BEIGBEDER (Y), op. cit., pp. 99 - 100

15 Voir le texte du traité in. Conseil des communautés européennes, traité sur l'Union Européenne C.E.C.A. - C.E.E. - C.E.E.A. , Bruxelles , Luxembourg 1992 , pp. 3 - 253 .

démocratiques et des droits de l'Homme constitueront, dans ce contexte, un élément essentiel"16. Bien que de nature essentiellement économique, l'accord cité n'a pas été indifférent au volet politique. En effet, l'article 2 de l'accord stipule "Les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord se fondent sur le respect des principes démocratiques et des droits de l'Homme qui inspirent leurs politiques internes et internationales et qui constituent un élément essentiel de l'accord". Cet article traduit parfaitement la politique européenne qui fait de l'adoption d'un régime démocratique une condition pour accorder son aide économique.

Dans le même ordre d'idées nous pouvons signaler l'accord conclu à l'Île Maurice les 3 et 4 novembre 1995 modifiant la quatrième convention de Lomé entrée en vigueur en 1990. A cet égard, il importe de noter que la première convention de Lomé a été signée le 28 janvier 1975 entre la communauté économique européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. L'Accord de 1995 a donné un élan politique à l'aide entre l'Union européenne et les A.C.P. en conditionnant la coopération entre les deux parties par le respect des droits de la personne humaine et de la démocratie17. "De ce point de vue, l'accord de Maurice représente certainement un moment majeur dans l'histoire des relations Nord-Sud puisque les pays A. C.P. ont accepté que ces conditions soient inscrites non plus uniquement dans la politique, mais aussi de manière formelle dans les textes"18.

L'Union européenne a adopté et promu le régime démocratique non seulement dans ses textes fondateurs mais également dans ses rapports avec ses partenaires.

Cet engagement pour la démocratie peut, en outre, être déduit de la
Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe devenue

16 Commission des Communautés Européennes, Proposition de décision du Conseil et de la commission relative à la conclusion de l'Accord euro - méditerranéen en établissant une association entre les communautés européennes et leurs Etats membres d'une part et la République tunisienne d'autre part, Bruxelles 31 mai 1995.

17 Voir "Les A.C.P., demain peut - être", Jeune - Afrique du 16 / 22 novembre 1995, N° 1819,p. 50

18 Ibid., loc. cit.

Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. En effet, la déclaration sur les principes régissant les relations mutuelles des États participants, adoptée par la C.S.C.E. à Helsinki le ler août 1975 stipule dans la rubrique relative à l'égalité souveraine et au respect des droits inhérents à la souveraineté que les États participants respectent "le droit de chacun d'eux de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel ainsi que celui de déterminer ses lois et ses règlements"19. Cette déclaration située dans le cadre de la coexistence pacifique entre les États Occidentaux et les pays de l'Est n'a pas opté pour la démocratie comme le seul régime politique valable pour tous les États. D'ailleurs, la diversité des régimes politiques a été considérée comme une condition sine-qua-non de cette coexistence et des relations amicales entre les États.

Ce n'est qu'en 1990 que la C.S.C.E. opte clairement et explicitement pour le régime démocratique libéral. En effet, dans la Charte de Paris pour une nouvelle Europe adoptée le 21 novembre 1990 dans le cadre de la C.S.C.E., les États européens déclarent : "il nous appartient aujourd'hui de réaliser les espérances et les attentes que nos peuples ont nourri pendant des décennies : un engagement indéfectible en faveur de la démocratie fondée sur les droits de l'Homme et les libertés fondamentales ..."20.

Traitant des relations amicales entre eux, les États partis à la Charte affirment : "Nos relations reposeront sur notre adhésion commune aux valeurs démocratiques, aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales. Nous sommes convaincus que les progrès de la démocratie, ainsi que le respect de l'exercice effectif des droits de l'Homme sont indispensables au renforcement de la paix et de la sécurité entre nos États". La Charte de Paris pour une nouvelle Europe a même consacré un paragraphe relatif aux droits de l'Homme, à la démocratie et à l'État de Droit dans lequel les États participants s'engagent "à édifier, consolider et raffermir la démocratie comme seul système de gouvernement" de leur nation. Ils considèrent que "le gouvernement démocratique repose sur la volonté du peuple, exprimée à intervalles réguliers_par des élections libres

19 Voir THIERRY (H), Droit et relations internationales traités, résolutions,

Jurisprudences, Paris, Montchrestien, 1984, p. 525.

20 Voir le texte de la Charte, in., R.U.D.H., 1990, pp. 490 - 495.

et loyales", que "la démocratie est fondée sur le respect de la personne humaine et l'État de Droit", qu' "elle est le meilleur garant de la liberté d'expression, de la tolérance envers tous les peuples", que "la démocratie de part son caractère représentatif et pluraliste, implique la responsabilité envers l'électorat, l'obligation pour les pouvoirs publics de se conformer à la loi...". Ces extraits, ainsi que tant d'autres qui se réfèrent à la démocratie, témoignent d'un acharnement pour voir le modèle démocratique libéral adopté et consolidé dans tous les États européens.

Au sommet de la C.S.C.E. qui a réuni à Budapest les Chefs d'États et gouvernements des États participants, le 6 décembre 1994, un volet politique a été apporté à la C.S.C.E. Le communiqué final de ce sommet a prévu que la C.S.C.E. s'appellera désormais l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.) et que "les valeurs démocratiques de la C.S.C.E. sont fondamentales" pour la réalisation des objectifs des États participants. Le point 14 du communiqué final dispose que "le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de la démocratie et de l'État de Droit représente une composante essentielle dans la région de la C.S.C.E en matière de sécurité et de coopération"21.

Bref, l'Europe réunie politiquement, économiquement et culturellement a démontré sa persévérance en faveur de la démocratie libérale ce qui nous autorise à affirmer l'existence de la démocratie non seulement comme étant une valeur politique mais aussi comme une norme juridique faisant partie du droit international européen.

Toujours concernant le droit international régional, le Commonwealth, bien qu'il n'impose aucune obligation statutaire à ses membres, s'est engagé en faveur de la démocratie représentative. Déjà, en 1971, les chefs des gouvernements du Commonwealth avaient adopté une déclaration des principes du Commonwealth parmi lesquels figuraient les principes démocratiques. Ces États ont déclaré leur attachement à "la liberté individuelle, aux droits égaux de tous les citoyens... et leur droit inaliénable de participer par des voies libres et démocratiques à l'organisation de la société où ils vivent"22. Par conséquent, ces États se

21 Documents d'actualité internationale, 1995, N° 2, pp. 52 - 53.

22 Cité par BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 120

sont engagés à s'efforcer de "promouvoir les institutions représentatives et les garanties de libertés personnelles"23. Dans la déclaration de Harare d'octobre 1991 "les chefs de gouvernement du Commonwealth s'engagèrent, avec une "vigueur renouvelée" à protéger et promouvoir les valeurs politiques fondamentales de l'Organisation, dont la démocratie, les processus et institutions démocratiques"24.

La réaction du Commonwealth suite à la pendaison de militants pour les droits de la communauté Ogonie au Nigeria a été l'occasion de démontrer le caractère indéniable de l'engagement de cette Organisation pour la démocratie. En effet, le 11 novembre 1995, un jour après la pendaison de ces neuf militants, 51 Chefs d'États se sont réunis au sommet de Commonwealth en Auckland décidant ainsi de suspendre le Nigeria, "un fait sans précédent dans l'histoire de leur Organisation"25. Les participants au sommet ont décidé que cette mesure restera applicable tant que le Général Sani Abacha n'a pas opéré un retour vers la démocratie26.

Les réactions à cette pendaison faite hors de la légalité et contre les droits de l'Homme et les principes démocratiques se sont multipliées. Les États Unis d'Amérique ont décidé un embargo sur les armes, ils ont indiqué, en plus que l'ambassadeur américain aux Nations Unies étudierait la possibilité de prise de sanctions dans le cadre de l'O.N.U. Pour sa part, l'Union européenne a condamnée ces exécutions et a suspendu sa coopération économique27.

En définitive, nous pouvons dire que l'Europe, l'Amérique et les pays Anglo-Saxons se sont déterminés à condamner et même à sanctionner les pratiques des États contraires à la démocratie.

Pour le reste, nous remarquons l'absence des pays de l'Afrique et de l'Asie
dans ce mouvement favorable à la démocratie libérale. Dans le cas du
Nigéria, les seules réactions ont émané du Président Nelson Mandela qui a

23 Ibid. loc. cit.

24 BEIGBEDER (Y), op. cit., p. 121.

25 Le Monde 12 - 13 novembre 1995, p. 2.

26 Ibid. loc. cit

27 Le Monde 12 13 novembre 1995, p. 2, Jeune - Afrique du 16 / 22 novembre 1995, N° 1819, p. 6.

recommandé l'expulsion du Nigeria du Commonwealth jusqu'à la mise en place d'un gouvernement démocratique28, du Président malien Oumar Konaré "qui a dénoncé un attentat contre la démocratie"29. De même le Président Zimbabwéen Robert Magabe a proposé l'exclusion du Nigeria du Commonwealth avant même la pendaison des opposants. Le silence des autres États du continent a été expliqué par l'idée que "peu de Chefs d'États Africains sont aujourd'hui prêts à réclamer la mise au banc de la communauté internationale ou des sanctions économiques contre un État pour non respect des droits de l'Homme ou comportement antidémocratique. Ce serait un redoutable précédent pour tous, ou peu s'en faut"30 . L'O.U.A., quant à elle, s'est contentée d'une déclaration de cet échec pour l'Afrique31.

Dans ce contexte, nous devons rappeler que la Charte de l'O.U.A. signée à Adis Abéba le 25 mai 1963 n'a fait aucune mention relative à la démocratie. Au contraire, l'article 3 de cette Charte a fait de l'égalité souveraine des États Membres, du respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de chaque État, des principes de l'Organisation.

De même, le Pacte de la Ligue des États Arabes, adopté le 22 mars 1945 et entré en vigueur le 10 mai 1945, a exigé le respect de la souveraineté et de l'indépendance des États Membres. "Par ailleurs, le respect du régime de gouvernement établi est considéré comme un principe de base "32.

La démocratie libérale a été consacrée par plusieurs textes juridiques de portée régionale. Qu'en est-il alors pour le droit international général ?

La réponse peut paraître simple. Ce droit est fondé sur le principe de la souveraineté des États. Une souveraineté qui leur garantit la liberté de choisir leur système politique, économique, social et culturel et qui les protège contre toute hégémonie. Parler alors d'un modèle démocratique universel et imposé par ce droit ne serait qu'une aberration. Cependant, cette "pierre d'angle" résiste-t-elle encore au temps ? Michel Virally a

28 Le monde 12 - 13 novembre 1995, p. 2.

29 Jeune - Afrique du 16 / 22 novembre 1995, N° 1819, p. 7.
"Jeune - Afrique du 16 / 22 novembre 1995, N° 1819, p. 7.

31 Ibid. p. 6.

32 BEN ACHOUR (R), Institutions internationales, Tunis, E.N.A. 1995, p. 168.

répondu par l'affirmative. Mais, déjà en 1977, il nous fournit quelques éléments qui nous permettent de nuancer la réponse : "S 'agit-il toujours de la même souveraineté ? L'identité du mot garantit-elle l'identité de l'idée ou dissimule-t-elle au contraire, un glissement de la pensée?"34. En réalité, nous pouvons affirmer que malgré le fait que le droit international reste encore bâti sur le principe de la souveraineté, il n'en reste pas moins que nous assistons à ce glissement de la pensée relative à la souveraineté.

Ce constat est confirmé par la pratique récente de l'Organisation des Nations Unies. Une pratique qui s'avère favorable à la démocratie libérale.

En vérité, traiter toutes les dimensions du rapport de l'O.N.U. à la démocratie nous aurait amené à vérifier, d'abord, si l'O.N.U. fonctionne selon les règles de la démocratie. De plus, notre étude pourrait embrasser tout le système de l'O.N.U. c'est-à-dire aussi bien l'Organisation en elle- même que ses institutions spécialisées. Une telle étude aurait dépassé sans doute le cadre de notre recherche. De surcroît, donner une telle dimension à notre recherche n'aurait peut-être pas été utile.

En effet, s'agissant de la démocratie dans l'O.N.U., force est de constater que la Charte de l'O.N.U. reconnaît à un organe politique restreint, qu'est le Conseil de Sécurité, un énorme pouvoir de prendre des décisions qui obligent tous les États Membres, alors que les résolutions adoptées par l'Assemblée Générale qui représente tous les États, ne sont que des recommandations dont la violation n'entraîne aucune sanction immédiate. De plus, nul ne conteste aujourd'hui l'idée que la technique de la représentation permanente aussi bien que celle du veto sont loin de consacrer un fonctionnement démocratique de l'O.N.U. M. Monique Chemillier-Gendreau a pu critiquer cet état des choses en se posant la question "imagine-t-on les vainqueurs d'un match qui en tireraient à la vie le titre d'arbitre et le garderaient sans nulle remise en cause alors même que le nombre de joueurs, leurs identités et les conditions du jeu auraient

33 "Une pierre d'angle qui résiste au temps . avatars et pérennité de l'idée de souveraineté", in. Les relations internationales dans un monde en mutation, I.U.H.E.L Leyde, Sijhoff, Genève, 1979, pp. 179-195.

34 VIRALLY (M), "Une pierre d'angle...", art. cit., p. 180.

changé ? C'est pourtant la position que se sont donnés en 1945 les vainqueurs de la deuxième guerre"35.

Ces critiques qui visent le mode de fonctionnement interne de l'O.N.U. ne constituent pas une innovation. Plusieurs études ont été consacrées à la question36. C'est pourquoi nous jugeons inopportun d'aborder la démocratie de ce point de vue. Nous nous limiterons donc à l'étude de l'attitude de l'O.N.U. vis-à-vis de la démocratie dans les États.

Cela étant souligné, nous dirons que l'O.N.U., prenant un nouvel élan après la fin de la bipolarisation, a adopté un discours politique favorable à la démocratie dans les États. Ce discours reflète les rapports de force régnant dans la société internationale, soit, mais l'O.N.U. est-elle habilitée à établir ou à rétablir la démocratie dans un État Membre ?

C'est à cette question que nous proposons d'apporter quelques éléments de réponse. Cependant, avant d'engager une réflexion à propos de cette problématique, il nous paraît primordial de préciser que la démocratie, objet de cette recherche est conçue au sens strictement politique du terme. Autrement dit nous aborderons cette démocratie comme un système de gouvernement qui détermine la nature de l'État37.

L'action de l'O.N.U. en faveur de la démocratie dans les États s'est presque fondée sur le sens originaire de cette valeur conçue comme "le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple". Cette action, que nous nous proposons d'étudier, tourne autour d'une idée fondamentale; les peuples jouissent d'une libre volonté de choisir leurs gouvernants.

35 "Un demi siècle des Nations Unies", in. Spécial 50ème anniversaire des Nations Unies, Centre d'information des Nations Unies et association française des Nations Unies, p. 30.

36 Cf par exemple BEN ACHOUR (R), Évolution des modes de prise de décision dans les organisations et les conférences internationales, Tunis, C.N.U.D.S.T., 1986.

37 Dans ce sens nous pouvons citer M. Ah Eddine Hilal qui considère que :

L'O.N.U. a jugé que cette volonté ne peut s'exprimer que par le moyen d'élections libres, périodiques et honnêtes. Un moyen qui a été élevé au rang des principes que l'Organisation doit renforcer en exhortant les États à le respecter mais aussi en apportant à ces États une assistance électorale.

Cette attitude appelle certaines remarques : primo, la matière électorale est une matière qui concerne strictement le droit interne. L'O.N.U. ne peut donc obliger les États à tenir des élections libres, périodiques et honnêtes sans porter atteinte à leur souveraineté et à la liberté qu'ils ont de choisir leur système politique. Secundo, l'assistance électorale apportée par l'O.N.U. à ces États est une pratique qui ne trouve aucun fondement dans la Charte de l'Organisation ce qui fait que "nous sommes ici en présence d'une institution créée par la pratique internationale et les besoins de la société internationale, c'est-à-dire que le fait précède le droit"38.

En plus, l'assistance électorale a posé le problème de ses effets juridiques. En effet, pour certains, les rapports des observateurs internationaux des élections servent à renforcer ou affaiblir la légitimité des gouvernements au regard de la communauté des États et n'ont donc aucun effet juridique. Au contraire, pour d'autres, la validité de ces élections dépendrait des rapports favorables de ces observateurs39.

Apporter une réponse catégorique à ces questions ne serait qu'une prétention. Toutefois, nous pouvons affirmer qu'en exhortant les États à organiser des élections libres, périodiques et honnêtes, l'O.N.U. se limite à promouvoir ce mode de choix des gouvernants sans avoir aucun pouvoir de sanction. Pour ce qui est de l'assistance électorale apportée aux États, bien que non prévue par la Charte, elle a constitué une réponse aux demandes de certains États, elle est donc en harmonie avec leur souveraineté et avec la logique de l'accord.

Se basant toujours sur la liberté qu'a un peuple de choisir ses gouvernants,
l'O.N.U. a montré un engagement effectif pour soutenir ces gouvernements
librement élus lorsqu'ils sont renversés par un coup d'État. Ainsi,

38 DE RAULIN (A) "L'action des observateurs internationaux dans le cadre de l'O.N.U. et de la société internationale", R.G.D.I.P., 1993 / 3, p. 569.

39 Cf ibid., pp. 570 - 571.

l'Organisation mondiale a concrètement et fermement agi pour rétablir ces gouvernements bénéficiant d'une légitimité démocratique.

En définitive, si l'O.N.U. a gardé un profil relativement bas dans son soutien à l'établissement de la démocratie, elle a complètement changé d'attitude lorsque, une fois établie, cette démocratie s'est trouvée anéantie par un coup de force d'où nos deux chapitres successifs

Chapitre premier. L'action de l'O.N.U. pour établir la démocratie Chapitre deuxième. L'action de l'O.N.U. pour rétablir la démocratie

CHAPITRE PREMIER

L'ACTION DE L'O.N.U.

POUR ÉTABLIR LA DÉMOCRATIE

Entendue stricto sensu, la démocratie est assimilée au "gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple".

Cette définition présume que l'acte de gouverner appartient au souverain c'est-à-dire au peuple. Faute de pouvoir gouverner directement, ce peuple doit jouir de la liberté qui lui permet de s'exprimer aussi bien sur le choix de ses gouvernants que sur les grands choix de la société à laquelle il appartient. Cette liberté se traduit, à son tour, par le droit de chaque citoyen de participer à cette expression. C'est ainsi que souveraineté, droit des peuples et droit de l'Homme constituent une totalité dialectiqu'.

Les élections représentent le moyen le plus courant pour exprimer la volonté du peuple. Cependant, elles ne sont pas le moyen unique : les référendums reflètent parfaitement cette volonté.

Notre étude se limitera aux cas dans lesquels l'O.N.U. essaye d'établir la démocratie dans des États indépendants et souverains. Ainsi nous écarterons les cas où l'O.N.U. a participé aux référendums d'autodétermination tels que le référendum qui a eu lieu en Érythrée en 1993 ou le référendum que l'O.N.U. essaye d'organiser depuis 1991 au Sahara Occidental.

Aujourd'hui, nombreux sont les auteurs qui mettent l'accent sur le lien existant entre la démocratie et le "mode de dévolution" du pouvoir qu'est 1' élection.

Ainsi Karel Vasak a considéré que "les élections libres représentent... l'acte de naissance d'une démocratie véritable... le passage étroit, mais obligé des droits de l'Homme vers la démocratie"41, considéré donc par cet auteur comme la synthèse de tous les droits civils et politiques de

40 CHAUMONT (Ch) considérait que 'La vocation" de l'Homme à l'existence nationale dans son mouvement dialectique et historique, se transforme en droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, lequel, une fois juridiquement construit, se cristallise dans la souveraineté de l'Etat", "Recherche du contenu irréductible du concept de souveraineté internationale de l'Etat", in Hommage d'une génération de juristes au président Basdevant, Paris, Pedone, 1960, p. 150.

41 VASAK (K), "Etude d'introduction", in. Liberté des élections et observation internationale des élections, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 51

l'Homme, le droit à des élections libres, périodiques et honnêtes émerge aujourd'hui comme un étalon de mesure de la démocratie des États.

Depuis la fin de la bipolarisation, l'Organisation des Nations Unies a pris part au mouvement favorable à la démocratie et par conséquent à la concrétisation du droit de l'Homme à des élections libres, périodiques et honnêtes dans des États indépendants et souverains.

Cette action favorable à la démocratie s'est traduite non seulement au plan normatif par la promotion du principe d'élections périodiques et honnêtes (Section I) mais aussi au plan opérationnel par l'assistance électorale que l'O.N.U. a prêté aux États (Section II).

SECTION PREMIÈRE

L'ACTION NORMATIVE : LA PROMOTION DU PRINCIPE
D'ÉLECTIONS PÉRIODIQUES ET HONNÊTES

Récemment, l'organe plénier de l'O.N.U. a fait des élections périodiques et honnêtes un principe indispensable à toute démocratie. Or, par définition "les principes restent synonymes de règles juridiques abstraites, fournissant les bases d'un régime juridique susceptible de s 'appliquer à de multiples situations concrètes, soit pour les réglementer de façon permanente, soit pour résoudre les difficultés qu'elles font naître "42.

Que les élections périodiques et honnêtes trouvent leur place dans les différents instruments internationaux et surtout régionaux, est une affirmation qui n'est pas nouvelle. Ce qui est nouveau c'est que ce n'est que ces dernières années que l'O.N.U. a voulu concrétiser et promouvoir ce principe.

42 VIRALLY (M), "Le rôle des "principes" dans le développement du Droit international", in. Le Droit international en devenir, Essais écrits au fil des ans, Paris, PUF, 1990, p. 197.

On peut certainement avancer que c'est une conjoncture internationale favorable à la démocratie qui est à l'origine du changement de l'attitude de l'O.N.U. Cependant, Michel Virally nous enseigne que "des principes parfaitement juridiques peuvent présenter, pour les États qui les invoquent ou les proclament, une très grande importance politique (..) le fait que les principes soient proclamés avec une intention politique ou pour des motifs politiques, ou qu'ils présentent une incidence politique même considérable est absolument prélevant au point de vue de leur qualification juridique "a3.

Notre travail consistera donc à vérifier, d'abord, si les élections périodiques et honnêtes représentent un principe "parfaitement juridique". Autrement dit, nous essayerons de trouver les bases juridiques qui fondent l'obligatoriété de ce principe (paragraphe I), une tâche qui nous semble embarrassante d'autant plus que la portée du principe demeure ambivalente (paragraphe II).

PARAGRAPHE PREMIER

L'OBLIGATORIÉTÉ INCERTAINE
DU PRINCIPE D'ÉLECTIONS PÉRIODIQUES ET HONNÊTES

Si on s'attache à chercher un fondement juridique au principe d'élections périodiques et honnêtes en Droit international général, c'est pour savoir s'il y a un droit de l'O.N.U. à établir la démocratie par la promotion de ce principe.

La réponse à cette question nous paraît être d'une importance capitale puis qu'il y a quelques années encore, les élections étaient considérées comme des "questions qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État" et le moins qu'on puisse dire c'est qu'elles ne figuraient pas parmi les questions auxquelles l'O.N.U. prêtait une quelconque attention.

Ce qu'on peut dire dans ce cadre c'est que, d'une part, on ne peut pas
dénuer le principe d'élections périodiques et honnêtes de tout fondement

43 VIRALLY (M), op. cit.. loc. cit. p. 198

juridique en droit international (A) mais, d'autre part, on se demande si ce principe ne heurte pas la souveraineté des États qui fonde tout le droit international, et sa conséquence qu'est le principe de la non ingérence (B).

A. Un principe fondé en droit international

Le droit de participer à la direction des affaires publiques et à la vie politique constitue l'un des droits de la personne déclarés par différents instruments internationaux depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

Ainsi le droit de la personne à choisir ses gouvernants par le moyen d'élections périodiques et honnêtes figure aussi bien dans la Déclaration Universelle des droits de l'Homme (a), que dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques (b).

a. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

Quelques années après la création de l'O.N.U., l'Assemblée Générale de cette Organisation a adopté la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme par sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948.

Dès le préambule de la Déclaration, l'Assemblée Générale a pris le soin de rappeler que la protection des droits fondamentaux de l'Homme et de la dignité humaine ont constitué l'un des buts des peuples des Nations Unies.

La protection des droits civils et politiques de la personne a donc constitué l'un des piliers de la Déclaration.

Outre le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le doit à la liberté d'opinion et d'expression et le droit à la liberté de réunion, la Déclaration a prévu dans son article 21 paragraphe 3 que "La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publiques; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote".

En dehors de ce qu'on peut dire à propos de l'article 21 en soi, la Déclaration n'est qu'une résolution de l'Assemblée Générale de l'O.N.U. Cela nous mène à étudier un problème qui n'est pas propre à la Déclaration Universelle des droits de l'Homme et qui concerne la valeur juridique des résolutions de l'organe plénier de l'O.N.U.

Le débat qui s'est ouvert lors de la rédaction de cette Déclaration peut nous être utile. En effet, au moment de l'adoption de ce texte, "pour la plupart, ceux qui furent impliqués dans la rédaction de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme étaient d'avis qu'elle n'avait aucune base juridique. Ils estimaient qu'ils participaient à l'élaboration de quelque chose qui était destinée à avoir un impact sur les consciences "44. C'est ainsi que le gouvernement des États Unis a voulu éviter que la Déclaration soit juridiquement exécutoire au niveau international en proposant que les Membres des Nations Unies soient appelés à "promouvoir" et non à "faire respecter" les droits de l'Homme De même, l'un des groupes de travail créé par la Commission des droits de l'Homme lors de sa session de décembre 1947, le groupe de travail sur les mesures d'application, a considéré dans son rapport qu'il est "manifestement impossible au groupe de travail d'envisager des mesures d'application pour une obligation qui n'en était pas une"45.

Ces arguments n'excluent pas l'idée qu'avaient certains observateurs de l'époque et qui consiste à voir dans la Déclaration une obligation qui pèse sur les États puisque les droits des personnes sont l'un des buts prévus par la Charte des Nations Unies. René Cassin a déclaré à ce sujet qu' "il est évident qu'elle n'est pas aussi puissante, aussi astreignante que pouvaient l'être des engagements juridiquement consignés dans une convention. Mais notre Déclaration est formulée dans une résolution de 1 'Assemblée qui a une valeur juridique de recommandation; elle est le développement de la

44 La Déclaration Universelle des droits de l'Homme, 40ème anniversaire 1948-1988, exposés par JOHNSON (G) et SYMONIDES (J), Paris, UNESCO, L'Harmattan, 1991, p. 129.

45 Documents des Nations Unies : UN, doc. E/CN. 4/53, 10 Décembre 1947, Commission on Human Rights, second session (commission des droits de l'Homme, deuxième session), Draft Report of the working Group on implementation (Projet de rapport du Groupe de travail sur les mesures d'application), p. 2 (Boîte 4595, Eleonor Roosevelt Papers), D'après JOHNSON (G) et SYMONIDES (J), op. cit. p. 133.

Charte qui a incorporé les droits de l'Homme dans le droit international positif, droits dont on peut dire qu'ils figurent maintenant parmi ce que l'on appelle les "principes généraux de droit" visés à l'article 38 du statut de la cour de La Haye"46.

Les développements ultérieurs du droit international ont fait qu'aujourd'hui une partie des juristes considère que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme a la valeur d'une coutume internationale et donc obligatoire à ce titre pour les États47.

Ces approches, bien que relatives à toute la Déclaration, peuvent nous éclairer sur la place qu'occupe le principe d'élections périodiques et honnêtes en droit international. Faire de ce principe un principe coutumier reste à vérifier. En fait nous ne sommes pas encore sûrs qu'il y ait une pratique générale des États qui garantit aux citoyens le droit d'élire librement et périodiquement ses gouvernants.

Rien que pour les pays du sud, les élections libres font partie de leur discours politique et juridique plutôt que de leurs pratiques.

De plus, et indépendamment de la valeur juridique de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, si nous sommes d'accord sur l'idée que tout régime démocratique doit émaner de la volonté du peuple, il nous reste à savoir si les élections périodiques et honnêtes ont été envisagées par les rédacteurs de la Déclaration comme le seul moyen permettant à cette volonté de s'exprimer.

Contrairement à ce que laissent entendre certains auteurs48, la volonté du
peuple peut, selon l'article 21 (3), être exprimée par une procédure
équivalente assurant la liberté de vote. En tout cas, la liberté de vote doit

46 General Assembly, Summury Records (comptes rendus de à l'Assemblée Générale). 47Cf. CORTEN (0) & KLEIN (P). Droit d'ingérence ou obligation de réaction? Bruxelles, Bruylant, 1992, pp. 94-103, JOHNSON (G) et SYMONIDES (J), op. cit. pp. 138-141, MADIOT (Y), droits de l'Homme et libertés publiques, Paris, Masson, 1976 pp. 91-92. Cf contra, VEDEL (G) "Les droits de l'Homme
· quels droits ? quel Homme ?", in. Humanité et Droit international, Mélanges René-Jean DUPUY, Paris, Pedone, 1991, p. 349. COMBACAU (J) et SUR (S), Droit international public, Paris, Montchrestien, 1995, p. 391

48 Voir BEIGBEDER (Y), Le contrôle international des élections, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J, 1994, p. 15.

être assurée mais le fait d'ajouter "ou suivant une procédure équivalente" nous révèle que les élections périodiques et honnêtes ne sont pas un moyen exclusif pour exprimer la volonté du peuple et fonder par conséquent un régime démocratique - du moins selon le texte de la Déclaration -.

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme a, en fait, laissé le choix pour les États de concevoir le vote autrement.

Bien que les principaux rédacteurs de la Déclaration aient été des occidentaux, René Cassin, un des rédacteurs de cette déclaration, a considéré d'ailleurs qu'elle est universelle parce qu'elle est "dégagée de tout esprit de compétition nationale, doctrinale, confessionnelle, elle n'a consacré ni le triomphe d'un système métaphysique ou social ni tenté des conciliations impossibles de théories adverses"49.

Cette affirmation est discutable car nous savons que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme a été adoptée par 48 voix sur 56. Plus, sur ces 48 États, 35 relèvent de la culture occidentale et certains pays de l'Est ainsi que l'Arabie Saoudite et l'Union Sud Africaine se sont abstenus. D'autres États arabo-musulmans ont voté tout en émettant des réserves.

C'est cette prétendue universalité - originaire - qui semble être mise aujourd'hui en question. La préférence qu'a l'O.N.U. pour la démocratie libérale telle qu'elle a été conçue par les auteurs des lumières s'est manifestée à travers sa nouvelle conception du régime démocratique basée essentiellement sur les droits civils des personnes et sur l'État de Droit. Selon la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, cette préférence ne peut pas se transformer en obligation pour les États d'organiser des élections périodiques et honnêtes. On se demande alors quelle serait l'attitude des États s'ils adhéraient à un document plus contraignant tel que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ?

b. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

49 Discours à l'Académie des sciences morales et politiques, 8 décembre 1948, in. La protection internationale des droits de l'Homme dans le cadre des Organisations Universelles, Documents réunis par COHEN - JONATHAN (G), documents d'études, Droit international public, N° 3. 06, avril 1990,p. 5.

Adopté par l'Assemblée Générale de l'O.N.U. le 16 décembre 196650, soit 18 ans après le Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose dans son article 25 que "Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à 1 'article 2, sans restrictions déraisonnables (...) (b) de voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant 1 'expression libre de la volonté des électeurs".

La première remarque qui s'impose à propos de cet article est relative à la disparition de la phrase "ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté de vote". Désormais, la volonté du peuple est censée s'exprimer par le droit aux élections périodiques et honnêtes. Cette omission volontaire de tout autre moyen exprimant la volonté du souverain traduit le choix du système démocratique par les États parties au pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La mention du principe d'élections périodiques et honnêtes dans un texte incontestablement contraignant est, en principe, témoin de l'existence de ce principe comme une obligation à la charge des États qui l'ont ratifié.

L'obligatoriété juridique de ce pacte est certaine, la preuve est qu'il a mis dix ans pour entrer en vigueur après avoir acquis le nombre exigé de ratifications51.

Dans son article "The emerging right to democratic governance"52 Thomas Frank a relevé qu'après la décolonisation, la proportion des pays Membres de l'O.N.U. qui pratiquaient des élections libres et démocratiques était restreinte surtout dans les régimes totalitaires de l'Afrique et de l'Asie.

Cette remarque n'a pas empêché l'auteur de voir que malgré cette
atmosphère hostile, presque les deux tiers des États Membres de l'O.N.U.
se sont engagés à respecter les règles et les droits prévus dans le Pacte des

50 Résolution 2200 / A (XXI) A.G. / O.N.U. du 16/12/1966

51 Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est entré en vigueur le 23 mars 1976 après le dépôt du 35ème instrument de ratification.

52 FRANK (Th) in. A. J. L L., janvier 1992, volume 86, N° 1, pp. 63 - 64

droits civils et politiques d'où le droit émergeant aux élections libres, périodiques et honnêtes.

Aujourd'hui, 20 ans après l'entrée en vigueur du pacte, la balance semble s'incliner du côté de ce principe : une nouvelle majorité d'États fait actuellement des élections l'un des éléments qui fondent l'autorité des pouvoirs publics. Cet état des choses a poussé l'auteur à en déduire la formation d'une coutume générale applicable à tous et qui veut que le principe d'élections périodiques et honnêtes fonde toute démocratie.

Cette conclusion nous paraît excessive puisqu'en l'état actuel du droit international nous ne sommes pas en mesure de confirmer l'universalité du pacte international relatif aux droits civils et politiques puisqu'un nombre important d'États ne l'ont pas ratifié53. Et ceux qui ont ratifié ce pacte, n'ont pas, tous, émis la déclaration relative à l'article 41 qui permet aux États de reconnaître la compétence du Comité des droits de l'Homme pour recevoir et examiner les communications dans lesquelles un État prétend qu'un autre État partie au pacte ne s'acquitte pas de ses obligations relatives aux droits civils et politiques54. De plus, le protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et qui habilite le Comité des droits de l'Homme; constitué par le Pacte, à examiner les communications émanant de particuliers qui prétendent être victimes d'une violation d'un des droits énoncés dans le pacte, n'a été ratifié que par 79 États jusqu'à janvier 199555.

En tout cas, si nous ne sommes pas tout à fait certains que "le droit international n'a pas consacré un droit de l'Homme aux choix du système politique et des gouvernants de son pays"56, il n'en reste pas moins que nous partageons l'idée que "ces instruments internationaux qui l'ont prévu,

53 Jusqu'au 1er janvier 1995, 129 États ont ratifié le Pacte, voir MARIE (J-B), "Instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme / Classification et état actuel des ratifications au 1er janvier 1995", in. R. U. D. H.,15 mars 1995, volume 7, N° 1 - 3, p. 68.

54 Cet article est entré en vigueur le 28 mars 1979, en janvier 1995 il a fait l'objet de 44 déclarations voir MARIE (J-B), "Instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme ...", art.cit, p. 68.

55 Ibid. loc. cit.

56 BEN ACHOUR (R), "Normes internationales souhaitables de lege ferenda relatives aux élections". in. liberté des élections... op. cit. p. 199.

l'ont fait de manière si insuffisante et timide qu'il n'en a pas résulté de conséquences pratiques"57. D'une manière insuffisante et timide parce que ces instruments se sont limités à proclamer ces droits, ils sont donc sans conséquence pratique puisqu'en cas de leur violation, la seule sanction positive est prévue soit par l'article 41, soit par le protocole facultatif qui, eux, ne sont mis en oeuvre qu'avec l'accord de l'État.

Ajoutons que nous assistons depuis quelques années à un effort entrepris par certaines Organisations non gouvernementales en vue de codifier ces règles relatives à la liberté des élections dans un texte obligatoire pour les États. C'est ainsi que lors de la conférence internationale qui s'est tenue à la Laguna du 27 février au 2 mars 1994; sur la "Liberté des élections et observation internationale des élections", un projet de convention a été préparé à propos de ce thème58.

Bref, on pourrait penser qu'on assiste à la formation d'une opinio juris qui reconnaît et garantit aux personnes un droit aux élections libres, périodiques et honnêtes mais encore faut-il admettre que cette coutume ne peut s'imposer aux États qui l'ont expressément rejeté d'autant plus que "le plus souvent..., la règle coutumière correspond à un équilibre des forces internationales en présence à un moment donné, à une confrontation des sujets de droit sur un problème international"59.

Pour conclure, on peut affirmer que la place qu'occupe le principe d'élections périodiques et honnêtes au rang des normes du droit international, dépendra des développements ultérieurs de ce droit. Ces développements dépendants eux aussi de la manière dont les États concevrons leur souveraineté et sa conséquence qu'est le principe de la non ingérence dans les affaires intérieures des États.

57 Ibid. loc. cit.

58 voir "Projet de convention internationale Jorge CAMPINOS relative à la liberté des élections et à l'observation internationale des élections". in. Liberté des élections et observation internationale des élections, op. cit., pp. 321 - 358.

59 QUOC DINH (N) et al, Droit international public, Paris, LGDJ, 1994, p. 316.

B. Un principe qui heurte la règle de non ingérence dans les affaires intérieures des États

Souverains par définition, soucieux de se voir imposer un certain comportement à l'égard de leur population, les États se sont montrés prudents lors de l'adhésion aux instruments internationaux relatifs aux droits des personnes.

Cette prudence s'explique par l'idée que ces États craignent toute ingérence dans leurs affaires intérieures qui peut se justifier éventuellement par l'engagement de cet État à promouvoir ou à respecter les droits des personnes proclamés dans ces textes internationaux.

Avant de vérifier si le principe d'élections périodiques et honnêtes contredit le principe de la non ingérence, principe bien ancré en droit international général, une définition doctrinale de ce dernier principe est de nature à écarter quelques ambiguïtés sur la question.

Ainsi nous pouvons confirmer que "... l'ingérence ou intervention au sens non matériel du terme, se limite à une interférence dans la sphère d'action de l'État, sans autorisation de celui-ci; elle peut prendre la forme d'une simple prise de position (...) mais aussi à un degré supérieur, celle d'une invitation à agir dans un sens déterminé, éventuellement assortie d'une pression destinée à contraindre le destinataire à le faire"60. Une précision s'impose à propos de cette définition. En effet, l'autorisation dont parle l'auteur peut être ponctuelle mais elle peut aussi être indirecte ou implicite par le fait que l'État s'engage, sur le plan international, à agir dans un sens ou dans un autre.

A partir de cette définition deux possibilités nous sont offertes pour traiter ce problème.

La première approche consiste à se demander si la promotion du principe d'élections périodiques et honnêtes ne constitue pas une ingérence ou une intervention au sens de l'article 2 paragraphe 7 de la Charte de l'O.N.U. ?

60 COMBACAU (J) et SUR (S), Droit international public, Paris, Montchrestien, 1995, p. 262

Cet article dispose qu'aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État...".

Bien que faisant l'objet d'engagements internationaux des États, la matière électorale a été généralement considérée comme faisant partie intégrante du système politique, qui lui, relève de la compétence discrétionnaire de l'État ou du domaine dit réservé aux États.

Si on se base sur la doctrine du domaine réservé, nous pouvons dire que les États restent libres de réglementer une matière tant qu'elle n'a pas été régie par le droit international. La CPJI, dans son avis relatif à l'affaire des décrets français sur la nationalité en Tunisie et au Maroc, a considéré que "La question de savoir si une certaine matière rentre ou ne rentre pas dans le domaine exclusif d'un État est une question essentiellement relative : elle dépend du développement des rapports internationaux"61. Par conséquent, toute ingérence dans une matière non régie par le droit international constitue une intervention illicite.

Pour ce qui est du principe d'élections périodiques et honnêtes nous avons déjà vu qu'il a fait l'objet d'une certaine réglementation internationale. Or, très tôt, dans sa résolution 285 du 25 avril 1949, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a, selon un auteur, reconnu que les "les questions de la protection des droits de l'Homme dans la communauté internationale universelle ne sont plus des "affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État" car elles sont en principe régies par le droit international, bien que ce soit encore le droit interne qui les règle normalement"62. Donc étant l'un des droits régis par le droit international, le droit aux élections périodiques et honnêtes doit être promu par les États qui ont manifesté leur consentement à son propos.

61 In. LAGHMANI (S), Répertoire élémentaire de la jurisprudence internationale, CERP, 1993, p. 180.

62 VERDROSS (A), "Le principe de la non intervention dans les affaires relevant de la compétence nationale d'un État et l'article 2 (7) de la Charte des Nations Unies", in. Mélanges ROUSSEAU (CH), La communauté internationale, Paris, Pedone, 1974, p. 272.

On peut penser à ce propos que même si l'État s'engage juridiquement à garantir un droit, dans ce cas le droit aux élections périodiques et honnêtes, cela ne veut pas forcement dire que la matière électorale échappe à la compétence de cet État. A la limite, nous pouvons concevoir que cette compétence devient "concurrente"63. L'obligation de respecter ce principe existe, certes, et découle du caractère consensuel du droit international mais cette obligatoriété n'autorise pas l'O.N.U. à prendre une action quelconque afin d'obliger un État à respecter ce principe. En effet, la Charte des Nations Unies s'est référée aux droits de l'Homme à plusieurs reprises mais aucune disposition n'a habilité l'O.N.U. à obliger un État au respect de ces droits64.

La seule possibilité de droit commun qu'offre le droit international en cas de violation d'un engagement international est la mise en oeuvre de la responsabilité étatique. Cette solution a été prévue par l'Institut du droit international dans sa résolution sur la "protection des droits de l'Homme et le principe de non intervention dans les affaires intérieures des États"65.

A la question de savoir si l'encouragement de l'O.N.U. pour le respect du principe d'élections périodiques et honnêtes constitue une ingérence ou une intervention au sens de l'article 2 (7) de la Charte; une réponse négative nous est fournie par une partie de la doctrine Ainsi "l'ingérence commence là où un État, un groupe d'États, une organisation internationale, "se mêlent de ce qui ne le regarde pas", c'est-à-dire de ce que fait un État dans un domaine qui relève de sa compétence (...) et où ses pouvoirs sont discrétionnaires. C'est habituellement le cas en ce qui concerne le choix de "son système politique, économique, social et culturel" (...) mais pas nécessairement car rien ne l'empêche de renoncer à cette liberté primitive"66. Nous dirons à propos de cette réponse qu'a contrario si l'État n'a pas renoncé à cette "liberté primitive", une organisation internationale qui l'incite à adopter un système quelconque s'ingère dans les affaires de cet État.

63 L'expression est empruntée à COMBACAU (J) et SUR (S), op. cit., p. 255.

64 Voir notamment le préambule de la Charte, l'article 1 (3), l'article 13 (1-b), l'article 55 (c), l'article 62 (2), l'article 68 et l'article 76.

65 Résolution adoptée à la session de Saint-Jacques de Compostelle le 13 septembre 1989, in. A.LD.I. volume 63 - II, Paris, Pedone, 1990, pp. 224-225 et 338-344

66 COMBACAU (J) et SUR (S), op. cit. p. 255.

La deuxième voie qui nous permet d'analyser la question des élections par rapport au principe de la non ingérence, consiste à soustraire la doctrine du domaine réservé de notre raisonnement dans la mesure où le problème ne consiste plus à savoir si le principe d'élections périodiques et honnêtes relève du droit interne ou du droit international; cette question étant résolue par le fait que le droit international a consacré le droit de la personne à choisir librement ses gouvernants par des élections périodiques et honnêtes.

Le problème qui se pose est donc celui de savoir s'il y a une équation entre ce droit, intimement lié aux choix du système politique, et un autre droit qui garantit précisément aux États le libre choix de leur système politique, économique, social et culturel.

Le droit international charge donc l'État de garantir aux personnes, un droit aux élections périodiques et honnêtes mais en même temps il lui reconnaît son droit au libre choix de son système politique, économique, social et culturel. Or, il est certain que le système électoral constitue une partie intégrante du système politique d'un État.

Il s'agit donc dans ce cas d'un "conflit positif de deux séries de règles du droit international dont les unes accordent à l'État un droit et une liberté alors que les autres impliquent à sa charge une obligation et ce dans le même domaine, le domaine de son organisation politique"67.

La résolution de ce conflit semble être conditionnée par un rapport de force favorable à la démocratie libérale, un rapport de force qui tend à éliminer l'un des termes de cette contradiction qu'est le libre choix du système politique.

Du reste, ce conflit a été manifeste dans les résolutions prises par l'Assemblée Générale de l'O.N.U. à propos des élections et qui ne font que témoigner de l'attitude indécise des États et de la portée ambivalente du principe d'élections périodiques et honnêtes.

67 LAGHMANI (S), "Vers une légitimité démocratique ?", in. Les nouveaux aspects du droit international, dir. BEN ACHOUR (R) et LAGHMANI (S), Paris, Pedone, 1994, p. 256.

PARAGRAPHE DEUXIÈME

LA PORTÉE AMBIVALENTE
DU PRINCIPE D'ÉLECTIONS PÉRIODIQUES ET HONNÊTES

La promotion du principe d'élections périodiques et honnêtes n'a pris un relief particulier au sein de l'O.N.U. qu'après le changement de l'équilibre politique dans l'Organisation. Avant cette période, le droit international "ne se souciait même pas, toujours au nom de la non ingérence, de savoir si le principe même du choix, indépendamment de ses modalités d'exercice est consacré "68.

Cet état des choses nous explique en quelque sorte l'attitude qu'a affichée l'Assemblée Générale de l'O.N.U. en adoptant non seulement des résolutions relatives au "renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes" mais aussi des résolutions sur le "respect des principes de la souveraineté nationale et de la non ingérence dans les affaires intérieures des États en ce qui concerne les processus électoraux".

L'analyse de ces résolutions nous permettra de démontrer qu'il s'agit de résolutions ambivalentes en elles-mêmes (A) et surtout de résolutions contradictoires entre elles (B).

A. Des résolutions ambivalentes en elles-mêmes

A partir de sa quarante troisième session, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a décidé d'inclure la question du "renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes" dans l'ordre du jour de sa quarante quatrième session. Ainsi de 1988 à 1994, sept résolutions ont été adoptées dans ce sens : la résolution 43/157 du 8 décembre 1988, la résolution 44/146 du 15 décembre 1989, la résolution 45/150 du 18 décembre 1990, la résolution 46/137 du 17 décembre 1991, la résolution 47/139 du 18 décembre 1992, la résolution 48/131 du 20 décembre 1993 et

68 BEN ACHOUR (R), art. cit. p. 198.

la résolution 49/190 du 23 décembre 1994. Cette dernière ayant pour titre "Affermissement du rôle de l'Organisation des Nations Unies aux fins du renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes et de l'action en faveur de la démocratisation".

Une vue globale sur l'ensemble de ces résolutions nous permet de dire que, déjà au niveau de l'intitulé, l'organe plénier de l'O.N.U. nous fait savoir qu'il ne s'agit que d'un renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes autrement dit, l'Assemblée Générale considère que le droit aux élections périodiques et honnêtes est bien établi comme un principe en droit international, son efficacité est relative et elle doit être renforcée. De cette manière, les destinataires de ses résolutions comprendront que l'O.N.U. n'est pas en train de créer une nouvelle obligation pour les États mais qu'elle ne fait que rappeler à ces États leur devoir de respecter la volonté de leurs peuples qui fonde l'autorité des pouvoirs publics et qui, par conséquent, légitime ce pouvoir.

La première résolution adoptée par l'Assemblée Générale à savoir la résolution 43/157, a constitué une innovation dans la position de l'O.N.U. c'est pourquoi nous jugeons nécessaire l'analyse de ses dispositions significatives.

La résolution 43/157 a commencé, dans son préambule, par le rappel de l'obligation que lui impose la Charte des Nations Unies de développer et d'encourager le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales pour tous. Par conséquent, l'Assemblée Générale a réaffirmé, en reprenant les termes de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, "que toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis, que toute personne a le droit à accéder, dans des conditions d'égalité aux fonctions publiques de son pays, que la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics et que cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir

lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté de vote"69.

L'Assemblée Générale a également noté les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui prévoit que tout citoyen a droit, sans distinction aucune "de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis, de voter et d'être élu au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté des électeurs et d'accéder dans des conditions générales d'égalité, aux fonctions publiques de son pays".

Jusque là, on peut très bien voir que l'O.N.U. n'hésite pas à annoncer sa préférence pour le modèle démocratique fondé, entre autres sur la liberté, l'honnêteté et la périodicité des processus électoraux, plus, on peut même confirmer qu'il existe "une profession de foi voir une tentative de fondement juridique d'une norme de légitimité démocratique"7°.

Seulement, après ces passages, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. semble prendre une position contraire en rappelant "que tous les États jouissent de l'égalité-souveraine et que chaque État a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel".

Nous remarquons donc que, dans deux passages successifs, l'Assemblée Générale a rappelé deux principes antinomiques en ce sens qu'à partir du moment où on reconnaît aux États une liberté de choix de leur système politique, on doit se désintéresser de la manière suivant laquelle fonctionne ce système, à moins qu'on admette que le moyen du choix des gouvernants est indépendant du choix du système politique d'un État, ce qui est, à notre sens insensé.

Toutefois, le dispositif de cette résolution a résolu cette contradiction en
écartant le droit de l'État de choisir librement son système politique. En
effet, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a souligné sa conviction "que les

69 Résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa Quarante Troisième session, volume I, 20 septembre - 22 décembre 1988, documents officiels, Supplément N° 49.

LAGHMANI (S), art. cit. p. 269.

élections périodiques et honnêtes sont un élément nécessaire et indispensable des efforts soutenus visant à protéger les droits et intérêts des administrés et que, comme le montre l'expérience pratique, le droit de chacun de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays est un facteur crucial de la jouissance effective par tous d'un grand nombre d'autres droits de l'Homme et libertés fondamentales y compris les droits politiques, économiques, sociaux et culturels".

L'organe plénier de l'O.N.U. a même déclaré dans la résolution 43/157 que "pour déterminer la volonté du peuple il faut un processus électoral offrant des choix différents et que ce processus doit donner à tous les citoyens des chances égales de devenir candidats et de faire valoir leurs vues politiques, que ce soit à titre individuel ou conjointement avec d'autres". Cette résolution exige donc des États l'organisation d'élections pluralistes et bien qu'elle s'adresse directement à l'Afrique du Sud, la résolution 43 / 157 a réconforté les partisans du régime démocratique libéral qui ont considéré que "l'Assemblée Générale avait donc finalement reconnu que l'exigence des élections libres; du suffrage universel et de la liberté d'opinion politique pour l'Afrique du Sud ne pouvait pas être limitée à ce pays il s'agissait d'une exigence universelle de démocratie"71.

Cette même résolution a provoqué la crainte de certains pays, jaloux d'une souveraineté difficilement acquise, qui ont insisté au cours des débats sur le fait qu'aucune ingérence extérieure ne doit toucher à leur souveraineté72.

La diversité des attitudes des États Membres de l'O.N.U. a suscité quelques modifications dans la position de l'Assemblée Générale lors de sa quarante quatrième session. En effet, dans sa résolution 44/146 portant le même titre que la précédente et après avoir fait référence à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques garantissant le droit aux élections périodiques et honnêtes; l'Assemblée Générale a rappelé également qu' "il n'existe aucun système politique ni aucune méthode électorale qui puisse convenir également à

71 BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 57.

72 Le pluralisme politique prévu implicitement par la résolution 43/157 se concilie mal avec les constitutions de certains États à parti unique tel que la Zambie. voir BEIGBEDER, op. cit., p. 58.

toutes les nations et à tous les peuples"73. Ce considérant reflète la position des pays du sud qui évoquent toujours leurs différences économiques, sociales et culturelles pour ne pas se voir imposer un système politique de type occidental.

Dans le dispositif de cette résolution, l'Assemblée Générale a déclaré que "pour déterminer la volonté du peuple il faut un processus électoral qui donne à tous les citoyens des chances égales de devenir candidats et de faire valoir leurs vues politiques que ce soit à titre individuel ou conjointement avec d'autres, dans le cadre délimité par la constitution et la législation nationale".

Bien que l'expression "offrant des choix différents" ait disparu pour être remplacée par la référence à "la constitution et la législation nationales", nous pouvons trouver dans cet extrait un fondement du pluralisme politique par la référence faite au droit de devenir candidat à titre individuel ou conjointement avec d'autres.

Ce caractère indécis de l'organe plénier de l'O.N.U. traduit une polémique entre les États Membres de cette Organisation qui, chacun de son côté, essayent de faire prévaloir l'un des deux principes contradictoires.

La résolution 44/146 a essayé de concilier les deux principes en considérant "que les efforts déployés par la communauté internationale pour renforcer l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes ne doivent pas remettre en question le droit souverain qu'à chaque État de choisir et d'élaborer librement ses systèmes politique, social, économique et culturel, que ceux-ci soient conformes ou non aux préférences d'autres États". L'Assemblée Générale a même souligné que "chacun des membres de la communauté internationale est tenu de respecter les décisions prises par les autres États dans l'exercice de leur droit de choisir et d'organiser librement leurs institutions électorales".

On peut dire à ce propos que, bien qu'elle soit relative au renforcement de
l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes, la résolution

73 Résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa quarante quatrième session, volume I, 19 septembre - 29 décembre 1989, documents officiels, supplément N° 49.

44/146 semble atténuer la portée de sa précédente. En fait, en lisant cette résolution on ne peut pas affirmer que l'O.N.U. a été catégorique quant à l'obligation d'organiser des élections libres et pluralistes.

De sa quarante cinquième à sa quarante neuvième session, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a donné aux résolutions relatives au "renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes" une portée plutôt opérationnelle.

En effet, la résolution 45/150 du 18 décembre 1990 a repris termes de la résolution 44/146 en ajoutant des dispositions concernant l'action concrète de l'O.N.U. en vue de promouvoir l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes. C'est pour cette raison que l'Assemblée a affirmé "la valeur de l'assistance électorale que l'organisation des Nations Unies a apporté à certains États Membres, sur leur demande, et dans le strict respect de leur souveraineté"74. De plus, l'Assemblée Générale a considéré "que la communauté internationale devait continuer d'examiner avec soin les moyens par lesquels l'Organisation des Nations Unies peut répondre aux demandes des États Membres désireux de développer et de renforcer leurs institutions et procédures électorales"75.

Cette résolution est donc la première dans laquelle l'Assemblée Générale de l'O.N.U. donne un caractère concret à sa préférence pour le principe d'élections périodiques et honnêtes en insistant sur la valeur de l'assistance électorale. C'est ce qui explique peut être qu'elle n'a pas été adoptée sans vote comme les précédentes76.

Pour le reste, les résolutions 46/137, 47/138, 48/131 et 49/190 n'ont fait que donner suite au principe d'élections périodiques et honnêtes en prévoyant les moyens nécessaires pour garantir son efficacité.

L'étude des résolutions adoptées par l'Assemblée Générale de l'O.N.U. en
vue de promouvoir le principe d'élections périodiques et honnêtes nous a

74 Résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa quarante cinquième session, volume I, 18 septembre - 21 décembre 1990, documents officiels, supplément N°19.

75 Ibid.

76 Cette résolution a été adoptée par une majorité de 129 votes pour, huit votes contre et neuf abstentions.

permis de constater que, tout en essayant de créer à la charge des États l'obligation de respecter la volonté de leurs gouvernés telle qu'elle s'exprime par des élections périodiques et honnêtes, elles n'ont pas omis de se référer au principe de la souveraineté des États et de leurs droits à choisir librement leurs systèmes politiques.

C'est de là précisément que provient l'ambivalence de ces résolutions une ambivalence qui s'est accentuée lorsque l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a adopté des résolutions situées aux antipodes de celles que nous venons d' analyser.

B. Des résolutions contradictoires entre elles

A partir de sa quarante quatrième session, et au même jour où elle a adopté sa résolution 44/146 relative au "renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes", l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a adopté la résolution 44 /147 du 15 décembre 1989 portant le titre "Respect des principes de la souveraineté nationale et de la non ingérence dans les affaires intérieures des États en ce qui concerne les processus électoraux". Contrairement à la première, la résolution 44/147 n'a pas été adoptée par consensus mais par une majorité de 113 voix pour, onze abstentions et 23 votes contre.

Parmi les États qui se sont opposés à cette résolution nous pouvons citer les États Unis d'Amérique, le Canada, le Japon et les douze membres de la Communauté européenne. Il n'est pas difficile de deviner que cette opposition est due à ce que la résolution 44/147 vient presque neutraliser la précédente.

En effet, dans le préambule, l'Assemblée Générale a pris le soin de rappeler les dispositions de l'article 2 (7) de la Charte de l'O.N.U. Elle a considéré par conséquent que "les principes de la souveraineté nationale et de la non ingérence dans les affaires intérieures de tout État doivent être respectés

lors du déroulement d'élections"77 . De plus, l'Assemblée Générale a considéré dans le préambule de cette résolution "qu'il n'existe pas de système politique unique de processus électoral convenant également à toutes les nations et à tous les peuples et que les systèmes politiques et les processus électoraux sont conditionnés par des facteurs historiques, politiques, culturels et religieux".

Cette disposition se justifie si on garde à l'esprit qu'elle a été proposée par les pays en développement78. D'ailleurs, un auteur a considéré que cette résolution "reflétait l'inquiétude des États totalitaires et autoritaires appuyés par de nombreux pays du tiers monde, devant cette avancée démocratique des Nations Unies"79.

Nous dirons, à propos de cette affirmation, qu'abstraction faite du mobile politique de ces États "totalitaires", la résolution objet de ce commentaire s'est limitée à rappeler des principes fortement ancrés en droit international positif que sont les principes de la souveraineté et de la non ingérence dans les affaires intérieures des États.

La référence faite, dans cette résolution, aux facteurs historiques, politiques, culturels et religieux a été jugée "en opposition avec la conception universaliste des droits de l'Homme et de la démocratie"80. Or, par définition, la démocratie exige la diversité et la différence faute de quoi cette "avancée démocratique des Nations Unies" risque de se transformer en un dogme et par conséquent préparer sa propre négation.

Par ailleurs, l'Assemblée Générale a réaffirmé dans le dispositif de cette résolution que "tous les peuples ont le droit de déterminer librement et sans ingérence extérieure leur statut politique et d'assurer librement leur développement économique, social et culturel et que chaque État a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte"

77 Résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa quarante quatrième session, volume I, 19 septembre - 29 décembre 1989, documents officiels, supplément N° 49.

78 C'est une résolution proposée par l'Afghanistan, l'Angola, Cuba, le Yémen, l'Irak, la Libye, le Nicaragua, la Tanzanie, le Vietnam, la Zambie et la Chine. voir BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 56.

79 BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 58.

80 Ibid. op. cit. loc. cit.

et qu' "il appartient aux seuls peuples de décider des méthodes à suivre et des institutions à mettre en place aux fins du processus électorale, ainsi que des moyens de mettre ce processus en oeuvre conformément à la constitution et à la législation nationales".

Nous le constatons donc, la résolution ne nie pas les droits relatifs aux processus électoraux, seulement, ces droits doivent s'exercer en dehors de toute ingérence extérieure et de toute pression internationale.

Une autre remarque s'impose à propos de ces extraits. En fait, cette résolution qui constitue une riposte à la résolution 44/146 relative au "renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes" n'a pas non plus reconnu expressément aux États le libre choix de leurs systèmes politiques et de leurs institutions électorales.

Désormais, c'est au peuple qu'appartient le droit de choisir ses méthodes électorales, ce choix, notons-le, doit s'exercer dans le cadre et les limites du droit national.

Donc, paradoxalement, une résolution portant le titre "renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes" reconnaît expressément dans son préambule que le droit de choisir et de développer librement leur système politique, économique, social et culturel est un droit qui appartient aux États alors que ce même droit est reconnu aux peuples dans le dispositif d'une résolution intitulée "Respect des principes de la souveraineté nationale et de la non ingérence dans les affaires intérieures des États en ce qui concerne les processus électoraux".

Ce paradoxe ne peut être résolu que si on considère que "la logique du droit international n'est pas de faire prévaloir le droit des peuples ou les droits de l'Homme sur la souveraineté, mais de faire en sorte que la souveraineté des États soit une émanation du droit des peuples et que celui ci soit une manifestation collective des droits politiques de l'Homme. Une véritable synthèse de la contradiction ne peut être qu'immanente. Elle ne peut se réaliser par l'élimination d'un de ses termes, en l'occurrence la

souveraineté, mais par la réalisation de l'harmonie naturelle qu'il y a entre... "81.

Cependant, il ne nous semble pas que cette "harmonie" soit évidente dans tous les cas, il nous suffit de voir le nombre d'États où les droits fondamentaux de la personne, auxquels aucune dérogation n'est permise, sont bafoués; à plus forte raison les droits civils et politiques sont- ils loin d'être garantis aux gouvernés.

Ajoutons, enfin, que mise à part la résolution dont nous venons d'analyser la portée, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a, depuis cette date, adopté à chaque session une résolution portant le même titre. C'est ainsi qu'elle a adopté la résolution 45/151 du 18 décembre 1990, une reproduction intégrale de sa précédente, la résolution 46/130 du 17 décembre 1991, la résolution 47/130 du 18 décembre 1992, la résolution 48/124 du 20 décembre 1993 et la résolution 49/180 du 23 décembre 1994.

Ces résolutions sont identiques dans la plupart de leurs termes. Seulement, on peut remarquer que dans la résolution 48/124 figure l'idée que les "États devraient instituer les mécanismes et les procédés nécessaires pour garantir la pleine participation des peuples aux processus électoraux"82.

Cette disposition a été reprise dans la résolution 49/180. Elle nous paraît significative dans la mesure où l'emploi du conditionnel nous prouve que l'Assemblée Générale n'entend pas créer une obligation aux États de garantir le droit aux élections périodiques et honnêtes à leurs gouvernés et qu'il s'agit, pour reprendre l'expression de M. Rafâa BEN ACHOUR de normes souhaitables de lege ferenda relatives aux élections83 ou d'un "droit vert relatif aux élections"84.

81 LAGHMANI (S), art. cit. P. 277.

82 Résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa quarante huitième session, volume I, 21 septembre - 23 décembre 1993, documents officiels, supplément N° 49.

83 BEN ACHOUR (R), "Normes internationales souhaitables de lege ferenda relative aux élections",in. Liberté des élections et contrôle international des élections, op. cit, pp. 197-210.

84 VASAK (K), "Les normes internationales existantes relatives aux élections et leur mise en oeuvre", in. Liberté des élections et observation internationale des élections, op. cit. L'auteur parle dans cet article de droit vert relatif aux élections qui se forme au sein de l'O.N.U. contrairement a un droit mûr établi par les instruments internationaux.

Pour conclure nous pouvons affirmer que ces résolutions adoptées par l'Assemblée Générale de l'O.N.U. et qui concernent les élections n'ont pas imposé aux États une obligation juridique de garantir à leurs citoyens un droit aux élections périodiques et, honnêtes et par suite, d'établir un régime démocratique.

Toutefois, il y a là "des tendances nouvelles, dont il est probablement prématuré d'affirmer qu'elles aboutiront à la formation de normes juridiques indiscutables, en tout cas au plan universel, mais qui n'en témoignent pas moins d'un changement d'état d'esprit"85.

En tout cas, la seule conséquence concrète de ces résolutions qui ont visé la promotion de la démocratie par le renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes, s'est manifestée sur le plan de l'action de l'O.N.U. par l'assistance qu'elle a apporté aux États au cours de leurs processus électoraux.

SECTION DEUXIÈME
L'ACTION OPÉRATIONNELLE : L'ASSISTANCE ÉLECTORALE

Depuis quelques années, l'incitation de l'O.N.U. à la démocratie a franchi le cadre politique, moral ou même normatif pour se situer, en fait, à un niveau opérationnel. Ainsi, l'Organisation mondiale s'est attribué la tâche d'assister les États souverains dans les élections qu'ils mènent.

Ce sont généralement les États dits en transition démocratique qui bénéficient de cette assistance. Outre les États nouvellement indépendants, ce sont les États constitués suite à une sécession à l'instar de la plupart des pays de l'Est après la dislocation du bloc communiste. Cette assistance peut aussi être accordée aux États qui veulent se donner l'image d'un État démocratique.

Deux remarques s'imposent dans le cadre de cette étude.

85 QUOC DINH (N), op. cit. p. 418.

La première remarque tient au fait que l'assistance électorale accordée par l'O.N.U. se concilie parfaitement avec la souveraineté étatique puisque jamais l'O.N.U. n'a prêté assistance à un État sans son consentement c'est toujours la logique de l'accord qui s'impose.

La deuxième remarque est relative au partage des pouvoirs, en la matière, entre les organes principaux de l'O.N.U. : l'Assemblée Générale, le Conseil de Sécurité et le Secrétaire Général de l'Organisation. En effet, si l'assistance technique ne fait pas intervenir les deux organes politiques de l'O.N.U., l'observation, la vérification et surtout l'organisation des élections ne peuvent avoir lieu qu'après l'approbation de l'Assemblée Générale ou du Conseil de Sécurité.

Le Conseil de Sécurité intervient systématiquement quand l'opération électorale s'insère dans un cadre de paix régionale ou internationale. Ajoutons que le Secrétaire Général joue un rôle important en la matière puisqu'il propose généralement la création des missions de l'O.N.U. pour l'assistance électorale, il désigne son représentant dans les pays bénéficiaires de cette assistance et c'est lui également qui informe l'Assemblée Générale et le Conseil de Sécurité sur les résultats de l'assistance ainsi que son appréciation des élections par le moyen des rapports qu'il leur présente après chaque opération.

A ce jour, environ une soixantaine de missions d'assistance électorale se sont déroulées dans le cadre de l'O.N.U.

Le Secrétaire Général de l'Organisation a relevé l'existence de cinq catégories d'assistance électorale : l'organisation et la tenue d'élections, la vérification, l'assistance technique, la coordination et l'appui et le suivi et la présentation de rapport. De même, il a noté l'interférence qui existe entre l'assistance technique avec les autres catégories d'assistance.

Cette dernière remarque nous permettra de concevoir l'assistance technique lato sensu pour y inclure les opérations de coordination puisque, dans les deux cas, l'O.N.U. n'intervient dans le processus électoral que par un appui matériel qui n'affecte en rien les choix de l'État qui en bénéficie.

L'engagement de l'O.N.U. en faveur de la démocratisation de ces États, et par conséquent son engagement dans l'assistance électorale, n'atteint pas toujours le même degré d'importance. En effet, l'action de l'O.N.U. en matière d'assistance électorale peut être étudiée non seulement en fonction de la différence de nature entre les modes d'assistance mais aussi en fonction du degré de l'engagement de l'Organisation dans le processus de démocratisation.

En vertu de cette classification, nous étudierons d'abord, dans un paragraphe premier, l'assistance électorale la plus courante qui se limite à une assistance technique. Ensuite, nous verrons dans un second paragraphe que les opérations que mène l'O.N.U. pour l'observation et la vérification des processus électoraux traduit un engagement plus sérieux dans la démocratisation des pays concernés. Cet engagement atteint son degré suprême lorsque l'O.N.U. organise purement et simplement tout le processus électoral pour conduire un pays à la démocratie. C'est ce qui fera l'objet de notre troisième paragraphe.

PARAGRAPHE PREMIER

DES OPÉRATIONS CROISSANTES
EN MATIÈRE D'ASSISTANCE TECHNIQUE

L'assistance technique en matière électorale n'est pas le propre de l'O.N.U. Plusieurs États ou groupe d'États ont envoyé ces dernières années des fonctionnaires dans les pays demandeurs de l'assistance afin de les aider à préparer le cadre matériel des élections.

Une étude de la nature de l'assistance technique (A) nous permettra de mieux comprendre l'évolution et la fréquence de ce mode d'assistance en matière électorale (B).

A. La neutralité de l'assistance technique

Normalement, toute assistance doit être neutre. Par définition même, assister quelqu'un c'est l'aider à faire quelque chose qu'il a lui même choisi. Ainsi nous pouvons affirmer que l'assistance technique accordée par l'O.N.U. aux États qui la demandent n'affecte en rien les choix de ces États en matière électorale.

La neutralité de cette assistance est donc parfaitement compatible avec la souveraineté des États et avec le caractère consensuel du droit international. C'est ce qui explique le recours fréquent à ce type d'assistance.

Opération souple, pas très complexe et surtout efficace, l'assistance technique consiste à apporter un appui matériel dans divers domaines. Cet appui peut être strictement financier et dans ce cas l'O.N.U. fournit cette assistance principalement à travers l'institution du Programme des Nations Unies pour le développement (P.N.U.D.).

En effet, l'aide du P.N.U.D. en matière électorale est une tâche qui est nouvelle puisque cette institution a été créée, à l'origine, pour accorder son aide au développement économique et social aux États qui en ont besoin.

Dans son rapport sur l'activité de l'Organisation en 1993, le Secrétaire Général de l'O.N.U., M. Boutros BOUTROS - GHALI a relevé que l'aide du P.N.U.D. "est de plus en plus sollicitée lorsqu'il s'agit de tenir des élections, d'engager le processus de démocratisation et de garantir la protection juridique et les droits de l'Homme"86. Dans ce même rapport, on a pu constater à titre d'exemple que rien que sur le continent africain, le P.N.U.D. a participé avec une somme de deux millions de dollars pour l'année 1992 répartie entre huit pays.

Outre l'aide financière, l'assistance technique peut comprendre l'aide dans l'organisation des élections, dans la formation d'un personnel capable de mener à bien l'opération électorale, dans l'éducation civique et en matière d'information.

86 BOUTROS - GHALI (B), Rapport sur l'activité de l'organisation de la quarante septième à la quarante huitième session de l'Assemblée Générale, septembre 1993, p. 71.

Ce qui mérite d'être noté, c'est qu'en pareil cas, l'assistance technique ne fait pas intervenir un pouvoir discrétionnaire de l'O.N.U. En effet, on peut même dire que l'Organisation des Nations Unies se limite à exécuter les choix des États qui ont fait appel à son appui. Ce qui fait que "... L '0 .N.U. maintient un profil politique relativement plus bas que lors des missions de vérification tout en assurant un soutien efficace à ce processus politique important"87 . C'est précisément ce profil bas qui nous pousse à parler de la neutralité de l'action de l'O.N.U. en matière d'assistance technique.

La conséquence de cet engagement peu poussé est que l'activité de l'Organisation des Nations Unies n'exige ni l'approbation du Conseil de Sécurité ni celle de l'Assemblée Générale.

La neutralité de cette action dans le domaine électoral se confirme par le fait que le rôle de l'O.N.U. prend, en principe, fin avec la réalisation de l'aide ce qui veut dire qu'aucune déclaration sur l'équité ou même la régularité des élections n'est prononcée.

Ce qu'on peut conclure de ce qui précède, c'est que c'est la nature même de l'assistance technique qui a fait son succès et sa fréquence sur le plan international et qui explique l'évolution continue des demandes des États pour en bénéficier.

B. Évolution de l'action de l'O.N.U. en matière d'assistance technique

Une vue globale sur l'activité de l'Organisation des Nations Unies nous permet de relever l'évolution quantitative de l'assistance technique en faveur d'un nombre d'États toujours croissant.

Cette augmentation des demandes d'assistance a suscité une institutionnalisation de l'action de l'O.N.U. en la matière. Dans ce cadre, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a adopté une résolution dans laquelle elle a approuvé la demande du Secrétaire Général pour la désignation d'un haut fonctionnaire chargé de centraliser les demandes des États qui

87 DE RAULIN (A), "L'action des observateurs internationaux dans le cadre de l'O.N.U. et de la société internationale", R.G.D.LP 1995, volume 3, p. 590.

organisent les élections88. Cette même résolution a prévu que le haut fonctionnaire aurait pour mission "d'établir et tenir à jour une liste d'experts internationaux susceptibles de fournir une assistance technique"89. La tâche confiée à ce fonctionnaire est entreprise avec le concours du Groupe de l'assistance électorale de l'O.N.U. créé en janvier 1992 et devenu opérationnel le ler avril de la même année.

A travers cette institution, l'O.N.U. a pu répondre à plusieurs demandes d'assistance. Ainsi, en 1992, l'O.N.U. a accordé une assistance technique en prévision d'élections à douze pays90.

Le Secrétaire Général de l'O.N.U. a exprimé sa satisfaction de cette activité en relevant que "L'Organisation des Nations Unies contribue de plus en plus à favoriser la démocratisation en cours dans un certain nombre de pays et à leur fournir une aide technique pour leur processus électoral". Il est même "particulièrement heureux de pouvoir répondre aux demandes

d ' appui"91

Le cas du Mozambique nous fournit un exemple de l'aide technique apportée par l'O.N.U.

Au début du mois de septembre 1992, deux équipes techniques ont été envoyées au Mozambique pour évaluer les besoins en ressources humaines et matérielles dans ce pays. La première équipe qui nous concerne dans le cadre de cette étude est une équipe technique. Elle avait pour mission de collecter "les informations nécessaires pour définir le mandat, la conception des opérations et la dotation en effectifs de la composante électorale de la mission. Elle a aussi examiné comment l'Organisation des Nations Unies pourrait le mieux fournir un soutien technique pour le

88 Résolution 46/137 A.G./O.N.U. (XXXXVI) du 17 décembre 1991, "Renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes".

89 Ibid.

90 Les pays bénéficiaires de cette assistance sont : l'Albanie, le Congo, El Salvador, l'Ethiopie, la Guinée, le Liberia, le Madagascar, le Mali, le Rwanda, le Togo et l'Angola. voir BOUTROS - GHALI (B), rapport sur l'activité de l'Organisation, septembre 1992, p. 40.

91 BOUTROS - GHALI (B). Rapport du Secrétaire Général sur l'activité des l'Organisation de la quarante septième session de l'Assemblée Générale, septembre 1992, p. 40.

processus électoral, et s'est demandée si des concours seraient nécessaires, par exemple en matière de rédaction, de planification budgétaire, de communication ou d'informatique"92.

Un autre exemple concrétisant l'aide de l'O.N.U. aux pays en matière d'assistance technique est celui des Philippines. En effet, le P.N.U.D. a fourni à la commission électorale des Philippines une assistance pour créer un système d'information et de gestion ainsi que pour moderniser les procédures électorales. La même assistance a été accordée au Kenya pour ses élections législatives du 29 décembre 1992. Dans ce dernier cas, l'O.N.U. a coordonné l'action d'un groupe de 54 observateurs internationaux.

Ajoutons que ces opérations ont été menées par le P.N.U.D. et par la division des projets mondiaux et inter-régionaux qui financent un "projet de renforcement de l'administration électorale dans les pays en voie de développement"93.

Depuis la création du Groupe de l'assistance électorale, l'O.N.U. a accordé son assistance technique à plusieurs États membres mais le continent africain a été le principal bénéficiaire de cette action. Cela peut s'expliquer par le fait que la plupart des États africains sont des États démunis de toute tradition démocratique. Ce sont des États qui veulent, aujourd'hui, prouver à l'O.N.U. leur adhésion au régime démocratique libéral. C'est pour cette raison que l'Organisation Mondiale ne manque pas d'apporter son appui à ces États qui ont toujours représenté pour elle un souci.

Certains États ont bénéficié de l'assistance électorale de l'O.N.U. pendant plusieurs années. C'était le cas du Mozambique qui, à part l'aide qui lui a été accordé en 1992, a été assisté par une mission conjointe de l'O.N.U. et de l'Union Européenne en 1993.

Pendant l'année 1994, l'O.N.U. a poursuivi son rôle de coordination et
d'appui dans ce pays. Le Secrétaire Générale de l'O.N.U. a considéré dans
son Rapport sur l'activité de l'Organisation que le rôle de l'O.N.U.

92 SAMKANGE (S), " L'O.N.U. et le processus de la paix au Mozambique". Le trimestre du monde, 1er trimestre, 1994, p. 153.

93 Voir BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 62.

consisterait à contribuer techniquement à la préparation des élections en créant un cadre propice à la création d'un gouvernement dans des conditions sécurisantes.

Quelques données chiffrées nous permettrons de saisir l'ampleur de l'assistance technique apportée à ce pays conjointement par l'O.N.U. et par dix sept pays. En effet, cette assistance s'est concrétisée par la formation de 2600 agents électoraux, 8000 agents de recensement, 1600 agents chargés de l'éducation civique, 5200 scrutateurs et 12 personnes détachées par le P.N.U.D. auprès de la Commission électorale nationale. L'O.N.U. a aussi affecté quelques volontaires à chacune des circonscriptions électorales. De même, elle a créé un fonds d'affectation spéciale pour l'assistance aux partis politiques qui n'ont pas signé l'accord de paix, à préparer les élections ce qui constitue une action favorable au pluralisme politique.

En plus du cas du Mozambique, et pendant l'année 1995, douze autres pays ont bénéficié de l'assistance technique de l'O.N.U.94. Selon le rapport du Secrétaire Général de l'O.N.U. sur l'activité de l'Organisation en 1995, onze autres missions d'évaluation des besoins ont été organisées pendant la même année.

Cet effort entrepris par l'O.N.U. ne nous empêche pas de préciser que l'Organisation n'a pas toujours accepté les demandes des États et ce, soit pour des raisons tenant au court délai prévu pour préparer son aide, soit, dans certains cas, pour manque de fonds95.

Malgré ces quelques cas de refus, on peut dire que les nombreux cas d'assistance techniques témoignent d'un effort fourni par l'Organisation des Nations Unies pour aider les États à organiser leurs élections. Un effort qui s'avère plus important dans le cas où l'O.N.U. effectue une vérification du processus électoral.

94 Ces États sont : Le Brésil, El Salvador, la Guinée Équatoriale, Haïti, le Honduras, le Liberia, Les Malawi, le Mexique, la Namibie, le Niger, l'Ouganda et Sierra Leone. Voir BOUTROS - GHALI (B). Rapport du Secrétaire Général sur l'activité de l'Organisation, 1995, p. 142.

95 C'était le cas du Swaziland lorsqu'il a demandé une aide financière durant l'année 1994. Voir BOUTROS - GHALI (B). "Pour la paix et le développement", Rapport annuel sur l'activité de l'Organisation, 1994, p. 293.

PARAGRAPHE DEUXIÈME

L'OBSERVATION ET LA VÉRIFICATION DES ÉLECTIONS :
UN CONTRÔLE DE LA DÉMOCRATISATION

L'action engagée par l'O.N.U. en vue d'aider les États à établir un régime démocratique ne se limite pas à leur accorder une assistance technique en matière électorale. En fait, l'Organisation Mondiale a pu répondre aux appels des États pour vérifier et observer l'ensemble de leurs processus électoraux.

Certes, l'engagement de l'O.N.U. à contribuer au processus de démocratisation de ces pays n'avait pas la même portée dans tous les cas. Ainsi, pour certains États tels que Haïti ou El Salvador, la vérification a touché des élections à la fois présidentielles, législatives et locales, dans d'autres cas l'observation électorale n'a concerné que les élections présidentielles et législatives cela a été le cas, par exemple, du Nicaragua, du Mozambique et de l'Angola.

L'étude de l'action de l'O.N.U. en matière d'observation des élections nous a permis de constater le nombre élevé des États qui en ont bénéficié.

Faute de pouvoir étudier tous les cas d'observation électorale menée par l'O.N.U. ces dernières années, nous allons nous contenter de l'étude de quelques cas dans lesquels l'Organisation a relativement réussi sa fonction de démocratisation à travers les élections (A) sans, pour autant, perdre de vue les cas où l'effort de l'O.N.U. pour établir un régime démocratique par l'observation électorale, a été voué à l'échec (B).

A. Cas réussis des missions d'observation électorale

Présentés comme des succès de l'O.N.U., ces cas concernent successivement le Nicaragua, le Mozambique et l'Afrique du Sud.

a. L'observation des élections au Nicaragua

C'est dans le cadre du processus de paix en Amérique Centrale que l'O.N.U. a assuré l'observation des élections au Nicaragua. En effet, les accords de Guatemala ou encore d'Esquipulos II, signés le 7 août 1987 par les présidents du Nicaragua, du Guatemala, du Honduras, d'El Salvador et du Costa Rica, ont prévu de promouvoir les élections libres et honnêtes dans les pays signataires.

L'observation des élections au Nicaragua ne s'est pas réalisée sans provoquer une controverse au sein de l'Organisation des Nations Unies puisque c'était pour la première fois que l'O.N.U. fut appelée à observer le processus électoral dans un État Membre. Jusqu'alors l'Organisation n'avait observé les plébiscites ou les élections que dans le cadre d'un processus d'autodétermination.

C'est le service juridique de l'O.N.U. qui s'est, pudiquement, prononcé sur la question en 1982. Cela se comprend si on considère que "l'intervention des Nations Unies est dangereuse et créerait un précédent, justifiant d'autres demandes"96. Donc, selon le service juridique "les Nations Unies ne peuvent être impliquées comme observateur pour une élection ou un plébiscite dans un État souverain et indépendant que si l'un des organes délibérants principaux autorise une telle intervention et le Secrétaire Général doit refuser une demande d'un État tant qu'il n'a pas obtenu l'autorisation préalable de l'Assemblée Générale ou du Conseil de Sécurité"97.

Le cas du Nicaragua semble répondre à ces conditions. Ainsi le 3 mars 1989, le gouvernement du Nicaragua a demandé au Secrétaire Général de l'O.N.U., la constitution d'un groupe d'observateurs pour les élections qu'il envisageait d'entreprendre. Sa demande a été satisfaite et le Secrétaire Général a créé la Mission d'observation des Nations Unies chargée de la vérification du processus électoral au Nicaragua (O.N.U.V.E.N.) qui a commencé à fonctionner le 25 août 1989 après avoir été appuyée par

96 TAVERNIER (P) "L'année des Nations Unies 23 décembre 1988 - 22 décembre 1989", Questions juridiques, 1989, p. 600.

97 TAVERNIER (P), "L'année des Nations Unies 23 décembre 1988 - 22 décembre 1989", Questions juridiques, A.F .D.I., 1989, p. 600.

l'Assemblée Générale dans sa résolution 44/10 du 23 octobre et endossée par le Conseil de Sécurité dans sa résolution 637 du 27 juillet 1989.

L'O.N.U.V.E.N. avait pour mission d'observer le processus électoral dans son intégralité, une observation qui devait avoir lieu entre août 1989 et février 1990 et qui devait se dérouler suivant trois phases. La première concerne l'établissement des listes électorales, la deuxième phase est relative à la campagne électorale. Le vote et le dépouillement des résultats faisaient alors l'objet de la troisième phase de cette Mission.

La Mission avait plusieurs tâches dans le cadre de sa vérification des élections. L'une de ses fonctions consistait à vérifier que les partis politiques, en conflit depuis plusieurs années, ont été représentés au conseil électoral suprême d'une façon équitable. Le rôle de l'O.N.U.V.E.N. s'est avéré encore plus important lors de la campagne électorale marquée par un conflit politique accentué. C'est pourquoi l'O.N.U. s'est ingéniée à garantir à ces partis un accès égal aux médias, une mobilisation libre et sans contrainte ainsi qu'une liberté d'expression et d'organisation. De plus, le mandat de la Mission consistait à donner suites aux plaintes et aux irrégularités ou fraudes observées pendant les élections.

Cet effort entrepris par l'Organisation pour assurer un climat de compétition démocratique dans le pays a suscité une mobilisation d'un effectif assez important qui a été renforcé par la présence de 190 observateurs appartenant à divers services de l'O.N.U.98.

De même, jour des élections; le 25 février 1990, l'O.N.U. a désigné dans le cadre de l'O.N.U.V.E.N. 207 observateurs assistés par une équipe de 34 personnes réparties entre le siège de Managa et les bureaux régionaux. Ces observateurs ont été présents dans 2155 bureaux de vote situés dans 141 des 143 circonscriptions.

L'O.N.U.V.E.N. a poursuivi son contrôle des élections pendant la phase de
dépouillement suite à laquelle la Mission a déclaré la victoire de
l'opposition et sa candidate Mme Violetta BARRIOS DE CHAMORRO

98 On peut remarquer, en plus, la présence des fonctionnaires d'Etats Membres détachés par leur gouvernement.

avec 54,7% des voix contre 40,8% des votes pour le parti du gouvernement et son candidat M. Daniel ORTEGA, le taux de participation étant de 86%.

Les résultats des élections nicaraguayennes ont été considérés par l'O.N.U.V.E.N. comme authentiques grâce à l'impartialité et la régularité du processus électoral dans son ensemble bien que ce soit "là, la première opération de contrôle électoral interne, autorisée par les Nations Unies et menée par l'Organisation sur le territoire d'un État Membre"99 .

Après ces élections, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a pris acte "des rapports du Secrétaire Général sur la vérification du processus électoral effectuée, à chacune de ses étapes, par un groupe d'observateurs des Nations Unies à la demande du gouvernement Nicaraguayen, et en particulier du fait que, selon ces rapports, l'ensemble du processus électoral s'est déroulé dans les règles, librement et dans 1' équiteloo.

Ainsi, la Mission d'observation des Nations Unies chargée de la vérification du processus électoral au Nicaragua a été considérée comme un succès. En fait, de part son caractère innovateur, la Mission est parvenue à assurer des élections jugées libres et équitables dans un pays qui a, pendant longtemps, souffert d'une crise politique et socio - économique qui entravait tout processus démocratique.

b. L'observation des élections au Mozambique

Outre l'assistance technique apportée à ce pays, le Mozambique a sollicité l'assistance de l'Organisation des Nations Unies en matière d'observation électorale.

Ainsi, après la conclusion d'un accord de paix, le 4 octobre 1992 entre le gouvernement et la Resistencia National Moçambicana (RENAMO); le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a décidé, par sa résolution 797 du 16 décembre 1992, la création d'une opération des Nations Unies au

99 DE CUELLAR (J - P). Rapport du Secrétaire Général sur l'activité de l'Organisation, 1990, p. 8.

100 Résolution 45/15 A.G./O.N.U. (XXXXV), "la situation en Amérique centrale : menaces contre la paix et la sécurité internationales et initiatives de paix" du 20 novembre 1990.

Mozambique (O.N.U.MOZ.). C'est une opération qui s'insère dans les opérations de maintien de la paix menées par l'O.N.U. Précisons que ces opérations n'ont été prévues ni par le chapitre VI ni par le chapitre VII de la Charte. Ce sont des opérations basées sur ce que la doctrine appelle le chapitre VI bis.

L'O.N.U.MOZ. devait agir sur quatre plans : politique, militaire, humanitaire et électoral.

Le cadre de notre recherche nous impose de n'étudier que l'aspect électoral de cette opération. Une énumération des fonctions de la composante électorale de l'O.N.U.MOZ. nous est fournie par une étude concernant "l'O.N.U. et le processus de la paix au Mozambique"101. En effet, cette composante électorale avait pour tâches de :

a) vérifier l'impartialité de la Commission électorale nationale.

b) vérifier que les partis politiques jouissent d'une entière liberté d'organisation et d'expression.

c) vérifier que ces partis bénéficient d'un égal accès aux médias.

d) vérifier la régularité des inscriptions sur les listes électorales.

e) informer les autorités locales des plaintes concernant les irrégularités afin de les corriger.

f) observer les activités relatives au processus électoral : inscription sur les listes électorales, organisation du scrutin, campagne électorale, le scrutin en soi ainsi que le dépouillement des bulletins et la proclamation des résultats.

g) prendre part à la campagne d'information sur les élections.

h) établir des rapports périodiques sur le déroulement du processus électoral qui seront communiqués au représentant spécial intérimaire du Secrétaire Général.

Cette liste de fonctions confiées à l'O.N.U.MOZ. nous démontre que l'action de l'O.N.U. dans ce pays a embrassé tous les aspects du processus électoral. Il s'agit là d'un engagement poussé de l'Organisation en vue de réussir des élections libres.

101 SAMKANGE (S), art. cit., Le trimestre du monde, 1994, 1er trimestre, pp. 147 - 176.

Pour mener cette opération, cent quarante huit fonctionnaires internationaux ainsi que des volontaires ont été mis à la disposition de la division électorale de l'O.N.U.MOZ. Pour l'opération entière mille deux cent observateurs ont été répartis dans des bureaux de régions et des bureaux de circonscriptions.

Malgré cet effectif important, le processus électoral au Mozambique a connu certaines entraves dues généralement à un désaccord entre le gouvernement et la RENAMO sur la composition de la Commission électorale nationale ainsi que sur le projet de la loi électorale ce qui a conduit le Conseil de Sécurité à adopter une résolution pour demander à tous les partis de parvenir à un accord sur cette 1oi102. Ce désaccord a retardé la date des élections qui n'ont eu lieu qu'entre le 27 et 29 octobre 1994.

Après la proclamation des résultats, le représentant spécial du Secrétaire Général de l'O.N.U. a déclaré que ces élections avaient été libres et régulières. Le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a confirmé cette déclaration sans réserve.

Les résultats de cette action de l'O.N.U. pour exhorter le Mozambique à établir un régime démocratique ont été inattendus pour certains observateurs dont le Secrétaire Général de l'O.N.U. qui n'a pas hésité à relever les difficultés que pouvait rencontrer cette opération dans un pays caractérisé par une superficie étendue et par une économie ravagée.

Du reste, le règlement global du conflit Mozambicain semble être atteint ainsi que les objectifs de la composante électorale de l'O.N.U.MOZ. Le Secrétaire Général de l'O.N.U. a pu conclure : " Ces élections ont marqué l'aboutissement de l'une des opérations les plus réussies de l'Organisation des Nations Unies sur le plan de l'instauration de la paix, de la consolidation de la paix, de l'aide humanitaire et de l'assistance en matière électorale"103.

c. L'observation des élections en Afrique du Sud

102 Résolution 863 C.S / O.N.U. du 13 septembre 1993.

103 BOUTROS GHALI (B). Rapport du Secrétaire Général sur l'activité de l'Organisation, septembre 1995, p. 112.

Lors d'une session extraordinaire de son Assemblée Générale, l'Organisation des Nations Unies a adopté une Déclaration sur l'apartheid et ses conséquences destructrices en Afrique Australe104.

Les objectifs de cette déclaration visent à ce que l'Afrique du Sud devienne un pays uni, démocratique et non racial. L'observation du processus électoral fut alors l'un des moyens pour atteindre ce but.

Le 7 décembre 1993, le Conseil exécutif de transition demande à l'O.N.U. de lui fournir des observateurs internationaux chargés de suivre le processus électoral et de coordonner les activités des observateurs de l'Organisation de l'Unité Africaine, du Commonwealth, de l'Union Européenne ainsi que les observateurs de différents pays.

Dans cette perspective, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a demandé au Secrétaire Général de l'Organisation "de planifier plus rapidement le rôle que l'Organisation des Nations Unies pourrait jouer en consultation avec le Conseil de Sécurité"105.

Le Secrétaire Général a, alors, élaboré un rapport sur la question de l'Afrique du Sud dans lequel il a proposé l'élargissement du mandat de la Mission d'observation des Nations Unies en Afrique du Sud (MONUAS) autorisée par le Conseil de Sécurité dans sa résolution 772 du 17 août 1992. Une proposition approuvée par le Conseil de Sécurité qui, en outre, " demande à toutes les parties en Afrique du Sud de prendre des mesures afin de mettre un terme aux actes de violences et d'intimidation et de contribuer ainsi à la tenue d'élections libres et régulières et compte que quiconque cherchera à perturber les élections sera tenu pour responsable de tels agissements"106. C'est aussi sur la base de cette résolution que l'effectif de la MONUAS a atteint 2840 observateurs.

104 Résolution S - 16 / 1 du 14 décembre 1989, voir TAVERNIER (P), "Les Nations Unies et la question de l'Afrique du Sud (sanctions et appui à la transition démocratiques)", in. Revue juridique et politique, indépendance et coopération, janvier - avril 1994, N° 1, pp. 27 - 45.

105 Résolution 48/159 A.G./O.N.U. (XXXXVIII) du 20 décembre 1993, "Élimination de l'apartheid et instauration d'une Afrique du Sud unie, démocratique et non raciale".

106 Résolution 894 CS / O.N.U. du 14 janvier 1994, documents d'actualité internationale, N° 47 - 1er avril 1994, p. 151.

La fonction d'observation des élections, menée par l'Organisation mondiale, a commencé avant le déroulement des élections. 2120 observateurs ont contribué à la vérification du processus électoral "ce qui représente la mission électorale la plus importante jamais effectuée par l'Organisation"le.

Les élections qui ont eu lieu du 26 au 29 avril 1994 ont été jugées "suffisamment libres et justes" par la Commission électorale indépendante ainsi que par les observateurs internationaux et par le Secrétaire Général de l'O.N.U. qui a réitéré l'engagement de l'Organisation à soutenir le processus de démocratisation de l'Afrique du Sud.

Le succès de l'O.N.U. à réaliser des élections libres en Afrique du Sud a été une tâche non aisée pour l'Organisation qui, depuis presque sa création, a suivi la question de l'Afrique du Sud dans tous ces développements.

Mais si l'Organisation des Nations Unies a relativement réussi à établir des régimes issus d'élections libres et honnêtes dans certains États, cet objectif n'a pas été atteint dans d'autres.

B. Les cas d'échec des Missions d'observation électorale de l'O.N.U.

Il s'agit là d'un échec à établir la démocratie par la voie des vérifications électorales.

Plusieurs États qui ont été assistés par l'O.N.U. sont loin d'être qualifiés de démocratiques. Les coups d'État survenus Niger le 27 janvier 1996 et au Sierra Leone le 16 janvier 1996, l'échec de l'O.N.U. à Haïti et en Angola, en sont la preuve.

Nous examinerons exclusivement ces deux derniers cas vu l'importance des opérations menées par l'O.N.U. dans ces États.

a. L'observation des élections en Haïti

Si les actions de l'O.N.U.V.E.N., de l'O.N.U.MOZ. et de la M.O.N.U.A.S. s'inséraient dans un cadre plus général que celui de l'assistance électorale à savoir un cadre de maintien de la paix, l'assistance apportée par l'O.N.U. au processus électoral en Haïti n'avait pas, du moins à son début, cette dimension de paix internationale.

En effet, l'O.N.U. a reçu une demande d'assistance électorale de la part de la présidente du gouvernement provisoire d'Haïti. Mme Ertha Pascal Trouillot a demandé une assistance pour la vérification du processus électoral dans toutes ses étapes ainsi qu'une assistance pour la sécurité qui conditionne ce processus.

Ce n'est qu'après l'avis favorable du Conseil de Sécurité que l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a pris sa résolution 45/2 adoptée par consensus le 10 octobre 1990 intitulée "assistance électorale à Haïti". Un extrait de cette résolution nous éclairera sur l'attitude prudente de l'Assemblée Générale : "Prenant note des lettres, ... adressées au Secrétaire Général par la présidente du gouvernement provisoire de la république d'Haïti, dans lesquelles cette dernière a demandé l'assistance de l'Organisation des Nations Unies pour assurer le bon déroulement, dans des conditions pacifiques du prochain processus électoral,

Réaffirmant le droit souverain du peuple haïtien de choisir son propre destin et de participer librement à la détermination de celui-ci sans ingérence extérieure, Consciente des efforts déployés par le peuple haïtien pour consolider ses institutions démocratiques face aux risques de déstabilisation.

- 1 - Prie le Secrétaire Général, agissant en coopération avec les organisations régionales et les États Membres, de fournir au gouvernement haïtien l'appui le plus large possible"108.

Ainsi, dans cette résolution, l'organe plénier de l'O.N.U. a pris le soin de
rappeler : d'abord, que cette action ne fait que répondre à la demande d'un
État Membre, ensuite, que cette action ne constitue nullement une

108 Résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de quarante cinquième session, volume I, 18 septembre - 21 décembre 1990, documents officiels, p. 12.

ingérence extérieure dans les choix du peuple haïtien; enfin, qu'il s'agit d'un appui partagé entre l'O.N.U. et les organisations régionales.

Se basant sur cette approbation, le Secrétaire Général de l'O.N.U. a créé le Groupe d'observation des Nations Unies pour la vérification des élections en Haïti (O.N.U.V.E.H.) en octobre 1990.

Suivant les recommandations de l'Assemblée Générale, L'O.N.U.V.E.H. devait comporter un groupe de 50 observateurs chargés d'encadrer les élections depuis l'inscription des électeurs jusqu'à la fin de la période électorale. Ce nombre pouvant être augmenté tout au long du processus.

Trois divisions constituaient ce groupe. La première est chargée de l'observation des élections et composée de 39 fonctionnaires internationaux rejoints lors des élections par 70 observateurs des institutions des Nations Unies, 35 observateurs désignés par 13 gouvernements et 38 représentants d'organisations non gouvernementales. La deuxième division est chargée d'observer la sécurité alors que la troisième s'intéresse à l'administrationlo9.

L'O.N.U.V.E.H. avait pour tâche l'observation des élections non seulement législatives mais aussi présidentielles et locales. Cette observation devait couvrir le processus électoral dans sa globalité.

L'O.N.U.V.E.H. a jugé que les inscriptions des électeurs ainsi que la campagne électorale se sont déroulées dans des conditions acceptables bien que quelques actes de violence aient eues lieu.

Lors du premier tour des élections, du 16 décembre 1990, les observateurs de l'O.N.U. ont déclaré qu'il n y avait pas eu de tentatives importantes pour fausser le processus électoral par la violence ou par l'intimidation. Jean Bertrand Aristide a alors recueilli 67 % des voix dès ce premier tour.

Le 20 janvier, le deuxième tour des élections législatives a été organisé sous la surveillance de l'O.N.U.V.E.H. et de l'O.E.A. qui ont été généralement satisfaites des conditions du scrutin malgré la tentative du coup d'État menée le 6 janvier par Roger Lafontant appelé "Chef des tontons macoutes".

109 Voir BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 69.

L'appui apporté par l'O.N.U. pour garantir l'impartialité des élections en Haïti a été considéré par le Secrétaire Général de l'O.N.U. comme un "exemple de ce que les Nations Unies peuvent faire, avec l'appui approprié des organes délibérants, pour superviser impartialement le déroulement d'élections nationales dans une situation pouvant comporter des répercussions internationales"no .

Yves Daudet a considéré que cette déclaration "montre bien l'aspect global des actions des Nations Unies et légitime leur intervention dans un domaine sensible et délicat par les conséquences internationales susceptibles d'être entraînées par une situation interne"111.

Les développements ultérieurs de la situation en Haïti ont démenti les prétentions de l'O.N.U. de parvenir à établir un régime démocratique par l'assistance électorale à un État qui n'a jamais connu de régime démocratique.

Cet échec de l'O.N.U.V.E.H. revient selon certains auteurs112 au fait que le Groupe consistait en une mission temporaire sans force de maintien de la paix ni mandat lui permettant de maintenir la démocratie.

Il a fallu donc donner aux haïtiens une autre chance pour exprimer leur volonté politique.

A notre sens, les dernières élections haïtiennes, qui, ont eu lieu le 17 décembre 1995, avec un taux de participation de 28 % de l'ensemble des électeurs inscrits, témoignent du rejet de cette autre chance et de cette démocratie par un peuple toujours préoccupé par sa misère.

b. L'observation des élections en Angola

llo DE CUELLAR (J - P). Rapport du Secrétaire Général sur l'activité de l'Organisation, 1991, P. 9.

111 Rapport introductif, in. Aspects du système des Nations Unies dans le cadre de l'idée d'un nouvel ordre mondial, colloque du 22 et 23 novembre 1991 à Aix en Provence; dir. DAUDET (Y), Paris, Pedone, 1992, p. 23.

112 Voir par exemple BEIGBEDER (Y), op. cit., pp. 71 - 72.

Par leur signature de l'accord du cessez - le - feu le 31 mai 1991, le président de l'Angola José Eduardo Dos Santos et le chef de l'Union Nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (U.N.I.T.A.) Jonas Savimbi ont prévu, outre le calendrier du cessez - le - feu, l'organisation des élections présidentielles et législatives entre septembre et novembre 1992.

Suite à cette décision, le gouvernement a demandé une assistance électorale à l'Organisation des Nations Unies.

Après avoir approuvé la création de la composante électorale de l'U.N.A.V.E.M. 11113, qui a commencé à fonctionner en avril 1992; le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a élargi le mandat de cette mission pour y inclure l'observation des élections et ce par sa résolution 747 du 24 mars 1992.L'O.N.U. a encadré les élections angolaises à partir des opérations d'inscription sur les listes électorales. A cette fin, elle a mobilisé 98 fonctionnaires internationaux alors que pendant le déroulement du scrutin plus de 400 observateurs ont été présents.

Après les élections législatives et le premier tour des élections présidentielles qui ont eu lieu le 29 et 30 septembre 1992, ces observateurs ont indiqué que les conditions du scrutin avaient été généralement paisibles. Des 75% des voix exprimées 50,9% ont choisi le président Dos Santos contre 39,3% des voix pour Savimbi et 33,4% pour son parti l'U.N.I.T.A. alors que le M.P.L.A. a obtenu 55% des voix.

Cependant ces résultats ont été qualifiés de frauduleux par l'U.N.I.T.A. ce qui a amené le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. à envoyer une commission ad-hoc pour vérifier ces résultats.

Lors du deuxième tour des élections, le Conseil national électoral a annoncé la victoire du M.P.L.A. par l'obtention d'une majorité absolue. A la fin de ce processus, la représentante spéciale du Secrétaire Générale a déclaré que les élections ont été généralement libres et équitables bien que quelques irrégularités aient été remarquées. Une déclaration qui a été approuvée par le Conseil de Sécurité qui a rejeté les allégations de fraude

de l'U.N.I.T.A. et a invité ce parti à se conformer aux résultats des élections. Le Conseil de Sécurité a, en plus, interdit la fourniture d'armes et de produits pétroliers à l'U.N.I.T.A. après avoir constaté, sur la base du chapitre VII de la Charte de l'O.N.U., que la situation en Angola constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales114.

Malgré cette intervention de l'organe restreint de l'O.N.U., l'action menée pour soutenir le processus électoral était vouée à l'échec. L'U.N.I.T.A. n'a pas admis sa défaite dans les élections. Jonas Savimbi a alors repris les armes nonobstant les menaces du Conseil de Sécurité.

Cet échec du processus de démocratisation est-il imputable "à l'O.N.U. pour ne pas avoir mené à bien la démobilisation des forces rivales et leur intégration dans une nouvelle armée angolaise "unique" avant les élections, et pour n'avoir disposé que d'effectifs insuffisants pour contrôler effectivement le processus électoral sur le vaste territoire angolais"?115 A cette question, le Secrétaire Général de l'O.N.U. a pu répondre que, l'Organisation des Nations Unies ne peut en aucun cas agir par la force pour obliger les parties à respecter un accord de paix signé entre elles. Le succès d'une opération de maintien de la paix et l'aspect électoral d'une telle opération dépendent de la bonne foi des parties et de leur véritable volonté d'engager des élections libres116.

L'assistance électorale effectuée par l'O.N.U. en faveur de certains États n'a pas été toujours le moyen efficace et approprié pour établir des régimes démocratiques dans ces pays. L'assistance apportée à Haïti et à l'Angola et l'expérience de l'O.N.U. dans ces deux États nous enseigne que, bien que les élections libres et honnêtes soient un moyen pour établir des régimes démocratiques, ce moyen n'est pas toujours adéquat pour certains États qui n'ont jamais réuni les conditions d'un régime démocratique. Certains auteurs pensent que "... les semaines qui précèdent une élection ne suffisent pas à créer une véritable culture civique et les valeurs démocratiques ne s'importent pas par voie d'assistance internationale"117.

114 Résolution 864 B.

115 ,BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 76.

116 Ibid. loc. cit.

117 DE RAULIN (A), art. cit., p. 592.

Malgré ces carences du système de l'O.N.U. en matière d'observation des élections, l'Organisation mondiale s'est attribuée un rôle plus complexe pour établir la démocratie et ce par l'organisation et la conduite des élections.

TROISIÈME PARAGRAPHE

L'ORGANISATION ET LA CONDUITE DES ÉLECTIONS AU CAMBODGE :
UNE VÉRITABLE PRISE EN CHARGE DE LA DÉMOCRATISATION

Indépendant de la France depuis 1953, le Cambodge a été dirigé par le prince Norodom Sihanouk destitué par le général Lon Nol en 1970. En 1975, les Khmers Rouges prennent le pouvoir, le Cambodge devient alors l'"État démocratique du Kampuchéa". Pendant cette période, un génocide a été commis à l'égard de la population. Ce n'est qu'après l'intervention vietnamienne que les Khmers rouges ont été écartés pour céder le pouvoir à un gouvernement pro-vietnamien dirigé par Hun Sun.

A partir de décembre 1987, la rencontre entre le prince Sihanouk et Hun Sun a facilité les négociations qui ont abouti à la conférence de Paris sur le Cambodge du 30 juillet au 30 août 1989. L'échec de cette conférence a conduit le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. à proposer un plan cadre pour le règlement du conflit cambodgien puis à adopter sa résolution 668 du 20 septembre 1990 dans laquelle il a souligné que les efforts de l'O.N.U. "visent à permettre au peuple cambodgien d'exercer son droit inaliénable à disposer de lui même par le biais d'élections libres et équitables organisées et menées à bien par l'Organisation des Nations Unies, dans un environnement politique neutre et dans le plein respect de la souveraineté nationale du Cambodge"118.

118 Documents d'actualité internationale, N° 21, 1er novembre 1990, p. 394.

Le 23 octobre 1991, un accord pour un règlement politique global du conflit du Cambodge a été signé à Paris, par le Cambodge et 18 autres pays parmi lesquels figuraient les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité.

Dans l'article 2 de cet accord "les signataires invitent le Conseil de Sécurité des Nations Unies à créer une Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge". Une demande qui a été satisfaite par la résolution 745 du 28 février 1992. En plus de l'objectif du maintien de l'ordre, de la pacification et celui du rapatriement des réfugiés, l'A.PR.O.N.U.C. visait non seulement l'organisation des élections libres et équitables (A) mais aussi l'instauration d'une démocratie politique (B).

A. La conduite d'élections libres : un objectif immédiat de l'O.N.U.

Désireux "d'assurer au peuple cambodgien l'exercice de son droit à l'autodétermination par la voie d'élections libres et équitables"119, les membres du Conseil national suprême du Cambodge (CNS) ont engagé l'O.N.U. à conduire ces élections. Une tâche redoutable primo parce que c'est la première fois quel'O.N.U. entreprend cette opération, secundo parce qu'elle est entreprise dans un pays en guerre depuis 20 ans.

En effet, l'A.PR.O.N.U.C. a été responsable de l'organisation de l'élection d'une Assemblée constituante qui se transformerait en Assemblée législative et formerait un nouveau gouvernement après l'adoption d'une nouvelle constitution.

L'article 12 de l'accord pour un règlement politique global du conflit du Cambodge a prévu que "ces élections se tiendront sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies dans un environnement politique neutre et dans le plein respect de la souveraineté nationale du Cambodge". Les signataires de cet accord semblent être conscients de l'ampleur de l'opération menée par l'A.PR.O.N.U.C. En fait, la fonction électorale de

119 Préambule de l'accord pour un règlement politique global du conflit au Cambodge, in. Relations internationales : le nouvel ordre mondial, travaux dirigés par WEISS (P), Paris, Eyrolles, 1993, pp. 107-108.

l'A.PR.O.N.U.C. commence par l'élaboration d'une loi électorale en coopération avec le Conseil national suprême, un rôle qui a suscité les réserves de certaines parties au conflit à cause des conditions d'octroi de la citoyenneté cambodgienne de laquelle dépend le droit de vote120. De même, la composante électorale de l'A.PR.O.N.U.C. avait pour fonction l'installation et l'organisation des bureaux de vote, l'organisation du transport des candidats, la fourniture du matériel nécessaire ainsi que le suivi de la campagne électorale, du dépouillement et de la proclamation des résultats.

La conduite des élections générales, libres et authentiques au Cambodge n'était pas aisée pour l'O.N.U. : réaliser ces élections dans un environnement politique neutre était un objectif plutôt qu'un fait. Les entraves à cette opération étaient dues au refus du parti des Khmers Rouges (le parti du Kampuchéa démocratique) de reconnaître l'autorité du C.N.S. pendant la période transitoire et par conséquent de participer aux élections. Cette résistance a provoqué la mobilisation de quelques 1600 militaires de l'A.PR.O.N.U.C. pour protéger l'opération des inscriptions électorales et le vote lui même.

Malgré cet effort, un nombre important de morts et de blessés a été enregistré et le parti du Kampuchéa (P.K.D.) a mené propagande contre l'A.PR.O.N.U.C.

Les Khmers Rouges ont, en outre, entravé le processus électoral dans les régions soumises à leur pouvoir. Cette attitude a provoqué la résolution 792 du 30 novembre 1992 par laquelle le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a prévu des sanctions économiques contre les zones contrôlées par le P.K.D.

En dépit de cette déstabilisation, l'A.PR.O.N.U.C. a continué sa fonction d'information sur tous les aspects du processus électoral. Elle a décidé d'un commun accord avec le C.N.S. de maintenir la date des élections prévues du 23 au 28 mai 1993.

Ces élections ont eu lieu dans 21 provinces, 1400 bureaux ont été fixés pour recueillir les bulletins. L'A.PR.O.N.U.C. a aussi créé 200 équipes mobiles pour faciliter le vote dans les régions où l'accès est difficile.

La composante électorale de l'A.PR.O.N.U.C. a été constituée par 170 fonctionnaires internationaux, 400 volontaires des Nations Unies et 1500 agents choisis sur place comme scrutateurs internationaux. Ce personnel a coopéré avec plus de 50000 agents électoraux cambodgiens pour suivre tout le processus électoral auquel ont participé 20 partis politiques.

Cet effort n'est pas resté sans conséquences sur les résultats des élections puisque des 4,6 millions de cambodgiens, 4267192 électeurs; soit 89,56 % des électeurs inscrits, se sont prononcés par le recours aux urnes121.

Certains auteurs ont commenté ce résultat sur un ton lyrique. Ainsi Yves BEIGBEDER a relevé que "les électeurs ignorèrent les menaces de violence, les bandits, les difficultés d'acheminement et les pluies"122.

Le Secrétaire Général de l'O.N.U. a même considéré que "le vote s'est déroulé dans une atmosphère de paix et souvent de fête"123.

Le Front Uni National pour un Cambodge Indépendant, Neutre, Pacifique et Coopératif (F.U.N.C.I.N.P.E.C.), parti du prince Sihanouk, a obtenu 45,47 % des suffrages exprimés alors que le parti du peuple cambodgien (P.P.C.) a recueilli 38,23 % des voix.

A la suite de la proclamation des résultats, le représentant spécial du Secrétaire Général de l'O.N.U. a déclaré devant le C.N.S. que les élections ont été libres et équitables dans leur ensemble. Il a aussi noté dans sa déclaration que les irrégularités contestées par le (P.P.C.) ont été vérifiées et qu'en tout état de cause ces allégations, même exactes, n'avaient pas d'influence sur les résultats.

121 Voir BEIGBEDER (Y), op. cit., p. 85.

122 Ibid. loc. cit.

123 Rapport du Secrétaire Général sur le déroulement et le résultat des élections au Cambodge, 10 juin 1993, Documents d'actualité internationale N° 16, 15 août 1993, p. 344.

Le Secrétaire Général de l'O.N.U. a confirmé cette déclaration dans son Rapport sur le déroulement et le résultat des élections au Cambodge du 10 juin 1993. De même le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a fait sienne cette déclaration en demandant "à toutes les parties de se conformer à l'obligation qui leur incombe de respecter pleinement les résultats des élections et... de faire tout leur possible pour assurer l'établissement pacifique d'un gouvernement démocratique conformément aux termes de la nouvelle constitution"124.

La conduite des élections cambodgiennes par l'A.PR.O.N.U.C. a été considérée comme un succès malgré les actes de violence et d'intimidation menés par les Khmers Rouges. Il s'agit là d'une opération ambitieuse qui, en plus de l'organisation des élections, a envisagé une véritable conduite du pays vers la démocratie.

B. L'instauration d'une démocratie politique : un but médiat de l'O.N.U.

L'organisation des élections au Cambodge n'était que l'un des moyens de l'O.N.U. pour parvenir à régler le conflit cambodgien et mener le pays à la démocratie. L'O.N.U. a jugé le temps opportun pour arrêter les rebelles Khmers et mettre ainsi fin au régime communiste soutenu jusqu'alors par la Chine

Pendant la période de transition qui a commencé avec l'entrée en vigueur de l'accord de Paris pour un règlement politique global du conflit du Cambodge, le C.N.S. a délégué ses pouvoirs à l'O.N.U. afin de lui permettre d'appliquer cet accord. C'est cette délégation qui a permis à l'O.N.U. de conduire les élections permettant la formation d'un gouvernement légitime et l'établissement d'un État démocratique.

Ces élections ont fait naître une assemblée constituante de 120 membres
qui s'est réunie le 14 juin pour rétablir le prince Sihanouk comme chef
d'État et ce n'est que le 21 septembre qu'elle a adopté la nouvelle

124 Résolution 835 CS/O.N.U. du 2 juin 1993 "souhaitant l'établissement pacifique d'un gouvernement démocratique en application des résultats électoraux", Documents d'actualité internationale N°14, 15 juillet 1993, p. 292.

constitution du Royaume du Cambodge qui est entrée en vigueur le 24 septembre jour auquel la mission de l'A.PR.O.N.U.C. a pris fin.

A propos de cette nouvelle constitution, l'article 23 de l'accord de Paris pour un règlement politique global du conflit du Cambodge stipule que "les principes fondamentaux qui seront contenus dans la nouvelle constitution du Cambodge, y compris ceux relatifs aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales ainsi qu'au statut de neutralité du Cambodge, sont énoncés à l'annexe 5". En effet, l'accord de Paris a exigé du constituant cambodgien le choix de la démocratie libérale et pluraliste pour mettre fin à la tragédie vécue par le pays. Une démocratie qui ne se réalise, selon l'accord, que par le respect des droits fondamentaux, du pluralisme politique, de l'indépendance du pouvoir judiciaire et de sa neutralité Ainsi, la constitution cambodgienne a décidé que le roi règne mais ne gouverne pas. Le gouvernement roy reste responsable devant l'Assemblée. Les libertés publiques ont été proclamées et le conseil supérieur de magistrature garantira l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Les événements survenus pendant la période électorale et la résistance des Khmer Rouges ont démontré la précarité de la situation au Cambodge.

Cependant une chose reste sûre : L'action de l'O.N.U. pour démocratiser le Cambodge a été ferme. C'est cette persévérance qui a poussé le prince Sihanouk à écrire déjà en mars 1993 qu' "après le 25 août, le Cambodge devra cesser d'être un protectorat de l'O.N.U.... et de recouvrer sa pleine souveraineté, ce qui voudra dire que toute ingérence étrangère dans les affaires intérieures du Cambodge sera inacceptable et inadmissible et que les affaires entre Khmers devront être réglées par les Khmers"125. Cette affirmation s'explique d'autant plus que l'O.N.U. s'est occupée de tous les aspects de la vie intérieure du Cambodge. L'A.PR.O.N.U.C. a essayé pendant la période transitoire de favoriser le respect des droits de l'Homme, elle a même réussi à convaincre le C.N.S. de ratifier les pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels. Cette action a affecté le système judiciaire et administratif ainsi que les domaines de la défense et des affaires étrangères.

125 Cité par ISOART (P) "L'O.N.U. et le Cambodge", 1993, volume 3,

p. 687.

Bref, cette action a visé tout le système politique cambodgien en vue d'obtenir un régime démocratique basé sur des valeurs qui sont évidentes "pour un esprit occidental qui ne le sont pas forcément pour les citoyens Khmers"126.

L'établissement de la démocratie a été le but ultime de l'O.N.U. nonobstant la réaffirmation du droit inaliénable des États à déterminer librement leur propre système politique, économique, social et culturel conformément à la volonté de leurs peuples. La logique de l'accord semble, à notre sens, résoudre cette contradiction apparente.

Du reste, le caractère exemplaire de l'opération menée par l'O.N.U. au Cambodge tient au fait qu'il s'agit là d'une situation strictement interne, "il n'y a ici de manière directe aucun élément d'ordre international. Certes, la stabilité de cet État est une pièce du système de sécurité dans la région... mais cet aspect n'est qu'indirect et peut, en définitive, être relevé à propos de n'importe quelle situation interne susceptible d'avoir des effets externes"127.

L'appui de l'O.N.U. à la démocratie par la promotion du principe d'élections périodiques et honnêtes et par l'assistance électorale s'est avéré utile pour certains cas et inadéquat pour d'autres.

Dans ce cas, nous ne pouvons que confirmer l'idée que "la démocratie doit être préparée, ses racines doivent se développer progressivement. Les élections ne sont qu'une étape dans le lent processus de la naissance et de la croissance d'une culture et d'institutions politiques destinées à soutenir un régime démocratique"128. Faute de quoi la démocratie ne serait que précaire.

L'O.N.U. s'est trouvée dans la situation où des élections authentiques et
libres ont été remises en cause par des coups d'État, l'Organisation a alors

126 Ibid., p. 669.

127 DAUDET (Y), "Rapport introductif', in Aspects du système des Nations Unies dans le cadre de l'idée d'un nouvel ordre mondial, dir. DAUDET (Y), Paris, Pedone, 1992, p. 24.

128 BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 26.

envisagé une action contraignante pour rétablir la démocratie dans ces régimes.

CHAPITRE DEUXIÈME

L'ACTION DE L'O.N.0

POUR RÉTABLIR LA DÉMOCRATIE

L'engagement de l'O.N.U. en faveur de la démocratie ne s'est pas arrêté avec l'assistance électorale. Après avoir aidé certains pays à établir leur régime sur la base de la démocratie et du respect des droits de la personne, l'O.N.U. a vu son action détruite par des coups de force. Son succès s'est alors transformé en échec.

L'O.N.U. a vivement réagi face à cette situation en condamnant les coups d'État survenus contre des gouvernements librement élus. Une attitude tout à fait nouvelle de la part d'une organisation dont le premier principe est l'égalité souveraine entre les États. Cette égalité souveraine a pour corollaire le principe de l'autonomie constitutionnelle de l'État ou son libre choix de son système politique, économique, social et culturel.

L'action de l'O.N.U. suite aux coups d'État survenus contre des gouvernements librement - et donc légitimement - élus avait un fondement problématique. Cette action a, en fait, prouvé le passage du principe de l'autonomie constitutionnelle à celui de la légalité constitutionnelle, plus, à celui de la légitimité démocratique (Section I).

Cette action entreprise par l'O.N.U. en vue de rétablir la démocratie est caractérisée par un mouvement évolutif allant de la condamnation jusqu'au recours aux sanctions militaires passant ainsi par les sanctions non militaires.

A priori, cette action ne peut que violer la souveraineté des États, l'O.N.U. ne peut en effet intervenir dans les conflits et les affaires internes de ces États.

Seulement, l'étude de la pratique de l'O.N.U. pour rétablir la démocratie en Haïti nous permet d'affirmer que cette action ne se situe pas totalement en marge du droit international. L'O.N.U. a, d'abord, réagi concrètement suite à la demande de l'État haïtien, elle a, ensuite, procédé suivant la logique de l'accord entre les parties, enfin lorsque l'une des parties n'a pas respecté son engagement; l'O.N.U. a utilisé les prérogatives, exorbitantes certes, qui lui sont reconnues par la Charte. Ainsi l'action de l'O.N.U. pour rétablir la

démocratie en Haïti s'est trouvée circonscrite par la légalité internationale (Section II).

SECTION PREMIÈRE

UN FONDEMENT PROBLÉMATIQUE :
AUTONOMIE CONSTITUTIONNELLE ET LÉGITIMITÉ
DÉMOCRATIQUE

Il y a quelques années encore, parler du passage de l'autonomie constitutionnelle à la légitimité démocratique ou même à la légalité constitutionnelle aurait été une aberration. En effet, le principe de l'autonomie constitutionnelle traduit la liberté qu'a l'État de choisir son système politique, économique, social et culturel en dehors de toute ingérence ou pression extérieure. Porter atteinte à ce principe était donc nier un attribut fondamental de l'État qu'est la souveraineté.

Aujourd'hui, avec la fin de l'opposition Est-Ouest, ce principe semble perdre du terrain laissant ainsi apparaître une tendance visant à rétablir les régimes librement choisis par les peuples. Se pose alors la question : la souveraineté est-elle en cause ? Une question qui nous parait être légitime à partir du moment où l'Organisation des Nations Unies revendique de plus en plus le respect de la légalité constitutionnelle et de la légitimité démocratique, affaires purement internes des États (Paragraphe I); alors que le principe de l'autonomie constitutionnelle, principe bien ancré en Droit International, a pendant longtemps conditionné les relations "amicales" entre États (Paragraphe II)

PARAGRAPHE PREMIER

L'AUTONOMIE CONSTITUTIONNELLE :
UN PRINCIPE BIEN ANCRÉ EN DROIT INTERNATIONAL

Attribut de l'État, la souveraineté constitue "une pierre d'angle" dans les relations internationales. L'une des conditions ou des critères de cette souveraineté est l'indépendance de l'État129.

En vertu de ce principe, il appartient à l'État et a lui seul de déterminer son régime politique, son système économique, social et culturel ainsi que sa politique étrangère.

La Charte de l'O.N.U., adoptée pour régler les rapports inter-étatiques dans une société internationale hétérogène, n'a prévu qu'une seule condition quant à la nature d'un État candidat à être Membre : être pacifiquel3o.

En droit international, le principe de l'autonomie constitutionnelle n'a connu qu'une seule exception expresse qui consiste en la condamnation du régime de la discrimination raciale de l'apartheid. Cette exception a été institutionnalisée par de nombreuses conventions internationales qui ont condamné les régimes politiques fondés sur la discrimination raciale, c'est le cas notamment de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptée sous les auspices de l'O.N.U. en date du 21 décembre 1965 et entrée en vigueur le 4 janvier 1969 ainsi que la Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid adoptée par la résolution 3068 de l'Assemblée Générale de l'O.N.U. en date du 30 novembre 1973 et entrée en vigueur le 18 juillet 1976. En dehors de ce cas, la positivité du principe de l'autonomie constitutionnelle a toujours fait obstacle à toute théorie de légitimité politique.

Ainsi nous pouvons dire que le droit international est indiffèrent vis-à-vis
de la nature des régimes politiques des États. Une logique tout à fait

129 Cf DUPUY (P-M), Droit International Public, Paris, Dalloz, 1993, p. 21.

130 L'article 4 (1) de la Charte de l'O.N.U. dispose que "1- peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres États pacifiques qui acceptent les obligations de la présente Charte et, au jugement de l'Organisation, sont capables de les remplir et disposées à le faire". De même la C.I.J. dans son avis sur "Les conditions de l'admission d'un État comme membre des Nations Unies" du 28 mai 1948, interprétant l'article 4 de la Charte, a "déclaré que les conditions posées pour l'admission des États sont limitatives et que, si elles sont remplies par un État candidat, le Conseil de Sécurité doit faire la recommandation permettant à l'Assemblée Générale de statuer sur l'admission" cf LAGHMANI SLIM, Répertoire élémentaire de jurisprudence internationale, Tunis, C.E.R.P., 1993, p. 47.

conforme au principe de l'égalité souveraine. Le principe de l'autonomie constitutionnelle se trouve alors consacré par le droit international positif (A) ainsi que par la jurisprudence internationale (B).

A. La consécration du principe de l'autonomie constitutionnelle par le droit international positif

Bien que non expressément prévu par la Charte des Nations Unies, le principe de l'autonomie constitutionnelle a figuré aussi bien dans l'article premier commun aux pactes de droits civils et politiques et économiques, sociaux et culturels (a) que dans de nombreuses résolutions de l'organe plénier de l'O.N.U. (b).

a. L'article premier des pactes relatifs aux droits de l'Homme

Cet article commun aux deux pactes dispose que "tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes, en vertu de ce droit ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel".

Le droit des peuples à choisir leur statut politique s'est concrétisé dans la pratique de l'O.N.U. par la reconnaissance du droit des peuples à la décolonisation. Qu'en est-il alors de ce droit si les peuples sont déjà constitués en États ? Si le régime politique choisi par l'État émane ou traduit la volonté du peuple de cet État, le droit des peuples à la libre détermination et sa liberté de choisir le système politique qu'il juge adéquat doit, dans ce cas, être compris dans sa dimension externe dans le sens où chaque peuple choisit librement son statut politique sans l'ingérence d'un autre peuple et d'un autre État. Cela suppose, évidemment, une identité ou du moins une harmonie entre le peuple et l'État.

C'est donc en vertu du droit des peuples à déterminer librement leur statut
politique que "le droit international reconnaissait à chaque État une

autonomie constitutionnelle, c'est à dire la possibilité de déterminer la nature du régime, sa forme, son organisation, ses institutions"131.

Nous le remarquons, cette conception du principe de l'autonomie constitutionnelle présume une compatibilité entre le droit des peuples et le droit des États.

Cependant, cette compatibilité n'est pas toujours certaine. Dès leur indépendance, la plupart des États ont "confisqué" le droit de leur peuple au nom de la construction du jeune État et de l'Unité nationale132.

Nous nous trouvons alors devant une controverse : le droit du libre choix du système politique est-il un droit du peuple ou un droit de l'État ?

En abordant le principe de l'autonomie constitutionnelle, la doctrine a souvent considéré qu'il s'agit là d'un droit de l'État puisqu'il est le corollaire du principe de la souveraineté. C'est pour cette raison que pendant presque quarante ans, la logique de la coexistence pacifique entre les États a exigé le respect du droit de l'État à choisir son système politique et ses institutions internes. Cette logique correspondait parfaitement à l'ordre politique existant. Cela étant, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a réaffirmé ce principe à plusieurs reprises.

b. Les résolutions de l'Assemblée Générale confirmant le principe de l'autonomie constitutionnelle

Composée alors d'une majorité d'États nouvellement indépendants, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a adopté la résolution 2131 du 21 décembre 1965 dans laquelle elle a déclaré que "tout État a le droit inaliénable de choisir son système politique, économique, social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part de n'importe quel État". En

131 BEN ACHOUR (R), "Actualité des principes de droit international", in. Les nouveaux aspects du droit international. op. cit. p. 45.

132 EDMOND JOUVE écrit dans ce sens "les droits des peuples sont donc violés souvent par ceux-là mêmes dont la fonction était de les sauvegarder. Longtemps, ces violations ont pu se produire en toute impunité. Ce n'est plus tout à fait le cas aujourd'hui", Le droit des peuples, Paris, P.U.F., 1992, p. 114.

adoptant cette disposition, l'A.G. de l'O.N.U. a entendu "créer les conditions appropriées qui permettent à tous les États, et en particulier aux pays en voie de développement, de choisir sans contrainte ni coercition leurs propres institutions politiques, économiques et sociales"133.

La reconnaissance de la liberté du choix du système politique, économique, social et culturel et par conséquent l'autonomie constitutionnelle des États a été réitérée par l'Assemblée Générale de l'O.N.U. dans sa résolution 2625 du 24 octobre 1970 portant "Déclaration relative aux principes de droit international touchant aux relations amicales et à la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies". En effet, cette résolution a réaffirmé que "- e - Chaque État a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel". De même, en abordant "le principe relatif au droit de ne pas intervenir dans les affaires relevant de la compétence nationale d'un État, conformément à la Charte", la résolution 2625 a réaffirmé que "tout État a le droit inaliénable de choisir son système politique, économique, social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part d'un autre État"134.

La résolution 3281 adoptée par ce même organe le 12 décembre 1974 portant adoption de la Charte des droits et devoirs économiques des États nous semble être plus précise quant à la détermination du principe de l'autonomie constitutionnelle. L'article premier de cette résolution dispose que "chaque État a le droit souverain et inaliénable de choisir son système économique, de même que ses systèmes politique, social et culturel conformément à la volonté de son peuple sans ingérence, pression ou menace extérieure d'aucune sorte"135.

Durant plusieurs années, l'Assemblée Générale de l'O.N.U., caractérisée
par la montée des pays du tiers monde, a insisté sur la nécessité du respect
de l'autonomie constitutionnelle. Ce respect a été une garantie essentielle

133 Résolutions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa vingtième session, 21 septembre - 22 décembre 1965, documents officiels, supplément N° 14.

134 Résolutions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa vingt-cinquième session, 15 septembre - 17 décembre 1970, documents officiels, supplément N° 28.

135 Résolutions d'intérêt juridique adoptées par l'Assemblée Générale à sa sixième session extraordinaire et à la vingt-neuvième session ordinaire, 9 avril 2 mai 1974 et 17 septembre - 18 décembre 1974, documents officiels (c'est nous qui soulignons).

pour assurer une coexistence pacifique et des relations "amicales" entre des États différents et même antagonistes sur le plan idéologique.

La violation du principe de l'autonomie constitutionnelle des États a été une occasion pour la jurisprudence internationale pour se prononcer sur la question.

B. La confirmation du principe de l'autonomie constitutionnelle par la jurisprudence internationale

La Cour Internationale de Justice a eu à se prononcer sur le principe de l'autonomie constitutionnelle à l'occasion de deux affaires. La première affaire a donné lieu à l'avis consultatif du 16 octobre 1975 concernant le Sahara Occidental (a), la deuxième affaire qui a opposé le Nicaragua aux les États Unis d'Amérique a été à l'origine de l'arrêt rendu le 27 juin 1986 relatif aux activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (b).

a. L'avis consultatif du Sahara Occidental

Dans son avis consultatif concernant le Sahara Occidental, la C.I.J. a affirmé qu'aucune règle de droit international n'exige que l'État ait une structure déterminée, comme le prouve la diversité des structures étatiques qui existent actuellement dans le monde"136.

La confirmation du principe de l'autonomie constitutionnelle est claire dans cet extrait étant donné que la Cour a relevé l'indifférence du droit international à l'égard des régimes politiques des États. Seulement, la référence à "la diversité des structures étatiques qui existent actuellement dans le monde" comme preuve du libre choix du système politique, nous pousse à poser la question de savoir si cette référence à l'ordre politique international peut prouver actuellement cette indifférence ? Nous dirons à

ce propos que si l'ordre juridique international reste encore fondé sur le principe de la souveraineté des États et par conséquent sur le principe de l'autonomie constitutionnelle, les mutations qu'a subies l'ordre politique international nous empêchent d'affirmer que cet ordre est encore marqué par la diversité des structures étatiques. En effet, depuis la dislocation du bloc communiste, la plupart des États semblent adopter le modèle démocratique libéral, du moins au niveau de leur discours politique. Aujourd'hui rares sont les États qui prétendent ne pas avoir un régime démocratique basé sur l'État de Droit et le respect des droits de la personne.

Désormais, ces États renoncent à cette diversité pour suivre un modèle qui tend vers l'universalité.

b. L'arrêt relatif aux activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

La confirmation du principe de l'autonomie constitutionnelle a été plus nette dans l'arrêt rendu par la C.I.J. à l'occasion de l'affaire opposant le Nicaragua et les États Unis d'Amérique. Dans cette affaire, exemple de la politique interventionniste des États Unis, la C.I.J. a affirmé que "les orientations politiques internes d'un État relèvent de la compétence exclusive de celui-ci pour autant, bien entendu, qu'elles ne violent aucune obligation de droit international. Chaque État possède le droit fondamental de choisir et de mettre en oeuvre comme il l'entend son système politique, économique et social"137 . Une affirmation réitérée par la Cour qui a été plus ferme en affirmant que "quelque définition qu'on donne au régime du Nicaragua, l'adhésion d'un État à une doctrine particulière ne constitue pas une violation du droit international coutumier; conclure autrement reviendrait à priver de son sens le principe fondamental de la souveraineté des États sur lequel repose tout le droit international et la liberté qu'un État a de choisir son système politique, social, économique et culturel, (..), La Cour ne saurait concevoir la création d'une règle nouvelle faisant droit à une intervention d'un État contre un autre pour le

137 Arrêt du 27 juin 1986, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (fond), C.I.J., Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, 1986, p. 131, § 258.

motif que celui-ci aurait opté pour une idéologie ou un système politique particulier"138. La Cour a même récusé toute "prétendue règle d'intervention idéologique, qui aurait été d'une nouveauté frappante"139.

Le principe de l'autonomie constitutionnelle permet donc aux États souverains de se doter du système politique qu'ils jugent opportuns, ce choix doit être respecté même s'il ne correspond pas aux préférences d'autres États. Selon la Cour, la seule limite à cette liberté trouve son fondement dans la volonté de l'État lorsque ce dernier s'engage sur le plan international à assumer une obligation quelconque.

Le problème s'est posé dans l'affaire de 1986. Ainsi, lorsque la résolution des Ministres des relations extérieures de l'Organisation des États Américains du 23 Juin 1979 a considéré que l'avenir politique du Nicaragua doit reposer sur l'installation d'un gouvernement démocratique, le respect des droits de l'Homme et l'organisation d'élections libres et lorsque le Nicaragua a manifesté son intention d'organiser des élections libres et de respecter les droits de l'Homme, la C.I.J. a considéré que la résolution citée ainsi que la réponse du Nicaragua n'ont qu'une valeur politique démunie de toute force juridiquel4o.

Si la doctrine est unanime sur l'idée de l'indifférence du droit international vis-à-vis de la forme politique ou constitutionnelle des Étatsl4l, elle n'hésite pas, pour autant, à modérer cette idée du moment que "l'évolution contemporaine incite, (.) à nuancer ce constat d'indifférence du droit à la forme gouvernementale (...) l'affirmation de plus en plus nette du caractère obligatoire de la protection des droits de l'Homme implique l'organisation d'un certain type de rapport entre gouvernants et gouvernés et présente ainsi une incidence sensible sur l'organisation du pouvoir interne comme sur son exercice"142.

138 Ibid., p. 133, § 263.

139 Ibid., p. 134, § 266.

140 Le juge SCHWEBEL a considéré, dans son opinion dissidente, que l'engagement international de l'État n'exige ni la forme écrite ni même une forme particulière solennelle. cf LANG (C), L'affaire Nicaragua / États Unis devant la Cour Internationale de Justice, Paris, L.G.D.J., 1990, pp. 247-248.

141 Cf QUOC DINH (N) et al. op. cit., P. 417. Et DUPUY (P-M), Droit International Public, Précis Dalloz, Paris, 1993, p. 22.

142 DUPUY (P-M), op. cit. loc. cit.

Nous assistons aujourd'hui à un déclin de ce principe avec l'émergence d'un discours et d'une pratique exigeant des États de se conformer à la légalité constitutionnelle et à la légitimité démocratique.

PARAGRAPHE DEUXIÈME

LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE :
UNE NOUVELLE REVENDICATION DE L'O.N.U.

L'idée d'une légitimité démocratique n'est pas tout à fait étrangère à la pratique internationale des États. En effet, le principe de l'autonomie constitutionnelle et donc la liberté du choix du système politique, économique, social et culturel a subi quelques atteintes doctrinales depuis le début de ce siècle. Ainsi, en 1907, le Docteur Tobar a élaboré une doctrine qui exige la non reconnaissance d'un gouvernement issu d'un coup de force et dont la légitimité n'a pas été établie par les élections. De même, la doctrine de la souveraineté limitée de Brejnev prévoit la primauté de l'internationalisme prolétarien sur la souveraineté des États.

Malgré ces atteintes, l'O.N.U. n'a jamais expressément manifesté une préférence pour un régime politique quelconque143. Cette attitude s'explique par l'idée que "Le droit de la coexistence pacifique a même fait de l'absence d'un modèle politique universel une condition sine-qua-non de l'établissement de la paix de la sécurité internationales"144.

143 Nous utilisons le mot expressément parce que l'attitude de l'O.N.U. vis-à-vis de la question espagnole prouve que l'article 4 de la Charte a été utilisé pour refuser la candidature de l'Espagne à devenir Membre de l'O.N.U. en 1946 alors qu'en 1955 cet État a été admis non pas parce qu'il devient pacifique mais parce qu'il est avant tout doté d'un régime anticommuniste.

144 BEN ACHOUR (R), "Égalité souveraine des États, Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et liberté de choix du système politique, économique, culturel et social", in. Solidarité, Égalité, Liberté, (Le livre d'hommage offert à Federico MAYOR), Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 786.

Cet état des choses a manifestement changé lorsque l'O.N.U. a adopté un discours politique faisant du respect de la légalité constitutionnelle et de la démocratie un impératif dans les relations internationales (A). Ce discours s'est traduit en action du moment que l'O.N.U. mène une pratique revendiquant le respect de la légalité constitutionnelle et de la légitimité démocratique (B).

A. Le discours politique de l'O.N.U.

Nonobstant l'affirmation continue des organes de l'O.N.U. du principe de l'égalité souveraine et de celui de l'autonomie constitutionnelle des États, le discours politique de l'Organisation mondiale n'est plus indifférent aux systèmes politiques des États. La préférence qu'a l'O.N.U. pour la démocratie libérale a coïncidé avec le changement de l'ordre politique international en faveur de ce modèle.

Le Secrétaire Général de l'O.N.U., principal auteur de ce discours, semble mettre entre parenthèse le principe de l'autonomie constitutionnelle des États en affirmant que "l'impératif de démocratisation est l'enjeu fondamental de cette fin de siècle. Seule la démocratie, à l'intérieur des États et à l'intérieur de la communauté des États, est le véritable garant des droits de l'Homme. C'est par la démocratie que se réconcilient les droits individuels et les droits collectifs, les droits des peuples et les droits des personnes. C'est par la démocratie que se réconcilient les droits des États et les droits de la communauté des États "145. La démocratie apparaît alors comme la seule valeur politique capable de résoudre les contradictions du droit international. Ce discours a fait écho dans les écrits de certains auteurs qui vont jusqu'à parler d'une "conversion à la démocratie"146. "L'impératif démocratique" a toujours été présenté comme un moyen réalisant les buts des Nations Unies. Ainsi, "les droits de l'Homme sont intimement liés à la manière dont ils gouvernent leurs

145 BOUTROS-GHALI (B), "Déclaration liminaire", in. Conférence Mondiale sur les droits de l'Homme, Nations Unies, 1993, pp. 10-11.

146 Cf BEIGBEDER (Y), "Le contrôle international des élections" op. cit.

peuples, c'est-à-dire encore, au caractère plus ou moins démocratique de leur régime politique"147.

Le Secrétaire Général de l'O.N.U. a, en outre, fait de la démocratie le corollaire du développement. En effet, "La démocratie et le développement sont liés pour diverses raisons fondamentales. Tout d'abord, la démocratie offre la seule solution permettant de concilier, à long terme des intérêts ethniques, religieux et culturels antagonistes tout en minimisant le risque de conflits internes violents. De plus, la démocratie est par définition, un mode de fonctionnement de l'État, qui lui même influe sur tous les aspects des efforts de développement"148.

Devant cette association démocratie - droit de l'Homme et développement, nous ne pouvons que confirmer l'idée que "pour ce qui est de leur mise en oeuvre tout au moins, cet ensemble de valeurs se trouve en situation de contrariété avec les principes les plus avérés de l'ordre politique et de l'ordre juridique internationaux actuels (..) Le trait fondamental et contradictoire à la fois, de l'idéologie "droits de l'Homme - démocratie - développement" est d'un côté, leur vocation à l'universalité, sans laquelle ils perdraient une grande partie de leurs valeurs et de leur signification mais d'un autre côté, le fait que ces valeurs ne peuvent se réaliser qu'à l'échelle de l'État, dans le cadre de l'État et avec la bonne volonté de 1 'État"149.

Le Secrétaire Général de l'O.N.U. n'a pas seulement associé démocratie, droits de l'Homme et développement "Désormais l'exigence démocratique investit le domaine du maintien de la paix en assignant aux opérations des Nations Unies une double mission : La réconciliation nationale et la consolidation démocratique"150. Dans le même sens, Monsieur BoutrosGhali a estimé que "seule la démocratie permet tout à la fois d'arbitrer et de régler, de façon durable, les nombreuses tensions politiques, sociales,

147 BOUTROS-GHALI (B), "Déclaration liminaire", op. cit., p. 9.

148 BOUTROS-GHALI (B), "Agenda pour le développement" mai 1994, p. 24.

149 BELAID (S), "Rapport de synthèse" in. Les nouveaux aspects du Droit International, op. cit., pp. 301-302.

150 (B), "L'O.N.U. et les opérations de maintien de la paix à la

croisée des chemins", in. Relations Internationales et Stratégiques, 1993, N° 11, p. 11.

économiques et ethniques qui menacent sans cesse de déchirer les sociétés et de détruire les États"151.

En conclusion, nous pouvons affirmer que la démocratie constitue aujourd'hui une nouvelle idéologie de l'Organisation mondiale. Une idéologie qui se veut universelle, certes, mais aussi et ce qui est à notre sens frappant, une idéologie qui tend à être ce que le S. G. de l'O.N.U. voudrait appeler "Un droit international de la démocratie"152. Cette dernière idée suscite deux remarques : primo, au plan strictement juridique, l'intégration de la démocratie comme une norme en droit international ne peut se réaliser sans heurter certains principes fortement ancrés en droit tel que le principe de l'autonomie constitutionnelle. Par conséquent, cette intégration "supposerait qu'au préalable, un réajustement profond ait été effectué au niveau des principes de droit international les plus solidement ancrés dans la société internationale"153. Secundo, ce discours comprend la possibilité d'une dérive : la démocratie, comme toute idéologie, risque en effet de se transformer en un nouveau dogme Du reste, "si on ne peut que se féliciter des progrès de l'idée de démocratie dans le monde, dans le sens d'une participation des peuples à la gestion de leurs affaires, (..), on ne doit pas perdre de vue que chaque société élabore son expérience historique à son rythme avec ses erreurs, des hésitations et des adaptations progressives. Il n'existe pas en la matière de normes ou de critères universels, et encore moins un droit des puissances extérieures ou d'un pouvoir hégémonique de les apprécier et d'imposer leur respect"154.

Seulement, il est clair que le discours politique de l'O.N.U. témoigne d'un recul du principe du libre choix du système politique, économique, social et culturel. Ce discours qui a voulu s'adapter à "l'accélération de l'histoire" et aux profondes mutations qu'a connu l'ordre politique international n'est

151 BOUTROS-GHALI (B), "Agenda pour le développement", mai 1994, p. 24.

152 Voir le message adressé par le Secrétaire Général de l'O.N.U. à l'occasion du colloque international organisé par la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis du 11 au 13 avril 1996, ayant pour thème "Harmonie et contradictions en droit international".

153 BELAID (S), "Rapport de synthèse", in. Les nouveaux aspects..., op. cit., p. 303.

154 BENNOUNA (M), "L'obligation juridique dans le monde de l'après-guerre froide", A.F.D.I., 1993, pp. 44-45.

pas resté sans influence sur la nouvelle pratique de l'organisation des Nations Unies.

B. La pratique de l'O.N.U.

La pratique de l'O.N.U. revendiquant la légitimité démocratique s'est surtout concrétisée vis-à-vis des coups d'État.

Avant d'analyser cette pratique, quelques précisions méritent d'être faites.

Pour les constitutionnalistes un coup d'État est "un changement de gouvernants opéré, hors des procédures constitutionnelles en vigueur par une action entreprise au sein même de l'État au niveau de ces dirigeants"155.

Ainsi, pour l'O.N.U., en mettant en cause le gouvernement constitutionnel, le gouvernement issu du coup d'État renverse un gouvernement légitime156. Tout autre est le cas de la révolution qui est "la subversion violente du gouvernement et de l'ordre juridique pour créer une nouvelle société, déjà en gestation sous l'ancien ordre politique "157. Cette subversion, étant faite par le peuple et non par l'une des autorités constituées158, peut être tenue pour légitime.

Cela étant dit, la pratique récente de l'O.N.U. à l'égard des coups d'État constitue une innovation dans le sens où l'Organisation s'est attribuée une tâche nouvelle et non prévue par la Charte.

155(155) LEROY (P), Dictionnaire constitutionnel, dir. DUHAMEL (0) et MENY (Y), Paris, P.U.F., 1992, p. 240.

156 H importe ici de définir la légitimité qui "appliquée à un gouvernement, indique que l'investiture de celui-ci est considérée comme conforme à un principe politique ou moral considéré" BASDEVANT (J), Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris, Sirey, 1960, p. 365.

157 Dictionnaire constitutionnel, dir. DUHAMEL (0) et MENY (Y), Paris, P.U.F., 1992, pp. 935 - 936. Cf : BURDEAU (G), Traiter de science politique, Paris, L.G.D.J, 1984, tome IV, pp. 535 - 568, cf contra KELSEN (H), théorie pure du Droit, Paris, Dalloz, 1962, p. 279.

158 voir AVRIL (P) et GICQUEL (J), Lexique, Droit constitutionnel, Paris, P.U.F., 2ème éd., 1989, p. 114.

A priori, nous pouvons dire que cette attitude condamnant les coups d'État menés contre les régimes librement élus s'explique par la volonté de l'Organisation de rétablir l'ordre constitutionnel et donc la légalité dans ces États. Seule une analyse de cette pratique nous permettra de savoir si l'O.N.U. récuse toute prise du pouvoir par la force ou seulement le renversement des régimes qu'elle juge démocratiques.

Nous proposons alors d'étudier successivement trois cas de coups d'État similaires où la réaction de l'O.N.U. a été différente : Le cas haïtien (a), le cas du Burundi (b), et le cas du Niger (c).

a. Le cas haïtien

Notre propos ici n'est pas de résumer l'action de l'O.N.U. dans cet État dans toutes ses dimensions mais plutôt de relever les aspects indiquant cette revendication de la légitimité démocratique.

Indépendante de la France depuis 1804, la République haïtienne est l'un des pays les plus pauvres de l'Amérique latine. Son histoire est marquée par des crises politiques et économiques continues. Depuis son arrivée au pouvoir en 1957, François Duvalier a institué une véritable dictature appuyée par les américains159 et poursuivie par son fils Jean Claude Duvalier. Ce dernier s'est exilé en 1986 après avoir échoué à résoudre la crise économique et politique de l'État. Depuis l'adoption de la constitution haïtienne par référendum en 1987, l'histoire politique de cet État n'est qu'une succession de coups d'État160.

Les élections haïtiennes qui se sont déroulées sous le contrôle de l'O.N.U. ont abouti à l'élection du Président Jean - Bertrand Aristide le 16 décembre 1990 avec une majorité de 67% des voix. Entré en fonction le sept février

159 Voir "Mémo" Larousse, 1990, p. 545.

160 En 1987 le Général Namphy prend le pouvoir, en 1988 Leslie Manigat est renversée quelques mois après son élection par le Général Namphy lui même reversé par le Général Prosper Avril qui quitte le pays en 1990. En cette date Mme. Ertha Pascal Trouillot a été nommée Président de la République haïtienne.

1991, le Père Aristide a été renversé par un coup d'État mené par le Général Raoul Cédras le 30 septembre 1991.

Ce même jour, et au niveau régional, le Conseil permanent de l'Organisation des États Américains a condamné ce coup d'État exigeant le respect de la constitution et du gouvernement légitime ainsi que l'intégrité physique du Président Aristide et des droits du peuple haïtien. De même, les Ministres des relations extérieures de l'O.E.A. ont adopté une résolution en date du 3 octobre 1991 condamnant le coup d'État et exigeant le rétablissement immédiat de l'autorité du Président Aristide. Par ailleurs, la résolution a recommandé l'isolement économique, financier et diplomatique des autorités de faite en Haïti.

Le 8 octobre, une résolution du même organe vient renforcer sa précédente en condamnant le remplacement illégal du Président Aristide et déclarant inacceptable tout gouvernement résultant de cette situation, la résolution a, en plus, décidé le gel des avoirs financiers de l'État haïtien et l'application d'un embargo commercial, sauf pour l'aide humanitaire. A la demande d'Aristide, cette résolution a décidé d'envoyer une mission civile chargée de rétablir et de renforcer la démocratie constitutionnelle en Haïti161.

La pratique de l'O.E.A. vis-à-vis de ce coup d'État n'est pas surprenante. En effet, pour cette Organisation, la défense des régimes démocratiques est une obligation pour les États Membres puisque la Charte de l'O.E.A. a opté pour la démocratie. Il paraît donc "normal que dans la crise haïtienne l'O.E.A. joue un rôle premier, ne serait ce que pour des considérations géographiques. Pourtant(...), cette raison n'a pas été déterminante pour l'O.E.A. qui insiste bien davantage sur la spécificité de sa Charte et des dispositions qu'elle contient en faveur du soutien aux régimes démocratiques sur lesquelles le Secrétaire Général s'appuie pour justifier le rôle moteur que l'O.E.A. doit jouer dans la gestion de cette crise "162.

La situation est différente pour l'Organisation des Nations Unis. Si nous
admettons que "le remplacement d'un gouvernement par un autre

161 Voir les Nations Unis et la situation en Haïti, documents officieux publiés par le département de l'information publique de l'Organisation des Nations Unis, mars 1985, pp. 1 -2.

162 QUOC DINH (N), op. cit., p. 542.

n'intéresse pas, en principe, les autres États" et que "toute prise de position négative serait analysée comme une ingérence dans les affaires intérieures de l'État, à tout le moins comme un geste inamical "163; à plus forte raison l'O.N.U., qui n'est que l'ensemble de ces États ne doit donc pas prendre position à l'égard des coups d'État dès lors que la nouvelle autorité exerce un pouvoir effectif et que l'État respecte ses engagements internationaux.

Tel n'a pas été le cas dans l'affaire haïtienne puisqu'immédiatement après le renversement du Président Aristide, le Secrétaire Général de l'O.N.U. ainsi que, le président du Conseil de Sécurité ont fait une déclaration exprimant leur espoir de voir le processus démocratique se poursuivre conformément à la constitution. Le 3 octobre, une déclaration du président du Conseil de Sécurité a réitéré sa condamnation du coup d'État en demandant le rétablissement du gouvernement légitime. Par ailleurs, le rétablissement de l'ordre constitutionnel en Haïti, a fait l'objet des résolutions de l'organe plénier de l'O.N.U. En effet, par la résolution 46/7 adoptée par consensus le 11 octobre 1991, l'A.G de l'O.N.0 a rappelé son soutien au peuple haïtien pour consolider ses institutions démocratiques et pour tenir des élections libres. C'est dans cette perspective que se situe l'affirmation que "Les Nations Unis sont d'autant plus fondées à se saisir de la situation que, d'une certaine manière, on peut considérer que la crédibilité de l'Organisation est en jeu et qu'elle se doit de réagir vivement en présence d'une situation qui ruine son action antérieure "164.

Dans la résolution 46/7 l'Assemblée Générale de l'O.N.U. "préoccupée par les événements graves survenus en Haïti depuis le 29 septembre 1991, qui ont causé une interruption brutale et violente du processus démocratique dans ce pays, entraînant des violations des droits de l'Homme et des pertes en vies humaines, (..) Considérant qu'il importe que la communauté internationale appuie le développement de la démocratie en Haïti, lequel passe par un renforcement des institutions du pays et par une attention prioritaire accordée aux graves problèmes sociaux et culturels auxquels il se heurte,

163 DAUDET (Y), "l'O.N.U. et l'O.E.A. en Haïti et le Droit Internationale", 1992, p. 90.

164 DAUDET (Y), "l'O.N.U. et l'O.E.A....", art.cit., p. 92.

Consciente que, conformément à la Charte des Nations Unies, l'Organisation s'attache à encourager le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales pour tous et qu'aux termes de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme "la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics";

- 1- Condamne énergiquement tant la tentative de remplacer illégalement le président constitutionnel d'Haïti que l'emploi de la violence, la coercition militaire et la violation des droits de l'Homme dans ce pays;

- 2 - Déclare inacceptable toute entité issue de cette situation illégale et exige sur le champ le rétablissement du gouvernement légitime du Président Jean -Bertrand Aristide, ainsi qu'un retour à la pleine application de la constitution nationale et, partant, au respect intégral des droits de l'Homme en Haïti "165.

Si nous nous bornons à l'analyse de la condamnation du renversement illégale du Président constitutionnel, nous pouvons affirmer, a priori, qu'il s'agit là d'une remise en cause du droit de l'État à l'autonomie constitutionnelle et du droit du peuple à l'autodétermination, du moins par rapport aux puissances extérieures. Or, dans le cas haïtien, depuis le coup d'État; il y a eu une incompatibilité entre le droit de l'État et celui du peuple qui a déjà fait son choix politique par des élections libres.

L'O.N.U. semble dépasser cette contradiction, inhérente au droit international, en faisant prévaloir le droit du peuple. Toutefois, on se pose la question de savoir si l'O.N.U. aurait réagi de la même manière si le gouvernement renversé n'avait pas opté pour le régime démocratique.

Il est vrai que la résolution 46/7 a exigé le rétablissement de l'ordre constitutionnel et donc de la légalité constitutionnelle mais elle a surtout exigé le rétablissement d'un ordre constitutionnel basé sur les valeurs démocratiques. Ainsi, nous passons de la légalité constitutionnelle à la légitimité démocratique. La première exige le rétablissement du pouvoir choisi par le peuple, quel qu'il soit. La deuxième exige le rétablissement

165 Résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa quarante sixième session, volume I, 17 septembre - 20 décembre 1991, documents officiels, supplément n°49.

d'un pouvoir jugé démocratique. Pourtant, nous remarquons que dans le discours de l'O.N.U., ces deux expressions sont équivalentes.

Désormais, le rétablissement de la démocratie doit être appuyé par la communauté internationale "expression curieuse par laquelle l'Assemblée ne peut désigner l'ensemble des États puisque parmi eux se trouvent des États qui ne sont ni se réclament de la démocratie libérale. Elle désigne probablement la communauté des États démocratiques ce qui est une singulière conception de la "communauté internationale" "166.

Il est donc clair que la résolution, objet de ce commentaire, constitue une innovation dans la mesure où elle opte expressément pour la légitimité démocratique qui n'est - selon l'A.G - que la conséquence immédiate des droits civils et politiques de l'Homme

Si on se limite à cette résolution, nous pouvons confirmer que "la résolution de l'Assemblée Générale, tout en étant révélatrice d'un certain état des rapports de force à l'échelle internationale, n'est pas obligatoire en elle-même, et en l'état actuel de la pratique internationale, elle ne déclare pas non plus une coutume générale "167.

Seulement, la reprise de cette résolution par l'Assemblée Générale de l'O.N.U. à chacune de ses sessions ultérieures et la revendication constante du rétablissement de la démocratie en Haïti, nous pousse à nuancer cette affirmation d'autant plus que "La situation de la démocratie et des droits de l'Homme en Haïti" a fait l'objet de la résolution 47/20 A.G/O.N.U.(XXXXVII) du 24 novembre 1992, de la résolution 48/27 A.G/O.N.0 (XXXXVIII) du 20 décembre 1993 et de la résolution 49/27 A.G/O.N.0 (XXXXIX) du 5 décembre 1994. Cette dernière bien qu'adoptée après le rétablissement de l'ordre constitutionnel a décidé d'inscrire la question relative à la démocratie et aux droits de l'Homme en Haïti à l'ordre du jour provisoire de sa cinquantième session.

La répétition des résolutions relatives à la démocratie en Haïti va dans le sens de l'émergence d'une coutume condamnant les coups d'État menés contre les gouvernements démocratiques.

166 LAGHMANI (S), art.cit.p. 262.

167 Ibidloc cit.

Cette condamnation prouve, en outre, l'attachement de l'O.N.U. à rétablir la démocratie en Haïti. Cependant, autre a été le degré de cet attachement dans l'affaire du Burundi.

b. Le cas burundais

Plus grave que celui d'Haïti, le coup d'État survenu au Burundi le 21 octobre 1993 a renversé le Président Melchior Ndadaye entraînant ainsi sa mort et celle d'autres personnalités.

Engagé dans un processus démocratique par la constitution du 13 mars 1992, le Burundi a été présidé par un membre de l'ethnie des Hutus démocratiquement élu. Ces élections ont permis au peuple burundais de mettre fin à la domination de la minorité tutsie.

Le coup d'État a provoqué la déstabilisation du pays et des massacres ethniques. Le 29 octobre le Haut Commissariat pour les Réfugiés annonce que déjà 600 000 burundais avaient fui leur pays168.

Les réactions relatives à ce coup d'État se sont multipliées sur le plan international : les États Unis d'Amérique ont suspendu leur programme d'aide à ce pays, l'Union Européenne et l'Allemagne ont condamné cet acte, la France, quant à elle, a revendiqué le retour à la légalité169.

Au niveau régional, l'Organisation de l'Unité Africaine a décidé d'envoyer au Burundi un contingent de 200 personnes. De même, et à la demande du gouvernement burundais, l'Organisation de l'Unité Africaine a décidé le 19 novembre 1993 d'établir une Commission internationale pour enquêter sur le coup d'État170.

Pour ce qui est de l'O.N.U, immédiatement après ce coup d'État, le
Secrétaire Général de 1 'Organisation a désigné un envoyé spécial chargé
"d'une mission de bons offices pour faciliter le rétablissement

168Cf TORELLI (M) et al, chronique des faits internationaux, in. R. G.D.I.P., 1994, volume I, pp. 135-136.

169 Ibid. op. cit.

170 Ibid., p. 190.

constitutionnel au Burundi et définir les activités que l'Organisation des Nations Unis pourrait entreprendre à cet effet "171.

Le 3 novembre 1993, l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies a adopté la résolution 48/17 concernant la situation au Burundi dans laquelle elle s'est déclarée :

"Profondément préoccupée par le coup d'État militaire survenu au Burundi le 21 octobre 1993, (..)

Très gravement inquiète des conséquences dramatiques du coup d'État qui plonge le Burundi dans les violences, entraînant ainsi des morts, des déplacements massifs des populations avec des répercutions régionales importantes". Par conséquent, l'Assemblée Générale,

" -1- condamne sans réserve le coup de force qui a causé une interruption brutale et violente du processus démocratique engagé au Burundi;

- 2- Exige que les putschistes déposent les armes et retournent dans leurs casernes;

- 3- Exige également la restauration immédiate de la démocratie et du régime constitutionnel;

- 4- Appuie les efforts déployés par le Secrétaires Général, l'Organisation de l'Unité Africaine et les pays la région pour favoriser le retour à l'ordre constitutionnel et la protection des institutions démocratiques au Burundi;

( ..) -7- Décide de rester saisie de la question jusqu'à ce que soit trouvée une solution à la crise "172.

Encore une fois, l'Assemblée Générale condamne le coup d'État qui a rompu le processus démocratique et exige par conséquent le rétablissement de l'ordre constitutionnel et le rétablissement de la démocratie.

171 BOUTROS - GHALI (B), Rapport du Secrétaire Général sur l'activité de l'organisation, "Pour la paix et le développement", 1994, p. 188.

172 Résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa quarante huitième session, volume I, 21 septembre - 23 décembre 1993, documents officiels, supplément n°49.

Contrairement à cette attitude ferme de l'Assemblée Générale, le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. s'est contenté d'une Déclaration prononcée par son président en date du 25 octobre 1993 dans laquelle :

"Le Conseil de sécurité déplore vivement et réprouve le coup d'État militaire du 21 octobre 1993 contre le gouvernement démocratiquement élu au Burundi,

Le Conseil de sécurité condamne avec force les actes de violence commis par les auteurs du coup d'État et regrette profondément les pertes en vies humaines qui en ont résulté. Il exige que les intéressés s'abstiennent désormais de tout acte qui exacerberait la tension et susciterait une violence encore accrue et de nouvelles effusions de sang qui pourraient avoir des conséquences graves pour la paix et la stabilité dans la région.

Le Conseil de sécurité exige que les auteurs du coup d'État cessent tous actes de violence, fassent savoir où se trouvent les personnalités officielles et ce qu'il est advenu d'elles, libèrent tous les prisonniers, regagnent leurs casernes et mettent fin sur le champ à leur acte illégal, en vue du rétablissement immédiat de la démocratie et du régime constitutionnel au Burundi;

Le Conseil de sécurité rend hommage au président du Burundi S.E.M. Melchior Ndadaye, et aux membres de son gouvernement qui ont sacrifié leur vie à la démocratie. Les responsables de leur mort violente et autres actes de violence devraient être traduits en justice.

Le Conseil de sécurité prie le Secrétaire Général de suivre de près la situation au Burundi, en étroite association avec l'Organisation de l'Unité Africaine (O. U.A.), et de lui faire un rapport d'urgence à ce sujet. Dans ce contexte, il note avec satisfaction que le Secrétaire Général a dépêché un envoyé spécial au Burundi. Le conseil demeurera saisi de la question"173.

Malgré cette revendication du rétablissement de la démocratie par le Conseil de Sécurité, ce dernier a refusé de créer une nouvelle opération de maintien de la paix pour le Burundi. L'envoyé spécial du S. G. des Nations Unies à Bujumbura a indiqué que "le Conseil de Sécurité n'a aucune

173 Documents d'actualité internationale, 15 décembre 1993, N° 24, p. 534.

intention de créer une nouvelle opération de maintien de la paix pour le Burundi. M J. Jonah, secrétaire général adjoint a considéré que ce refus "réduit considérablement les chances de la démocratie dans ce pays". Certains commentateurs ont déclaré, à ce propos, que la délégation américaine "ne veut même plus entendre parler d'une nouvelle force "5174. Il s'est alors limité à envoyer une commission d'enquête du 7 novembre 1993.

Après l'échec du coup d'État au Burundi un nouveau Président a été élu en janvier 1994. Entre mai et avril 1994, le S. G. de l'Organisation a désigné une équipe chargée d'établir les faits au Burundi.

L'action de l'O.N.U. en vue de rétablir la démocratie au Burundi ne s'est donc pas arrêtée avec le rétablissement de l'ordre constitutionnel. Les déclarations du C. S. exigeant le rétablissement de la démocratie se sont multipliées. Ainsi, par sa déclaration du 29 juillet 1994, le président du Conseil de Sécurité a apporté son soutien au dialogue politiquel75.

Par sa déclaration du 21 octobre 1994 relative à la situation au Burundi, "Le conseil de sécurité a examiné la situation au Burundi... Il accueille avec une vive satisfaction l'élection et l'entrée en fonctions du Président, la confirmation du Premier Ministre dans ses fonctions et la constitution du nouveau gouvernement de coalition. Il y voit un important progrès vers la stabilisation de la situation au Burundi. Il demande à toute partie burundaise de concourir au rétablissement de la démocratie et de stabilité"176.

La pratique de l'O.N.U. vis-à-vis du coup d'État du Burundi prouve l'engagement de l'O.N.U. à rétablir les régimes issus d'élections libres et donc bénéficiant d'une légitimité démocratique.

Cependant, une remarque s'impose à propos de cette pratique : s'il est vrai
qu'aussi bien l'A.G. que le C. S. de l'O.N.U. ont énergiquement revendiqué

174 Cf TORELLI (M) et al., "Chronique de faits internationaux", R. G.D.LP., 1994, volume I, p. 186.

175 BOUTROS-GHALI (B), "Pour la paix et le développement", 1994, Rapport annuel sur l'activité de l'Organisation, pp. 188-192.

176 Résolutions et déclarations du Conseil de Sécurité, 1994, documents officiels.

ce retour à la légalité constitutionnelle et à ce rétablissement de la démocratie en Haïti et au Burundi, dans ce dernier cas la pratique de l'O.N.U. a été moins contraignante puisque le C. S. n'a pas jugé nécessaire d'assister le Burundi par les casques bleues et s'est contenté d'adopter des déclarations. D'ailleurs, dans une Déclaration du 9 mars 1995 et devant le climat d'insécurité régnant au Burundi, l'organe restreint de l'O.N.0 a avoué que "L'impunité était un problème fondamental au Burundi"177.

Nous le constatons donc, devant de cas pareils, l'O.N.U. a agi différemment cela "ne peut s'expliquer que par le peu d'intérêt qu'ont les membres du Conseil de Sécurité et notamment, les membres permanents à s'impliquer directement dans la situation. A la différence de Haïti, le Burundi n'est pas un pays voisin des États Unis d'Amérique"178.

c. Le cas du Niger

Au Niger, le 27 janvier 1996, un coup d'État a renversé le Président Mohamane Ousmane, premier Chef d'État démocratiquement élu en avril 1993, entraînant ainsi la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée Nationale et la suspension des partis politiques. Ce coup d'État a donc mis "entre parenthèses trois ans de pluralisme marqué par une cohabitation plus que difficile entre le Président Ousmane et son Premier Ministre et adversaire politique, Hama Amadou"179.

En réagissant contre ce coup d'État militaire, la France a suspendu sa coopération civile et militaire avec le Niger, les États Unis d'Amérique ont suspendu leur aide à ce pays. De son côté, le Danemark a interrompu toute assistance au Niger afin de contraindre les militaires à rétablir l'ordre constitutionne1180.

Les déclarations des États condamnant le coup d'État nigérien n'ont pas
seulement émané des pays occidentaux traditionnellement attachés aux
principes démocratiques. En effet, au niveau régional, le Bénin ainsi que le

177 Voir Chronique. O.N. U., juin 1995, Volume XXXII, N° 2, p. 9.

178 LAGHMANI (S), art.cit., p. 266.

179 Voir La Presse du 29 janvier 1996, p. 1 et 6.

180 Voir La Presse du 30 janvier 1996, p. 1 et 8.

Mali ont récusé ce coup de force qui a interrompu le processus démocratique. Le Mali a condamné cet "acte illégal qui porte un sérieux coup à la marche du processus démocratique en Afrique" en invitant la communauté internationale "à prendre toutes les mesures pour le retour de l'ordre constitutionnel normal au Niger"181.

Par un communiqué de son ministère des affaires étrangères, la Tunisie a déclaré unilatéralement qu'elle "a appris avec vive préoccupation la nouvelle du coup d'État militaire intervenu au Niger. Tout en regrettant les pertes en vies humaines et les arrestations qui s'ensuivirent, la Tunisie exprime son indignation face au renversement par la force d'un régime élu. La Tunisie qui accorde une grande importance à la stabilité et à l'enracinement des valeurs démocratiques en Afrique, appelle au retour de la légalité constitutionnelle au Niger frère"182.

Malgré cette multiplication des déclarations unilatérales des États, l'Organisa des Nations Unies, qui s'est mobilisée pendant trois ans pour rétablir la démocratie en Haïti, s'est contentée d'une déclaration prononcée par son Secrétaire Général qui a "fermement condamné" le coup d'État et "espère sincèrement que le pays retrouvera bientôt une situation normale fondée sur le processus démocratique"183.

Cette réaction timide de l'O.N.U. face au coup d'État du Niger ne peut que prouver la pratique incontestablement sélective de cette Organisation en vue de rétablir la démocratie. Dans des situations identiques, le degré de l'engagement de l'O.N.U. pour rétablir la démocratie n'a pas été le même. Le Conseil de Sécurité de l'Organisation Mondiale a activement agi dans le cas d'Haïti, beaucoup moins dans celui de Burundi alors qu'au Niger il n'a pas jugé opportun de le faire. Nous ne pouvons alors que confirmer qu' "il y a dans cette politique des poids et des mesures tout le danger qui pourrait résulter d'un Conseil de sécurité qui s'érigerait comme le gardien de la démocratie dans le monde"184.

181 Voir La Presse du 30 janvier 1996, p. 1 et 8.

182 Voir La Presse du 30 janvier 1996, p. 8.

183 Ibid .loc cit

184 LAGHMANI (S), art., cit., p. 266.

Par ailleurs, il importe de signaler que suite au coup d'État survenu aux Comores le 29 septembre 1995, le Secrétaire Général de l'O.N.U. s'est limité à condamner ce coup de force en exigeant la libération du Président Comorien et des autres dirigeants détenusl85.

L'attitude générale de l'O.N.U. condamnant les coups d'États contre les régimes démocratiquement élus témoigne de l'attachement de l'Organisation des Nations Unies à rétablir la démocratie lorsque celle-ci est réduite à néant par un coup d'État.

Au niveau international et indépendamment de l'Organisation des Nations Unies, les déclarations unilatérales non seulement des pays occidentaux mais aussi celles de certains pays du sud renforcent l'idée selon laquelle nous assistons probablement à l'émergence d'une pratique constituant l'élément matériel d'une coutume internationale qui condamne tout régime issu d'un coup d'État contre un gouvernement démocratiquement élu.

Reste à savoir si cette coutume s'affirme à l'encontre des principes du droit international.

SECTION DEUXIÈME

LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE CIRCONSCRITE
PAR LA LÉGALITÉ INTERNATIONALE

Le principe est que l'Organisation des Nations Unies ne peut agir que conformément au droit international et notamment à sa Charte. Or, le droit international est fondé sur la volonté des États, sur leur égalité souveraine et sur le principe de l'autonomie constitutionnelle de ces États. Ce dernier principe suppose l'interdiction de toute ingérence dans les affaires intérieures des États tel que le choix de leur système politique, économique, social et culturel.

Toutefois, l'étude de la pratique de l'Organisation des Nations Unies en
Haïti nous permet de constater que l'O.N.U. n'a fermement agi pour

185 Voir Le Monde du 6 octobre 1995, p. 2.

rétablir la démocratie dans ce pays que parce qu'elle a trouvé dans le droit international les éléments qui lui ont permis une telle action.

En effet, l'étude du cas haïtien nous permet d'affirmer que l'action de l'O.N.U. en vue de rétablir la démocratie ne s'est pas totalement détachée des principes régissant le droit international.

Avant d'étudier la pratique contraignante de l'O.N.U. en Haïti (paragraphe II), nous essayerons de relever les fondements juridiques qui peuvent justifier cette action (paragraphe I).

PREMIER PARAGRAPHE

LES FONDEMENTS DE L'ACTION DE L'O.N.U.
EN VUE DE RÉTABLIR LA DÉMOCRATIE EN HAÏTI

A priori, nous pouvons affirmer que le principe de l'autonomie constitutionnelle reconnu aux États, fait obstacle à toute intervention visant à influencer les choix politiques, économiques, sociaux et culturels de ces États. Cependant, pendant longtemps une donnée fondamentale a été "refoulée" : l'État qui bénéficie de cette autonomie est sensé avoir l'approbation de son peuple. Le libre choix du système politique appartient à l'État, certes, mais dans la mesure où ce dernier exerce ce droit conformément au choix de son peuple186. Les conflits qui naissent entre les peuples et leur propre appareil d'État font surgir l'ambivalence du droit international qui reconnaît le libre choix du système politique tantôt au peuple, tantôt à l'État.

La pratique de l'O.N.U. en Haïti a fait prévaloir le droit du peuple sur celui de l'État. Cette attitude peut s'expliquer par l'idée qu'un coup d'État contre un gouvernement légal et légitime constitue une négation du droit du peuple au libre choix de son système politique et de ses gouvernants (A). Si ce peuple s'est prononcé pour le régime démocratique, le rétablissement de la démocratie constitue dans ce cas une consécration du droit de ce peuple au libre choix de son système politique (B).

186 Voir La résolution 3281 AG/O.N.U. (XXIX) du 12 décembre 1974, op. cit.

A. Le coup d'État contre un régime librement élu : une négation du droit du peuple à l'autodétermination

Depuis sa naissance, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a été frappé d'ambiguïté. Alors que Lénine présentait ce droit comme impliquant le droit à la décolonisation, Wilson déduisait de ce droit que les pouvoirs des gouvernements doivent être fondés sur le consentement du peuple187.

Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a été consacré par le droit international positif depuis 1945. En effet, l'article premier de la Charte de l'O.N.U. dispose que "Les buts des Nations Unies sont les suivants... - 2 - Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes...". Un droit positif, le droit des peuples à disposer d'eux- mêmes n'a pu se développer et se concrétiser qu'avec le changement de l'équilibre politique au sein de l'Assemblée Générale de l'O.N.U. en faveur des pays du tiers monde assistés par les pays socialistes Ainsi "lorsqu'en 1945, les Nations Unies inscrivent dans leur Charte le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes au nombre des principes éthiques devant guider leur action et d'en faire un droit, il apparaît - alors que la guerre froide n'a pas encore commencé - que la décolonisation sera le grand problème, le plus aigu et le plus brûlant, qu'aura à régler la société internationale au lendemain de la guerre. Dès ce moment, le droit des peuples devient avant tout celui des populations colonisées à se constituer en États indépendants"188.

Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a donc été à l'origine de l'action de l'O.N.U. afin de mettre fin à la décolonisation. C'est dans cette perspective que la résolution 1514 adoptée par l'A.G. de l'O.N.U. le 14 décembre 1960 dispose que "- 2 - Tous les peuples ont le droit de libre détermination, en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut

187 Voir CASSESE (A), Commentaire de l'article 1 (§ 2) de la Charte des Nations Unies, in. La Charte des Nations Unies, Commentaire article par article, dir. COT (J- P) et PELLET (A), Paris, Economica, Bruxelles, Bruylant, 1985, pp. 38-54.

188 ARDANT (Ph), "Que reste-t-il du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ?" Pouvoirs, 1991, N° 57, p. 45.

politique et poursuivre librement leur développement économique, social et culturel"189.

Pendant longtemps, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes n'a pu s'affirmer que contre la domination étrangère, la colonisation et le régime de l'apartheid. Aujourd'hui que la plupart des États ont acquis une égalité souveraine au niveau international "une question va alors se poser bientôt : Après son triomphe dans l'abolition des liens coloniaux le droit des peuples a-t-il encore un rôle à jouer ?"190.

Si nous admettons que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est une "formule qui, lorsqu'elle est appliquée à un État, énonce, l'intention de respecter l'indépendance de celui-ci"191 nous devons alors dire que du moment où cette indépendance est acquise, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes n'aurait plus une raison d'être d'autant plus que "la souveraineté, c'est le droit des peuples à son stade de réalisation"192.

Seulement, inséré dans un document relatif aux droits de l'Homme, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes pourrait avoir une autre signification. En effet, l'article premier commun aux pactes des droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels dispose que "tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes, en vertu de ce droit ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel". Cet article, qui reprend les termes de la résolution 1514, s'est référé aux peuples, à tous les peuples. Il en découle que ce droit appartient même aux peuples déjà constitués en État.

"Après ce pas en avant un pas en arrière"193 est effectué par la résolution 2625 qui a prévu que " chaque État a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel". Bref, ambivalent depuis sa naissance, le droit des peuples à disposer d'eux-

189 Résolutions adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa quinzième session, volume I, 20 septembre - 20 décembre 1960, documents officiels, supplément N° 16.

190 (Ph), art. cit., p. 46.

191 BASDEVANT (J), Dictionnaire de la terminologie du Droit International, op. cit., p. 233.

192 CHAUMONT (Ch), Cours Général de Droit International Public, R.C.A.D.I., 1970, p. 390.

193 JOUVE (E), Le droit des peuples, Paris, P.U.F., 1992, p. 82.

mêmes a été interprété par l'O.N.U. en faveur des États, les aspirations des peuples ou leurs conflits avec leur propre appareil d'État ne concernaient pas l'Organisation mondiale. Cette Organisation "issue des États, avait le choix entre deux solutions : ruser avec eux ou prendre leur défense. Elle paraît avoir retenu la première formule"194. Cela n'est plus tout à fait le cas aujourd'hui. Désormais, le droit des peuples au libre choix de leur système politique, économique, social et culturel pourrait s'exercer contre l'État en cas de sa méconnaissance par ce dernier.

Cette hypothèse s'est vérifiée dans le cas haïtien : par le moyen d'élections libres, le peuple haïtien a fait son choix qui a mené au pouvoir le Président Aristide. Le libre choix du peuple haïtien de son système politique a donné naissance à un régime bénéficiant d'une légitimité démocratique. Le coup d'État qui est survenu contre ce gouvernement issu de la volonté du peuple a donc constitué une négation des droits politiques de l'Homme consacrés par la D.U. D.H. et du droit du peuple haïtien au libre choix de son système politique et précisément de son droit à la démocratie. Par conséquent, le rétablissement de cette démocratie sera conforme au droit du peuple au libre choix de son système politique.

B. Le rétablissement de la démocratie : une consécration du droit du peuple à l'autodétermination

Oscar SCHACHTER s'est posé la question suivante "y a-t-il un droit à renverser un gouvernement illégitime"?195 Nous posons la question inverse y a-t-il un droit de rétablir un gouvernement légitime ? Ces deux questions posent en fait un même problème puisque dans les deux cas il y a un conflit entre le droit du peuple et celui de l'État.

Dans la plupart des résolutions adoptées par l'A.G. concernant l'affaire haïtienne, l'O.N.U. rappelle que conformément à la Charte elle "s ' attache à encourager le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales pour tous", elle rappelle en outre les termes de l'article 21 (3) de la

194 Ibid., p. 101.

195 "Is there a right to overthrow an illegitimate regime ?" in. Mélanges VIRALLY (M), Paris, A Pedone, 1991, pp. 423-430.

D.U.D.H. selon lesquels "la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics". De cette manière, l'action de l'O.N.U. en vue de rétablir la démocratie pourrait être fondée sur l'idée que c'est le droit du peuple à la démocratie qui a été protégé. Par conséquent, cette action ne porte nullement atteinte au droit à l'autodétermination interne.

Seulement, une remarque s'impose à cet égard : cette interprétation comporte le risque d'une dérive. Contrairement à l'État, un peuple peut ne pas avoir la possibilité et /ou la volonté de s'exprimer. En plus, cette dérive peut exister d'abord, parce que les cas où le droit des peuples au libre de choix de leur système politique a été "confisqué" par les États ne sont pas rares. L'O.N.0 pourrait alors dénoncer ou condamner tous les gouvernements qu'elle juge illégitimes. Ensuite, parce que le droit des peuples à l'autodétermination a été à l'origine d'une politique interventionniste de certains États. Ainsi, comme l'a justement relevé Oscar SCHACHTER, l'intervention des États Unis à Grenade en 1983, au Panama en 1989, celle de l'Union Soviétique en Afghanistan en 1979 ainsi que celle du Vietnam au Cambodge en 1978; ont été justifiées par une prétendue illégitimité des gouvernements concernés196. Enfin, parce que la pratique de l'O.N.U. en vue de protéger le droit des peuples à l'autodétermination interne qui s'exprime par le libre choix du système politique, économique, social et culturel, est une pratique sélective qui dépend des rapports de forces au sein de l'Organisation et des intérêts des grandes puissances. Nos développements antérieurs nous ont permis de voir que l'O.N.U. a sévèrement agit devant l'interruption du processus démocratique en Haïti alors que dans des cas similaires elle n'a pas jugé opportun de le faire.

Mohamed BENNOUNA a prévu une autre éventualité en posant la question "Qu'en est-il lorsque l'urne génère des forces dont l'ambition proclamée est de la faire saccager définitivement ? "197. Dans ce cas, l'O.N.U. n'a pas jugé nécessaire de protéger le droit du peuple au libre choix de son système politique, l'interruption du processus démocratique par l'annulation des élections en Algérie n'a pas été appréciée, par l'O.N.U., comme contraire à la volonté du peuple.

196 "Is there a right to overthrow an illegitimate regime ?" art. cit., p. 424.

197 "L'obligation juridique dans le monde de l'après-guerre froide", art. cit., p. 45.

La pratique récente de l'O.N.U. nous permet d'affirmer que le droit des peuples n'est évoqué qu'en cas de coup d'État contre les gouvernements librement élus. Une conception purement Wilsonienne du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Du reste, le droit international positif n'a pas consacré une légitimité démocratique, il a seulement prévu, dans la D.U.D.H., que c'est la volonté du peuple qui fonde l'autorité des pouvoirs publics. Que ce peuple choisisse la démocratie libérale ou tout autre modèle politique, le droit international est indifférent. D'ailleurs, même lorsqu'un État nie la volonté de son peuple, il y a une "obligation pour les tiers de laisser le peuple de cet État régler lui même les contestations qui s'élèvent en son sein, en ce sens que la position du gouvernement établi n'est juridiquement ni meilleure, ni plus mauvaise, vis-à-vis des tiers que celle des insurgés"198.

C'est à notre sens la seule manière pour éviter toute dérive d'une Organisation fondée sur le principe de la souveraineté des États Membres. En vérité, le droit international contemporain a toujours considéré que la souveraineté des États émane de la volonté des peuples. Seulement, ce n'est qu'à la suite de l'échec des régimes communistes que l'O.N.U. commence à s'intéresser à la volonté des peuples lorsque cette dernière s'affirme contre l'État. En effet, "l'idée d'une conformité des régimes politique n'a fait son entrée dans les instances des Nations Unies qu'à la faveur de la renonciation de l'Union Soviétique à son rôle de superpuissance"199.

En définitive, la réponse à la question de savoir si l'O.N.U. a un droit à rétablir la démocratie dans des États souverains ne peut être que nuancée.

Une certaine conception du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes peut fonder ce droit. Reste à savoir si cette conception autorise l'O.N.U. à utiliser la contrainte contre un État en vue de rétablir la démocratie. La pratique de l'O.N.U. nous offre un seul cas où elle a utilisé la contrainte pour rétablir la démocratie, à savoir le cas haïtien.

198 CHAUMONT (Ch), Cours Général de Droit International Public, 1970,

volume I, p. 406.

199 BENNOUNA (M), art. cit., p. 45.

PARAGRAPHE DEUXIÈME

L'ACTION DE L'O.N.U.
EN VUE DE RÉTABLIR LA DÉMOCRATIE EN HAÏTI

Les développements antérieurs nous ont permis de relever que l'O.N.U. a fortement condamné le coup d'État qui a rompu le processus démocratique en Haïti. Au début, cette condamnation a surtout émané de l'organe plénier de l'O.N.U. A ce stade, l'engagement de l'Organisation mondiale afin de rétablir la démocratie n'a pas eu d'implications concrètes. Ce n'est qu'avec l'intervention du Conseil de Sécurité que cette action a acquis une dimension contraignante.

L'organe restreint de l'O.N.U., chargé d'écarter toute menace à la paix et à la sécurité internationales, s'est basé sur la logique de l'accord pour pouvoir mener une action contraignante contre un État (A). Suite au manquement des autorités de fait à leurs engagements, le Conseil de Sécurité a constaté une menace à la paix et à la sécurité internationales et a utilisé les prérogatives qui lui sont reconnues par la Charte pour mettre en oeuvre les accords conclus (B).

A. Une action autorisée par les autorités légales d'Haïti

La première action concrète menée par l'O.N.U. en Haïti était pacifique. En décembre 1992, l'envoyé spécial du Secrétaire Général de l'O.N.U. a mené une série de négociations avec le Président Aristide exilé à Washington, avec les coordonnateurs et les membres de la Commission présidentielle, avec le Général Raoul Cédras, avec le Premier Ministre du gouvernement de facto M. Marc Bazin et avec les présidents des deux chambres de l'Assemblée Nationale d'Haïti.

Suite à ces négociations, le Président renversé a adressé une lettre au Secrétaire Général de l'O.N.U. en date du 8 janvier 1993 dans laquelle il a présenté certaines demandes. Il a souhaité notamment que l'O.N.U. et l'O.E.A. créent une mission civile internationale chargée de veiller au respect des droits de l'Homme et l'élimination de toute forme de violence

en Haïti. Par la même lettre, le Président Aristide a demandé à ces deux organisations l'instauration d'un processus de dialogue entre les parties haïtiennes sous les auspices de l'envoyé spécial, en vue de parvenir à des accords sur le règlement de la crise politique, à la désignation par le Président d'un Premier Ministre qui dirigerait un gouvernement de concorde nationale ayant pour mandat d'assurer le rétablissement complet de l'ordre démocratique en Haïti, à des accords pour la réhabilitation des institutions haïtiennes, y compris la réforme du système judiciaire, la professionnalisation des forces armées et la séparation de la police et des forces armées, une assistance technique internationale à la reconstruction nationale et un système de garanties propre à assurer une solution durable200.

Les revendications du Président Aristide ont donc concerné des questions qui touchent directement aux prérogatives de tout État souverain. Seulement, empêché d'exercer les pouvoirs qui lui sont légalement reconnus, le Président renversé a trouvé en l'O.N.U. un véritable refuge.

Après avoir acquis l'accord du Général Raoul Cédras, l'envoyé spécial a discuté avec les Secrétaires Généraux de l'O.N.U. et de l'O.E.A. des modalités du fonctionnement de la mission civile.

Jusque là, l'O.N.U. a procédé par le moyen de l'accord entre les parties concernées. Cet accord a déterminé les fonctions de la mission civile dans tous ses détails. Parmi ces tâches, la mission devait assurer le respect des droits de l'Homme reconnus par la constitution haïtienne et par les instruments internationaux auxquels Haïti est partie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention américaine relative aux droits de l'Homme

Ce n'est qu'après la recommandation faite par le S.G. à l'A.G. que cette dernière a adopté la résolution 47/20 B du 20 avril 1993. Dans cette résolution, adoptée sans vote, l'A.G. de l'O.N.U.

200 Voir COICAUD (J-M), "La communauté internationale et la reprise du processus démocratique", Le trimestre du monde, Premier trimestre 1995, pp. 98-99, Voir également Les Nations Unies et la situation en Haïti, op. cit., p. 3.

"Déplorant que malgré les efforts de la communauté internationale, le gouvernement légitime du Président Jean-Bertrand Aristide n'ait pas été rétabli et que la violence continue de triompher des droits de l'Homme et des libertés civiles et politiques en Haïti,

Rappelant que le but de la communauté internationale demeure le prompt rétablissement de la démocratie en Haïti et le retour du Président Aristide, le respect intégral des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et la promotion du développement social et économique en Haïti,

(..) Accueillant avec satisfaction l'accord qui a permis le déploiement de la Mission Civile Internationale en Haïti...

Convaincue que l'oeuvre accomplie par la Mission peut contribuer au respect intégral des droits de l'Homme et créer un climat propice à la restauration de l'autorité constitutionnelle.

(..) - 1 - Approuve le rapport du Secrétaire Général et les recommandations qui y figurent, tendant à ce que l'Organisation des Nations Unies participe avec

l'Organisation des États Américains à la Mission Civile Internationale en Haïti, qui aura pour tâche initiale de vérifier le respect des obligations internationales d'Haïti en matière des droits de l'Homme, en vue de faire des recommandations à ce sujet, pour aider à l'instauration d'un climat de liberté et de tolérance propice au rétablissement de la démocratie en Haïti,

- 2 - Décide d'autoriser la participation effective et immédiate de l'Organisation des Nations Unies à la Mission Civile Internationale en Haïti et prie le Secrétaire général de prendre les mesures nécessaires pour assurer et renforcer la présence de la Mission en Haïti,

- 4 - Répète qu'il faut que le Président Aristide regagne sans retard Haïti pour y prendre ses fonctions constitutionnelles de Président, ce qui est le moyen de réactiver sans plus de délai le processus démocratique en

Haïte,201.

201 Les Nations Unies et la situation en Haïti, op. cit., p. 51.

Le 3 juin 1993, la Mission Civile Internationale en Haïti a présenté son premier rapport dans lequel elle a constaté les atteintes continues au droit à l'intégrité et à la sécurité des personnes. Suite à ce rapport, le représentant permanent d'Haïti auprès de l'O.N.U. a demandé au Conseil de Sécurité d'universaliser les sanctions adoptées par l'O.E.A. à l'encontre des autorités de fait en Haïti.

C'est dans ce contexte que le Conseil de Sécurité de l'O.N.U., deux ans après le coup d'État, a utilisé les prérogatives qui lui sont reconnues par la Charte pour appliquer les accords relatifs au rétablissement de la démocratie.

B. Une action coercitive pour rétablir la démocratie en Haïti

Le chapitre VII de la Charte de l'O.N.U., relatif à l'action du Conseil de Sécurité en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression, offre à ce dernier toute une panoplie de mesures qui lui permettent de maintenir ou de rétablir la paix et la sécurité internationales. Dans l'affaire haïtienne, le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a décidé dans une première phase des sanctions non militaires (a), pour les faire suivre, dans une deuxième phase, par des sanctions militaires (b).

a. Les sanctions non militaires pour rétablir démocratie en Haïti

La première résolution adoptée par le Conseil de Sécurité pour rétablir l'autorité démocratiquement élue en Haïti a constitué une réponse à la demande du représentant haïtien à l'O.N.U. La résolution 841 du 16 juin 1993 "imposant un embargo à Haïti pour provoquer le retour à la démocratie dans ce pays" a donné un nouvel aspect à l'action de l'O.N.U. en vue de rétablir la démocratie. C'est pour cette raison que nous jugeons utile d'en relever les passages les plus importants :

"Le Conseil de Sécurité,

des crises humanitaires, y compris les déplacements massifs de population, qui constituent des menaces à la paix et à la sécurité internationales ou aggravent les menaces existantes,

(..) Préoccupé par le fait que la persistance de cette situation contribue à entretenir un climat de peur de la persécution et de la désorganisation économique, lequel pourrait accroître le nombre de haïtiens cherchant refuge dans les États membres voisins et convaincu que cette situation doit être inversée pour qu'elle n'ait pas d'effets nocifs dans la région...

Considérant que la demande susmentionnée du représentant permanent d'Haïti..., définit une situation unique et exceptionnelle qui justifie l'adoption de mesures extraordinaires par le conseil de sécurité à l'appui des efforts entrepris dans le cadre de l'Organisation des États américains,

Constatant que, dans ces conditions uniques et exceptionnelles, la persistance de cette situation menace la paix et la sécurité internationales, agissant en conséquence en vertu du chapitre VII de la charte des Nations Unies... "202, Le Conseil de Sécurité a décidé un embargo commercial sur le pétrole, les produits pétroliers, les produits d'armements ainsi que sur les véhicules d'équipement militaire et d'équipement de police ne permettant ainsi que l'importation du pétrole pour des besoins strictement humanitaires. Le Conseil de Sécurité a décidé que ces sanctions entreront en vigueur le 23 juin à moins que les résultats des négociations ne justifient plus ces mesures.

Bien que le Conseil de Sécurité ait précisé que son action s'insère dans le cadre du chapitre VII sans référence à un article précis, il est clair que l'organe restreint de l'O.N.U. a usé des pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 39 de la Charte. Cet article dispose que "Le Conseil de Sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales".

202 1993, Volume 3, partie documents, pp. 810-814.

Dans le cas haïtien, le Conseil de Sécurité a jugé que les déplacements massifs de population haïtienne et l'augmentation du nombre d'haïtiens cherchant refuge dans les pays voisins constituent une menace à la paix et à la sécurité internationales.

Concernant le concept de la paix, le Pr. Pierre-Marie Dupuy a élaboré une distinction entre la paix sécuritaire et la paix structurelle2o3, "L'une évoque la paix par la police qui protège ou rétablit l'ordre public; l'autre fonde la paix sur l'organisation sociale et le respect des droits de l'Homme... La première suppose une action urgente dans la main du conseil de sécurité qui peut, s'il invoque le chapitre VII, décider de l'emploi de la force. La seconde se développe sur la longue durée par la mise en place de conditions politiques, économiques et sociales favorables à la paix par la coopération internationale (Article 55). Elle relève plus naturellement du rôle de l'Assemblée Générale"204.

Selon cette classification, nous pouvons affirmer que la situation en Haïti, caractérisée par un climat de peur, d'insécurité et d'atteinte aux droits de l'Homme ne peut porter atteinte qu'à la paix structurelle. C'est l'Assemblée Générale qui pourrait, dans ce cas, exhorter le gouvernement de fait à assurer les conditions de Paix. Cependant, "C'est cette répartition des fonctions entre ces deux organes qui se trouve aujourd'hui remise en cause"205.

En qualifiant la situation en Haïti de menace contre la paix et la sécurité internationales, le Conseil de Sécurité a certainement utilisé les dispositions du chapitre VII. On se demande cependant si la situation en Haïti constitue vraiment une telle menace.

Il est vrai que l'article 39 en soi donne au Conseil de Sécurité un large
pouvoir pour agir, mais ce pouvoir discrétionnaire "et disons-le arbitraire
de qualification"206 a
été à l'origine d'une politique d'opportunité qui

203 "Sécurité collective et organisation de la paix", R.G.D.I.P., 1993, N° 3, pp. 617-627.

204 DUPUY (R-p,

) "Concept de démocratie et action des Nations Unies", Rapport introductif, in. Bulletin du Centre d'Information des Nations Unies, Paris, décembre 1993, N° 7-8, p. 59.

205 DUPUY

J), "Concept de démocratie et action des Nations Unies", art. cit., p. 59.

206 LAGHMANI (S), art. cit., p. 263.

heurte l'esprit de la Charte des Nations Unies. Dans ce sens, nous pouvons constater "depuis quelques années une perversion de l'article 39 de la Charte des Nations Unies dont la logique a été renversée : le Conseil ne prend pas des mesures quant il constate que la paix et la sécurité internationales sont menacées ou rompues, il constate que la paix et la sécurité internationales sont menacées ou rompues lorsqu'il décide de prendre des mesures"207.

En vertu de la constatation d'une menace contre la paix et la sécurité internationales en Haïti, le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a pu appliquer l'article 41 prévoyant les sanctions non militaires. En effet, cet article dispose que "Le Conseil de Sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures ...".

Le Conseil de Sécurité semble être conscient de l'importance de sa décision prise par la résolution 841 puisque dans une déclaration prononcée à cette occasion, le président du Conseil a considéré que "La situation unique et exceptionnelle qui règne en Haïti justifie l'adoption de cette résolution et qu'il ne faut pas la considérer comme un précédent"208. Faut-il comprendre de cette déclaration que le Conseil de Sécurité n'aurait réagi de cette manière que parce qu'il y avait une véritable menace à la paix ? Autrement dit, le Conseil de Sécurité ne pouvait appliquer le chapitre VII dans le seul but de rétablir la démocratie.

La résolution 841 adoptée par le Conseil de Sécurité a vite donné résultat. Le 21 juin 1993, le Général Raoul Cédras a accepté le dialogue avec le Président Aristide en vue de résoudre la crise. Ce dialogue a donné lieu à l'accord de Governors Island du 3 juillet 1993 qui a notamment prévu que "- 8 - Le commandant en chef des forces armées d'Haïti a décidé de faire valoir ses droits à une retraite anticipée et le Président de la République nomme un nouveau commandant en chef des forces armées d'Haïti qui nommera les membres du Haut état-major, selon la constitution

207 Ibid. loc. cit.

208 Voir Les Nations Unies et la situation en Haïti, op. cit., p. 5.

- 9 - Retour en Haïti du Président de la République, Jean-Bertrand Aristide le 30 octobre 1993". L'Accord a en outre prévu la "- 4 - La suspension à l'initiative du Secrétaire Général de l '0.N.U., des sanctions adoptées par la résolution 841 (1993) du Conseil de Sécurité et suspension, à l'initiative du Secrétaire Général de l'O.E.A., des autres mesures adoptées par la réunion ad-hoc des ministres des affaires étrangères de l'O.E.A., immédiatement après la ratification et l'entrée en fonctions en Haïti du Premier Ministre"209.

Effectivement, après la nomination par le Président Aristide de Robert Malval au poste du Premier Ministre, le Conseil de Sécurité, sur une recommandation du Secrétaire Général de l'O.N.U., a adopté la résolution 861 du 27 août 1993 suspendant ainsi l'embargo pétrolier et les sanctions économiques contre Haïti. Suite à l'accord Governors Island, l'organe restreint de l'O.N.U. a créé la Mission des Nations Unies en Haïti

\ 210

(MI.N.U.HA.) qui avait pour tâche d'assister Haïti pour la modernisation des forces armées et la création d'une nouvelle force de police haïtienne tel que prévu par l'Accord entre les deux parties en conflit.

Nonobstant cet accord, les autorités de fait n'ont pas permis à la MI.N.U.HA. d'accomplir sa fonction mettant ainsi en échec l'accord du 3 juillet. Suite à ce manquement de l'une des parties à ses engagements pris en vertu de l'accord de Governors Island, le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a réimposé les sanctions prévues initialement par la résolution 841. Devant ce refus des autorités de fait, une série de résolutions et de déclarations a été adoptée par le Conseil de Sécurité. Ainsi, par la résolution 875 du 16 octobre 1993, le Conseil de Sécurité a demandé aux États Membres d'appliquer strictement l'embargo décidé contre Haïti et en particulier d'interrompre la navigation maritime en direction de ce pays. En plus, le Président du Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a adopté, au nom du Conseil, plusieurs déclarations revendiquant le rétablissement du Président démocratiquement élu et l'application intégrale de l'accord de Governors Island.

209 le texte intégral de l'Accord Governors Island, in. COICAUD (J-M), art. cit.,

p. 102.

210 Résolution 867 du 23 septembre 1993.

Quelques extraits de ces déclarations peuvent nous démontrer l'attachement de l'O.N.U. à rétablir la démocratie ainsi que la gradation de sa politique dans le cas d'Haïti.

Dans la déclaration de son Président du 25 octobre 1993 "Le Conseil de Sécurité réaffirme la nécessité de mettre pleinement en oeuvre l'accord de Governors Island. Il condamne les autorités militaires en Haïti qui continuent de faire obstacle à la pleine application de l'accord notamment, en laissant se développer des actes de violence contraire aux engagements qu'elles ont souscrits dans cet accord...

Le Conseil de Sécurité averti que si l'accord de Governors Island n'est pas pleinement appliqué, il envisagera des mesures supplémentaires ...»211 . Dans le même sens, dans la déclaration de son Président du 30 octobre 1993 "Le Conseil de Sécurité continue d'exiger que l'accord de Governors Island soit respecté intégralement et sans conditions et que soient assurés le retour dans les meilleurs délais du Président Aristide ainsi que la démocratie pleine et entière en Haïti...

Il réaffirme que l'accord de Governors Island demeure pleinement en vigueur et constitue le seul cadre valide pour le règlement de la crise en Haïti qui continue de menacer la paix et la sécurité dans la région...

En outre, il se déclare de nouveau résolu à maintenir et à faire dûment
appliquer les sanctions contre Haïti jusqu'à ce que les engagements pris à
Governors Island soient honorés, et à envisager de renforcer celles-ci...
212.

Ces dispositions ont été réitérées par une déclaration du 15 novembre 1993 émanant du même organe.

Dans la déclaration de son Président du 10 janvier 1994, le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. "se déclare à nouveau profondément préoccupé par les souffrances endurées par le peuple haïtien dans la crise actuelle et réaffirme sa détermination à réduire au minimum l'incidence de cette crise sur les groupes les plus vulnérables en Haïti"213.

211 Les Nations Unies et la situation en Haïti, op. cit. pp. 30-31.

212 Les Nations Unies et la situation en Haïti, op. cit. pp. 31-32.

213 Ibid. op. cit., p. 33.

Malgré cette préoccupation par les souffrances du peuple haïtien dues essentiellement à l'embargo imposé par l'O.N.U., l'organe restreint de cette organisation n'a pas hésité à recourir à la force armée pour rétablir le gouvernement renversé.

b. Les sanctions militaires pour rétablir la démocratie en Haïti

L'intervention militaire pour rétablir un régime démocratiquement élu n'est pas le propre de l'O.N.U. En effet, suite au coup d'État survenu aux Comores le 29 septembre 1995, renversant le régime du Président élu Saïd Mohamed Djohar, la France, ancienne puissance coloniale; s'est basée sur la demande du Président par intérim ainsi que sur un accord de défense conclu avec les Comores pour intervenir militairement dans cet État. Le Ministre français de la coopération a déclaré : "La France interviendra chaque fois qu'un pouvoir démocratiquement élu sera destitué par un coup d'État lorsqu'il existe des accords de coopération militaire',214 . Un commentateur situe l'intervention française aux Comores "dans la droite ligne de la doctrine occidentale qui veut que les États africains se conforment aux règles élémentaires de la démocratie"215.

L'O.N.U. qui était quasi-absente aux Comores, avait une attitude complètement différente en Haïti. En effet, la résolution 940 adoptée par le Conseil de Sécurité le 31 juillet 1994 a constitué un nouveau tournant dans l'affaire haïtienne. Dans cette résolution le Conseil de Sécurité :

"(...) Condamnant le refus persistant du régime de facto illégal de tenir compte de ces accords...

Gravement préoccupé par l'ampleur de la détérioration de la situation humanitaire qui a empiré en Haïti, en particulier la multiplication des violations systématiques des libertés civiles commises par le régime de facto illégal, le sort tragique des réfugiés haïtiens et l'expulsion récente du personnel de la Mission Civile Internationale en Haïti (MI. CIV.I.H).

214 Voir Le Monde du 6 octobre 1995, p. 2.

215 SOTINEL (Th), Le Monde, op. cit., loc. cit.

(..) Prenant note de la lettre... adressée par le Président légitimement élu d'Haïti (..) et de la lettre du Représentant permanent d'Haïti auprès de l'Organisation des Nations Unies,

Réaffirmant que le but de la communauté internationale consiste toujours à restaurer la démocratie en Haïti et à assurer le prompt retour du Président légitimement élu, Jean-Bertrand Aristide, dans le cadre de l'accord de Governors Island,

Rappelant que dans la résolution 873 (1993) il a confirmé qu'il a été prêt à envisager d'imposer des mesures supplémentaires si les autorités militaires d'Haïti continueraient à entraver les activités de la Mission des Nations Unies en Haïti (MI.NU.HA.) ou n'avaient pas appliqué dans leur intégralité les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité et les dispositions de l'accord de Governors Island,

Constatant que la situation en Haïti continu de menacer la paix et la sécurité dans la région,

(..) - 2 - Constate le caractère unique de la situation actuelle en Haïti et sa détérioration ainsi que sa nature complexe et extraordinaire qui appellent une réaction exceptionnelle;

- 3 - Considère que le régime de facto illégal en Haïti n'a pas appliqué l'accord de Governors Island et manque aux obligations qui lui incombent en vertu des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité,

- 4 - Agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, autorise les États Membres à constituer une force multinationale placée sous un commandement et un contrôle unifiés et à utiliser dans ce cadre tous les moyens nécessaires pour faciliter le départ d'Haïti des dirigeants militaires, eu égard à l'accord de Governors Island, le prompt retour du Président légitimement élu et le rétablissement des autorités légitimes du gouvernement haïtien, ainsi que pour instaurer et maintenir un climat sûr et stable qui permette d'appliquer l'accord de Governors Island, étant entendu que le coût de l'exécution de cette opération temporaire sera à la charge des États Membres participants" 216.

216 R.G.D.I.P., 1994, Tome 98, Volume 3, Partie documents, pp. 861-863.

Contrairement aux autres résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité pour rétablir la démocratie en Haïti, la résolution 940 n'a pas fait l'objet d'une unanimité des Membres du Consei1217.

Le débat qui s'est déroulé à propos de cette résolution est révélateur. En effet, certains États Membres de l'O.N.U., mais non Membres du Conseil, se sont opposés à l'intervention armée de l'O.N.U. en Haïti. Ainsi, le Mexique a considéré que les interventions en Amérique latine sont néfastes et que la crise en Haïti ne constitue pas une menace à la paix qui appelle l'usage de la force conformément à l'article 42 de la Charte. Cuba quant à elle, a aussi considéré que la crise en Haïti ne constitue pas une menace pour la paix et qu'elle est résolument opposée à une intervention militaire comme moyen pour résoudre des conflits internes. L'Uruguay a considéré que la résolution 940 va à l'encontre des principes de la non intervention et du règlement pacifique des différends. La Chine, Membre permanent du conseil de sécurité, bien qu'elle n'a pas utilisé son droit de veto, a considéré que toutes tentatives pour régler la crise de manière pacifique n'ont pas encore été épuisées218.

Les débats relatifs à cette résolution, témoignent d'une controverse Ainsi, l'intervention de l'O.N.U. pour rétablir la démocratie dans un État heurte à priori le principe de la non intervention prévu par l'article 2 (7) de la Charte de l'O.N.U. qui stipule qu' "aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État, ni oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte..." En se limitant à ce passage, nous pouvons affirmer l'illicéité de cette résolution "Toutefois ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au chapitre vIr . Or, le chapitre VII et précisément son article 39 déjà cité, donne au Conseil de Sécurité un pouvoir discrétionnaire pour déterminer

217 La résolution a été adoptée par 12 voies pour (Argentine, République Tchèque, Djibouti, France, Nouvelle Zélande, Nigeria, Oman, Pakistan, Fédération de Russie, Espagne, Royaume Uni de Grande Bretagne et de l'Irlande du Nord et les États Unis d'Amérique), 2 abstentions (Le Brésil et la Chine), le Rwanda était absent lors de l'adoption de cette résolution. cf COICAUD (J-M), art. cit. p. 107.

218 Voir COICAUD (J-M), art. cit., p. 108.

quelles situations constituent une menace à la paix et à la sécurité internationales.

L'extension du concept de menace à la paix et à la sécurité internationales219, le caractère de plus en plus "polymorphe"220 de ce concept rend l'article 2 (7) de la Charte inutile puisqu'il suffit au Conseil de Sécurité d'agir sur la base du chapitre VII pour déroger au principe de la non intervention. L'article 2 (7) se trouve alors inutile tant qu'il n'y a pas un contrôle sur les qualifications faites par cet organe politique de l'O.N.U. sur la base de l'article 24 (2) de la Charte qui prévoit que "dans l'accomplissement de ses devoirs, le Conseil de Sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations Unies"221.

Du reste, la qualification de la situation haïtienne comme menaçant la paix et la sécurité internationales traduit une politique d'opportunité qui répond aux intérêts des États Unis d'Amérique et à leur leadership défendu clairement par un auteur qui, commentant la résolution 940 du Conseil de Sécurité, considérait que "Le cas d'Haïti montre à sa manière, qu'au Conseil de Sécurité une décision difficile à prendre bénéficie, sinon de l'appui unanime, en tout cas d'un certain consensus des États Membres, lorsqu'un pays d'importance assume le leadership. Dans le domaine de la vie internationale - comme d'ailleurs sur le plan de la vie politique intérieure - le consensus politique n'exclue pas le leadership. Il le suppose. Le leadership permet, en effet de faire converger des points de vue divergents, de mettre en oeuvre une direction claire, inscrite dans la durée. Le leadership a un rôle de catalyse et d'inspiration"222.

219 Voir BEN MESSAOUD (L), "L'extension du concept de menace à la paix et à la sécurité internationales", mémoire en vue de l'obtention du diplôme d'Etudes approfondies en Droit Public et Financier, Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis (Tunis II), 1994/1995.

220 Voir DUPUY (P-M), "Sécurité collective...", art. cit., pp. 622-623

221 Cf BEDJAOUI (M), "Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de Sécurité", Bruxelles, Bruylant, 1994, PP. 24-25, voir également SNOUSSI (M), "Le contrôle par la Cour Internationale de Justice de la validité des actes émanant des organes politiques de l'O.N.U.", Mémoire en vue de l'obtention du D.E.A. en Droit Public et Financier, Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis (Tunis II), 1994/1995.

222 COICAUD (J-M), art. cit., p. 109.

Cette conception singulière des relations entre États ne fait que dévoiler une réalité marquée par l'hégémonie américaine et par l'absence d'un véritable rapport horizontal entre les États.

L'action de l'O.N.U. en vue de rétablir la démocratie en Haïti a été caractérisée par la dualité négociation - pression. Ainsi nous avons pu noter que l'O.N.U. a procédé suivant la logique de l'accord entre les parties en conflit, une logique tout à fait en harmonie avec la souveraineté des États. Ce n'est que lorsqu'une partie a méconnu ses engagements que l'action de l'O.N.U. a pris un caractère contraignant. Une contrainte non armée d'abord, mais une contrainte armée au bout presque de trois ans du coup d'État. Cette dernière phase de l'action de l'O.N.U. a provoqué la démission des autorités de facto et le retour du Président constitutionnel en Haïti le 15 octobre 1994 et par conséquent le rétablissement du régime démocratique dans ce pays. Après ce rétablissement la MI.N.U.HA. a repris ses fonctions visant à reconstruire le pays en vue de créer les conditions qui permettent de restaurer la démocratie.

La pratique de l'O.N.U. en Haïti ne peut nous laisser indifférents : une action entreprise au nom du droit du peuple haïtien à la démocratie, une action délimitée par la logique de l'accord et par le consentement de l'État concerné est défendable. Seulement, on se demande si le peuple haïtien n'a pas été le grand perdant suite à trois ans d'embargo qui n'a fait que le paupériser.

CONCLUSION

Établir ou rétablir la démocratie dans des États Membres, tel a été le but de l'O.N.U. Ce but n'a pu être atteint qu'après un changement du panorama de la société internationale contemporaine et qu'après un ajustement, de fait, des principes du droit international public.

Sans avoir l'idée de justifier ou de dénoncer cet engouement pour la démocratie et indépendamment de l'analyse juridique de la question, nous dirons que la démocratie promue par l'O.N.U. n'a pu réaliser ni la paix ni le développement. Si l'O.N.U. a pu introduire dans certains États la démocratie comme une technique de gouvernement, elle n'a pas, pour autant, su apaiser les conflits ethniques, confessionnels et identitaires. Les massacres ethniques qui se passent en ce moment notamment au Niger, au Burundi et au Liberia en sont la preuve.

La démocratie libérale qui se veut un modèle universel se trouve, aujourd'hui, confrontée à ces particularismes culturels qui ne font que démontrer ses limites.

Relevant plus du culturel que du politique, la démocratie ne peut servir l'Homme ou le peuple que si elle est une émanation de leur libre et authentique volonté. Tel nous semble être l'enseignement majeur que nous pouvons tirer de l'étude des rapports entre l'O.N.U. et la démocratie.

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· WEISS (P), dir., Relations Internationales, le nouvel ordre mondial, Paris, Eyrolles, 1993.

III. COURS

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· VIRALLY (M), "Panorama du Droit International Contemporain : Cours Général de Droit International Public", R.C.A.D.I., 1983, PP. 25-382.

IV. RECUEILS

· LAGHMANI (S), Répertoire élémentaire de jurisprudence internationale, CERP, 1993.

· THIERRY (H), Droit et Relations Internationales : traités, résolutions, jurisprudences, Paris, Montchrestien, 1984.

V. DICTIONNAIRES, ENCYCLOPÉDIES, LEXIQUES

· AUROUX (S), dir. Encyclopédie Philosophique Universelle, Les notions philosophiques, Paris, P.U.F., 1990.

· AVRIL (P) et GICQUEL (J), Lexique, Droit Constitutionnel, Paris, P.U.F., 2ème éd., 1989.

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· BOUDON (R) et BOURRICAUD (F), Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, P.U.F., 1982.

· DUHAMEL (0) et MENY (Y),dir. Dictionnaire constitutionnel, Paris, P.U.F., 1992.

VI. MÉMOIRES

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· SNOUSSI (M), Le Contrôle par la Cour Internationale de Justice de la Validité des actes émanant des organes politiques de l'O.N.U., Mémoire en vue de l'obtention du D.E.A. en Droit Public et Financier, Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis (Tunis II), 1994/1995.

VII. ARTICLES

· ARDANT (Ph), "Que reste-t-il des droits des peuples à disposer d'eux- mêmes ?", Pouvoirs, 1991, N° 57, PP. 43-54.

· BADIE (B) " "Je dis Occident" : Démocratie et développement, réponse à 6 questions", Pouvoirs, 1990, N° 52, PP. 43-53.

· BATAILLER-DEMICHEL (F), "Droits de l'Homme et Droits des Peuples dans l'ordre international", in. Le Droit des Peuples à disposer d'eux-mêmes. Méthodes d'analyse du Droit International, mélanges offerts à Charles CHAUMONT, Paris, A. Pedone, 1984, PP. 23-34.

· BELAID (S), "Rapport de Synthèse", in. Les Nouveaux Aspects du Droit International, Paris, Pedone, 1994, PP. 281-328.

· BEN ACHOUR (R), "Actualité des principes de Droit International", in. Les Nouveaux Aspects du Droit International, Paris, Pedone, 1994, PP. 3149.

· BEN ACHOUR (R), "Droit de Veto : maintien ? élargissement ? abandon ? , Études Internationales, 1992, N° 45, PP. 3-4.

· BEN ACHOUR (R), "Égalité Souveraine des États, Droit des Peuples à disposer d'eux-mêmes et liberté de choix du système politique, économique, culturel et social", in. Solidarité, Égalité, Liberté (Federico MAYOR Amicorum liber), Bruxelles, Bruylant, 1995, PP. 785-799.

· BEN ACHOUR (R), "La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples : Histoire et Problèmes", Études Internationales, 1988, N° 28, PP. 10-23.

· BEN ACHOUR (R), "La Souveraineté des États : Harmonie et Contradictions", communication du colloque international du 11 au 13 avril 1996 "Harmonie et Contradictions en Droit International", Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis.

· BEN ACHOUR (R), "Normes Internationales Souhaitable de Lege Ferenda relatives aux élections", in. Liberté des élections et contrôle international des élections, Conférence internationale La Laguna Tenerife, 27 février - 2 mars 1994, Bruxelles, Bruylant, 1995, PP. 197-210.

· BENNOUNA (M), "L'Obligation Juridique dans le monde de l'Après- guerre froide", 1993, PP. 41-52.

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· BOUTROS-GHALI (B), Message du Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies à l'occasion du colloque international de la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis, Tunis, avril 1996.

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· COHEN-JONATHAN (G), La Protection Internationale des Droits de l'Homme dans le cadre des Organisations Universelles, documents d'études, droit international public, N° 3, 06 avril 1990.

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· DAUDET (Y), "Les Nations Unies et les évolutions du contenu du maintien de la paix", in. Spécial 50ème anniversaire des Nations Unies, Paris, Centre d'Informations des Nations Unies et Association Française des Nations Unies, PP. 44-47.

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· LAMBERT (D-C), "Amérique latine : Une démocratisation fragile", in. Tiers Monde : Controverses et Réalités, dir. BRUNEL (S), Paris, Economica, 1987, PP. 411-416.

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· LEFORT (C), "Renaissance de la démocratie ?", Pouvoirs, 1990, N° 52, PP. 5-22.

· MARIE (J-B), "Instruments Internationaux relatifs aux Droits de l'Homme / classification et état actuel des ratifications au ler janvier 1995", R.U.D.H., 15 mars, volume 7, N° 1-3, PP. 63-79.

· MOJSOV (L), "La démocratie à l'échelle planétaire", Revue de Politique Internationale, 5, I, 1990, PP. 5-8.

· N'KOLOMBA (A), "L'ambivalence des relations entre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et l'intégrité territoriale des États en droit international contemporain", in. Le droit des peuples à disposer d'eux- mêmes. Méthodes d'analyse du Droit International, Mélanges offerts à CHARLES CHAUMONT, Paris, A. Pedone, 1984, PP. 433-463.

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· SAMKANGE (S), "L'O.N.U. et le processus de la paix au Mozambique", Le trimestre du monde, ler trimestre 1994, PP. 147-176.

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· TAVERNIER (P), "L'année des Nations Unies, 22 décembre 1990 - 20 décembre 1991" Questions juridiques, A.F.D.I., 1991, PP. 617-646.

· TAVERNIER (P), "Les Nations Unies et la question de l'Afrique du Sud (sanctions et appui à la transition démocratique)", Revue juridique et politique, indépendance et coopération, janvier - avril 1994, N° 1, PP. 27- 45.

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· WEBER (H), "Vous avez dit formelle ?", Pouvoirs, 1990, N° 52, PP. 2334.

VIII. DOCUMENTS OFFICIELS

· BOUTROS-GHALI (B), Rapport annuel du Secrétaire Général sur l'activité de l'Organisation, 1992,1993,1994 et 1995.

· BOUTROS-GHALI (B), "Agenda pour le développement", mai 1994.

· DE CUELLAR (J-P), Rapport annuel du Secrétaire Général sur l'activité de l'Organisation, 1990 et 1991.

· Résolutions et Décisions adoptées par l'AG/O.N.U.

· Résolutions et Décisions adoptées par le CS/O.N.U. IX. PRESSE

· Afrique Magasine

· Croissance, N° 382, mai 1995.

· Jeune Afrique

· La Presse

· Le Monde






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore