L'ORGANISATION
DES NATIONS UNIES
et
LA DÉMOCRATIE
Mémoire présenté et soutenu en vue de
l'obtention du Diplôme d'Études Approfondies en Droit Public et
Financier
Par
Salwa HAMROUNI
Sous la Direction du Professeur
Slim LAGHMANI
"Nul n'est plus esclave que celui qui se croit libre sans
l'être"
Johann Wolfgang Goethe
LISTE DES ABRÉVIATIONS
A.C.P. Pays de l'Afrique, des Caraibes et du Pacifique
A.F.D.I. Annuaire Français de Droit International
A.G Assemblée Générale de l'Organisation
des Nations Unies
A.I.D.I. Annuaire de l'Institut de Droit International
A.J.I.L. American Journal of International Law
A.PR.O.N.U.C. Autorité Provisoire des Nations Unies au
Cambodge
C.E. Conseil de l'Europe
C.E.E. Communauté Économique Européenne
C.I.J. Cour Internationale de Justice
C.N.S. Conseil National Suprême
C.P.J I Cour Permanente de Justice Internationale
C.S Conseil de Sécurité de l'Organisation des
Nations Unies
C.S.C.E Conférence pour la Sécurité et la
Coopération en Europe
D.U.D.H. Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
F.U.N.C.I.N.P.E.C.Front Uni, National pour un Cambodge
Indépendant, Neutre, Pacifique et Coopératif
M.I.CIV.I.H Mission Civile Internationale en Haïti
M.I.N.U.H A. Mission des Nations Unies en Haïti
M.O.N.U.A.S. Mission d'Observation des Nations Unies en Afrique
du Sud
M.P.L.A. Mouvement pour la Libération de l'Angola
O.E.A. Organisation des États Américains
O.N.U. Organisation des Nations Unies
O.N.U.MOZ. Opération des Nations Unies au Mozambique
O.N.U.V.E.H Groupe d'Observation des Nations Unies pour la
vérification des Élections en Haïti
O.N.U.V.E.N Mission d'observation des Nations Unies
Chargée de la
vérification du processus Électoral au Nicaragua
O.S.C.E. Organisation pour la Sécurité et la
Coopération en Europe
O.U.A. Organisation de l'Unité Africaine
P.K.D Parti du Kampuchéa Démocratique
P.N.U.D Programme des Nations Unies pour le
Développement
P.P.C. Parti du Peuple Cambodgien
R.C.A.D.I. Recueil des Cours de l'Académie de Droit
International
RE.NA.MO. Résistencia National
Moçambicana
R.G.D.I.P Revue Générale de Droit International
Public
R.T.D Revue Tunisienne de Droit
R.U.D.H. Revue Universelle des Droits de l'Homme
S.G. Secrétaire Général de l'Organisation
des Nations Unies
U.N.A.V.E.M. Mission de vérification des Nations Unies en
Angola
U.N.I.T.A. Union Nationale pour l'Indépendance Totale de
l'Angola
SOMMAIRE INTRODUCTION 1
CHAPITRE PREMIER : L'ACTION DE L'O.N.U. POUR
ÉTABLIR LA DÉMOCRATIE 16
SECTION PREMIÈRE : L'ACTION NORMATIVE : LA
PROMOTION DU
PRINCIPE D'ÉLECTIONS PÉRIODIQUES ET
HONNÊTES 18
Paragraphe Premier : L'obligatoriété incertaine du
principe d'élections
périodiques et honnêtes 19
Paragraphe Deuxième : La portée ambivalente du
principe d'élections
périodiques et honnêtes 31
SECTION DEUXIÈME : L'ACTION OPÉRATIONNELLE
: L'ASSISTANCE ÉLECTORALE 41
Paragraphe Premier : Des opérations croissantes en
matière d'assistance technique 43
Paragraphe Deuxième : L'observation et la
vérification des élections : un
contrôle de la démocratisation 48
Paragraphe Troisième : L'organisation et la conduite des
élections au
Cambodge : une véritable prise en charge de la
démocratisation 61
CHAPITRE DEUXIÈME : L'ACTION DE L'O.N.0 POUR
RÉTABLIR LA DÉMOCRATIE 69
SECTION PREMIÈRE : UN FONDEMENT
PROBLÉMATIQUE :
AUTONOMIE CONSTITUTIONNELLE ET LÉGITIMITÉ
DÉMOCRATIQUE 71
Premier Paragraphe : L'autonomie constitutionnelle : Un principe
bien ancré
en Droit International 71
Paragraphe Deuxième : La légitimité
démocratique : Une nouvelle
revendication de l'O.N.U. 79
SECTION DEUXIÈME : LA LÉGITIMITÉ
DÉMOCRATIQUE CIRCONSCRITE
PAR LA LÉGALITÉ INTERNATIONALE
95
Paragraphe Premier : Les fondements de l'action de l'O.N.U. en
vue de rétablir
la démocratie en Haïti 96
Paragraphe Deuxième : L'action de l'O.N.U. en vue de
rétablir la démocratie
en Haïti 101
CONCLUSION 116
BIBLIOGRAPHIE 118
TABLE DES MATIÈRES 128
"Tout ce qui ce passe n'est que symbole"1,
symbole de la fin de l'histoire pour les uns, symbole de
l'accélération de celle-ci pour les autres.
En 1989, alors que la révolution française
fête son bicentenaire, le mur de Berlin s'écroule. Depuis, ou
même avant, de profondes mutations ont bouleversé l'ordre
politique international et ont été à l'origine d'un grand
débat concernant "Les nouveaux aspects du droit
international"2.
Entamer une recherche sur l'Organisation des Nations Unies et
la démocratie aurait été insensé une dizaine
d'années avant. Cela s'explique par le fait que depuis la fin de la
deuxième guerre mondiale,
l'hétérogénéité de la société
internationale et la diversité des structures étatiques ont
été à l'origine d'un ordre juridique basé sur la
liberté qu'a chaque État de choisir son système politique,
économique, social et culturel. Le respect de ce principe conditionnait
alors la coexistence pacifique entre les États.
Aujourd'hui, après la chute du mur de Berlin et
après la dislocation du bloc de l'Est, le monde communiste s'effondre et
la bipolarisation prend fin. C'est dans ce contexte qu'apparaît ou
plutôt réapparaît la démocratie libérale comme
une idéologie des États vainqueurs.
Comme tous les termes que nous utilisons souvent, la
démocratie n'est pas un concept univoque. Le mot démocratie est
même frappé d'un "excès de
signification"3 et "d'une surcharge
sémantique"4. Ainsi, pour Georges Burdeau, la
démocratie "n'est pas seulement une formule d'organisation politique
ou une modalité d'aménagement de rapports sociaux, elle est une
valeur"5. Les différentes, voir les contradictoires conceptions de
la démocratie, proviennent en fait du contenu que l'on donne à
cette valeur.
1 Johann Wolfgang GOETHE.
2 Titre d'un ouvrage collectif, BEN ACHOUR (R) et
LAGHMANI (S), dir., Paris, Pedone, 1994.
3 BURDEAU (G), Démocratie, in. Encyclopedia
Universalis, corpus 5, Paris, 1988, p. 1081.
4 Ibid. loc. cit.
5 Ibid. loc. cit.
En effet, pour les marxistes, la démocratie n'est que
"l'affirmation du primat de l'égalité réelle dont la
liberté n'est qu'un corollaire"6 étant
donné que "si la liberté appartient peut être à
tous, il n'est en tout cas pas donné à chacun de pouvoir en user,
ce qui importe alors c'est d'établir l'égalité dans la
possibilité de cet usage, c'est-à-dire d'introduire dans la
société une justice qui empêchera la liberté
d'être le privilège de quelques uns"7 . De cette
manière la démocratie n'est qu'un moyen pour réaliser
l'égalité et la justice. Pour les libéraux par contre, la
démocratie est le moyen garantissant les libertés aussi bien
individuelles que collectives. "Il apparaît ainsi que la
démocratie est d'abord un système de gouvernement qui tend
à inclure la liberté dans les relations de commandement à
obéissances inséparables de toute société
politiquement organisée. L'autorité y subsiste sans doute, mais
elle est aménagée de telle sorte que, fondée sur
l'adhésion de ceux qui lui sont soumis, elle demeure compatible avec
leur liberté"8. Cette conception, héritée
du siècle des lumières, met l'accent surtout sur les droits
civils et politiques de l'individu. Ces droits étant exercés
"par l'élection bien sûr, mais aussi par la jouissance des
prérogatives qui garantissent la liberté de ses choix
liberté d'opinions, liberté de la presse, liberté
d'association, liberté de réunion, etc...."9.
Nous le constatons donc, la démocratie libérale
est intimement liée à l'idéologie des droits de la
personne. Le respect de ces droits est d'ailleurs un étalon de mesure de
toute démocratie. Le modèle démocratique libéral
relève d'une philosophie basée sur le respect de l'État de
Droit non seulement au sens formel de cette expression qui veut que
l'État respecte la légalité mais aussi au sens substantiel
qui veut que l'État garantisse les droits fondamentaux, les
libertés publiques, le pluralisme politique, les élections libres
et honnêtes etc....10.
La conception libérale de la démocratie qui
n'était qu'une alternative, tend aujourd'hui à s'imposer comme
une conception universelle bénéficiant de l'adhésion de la
communauté internationale.
6 DEBBASCH (Ch), DAUDET (Y), Lexique de la
politique, Paris, Dalloz, 1992, p. 143.
7 BURDEAU (G), art. cit. P. 1082.
8 Ibid., p. 1081.
9 Ibid., p. 1082.
10 Cf CHEVALLIER (J), l'Etat de Droit,
Paris, Montchrestien, 1992.
La démocratie est une valeur qui appartient au
vocabulaire politique et idéologique certes, seulement, au niveau
régional, cette valeur a pu être élevée au rang des
normes juridiques.
Ainsi, la démocratie libérale se trouve
consacrée par différents instruments juridiques de portée
régionale.
Concernant le continent américain, la charte
constitutive de l'Organisation des États Américains
adoptée à Bogota le 30 avril 1948 a prévu, dans son
article 5, que la solidarité des États américains exige
que leur organisation politique soit basée sur l'exercice effectif de la
démocratie représentative. Cette option pour la démocratie
représentative a été réitérée lors de
l'amendement de la Charte de l'O.É.A. par le protocole de Buenos Aires
du 27 février 1967 qui stipule dans son article 3 que "les
États américains réaffirment les principes
suivants...
- d - La solidarité des États
américains et les buts élevés qu'ils poursuivent exige de
ces États une organisation politique basée sur le fonctionnement
effectif de la démocratie représentative".
L'affirmation de la démocratie par les instruments
juridiques obligatoires pour les États qui y adhèrent ne s'est
pas limitée à la Charte de l'O.E.A. La convention
américaine des Droits de l'Homme adoptée le 22 novembre 1969
à Saint José et entrée en vigueur le 18 juillet 1978 a
prévu dans son préambule que les États américains
réaffirment "leur propos de consolider sur ce continent dans le
cadre des institutions démocratiques un régime de liberté
individuelle et de justice sociale, fondé sur le respect des droits
fondamentaux de l'Homme"11. Considérés comme une
base fondamentale de la démocratie, les droits politiques de l'individu
ont figuré dans l'article 23 de cette convention qui prévoit que
"-1- Tous les citoyens doivent jouir des droits et facultés
ci-après énumérés a - De participer à la
direction des affaires publiques, directement ou par l'intermédiaire de
représentants librement élus. b - D'élire et d'être
élus dans le cadre de consultations périodiques authentiques,
tenues au suffrage universel égal, et par scrutin secret garantissant la
libre expression de la volonté des électeurs
11 voir R.U.D.H., 1992, p. 209.
12 Voir R.U.D.H., 1992, p. 209.
La lecture de ces différents textes juridiques nous
permet de confirmer l'existence de la démocratie comme une norme
obligatoire du droit international américain. Il n'est donc pas
étrange que les États Unis d'Amérique aient, depuis
longtemps, mené une politique étrangère favorable à
la démocratie. C'est dans ce cadre que s'insère la
résolution du 18 novembre 1989 adoptée par l'Assemblée
Générale de l'O.E.A. soulignant "la décision des
États membres de soutenir et de renforcer les systèmes
réellement démocratiques et participatifs par le respect total
pour tous les droits de l'Homme, particulièrement par la tenue de
processus électoraux honnêtes et par lesquels la volonté du
peuple s'exprime librement et est respectée en ce qui concerne
l'élection des responsables, sans interférence
extérieure"13. C'est aussi dans ce cadre que
s'insère l'intervention de l'O.E.A. en Haïti lors du coup
d'État survenu en 1991.
Pour ce qui est de l'Europe, la référence
à la démocratie libérale comme une norme juridique s'est
répétée dans plusieurs documents de portée
régionale.
L'Europe a trois dimensions différentes : l'Europe
politique fondée sur le Conseil de l'Europe, l'Europe essentiellement
économique fondée sur l'Union européenne et l'Europe
culturelle fondée sur l'Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe.
Le statut du conseil de l'Europe fondé en 1949
prévoit dans son préambule que les États Membres sont
"inébranlablement attachés aux valeurs spirituelles et
morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à
l'origine des principes de liberté individuelle, de liberté
politique et prééminence du Droit sur lesquels se fonde toute
démocratie véritable". L'article 3 de ce statut met à
la charge des États Membres la reconnaissance de ces principes. Leur
violation par un État peut provoquer son retrait ou sa suspension du
Conseil. Cette hypothèse s'est vérifiée dans le cas de la
Grèce : en 1967, la légalité constitutionnelle et la
démocratie parlementaire ont été supprimées par les
colonels. Sur la base d'une interprétation de l'article 3 du statut,
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a recommandé la
suspension ou l'exclusion de cet État du
13 BEIGBEDER (Y), Le Contrôle international
des élections, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J., 1994, p.
93.
Conseil. La Grèce s'est alors retirée en 1969 et
ce n'est qu'en 1974, jugée alors démocratique, qu'elle a
été invitée à rejoindre le Conseil de
nouveau14.
Le Conseil de l'Europe qui traduisait au départ une
homogénéité idéologique entre les États de
l'Europe Occidentale est aujourd'hui ouvert à la candidature des
États de l'Europe de l'Est. Cette candidature est conditionnée
par la garantie des droits de la personne, par le respect de l'État de
Droit et par l'instauration d'un véritable régime
démocratique et parlementaire. L'Europe qui a été
divisée en blocs pendant plusieurs années semble aujourd'hui
retrouver une identité culturelle camouflée par un conflit
idéologique depuis 1917.
Dans le traité de l'Union européenne
signé à Maastricht le 7 février 1992, les chefs
d'État et de gouvernement des douze États membres de la
communauté européenne ont réaffirmé "leur
attachement aux principes de la liberté, de la démocratie et du
respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de
l'État de Droit"15. L'article F du traité
prévoit que " -1- L'Union respecte l'identité nationale de
ses États membres, dont les systèmes de gouvernements sont
fondés sur les principes démocratiques". L'engagement de
l'Union pour la démocratie a été
réitéré dans l'article J -1- qui prévoit que
"Le développement et le renforcement de la démocratie et de
l'État de droit, ainsi que le respect des droits de l'Homme et des
libertés fondamentales" comme l'un des objectifs de la politique
étrangère et sécurité commune des États de
l'Union.
Ces États ont même fait de la démocratie
une condition de leur coopération économique avec d'autres
États. L'Accord euro-méditerranéen établissant une
association entre les communautés européennes et leurs
États membres d'une part et la République tunisienne d'autre
part, est significatif à cet égard. Conclu à Bruxelles le
31 mai 1995, l'accord "permettra de renforcer les liens existant entre les
communautés européennes et leurs États membres d'une part,
et la Tunisie, d'autre part, en instaurant des relations fondées sur la
réciprocité et le partenariat. Le respect des principes
14 BEIGBEDER (Y), op. cit., pp. 99 - 100
15 Voir le texte du traité in. Conseil des
communautés européennes, traité sur l'Union
Européenne C.E.C.A. - C.E.E. - C.E.E.A. , Bruxelles , Luxembourg
1992 , pp. 3 - 253 .
démocratiques et des droits de l'Homme
constitueront, dans ce contexte, un élément
essentiel"16. Bien que de nature essentiellement
économique, l'accord cité n'a pas été
indifférent au volet politique. En effet, l'article 2 de l'accord
stipule "Les relations entre les parties, de même que toutes les
dispositions du présent accord se fondent sur le respect des principes
démocratiques et des droits de l'Homme qui inspirent leurs politiques
internes et internationales et qui constituent un élément
essentiel de l'accord". Cet article traduit parfaitement la politique
européenne qui fait de l'adoption d'un régime démocratique
une condition pour accorder son aide économique.
Dans le même ordre d'idées nous pouvons signaler
l'accord conclu à l'Île Maurice les 3 et 4 novembre 1995 modifiant
la quatrième convention de Lomé entrée en vigueur en 1990.
A cet égard, il importe de noter que la première convention de
Lomé a été signée le 28 janvier 1975 entre la
communauté économique européenne et les pays d'Afrique,
des Caraïbes et du Pacifique. L'Accord de 1995 a donné un
élan politique à l'aide entre l'Union européenne et les
A.C.P. en conditionnant la coopération entre les deux parties par le
respect des droits de la personne humaine et de la
démocratie17. "De ce point de vue, l'accord de Maurice
représente certainement un moment majeur dans l'histoire des relations
Nord-Sud puisque les pays A. C.P. ont accepté que ces conditions soient
inscrites non plus uniquement dans la politique, mais aussi de manière
formelle dans les textes"18.
L'Union européenne a adopté et promu le
régime démocratique non seulement dans ses textes fondateurs mais
également dans ses rapports avec ses partenaires.
Cet engagement pour la démocratie peut, en outre,
être déduit de la Conférence sur la
sécurité et la coopération en Europe devenue
16 Commission des Communautés
Européennes, Proposition de décision du Conseil et de la
commission relative à la conclusion de l'Accord euro -
méditerranéen en établissant une association entre les
communautés européennes et leurs Etats membres d'une part et la
République tunisienne d'autre part, Bruxelles 31 mai 1995.
17 Voir "Les A.C.P., demain peut - être",
Jeune - Afrique du 16 / 22 novembre 1995, N° 1819,p. 50
18 Ibid., loc. cit.
Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe. En effet, la déclaration sur les principes
régissant les relations mutuelles des États participants,
adoptée par la C.S.C.E. à Helsinki le ler août 1975 stipule
dans la rubrique relative à l'égalité souveraine et au
respect des droits inhérents à la souveraineté que les
États participants respectent "le droit de chacun d'eux de choisir
et de développer librement son système politique, social,
économique et culturel ainsi que celui de déterminer ses lois et
ses règlements"19. Cette déclaration
située dans le cadre de la coexistence pacifique entre les États
Occidentaux et les pays de l'Est n'a pas opté pour la démocratie
comme le seul régime politique valable pour tous les États.
D'ailleurs, la diversité des régimes politiques a
été considérée comme une condition sine-qua-non
de cette coexistence et des relations amicales entre les États.
Ce n'est qu'en 1990 que la C.S.C.E. opte clairement et
explicitement pour le régime démocratique libéral. En
effet, dans la Charte de Paris pour une nouvelle Europe adoptée le 21
novembre 1990 dans le cadre de la C.S.C.E., les États européens
déclarent : "il nous appartient aujourd'hui de réaliser les
espérances et les attentes que nos peuples ont nourri pendant des
décennies : un engagement indéfectible en faveur de la
démocratie fondée sur les droits de l'Homme et les
libertés fondamentales ..."20.
Traitant des relations amicales entre eux, les États
partis à la Charte affirment : "Nos relations reposeront sur notre
adhésion commune aux valeurs démocratiques, aux droits de l'Homme
et aux libertés fondamentales. Nous sommes convaincus que les
progrès de la démocratie, ainsi que le respect de l'exercice
effectif des droits de l'Homme sont indispensables au renforcement de la paix
et de la sécurité entre nos États". La Charte de
Paris pour une nouvelle Europe a même consacré un paragraphe
relatif aux droits de l'Homme, à la démocratie et à
l'État de Droit dans lequel les États participants s'engagent
"à édifier, consolider et raffermir la démocratie
comme seul système de gouvernement" de leur nation. Ils
considèrent que "le gouvernement démocratique repose sur la
volonté du peuple, exprimée à intervalles
réguliers_par des élections libres
19 Voir THIERRY (H), Droit et relations
internationales traités, résolutions,
Jurisprudences, Paris, Montchrestien, 1984, p. 525.
20 Voir le texte de la Charte, in., R.U.D.H.,
1990, pp. 490 - 495.
et loyales", que "la démocratie est
fondée sur le respect de la personne humaine et l'État de Droit",
qu' "elle est le meilleur garant de la liberté d'expression, de
la tolérance envers tous les peuples", que "la
démocratie de part son caractère représentatif et
pluraliste, implique la responsabilité envers l'électorat,
l'obligation pour les pouvoirs publics de se conformer à la loi...".
Ces extraits, ainsi que tant d'autres qui se réfèrent
à la démocratie, témoignent d'un acharnement pour voir le
modèle démocratique libéral adopté et
consolidé dans tous les États européens.
Au sommet de la C.S.C.E. qui a réuni à Budapest
les Chefs d'États et gouvernements des États participants, le 6
décembre 1994, un volet politique a été apporté
à la C.S.C.E. Le communiqué final de ce sommet a prévu que
la C.S.C.E. s'appellera désormais l'Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.) et que
"les valeurs démocratiques de la C.S.C.E. sont fondamentales"
pour la réalisation des objectifs des États participants. Le
point 14 du communiqué final dispose que "le respect des droits de
l'Homme et des libertés fondamentales, de la démocratie et de
l'État de Droit représente une composante essentielle dans la
région de la C.S.C.E en matière de sécurité et de
coopération"21.
Bref, l'Europe réunie politiquement,
économiquement et culturellement a démontré sa
persévérance en faveur de la démocratie libérale ce
qui nous autorise à affirmer l'existence de la démocratie non
seulement comme étant une valeur politique mais aussi comme une norme
juridique faisant partie du droit international européen.
Toujours concernant le droit international régional, le
Commonwealth, bien qu'il n'impose aucune obligation statutaire à ses
membres, s'est engagé en faveur de la démocratie
représentative. Déjà, en 1971, les chefs des gouvernements
du Commonwealth avaient adopté une déclaration des principes du
Commonwealth parmi lesquels figuraient les principes démocratiques. Ces
États ont déclaré leur attachement à "la
liberté individuelle, aux droits égaux de tous les citoyens... et
leur droit inaliénable de participer par des voies libres et
démocratiques à l'organisation de la société
où ils vivent"22. Par conséquent, ces
États se
21 Documents d'actualité internationale,
1995, N° 2, pp. 52 - 53.
22 Cité par BEIGBEDER (Y), op. cit. p.
120
sont engagés à s'efforcer de "promouvoir les
institutions représentatives et les garanties de libertés
personnelles"23. Dans la déclaration de Harare d'octobre
1991 "les chefs de gouvernement du Commonwealth s'engagèrent, avec
une "vigueur renouvelée" à protéger et promouvoir les
valeurs politiques fondamentales de l'Organisation, dont la démocratie,
les processus et institutions démocratiques"24.
La réaction du Commonwealth suite à la pendaison
de militants pour les droits de la communauté Ogonie au Nigeria a
été l'occasion de démontrer le caractère
indéniable de l'engagement de cette Organisation pour la
démocratie. En effet, le 11 novembre 1995, un jour après la
pendaison de ces neuf militants, 51 Chefs d'États se sont réunis
au sommet de Commonwealth en Auckland décidant ainsi de suspendre le
Nigeria, "un fait sans précédent dans l'histoire de leur
Organisation"25. Les participants au sommet ont
décidé que cette mesure restera applicable tant que le
Général Sani Abacha n'a pas opéré un retour vers la
démocratie26.
Les réactions à cette pendaison faite hors de la
légalité et contre les droits de l'Homme et les principes
démocratiques se sont multipliées. Les États Unis
d'Amérique ont décidé un embargo sur les armes, ils ont
indiqué, en plus que l'ambassadeur américain aux Nations Unies
étudierait la possibilité de prise de sanctions dans le cadre de
l'O.N.U. Pour sa part, l'Union européenne a condamnée ces
exécutions et a suspendu sa coopération
économique27.
En définitive, nous pouvons dire que l'Europe,
l'Amérique et les pays Anglo-Saxons se sont déterminés
à condamner et même à sanctionner les pratiques des
États contraires à la démocratie.
Pour le reste, nous remarquons l'absence des pays de l'Afrique
et de l'Asie dans ce mouvement favorable à la démocratie
libérale. Dans le cas du Nigéria, les seules réactions
ont émané du Président Nelson Mandela qui a
23 Ibid. loc. cit.
24 BEIGBEDER (Y), op. cit., p. 121.
25 Le Monde 12 - 13 novembre 1995, p. 2.
26 Ibid. loc. cit
27 Le Monde 12 13 novembre 1995, p. 2,
Jeune - Afrique du 16 / 22 novembre 1995, N° 1819, p. 6.
recommandé l'expulsion du Nigeria du Commonwealth
jusqu'à la mise en place d'un gouvernement
démocratique28, du Président malien Oumar
Konaré "qui a dénoncé un attentat contre la
démocratie"29. De même le Président
Zimbabwéen Robert Magabe a proposé l'exclusion du Nigeria du
Commonwealth avant même la pendaison des opposants. Le silence des autres
États du continent a été expliqué par l'idée
que "peu de Chefs d'États Africains sont aujourd'hui prêts
à réclamer la mise au banc de la communauté internationale
ou des sanctions économiques contre un État pour non respect des
droits de l'Homme ou comportement antidémocratique. Ce serait un
redoutable précédent pour tous, ou peu s'en faut"30 .
L'O.U.A., quant à elle, s'est contentée d'une
déclaration de cet échec pour l'Afrique31.
Dans ce contexte, nous devons rappeler que la Charte de
l'O.U.A. signée à Adis Abéba le 25 mai 1963 n'a fait
aucune mention relative à la démocratie. Au contraire, l'article
3 de cette Charte a fait de l'égalité souveraine des États
Membres, du respect de la souveraineté et de l'intégrité
territoriale de chaque État, des principes de l'Organisation.
De même, le Pacte de la Ligue des États Arabes,
adopté le 22 mars 1945 et entré en vigueur le 10 mai 1945, a
exigé le respect de la souveraineté et de l'indépendance
des États Membres. "Par ailleurs, le respect du régime de
gouvernement établi est considéré comme un principe de
base "32.
La démocratie libérale a été
consacrée par plusieurs textes juridiques de portée
régionale. Qu'en est-il alors pour le droit international
général ?
La réponse peut paraître simple. Ce droit est
fondé sur le principe de la souveraineté des États. Une
souveraineté qui leur garantit la liberté de choisir leur
système politique, économique, social et culturel et qui les
protège contre toute hégémonie. Parler alors d'un
modèle démocratique universel et imposé par ce droit ne
serait qu'une aberration. Cependant, cette "pierre d'angle"
résiste-t-elle encore au temps ? Michel Virally a
28 Le monde 12 - 13 novembre 1995, p. 2.
29 Jeune - Afrique du 16 / 22 novembre
1995, N° 1819, p. 7. "Jeune - Afrique du 16 / 22 novembre
1995, N° 1819, p. 7.
31 Ibid. p. 6.
32 BEN ACHOUR (R), Institutions internationales,
Tunis, E.N.A. 1995, p. 168.
répondu par l'affirmative. Mais, déjà en
1977, il nous fournit quelques éléments qui nous permettent de
nuancer la réponse : "S 'agit-il toujours de la même
souveraineté ? L'identité du mot garantit-elle l'identité
de l'idée ou dissimule-t-elle au contraire, un glissement de la
pensée?"34. En réalité, nous pouvons
affirmer que malgré le fait que le droit international reste encore
bâti sur le principe de la souveraineté, il n'en reste pas moins
que nous assistons à ce glissement de la pensée relative à
la souveraineté.
Ce constat est confirmé par la pratique récente de
l'Organisation des Nations Unies. Une pratique qui s'avère favorable
à la démocratie libérale.
En vérité, traiter toutes les dimensions du
rapport de l'O.N.U. à la démocratie nous aurait amené
à vérifier, d'abord, si l'O.N.U. fonctionne selon les
règles de la démocratie. De plus, notre étude pourrait
embrasser tout le système de l'O.N.U. c'est-à-dire aussi bien
l'Organisation en elle- même que ses institutions
spécialisées. Une telle étude aurait dépassé
sans doute le cadre de notre recherche. De surcroît, donner une telle
dimension à notre recherche n'aurait peut-être pas
été utile.
En effet, s'agissant de la démocratie dans
l'O.N.U., force est de constater que la Charte de l'O.N.U.
reconnaît à un organe politique restreint, qu'est le Conseil de
Sécurité, un énorme pouvoir de prendre des
décisions qui obligent tous les États Membres, alors que les
résolutions adoptées par l'Assemblée
Générale qui représente tous les États, ne sont que
des recommandations dont la violation n'entraîne aucune sanction
immédiate. De plus, nul ne conteste aujourd'hui l'idée que la
technique de la représentation permanente aussi bien que celle du veto
sont loin de consacrer un fonctionnement démocratique de l'O.N.U. M.
Monique Chemillier-Gendreau a pu critiquer cet état des choses en se
posant la question "imagine-t-on les vainqueurs d'un match qui en
tireraient à la vie le titre d'arbitre et le garderaient sans nulle
remise en cause alors même que le nombre de joueurs, leurs
identités et les conditions du jeu auraient
33 "Une pierre d'angle qui résiste au temps
. avatars et pérennité de l'idée de souveraineté",
in. Les relations internationales dans un monde en mutation, I.U.H.E.L
Leyde, Sijhoff, Genève, 1979, pp. 179-195.
34 VIRALLY (M), "Une pierre d'angle...", art.
cit., p. 180.
changé ? C'est pourtant la position que se sont
donnés en 1945 les vainqueurs de la deuxième
guerre"35.
Ces critiques qui visent le mode de fonctionnement interne de
l'O.N.U. ne constituent pas une innovation. Plusieurs études ont
été consacrées à la question36. C'est
pourquoi nous jugeons inopportun d'aborder la démocratie de ce point de
vue. Nous nous limiterons donc à l'étude de l'attitude de
l'O.N.U. vis-à-vis de la démocratie dans les
États.
Cela étant souligné, nous dirons que l'O.N.U.,
prenant un nouvel élan après la fin de la bipolarisation, a
adopté un discours politique favorable à la démocratie
dans les États. Ce discours reflète les rapports de force
régnant dans la société internationale, soit, mais
l'O.N.U. est-elle habilitée à établir ou à
rétablir la démocratie dans un État Membre ?
C'est à cette question que nous proposons d'apporter
quelques éléments de réponse. Cependant, avant d'engager
une réflexion à propos de cette problématique, il nous
paraît primordial de préciser que la démocratie, objet de
cette recherche est conçue au sens strictement politique du terme.
Autrement dit nous aborderons cette démocratie comme un système
de gouvernement qui détermine la nature de
l'État37.
L'action de l'O.N.U. en faveur de la démocratie dans
les États s'est presque fondée sur le sens originaire de cette
valeur conçue comme "le gouvernement du peuple par le peuple, pour
le peuple". Cette action, que nous nous proposons d'étudier, tourne
autour d'une idée fondamentale; les peuples jouissent d'une libre
volonté de choisir leurs gouvernants.
35 "Un demi siècle des Nations Unies",
in. Spécial 50ème anniversaire des Nations Unies, Centre
d'information des Nations Unies et association française des Nations
Unies, p. 30.
36 Cf par exemple BEN ACHOUR (R),
Évolution des modes de prise de décision dans les
organisations et les conférences internationales, Tunis,
C.N.U.D.S.T., 1986.
37 Dans ce sens nous pouvons citer M. Ah Eddine Hilal
qui considère que :
L'O.N.U. a jugé que cette volonté ne peut
s'exprimer que par le moyen d'élections libres, périodiques et
honnêtes. Un moyen qui a été élevé au rang
des principes que l'Organisation doit renforcer en exhortant les États
à le respecter mais aussi en apportant à ces États une
assistance électorale.
Cette attitude appelle certaines remarques : primo,
la matière électorale est une matière qui concerne
strictement le droit interne. L'O.N.U. ne peut donc obliger les États
à tenir des élections libres, périodiques et
honnêtes sans porter atteinte à leur souveraineté et
à la liberté qu'ils ont de choisir leur système politique.
Secundo, l'assistance électorale apportée par l'O.N.U.
à ces États est une pratique qui ne trouve aucun fondement dans
la Charte de l'Organisation ce qui fait que "nous sommes ici en
présence d'une institution créée par la pratique
internationale et les besoins de la société internationale,
c'est-à-dire que le fait précède le
droit"38.
En plus, l'assistance électorale a posé le
problème de ses effets juridiques. En effet, pour certains, les rapports
des observateurs internationaux des élections servent à renforcer
ou affaiblir la légitimité des gouvernements au regard de la
communauté des États et n'ont donc aucun effet juridique. Au
contraire, pour d'autres, la validité de ces élections
dépendrait des rapports favorables de ces observateurs39.
Apporter une réponse catégorique à ces
questions ne serait qu'une prétention. Toutefois, nous pouvons affirmer
qu'en exhortant les États à organiser des élections
libres, périodiques et honnêtes, l'O.N.U. se limite à
promouvoir ce mode de choix des gouvernants sans avoir aucun pouvoir de
sanction. Pour ce qui est de l'assistance électorale apportée aux
États, bien que non prévue par la Charte, elle a constitué
une réponse aux demandes de certains États, elle est donc en
harmonie avec leur souveraineté et avec la logique de l'accord.
Se basant toujours sur la liberté qu'a un peuple de
choisir ses gouvernants, l'O.N.U. a montré un engagement effectif
pour soutenir ces gouvernements librement élus lorsqu'ils sont
renversés par un coup d'État. Ainsi,
38 DE RAULIN (A) "L'action des observateurs
internationaux dans le cadre de l'O.N.U. et de la société
internationale", R.G.D.I.P., 1993 / 3, p. 569.
39 Cf ibid., pp. 570 - 571.
l'Organisation mondiale a concrètement et fermement agi
pour rétablir ces gouvernements bénéficiant d'une
légitimité démocratique.
En définitive, si l'O.N.U. a gardé un profil
relativement bas dans son soutien à l'établissement de la
démocratie, elle a complètement changé d'attitude lorsque,
une fois établie, cette démocratie s'est trouvée
anéantie par un coup de force d'où nos deux chapitres
successifs
Chapitre premier. L'action de l'O.N.U. pour
établir la démocratie Chapitre deuxième. L'action de
l'O.N.U. pour rétablir la démocratie
CHAPITRE PREMIER
L'ACTION DE L'O.N.U.
POUR ÉTABLIR LA DÉMOCRATIE
Entendue stricto sensu, la démocratie est
assimilée au "gouvernement du peuple par le peuple, pour le
peuple".
Cette définition présume que l'acte de gouverner
appartient au souverain c'est-à-dire au peuple. Faute de pouvoir
gouverner directement, ce peuple doit jouir de la liberté qui lui permet
de s'exprimer aussi bien sur le choix de ses gouvernants que sur les grands
choix de la société à laquelle il appartient. Cette
liberté se traduit, à son tour, par le droit de chaque citoyen de
participer à cette expression. C'est ainsi que souveraineté,
droit des peuples et droit de l'Homme constituent une totalité
dialectiqu'.
Les élections représentent le moyen le plus
courant pour exprimer la volonté du peuple. Cependant, elles ne sont pas
le moyen unique : les référendums reflètent parfaitement
cette volonté.
Notre étude se limitera aux cas dans lesquels l'O.N.U.
essaye d'établir la démocratie dans des États
indépendants et souverains. Ainsi nous écarterons les cas
où l'O.N.U. a participé aux référendums
d'autodétermination tels que le référendum qui a eu lieu
en Érythrée en 1993 ou le référendum que l'O.N.U.
essaye d'organiser depuis 1991 au Sahara Occidental.
Aujourd'hui, nombreux sont les auteurs qui mettent l'accent
sur le lien existant entre la démocratie et le "mode de
dévolution" du pouvoir qu'est 1' élection.
Ainsi Karel Vasak a considéré que "les
élections libres représentent... l'acte de naissance d'une
démocratie véritable... le passage étroit, mais
obligé des droits de l'Homme vers la démocratie"41,
considéré donc par cet auteur comme la synthèse de
tous les droits civils et politiques de
40 CHAUMONT (Ch) considérait que 'La
vocation" de l'Homme à l'existence nationale dans son mouvement
dialectique et historique, se transforme en droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes, lequel, une fois juridiquement construit, se cristallise
dans la souveraineté de l'Etat", "Recherche du contenu
irréductible du concept de souveraineté internationale de
l'Etat", in Hommage d'une génération de juristes au
président Basdevant, Paris, Pedone, 1960, p. 150.
41 VASAK (K), "Etude d'introduction", in.
Liberté des élections et observation internationale des
élections, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 51
l'Homme, le droit à des élections libres,
périodiques et honnêtes émerge aujourd'hui comme un
étalon de mesure de la démocratie des États.
Depuis la fin de la bipolarisation, l'Organisation des Nations
Unies a pris part au mouvement favorable à la démocratie et par
conséquent à la concrétisation du droit de l'Homme
à des élections libres, périodiques et honnêtes dans
des États indépendants et souverains.
Cette action favorable à la démocratie s'est
traduite non seulement au plan normatif par la promotion du principe
d'élections périodiques et honnêtes (Section I)
mais aussi au plan opérationnel par l'assistance
électorale que l'O.N.U. a prêté aux États
(Section II).
SECTION PREMIÈRE
L'ACTION NORMATIVE : LA PROMOTION DU
PRINCIPE D'ÉLECTIONS PÉRIODIQUES ET HONNÊTES
Récemment, l'organe plénier de l'O.N.U. a fait
des élections périodiques et honnêtes un principe
indispensable à toute démocratie. Or, par définition
"les principes restent synonymes de règles juridiques abstraites,
fournissant les bases d'un régime juridique susceptible de s 'appliquer
à de multiples situations concrètes, soit pour les
réglementer de façon permanente, soit pour résoudre les
difficultés qu'elles font naître "42.
Que les élections périodiques et honnêtes
trouvent leur place dans les différents instruments internationaux et
surtout régionaux, est une affirmation qui n'est pas nouvelle. Ce qui
est nouveau c'est que ce n'est que ces dernières années que
l'O.N.U. a voulu concrétiser et promouvoir ce principe.
42 VIRALLY (M), "Le rôle des "principes" dans
le développement du Droit international", in. Le Droit international
en devenir, Essais écrits au fil des ans, Paris, PUF, 1990, p.
197.
On peut certainement avancer que c'est une conjoncture
internationale favorable à la démocratie qui est à
l'origine du changement de l'attitude de l'O.N.U. Cependant, Michel Virally
nous enseigne que "des principes parfaitement juridiques peuvent
présenter, pour les États qui les invoquent ou les proclament,
une très grande importance politique (..) le fait que les principes
soient proclamés avec une intention politique ou pour des motifs
politiques, ou qu'ils présentent une incidence politique même
considérable est absolument prélevant au point de vue de leur
qualification juridique "a3.
Notre travail consistera donc à vérifier,
d'abord, si les élections périodiques et honnêtes
représentent un principe "parfaitement juridique". Autrement
dit, nous essayerons de trouver les bases juridiques qui fondent
l'obligatoriété de ce principe (paragraphe I),
une tâche qui nous semble embarrassante d'autant plus que la
portée du principe demeure ambivalente (paragraphe
II).
PARAGRAPHE PREMIER
L'OBLIGATORIÉTÉ INCERTAINE DU PRINCIPE
D'ÉLECTIONS PÉRIODIQUES ET HONNÊTES
Si on s'attache à chercher un fondement juridique au
principe d'élections périodiques et honnêtes en Droit
international général, c'est pour savoir s'il y a un droit de
l'O.N.U. à établir la démocratie par la promotion de ce
principe.
La réponse à cette question nous paraît
être d'une importance capitale puis qu'il y a quelques années
encore, les élections étaient considérées comme des
"questions qui relèvent essentiellement de la compétence
nationale d'un État" et le moins qu'on puisse dire c'est qu'elles
ne figuraient pas parmi les questions auxquelles l'O.N.U. prêtait une
quelconque attention.
Ce qu'on peut dire dans ce cadre c'est que, d'une part, on ne
peut pas dénuer le principe d'élections périodiques et
honnêtes de tout fondement
43 VIRALLY (M), op. cit.. loc. cit. p. 198
juridique en droit international (A) mais, d'autre part, on se
demande si ce principe ne heurte pas la souveraineté des États
qui fonde tout le droit international, et sa conséquence qu'est le
principe de la non ingérence (B).
A. Un principe fondé en droit international
Le droit de participer à la direction des affaires
publiques et à la vie politique constitue l'un des droits de la personne
déclarés par différents instruments internationaux depuis
la fin de la deuxième guerre mondiale.
Ainsi le droit de la personne à choisir ses gouvernants
par le moyen d'élections périodiques et honnêtes figure
aussi bien dans la Déclaration Universelle des droits de l'Homme (a),
que dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques (b).
a. La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
Quelques années après la création de
l'O.N.U., l'Assemblée Générale de cette Organisation a
adopté la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme par sa
résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948.
Dès le préambule de la Déclaration,
l'Assemblée Générale a pris le soin de rappeler que la
protection des droits fondamentaux de l'Homme et de la dignité humaine
ont constitué l'un des buts des peuples des Nations Unies.
La protection des droits civils et politiques de la personne a
donc constitué l'un des piliers de la Déclaration.
Outre le droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion, le doit à la liberté d'opinion et
d'expression et le droit à la liberté de réunion, la
Déclaration a prévu dans son article 21 paragraphe 3 que "La
volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs
publiques; cette volonté doit s'exprimer par des élections
honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement au suffrage
universel égal et au vote secret ou suivant une procédure
équivalente assurant la liberté du vote".
En dehors de ce qu'on peut dire à propos de l'article
21 en soi, la Déclaration n'est qu'une résolution de
l'Assemblée Générale de l'O.N.U. Cela nous mène
à étudier un problème qui n'est pas propre à la
Déclaration Universelle des droits de l'Homme et qui concerne la valeur
juridique des résolutions de l'organe plénier de l'O.N.U.
Le débat qui s'est ouvert lors de la rédaction
de cette Déclaration peut nous être utile. En effet, au moment de
l'adoption de ce texte, "pour la plupart, ceux qui furent impliqués
dans la rédaction de la Déclaration Universelle des droits de
l'Homme étaient d'avis qu'elle n'avait aucune base juridique. Ils
estimaient qu'ils participaient à l'élaboration de quelque chose
qui était destinée à avoir un impact sur les consciences
"44. C'est ainsi que le gouvernement des États Unis a
voulu éviter que la Déclaration soit juridiquement
exécutoire au niveau international en proposant que les Membres des
Nations Unies soient appelés à "promouvoir" et non
à "faire respecter" les droits de l'Homme De même, l'un
des groupes de travail créé par la Commission des droits de
l'Homme lors de sa session de décembre 1947, le groupe de travail sur
les mesures d'application, a considéré dans son rapport qu'il est
"manifestement impossible au groupe de travail d'envisager des mesures
d'application pour une obligation qui n'en était pas
une"45.
Ces arguments n'excluent pas l'idée qu'avaient certains
observateurs de l'époque et qui consiste à voir dans la
Déclaration une obligation qui pèse sur les États puisque
les droits des personnes sont l'un des buts prévus par la Charte des
Nations Unies. René Cassin a déclaré à ce sujet qu'
"il est évident qu'elle n'est pas aussi puissante, aussi
astreignante que pouvaient l'être des engagements juridiquement
consignés dans une convention. Mais notre Déclaration est
formulée dans une résolution de 1 'Assemblée qui a une
valeur juridique de recommandation; elle est le développement de
la
44 La Déclaration
Universelle des droits de l'Homme, 40ème anniversaire 1948-1988,
exposés par JOHNSON (G) et SYMONIDES (J), Paris, UNESCO,
L'Harmattan, 1991, p. 129.
45 Documents des Nations Unies : UN, doc. E/CN.
4/53, 10 Décembre 1947, Commission on Human Rights, second session
(commission des droits de l'Homme, deuxième session), Draft Report of
the working Group on implementation (Projet de rapport du Groupe de travail sur
les mesures d'application), p. 2 (Boîte 4595, Eleonor Roosevelt Papers),
D'après JOHNSON (G) et SYMONIDES (J), op. cit. p. 133.
Charte qui a incorporé les droits de l'Homme dans
le droit international positif, droits dont on peut dire qu'ils figurent
maintenant parmi ce que l'on appelle les "principes généraux de
droit" visés à l'article 38 du statut de la cour de La
Haye"46.
Les développements ultérieurs du droit
international ont fait qu'aujourd'hui une partie des juristes considère
que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme a la valeur d'une
coutume internationale et donc obligatoire à ce titre pour les
États47.
Ces approches, bien que relatives à toute la
Déclaration, peuvent nous éclairer sur la place qu'occupe le
principe d'élections périodiques et honnêtes en droit
international. Faire de ce principe un principe coutumier reste à
vérifier. En fait nous ne sommes pas encore sûrs qu'il y ait une
pratique générale des États qui garantit aux citoyens le
droit d'élire librement et périodiquement ses gouvernants.
Rien que pour les pays du sud, les élections libres font
partie de leur discours politique et juridique plutôt que de leurs
pratiques.
De plus, et indépendamment de la valeur juridique de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, si nous sommes d'accord
sur l'idée que tout régime démocratique doit émaner
de la volonté du peuple, il nous reste à savoir si les
élections périodiques et honnêtes ont été
envisagées par les rédacteurs de la Déclaration comme le
seul moyen permettant à cette volonté de s'exprimer.
Contrairement à ce que laissent entendre certains
auteurs48, la volonté du peuple peut, selon l'article 21
(3), être exprimée par une procédure équivalente
assurant la liberté de vote. En tout cas, la liberté de vote
doit
46 General Assembly, Summury Records (comptes
rendus de à l'Assemblée Générale).
47Cf. CORTEN (0) & KLEIN (P). Droit
d'ingérence ou obligation de réaction? Bruxelles, Bruylant,
1992, pp. 94-103, JOHNSON (G) et SYMONIDES (J), op. cit. pp. 138-141,
MADIOT (Y), droits de l'Homme et libertés publiques, Paris,
Masson, 1976 pp. 91-92. Cf contra, VEDEL (G) "Les droits de l'Homme
· quels droits ? quel Homme ?", in. Humanité et Droit
international, Mélanges René-Jean DUPUY, Paris, Pedone,
1991, p. 349. COMBACAU (J) et SUR (S), Droit international public, Paris,
Montchrestien, 1995, p. 391
48 Voir BEIGBEDER (Y), Le contrôle
international des élections, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J,
1994, p. 15.
être assurée mais le fait d'ajouter "ou
suivant une procédure équivalente" nous révèle
que les élections périodiques et honnêtes ne sont pas un
moyen exclusif pour exprimer la volonté du peuple et fonder par
conséquent un régime démocratique - du moins selon le
texte de la Déclaration -.
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme a, en
fait, laissé le choix pour les États de concevoir le vote
autrement.
Bien que les principaux rédacteurs de la
Déclaration aient été des occidentaux, René Cassin,
un des rédacteurs de cette déclaration, a considéré
d'ailleurs qu'elle est universelle parce qu'elle est "dégagée
de tout esprit de compétition nationale, doctrinale, confessionnelle,
elle n'a consacré ni le triomphe d'un système métaphysique
ou social ni tenté des conciliations impossibles de théories
adverses"49.
Cette affirmation est discutable car nous savons que la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme a été
adoptée par 48 voix sur 56. Plus, sur ces 48 États, 35
relèvent de la culture occidentale et certains pays de l'Est ainsi que
l'Arabie Saoudite et l'Union Sud Africaine se sont abstenus. D'autres
États arabo-musulmans ont voté tout en émettant des
réserves.
C'est cette prétendue universalité - originaire
- qui semble être mise aujourd'hui en question. La
préférence qu'a l'O.N.U. pour la démocratie
libérale telle qu'elle a été conçue par les auteurs
des lumières s'est manifestée à travers sa nouvelle
conception du régime démocratique basée essentiellement
sur les droits civils des personnes et sur l'État de Droit. Selon la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, cette
préférence ne peut pas se transformer en obligation pour les
États d'organiser des élections périodiques et
honnêtes. On se demande alors quelle serait l'attitude des États
s'ils adhéraient à un document plus contraignant tel que le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques ?
b. Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques
49 Discours à l'Académie des sciences
morales et politiques, 8 décembre 1948, in. La protection
internationale des droits de l'Homme dans le cadre des Organisations
Universelles, Documents réunis par COHEN - JONATHAN (G),
documents d'études, Droit international public, N° 3. 06,
avril 1990,p. 5.
Adopté par l'Assemblée Générale de
l'O.N.U. le 16 décembre 196650, soit 18 ans après le
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques dispose dans son article 25 que
"Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des
discriminations visées à 1 'article 2, sans restrictions
déraisonnables (...) (b) de voter et d'être élu, au cours
d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et
égal et au scrutin secret, assurant 1 'expression libre de la
volonté des électeurs".
La première remarque qui s'impose à propos de
cet article est relative à la disparition de la phrase "ou suivant
une procédure équivalente assurant la liberté de vote".
Désormais, la volonté du peuple est censée s'exprimer
par le droit aux élections périodiques et honnêtes. Cette
omission volontaire de tout autre moyen exprimant la volonté du
souverain traduit le choix du système démocratique par les
États parties au pacte international relatif aux droits civils et
politiques.
La mention du principe d'élections périodiques
et honnêtes dans un texte incontestablement contraignant est, en
principe, témoin de l'existence de ce principe comme une obligation
à la charge des États qui l'ont ratifié.
L'obligatoriété juridique de ce pacte est
certaine, la preuve est qu'il a mis dix ans pour entrer en vigueur après
avoir acquis le nombre exigé de ratifications51.
Dans son article "The emerging right to democratic
governance"52 Thomas Frank a relevé qu'après la
décolonisation, la proportion des pays Membres de l'O.N.U. qui
pratiquaient des élections libres et démocratiques était
restreinte surtout dans les régimes totalitaires de l'Afrique et de
l'Asie.
Cette remarque n'a pas empêché l'auteur de voir
que malgré cette atmosphère hostile, presque les deux tiers
des États Membres de l'O.N.U. se sont engagés à
respecter les règles et les droits prévus dans le Pacte des
50 Résolution 2200 / A (XXI) A.G. / O.N.U. du
16/12/1966
51 Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques est entré en vigueur le 23 mars 1976 après le
dépôt du 35ème instrument de ratification.
52 FRANK (Th) in. A. J. L L., janvier 1992,
volume 86, N° 1, pp. 63 - 64
droits civils et politiques d'où le droit émergeant
aux élections libres, périodiques et honnêtes.
Aujourd'hui, 20 ans après l'entrée en vigueur du
pacte, la balance semble s'incliner du côté de ce principe : une
nouvelle majorité d'États fait actuellement des élections
l'un des éléments qui fondent l'autorité des pouvoirs
publics. Cet état des choses a poussé l'auteur à en
déduire la formation d'une coutume générale applicable
à tous et qui veut que le principe d'élections périodiques
et honnêtes fonde toute démocratie.
Cette conclusion nous paraît excessive puisqu'en
l'état actuel du droit international nous ne sommes pas en mesure de
confirmer l'universalité du pacte international relatif aux droits
civils et politiques puisqu'un nombre important d'États ne l'ont pas
ratifié53. Et ceux qui ont ratifié ce pacte, n'ont
pas, tous, émis la déclaration relative à l'article 41 qui
permet aux États de reconnaître la compétence du
Comité des droits de l'Homme pour recevoir et examiner les
communications dans lesquelles un État prétend qu'un autre
État partie au pacte ne s'acquitte pas de ses obligations relatives aux
droits civils et politiques54. De plus, le protocole facultatif se
rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et
qui habilite le Comité des droits de l'Homme; constitué par le
Pacte, à examiner les communications émanant de particuliers qui
prétendent être victimes d'une violation d'un des droits
énoncés dans le pacte, n'a été ratifié que
par 79 États jusqu'à janvier 199555.
En tout cas, si nous ne sommes pas tout à fait certains
que "le droit international n'a pas consacré un droit de l'Homme aux
choix du système politique et des gouvernants de son pays"56,
il n'en reste pas moins que nous partageons l'idée que "ces
instruments internationaux qui l'ont prévu,
53 Jusqu'au 1er janvier 1995, 129 États ont
ratifié le Pacte, voir MARIE (J-B), "Instruments internationaux relatifs
aux droits de l'Homme / Classification et état actuel des ratifications
au 1er janvier 1995", in. R. U. D. H.,15 mars 1995, volume 7, N°
1 - 3, p. 68.
54 Cet article est entré en vigueur le 28
mars 1979, en janvier 1995 il a fait l'objet de 44 déclarations voir
MARIE (J-B), "Instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme
...", art.cit, p. 68.
55 Ibid. loc. cit.
56 BEN ACHOUR (R), "Normes internationales
souhaitables de lege ferenda relatives aux élections". in.
liberté des élections... op. cit. p. 199.
l'ont fait de manière si insuffisante et timide
qu'il n'en a pas résulté de conséquences
pratiques"57. D'une manière insuffisante et timide parce
que ces instruments se sont limités à proclamer ces droits, ils
sont donc sans conséquence pratique puisqu'en cas de leur violation, la
seule sanction positive est prévue soit par l'article 41, soit par le
protocole facultatif qui, eux, ne sont mis en oeuvre qu'avec l'accord de
l'État.
Ajoutons que nous assistons depuis quelques années
à un effort entrepris par certaines Organisations non gouvernementales
en vue de codifier ces règles relatives à la liberté des
élections dans un texte obligatoire pour les États. C'est ainsi
que lors de la conférence internationale qui s'est tenue à la
Laguna du 27 février au 2 mars 1994; sur la "Liberté des
élections et observation internationale des élections", un
projet de convention a été préparé à propos
de ce thème58.
Bref, on pourrait penser qu'on assiste à la formation
d'une opinio juris qui reconnaît et garantit aux personnes un
droit aux élections libres, périodiques et honnêtes mais
encore faut-il admettre que cette coutume ne peut s'imposer aux États
qui l'ont expressément rejeté d'autant plus que "le plus
souvent..., la règle coutumière correspond à un
équilibre des forces internationales en présence à un
moment donné, à une confrontation des sujets de droit sur un
problème international"59.
Pour conclure, on peut affirmer que la place qu'occupe le
principe d'élections périodiques et honnêtes au rang des
normes du droit international, dépendra des développements
ultérieurs de ce droit. Ces développements dépendants eux
aussi de la manière dont les États concevrons leur
souveraineté et sa conséquence qu'est le principe de la non
ingérence dans les affaires intérieures des États.
57 Ibid. loc. cit.
58 voir "Projet de convention internationale Jorge
CAMPINOS relative à la liberté des élections et à
l'observation internationale des élections". in. Liberté des
élections et observation internationale des élections, op. cit.,
pp. 321 - 358.
59 QUOC DINH (N) et al, Droit international
public, Paris, LGDJ, 1994, p. 316.
B. Un principe qui heurte la règle de non
ingérence dans les affaires intérieures des États
Souverains par définition, soucieux de se voir imposer
un certain comportement à l'égard de leur population, les
États se sont montrés prudents lors de l'adhésion aux
instruments internationaux relatifs aux droits des personnes.
Cette prudence s'explique par l'idée que ces
États craignent toute ingérence dans leurs affaires
intérieures qui peut se justifier éventuellement par l'engagement
de cet État à promouvoir ou à respecter les droits des
personnes proclamés dans ces textes internationaux.
Avant de vérifier si le principe d'élections
périodiques et honnêtes contredit le principe de la non
ingérence, principe bien ancré en droit international
général, une définition doctrinale de ce dernier principe
est de nature à écarter quelques ambiguïtés sur la
question.
Ainsi nous pouvons confirmer que "... l'ingérence
ou intervention au sens non matériel du terme, se limite à une
interférence dans la sphère d'action de l'État, sans
autorisation de celui-ci; elle peut prendre la forme d'une simple prise de
position (...) mais aussi à un degré supérieur, celle
d'une invitation à agir dans un sens déterminé,
éventuellement assortie d'une pression destinée à
contraindre le destinataire à le faire"60. Une
précision s'impose à propos de cette définition. En effet,
l'autorisation dont parle l'auteur peut être ponctuelle mais elle peut
aussi être indirecte ou implicite par le fait que l'État s'engage,
sur le plan international, à agir dans un sens ou dans un autre.
A partir de cette définition deux possibilités
nous sont offertes pour traiter ce problème.
La première approche consiste à se demander si
la promotion du principe d'élections périodiques et
honnêtes ne constitue pas une ingérence ou une intervention au
sens de l'article 2 paragraphe 7 de la Charte de l'O.N.U. ?
60 COMBACAU (J) et SUR (S), Droit international public,
Paris, Montchrestien, 1995, p. 262
Cet article dispose qu'aucune disposition de la
présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans
les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence
nationale d'un État...".
Bien que faisant l'objet d'engagements internationaux des
États, la matière électorale a été
généralement considérée comme faisant partie
intégrante du système politique, qui lui, relève de la
compétence discrétionnaire de l'État ou du domaine dit
réservé aux États.
Si on se base sur la doctrine du domaine
réservé, nous pouvons dire que les États restent libres de
réglementer une matière tant qu'elle n'a pas été
régie par le droit international. La CPJI, dans son avis relatif
à l'affaire des décrets français sur la
nationalité en Tunisie et au Maroc, a considéré que
"La question de savoir si une certaine matière rentre ou ne rentre
pas dans le domaine exclusif d'un État est une question essentiellement
relative : elle dépend du développement des rapports
internationaux"61. Par conséquent, toute
ingérence dans une matière non régie par le droit
international constitue une intervention illicite.
Pour ce qui est du principe d'élections
périodiques et honnêtes nous avons déjà vu qu'il a
fait l'objet d'une certaine réglementation internationale. Or,
très tôt, dans sa résolution 285 du 25 avril 1949,
l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a, selon un auteur,
reconnu que les "les questions de la protection des droits de l'Homme dans
la communauté internationale universelle ne sont plus des "affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un
État" car elles sont en principe régies par le droit
international, bien que ce soit encore le droit interne qui les règle
normalement"62. Donc étant l'un des droits régis
par le droit international, le droit aux élections périodiques et
honnêtes doit être promu par les États qui ont
manifesté leur consentement à son propos.
61 In. LAGHMANI (S), Répertoire
élémentaire de la jurisprudence internationale, CERP, 1993,
p. 180.
62 VERDROSS (A), "Le principe de la non
intervention dans les affaires relevant de la compétence nationale d'un
État et l'article 2 (7) de la Charte des Nations Unies", in.
Mélanges ROUSSEAU (CH), La communauté internationale, Paris,
Pedone, 1974, p. 272.
On peut penser à ce propos que même si
l'État s'engage juridiquement à garantir un droit, dans ce cas le
droit aux élections périodiques et honnêtes, cela ne veut
pas forcement dire que la matière électorale échappe
à la compétence de cet État. A la limite, nous pouvons
concevoir que cette compétence devient "concurrente"63.
L'obligation de respecter ce principe existe, certes, et découle du
caractère consensuel du droit international mais cette
obligatoriété n'autorise pas l'O.N.U. à prendre une action
quelconque afin d'obliger un État à respecter ce principe. En
effet, la Charte des Nations Unies s'est référée aux
droits de l'Homme à plusieurs reprises mais aucune disposition n'a
habilité l'O.N.U. à obliger un État au respect de ces
droits64.
La seule possibilité de droit commun qu'offre le droit
international en cas de violation d'un engagement international est la mise en
oeuvre de la responsabilité étatique. Cette solution a
été prévue par l'Institut du droit international dans sa
résolution sur la "protection des droits de l'Homme et le principe
de non intervention dans les affaires intérieures des
États"65.
A la question de savoir si l'encouragement de l'O.N.U. pour le
respect du principe d'élections périodiques et honnêtes
constitue une ingérence ou une intervention au sens de l'article 2 (7)
de la Charte; une réponse négative nous est fournie par une
partie de la doctrine Ainsi "l'ingérence commence là
où un État, un groupe d'États, une organisation
internationale, "se mêlent de ce qui ne le regarde pas",
c'est-à-dire de ce que fait un État dans un domaine qui
relève de sa compétence (...) et où ses pouvoirs sont
discrétionnaires. C'est habituellement le cas en ce qui concerne le
choix de "son système politique, économique, social et culturel"
(...) mais pas nécessairement car rien ne l'empêche de renoncer
à cette liberté primitive"66. Nous dirons
à propos de cette réponse qu'a contrario si
l'État n'a pas renoncé à cette "liberté
primitive", une organisation internationale qui l'incite à adopter
un système quelconque s'ingère dans les affaires de cet
État.
63 L'expression est empruntée à COMBACAU
(J) et SUR (S), op. cit., p. 255.
64 Voir notamment le préambule de la Charte,
l'article 1 (3), l'article 13 (1-b), l'article 55 (c), l'article 62 (2),
l'article 68 et l'article 76.
65 Résolution adoptée à la
session de Saint-Jacques de Compostelle le 13 septembre 1989, in. A.LD.I.
volume 63 - II, Paris, Pedone, 1990, pp. 224-225 et 338-344
66 COMBACAU (J) et SUR (S), op. cit. p. 255.
La deuxième voie qui nous permet d'analyser la question
des élections par rapport au principe de la non ingérence,
consiste à soustraire la doctrine du domaine réservé de
notre raisonnement dans la mesure où le problème ne consiste plus
à savoir si le principe d'élections périodiques et
honnêtes relève du droit interne ou du droit international; cette
question étant résolue par le fait que le droit international a
consacré le droit de la personne à choisir librement ses
gouvernants par des élections périodiques et honnêtes.
Le problème qui se pose est donc celui de savoir s'il y
a une équation entre ce droit, intimement lié aux choix du
système politique, et un autre droit qui garantit
précisément aux États le libre choix de leur
système politique, économique, social et culturel.
Le droit international charge donc l'État de garantir
aux personnes, un droit aux élections périodiques et
honnêtes mais en même temps il lui reconnaît son droit au
libre choix de son système politique, économique, social et
culturel. Or, il est certain que le système électoral constitue
une partie intégrante du système politique d'un État.
Il s'agit donc dans ce cas d'un "conflit positif de deux
séries de règles du droit international dont les unes accordent
à l'État un droit et une liberté alors que les autres
impliquent à sa charge une obligation et ce dans le même domaine,
le domaine de son organisation politique"67.
La résolution de ce conflit semble être
conditionnée par un rapport de force favorable à la
démocratie libérale, un rapport de force qui tend à
éliminer l'un des termes de cette contradiction qu'est le libre choix du
système politique.
Du reste, ce conflit a été manifeste dans les
résolutions prises par l'Assemblée Générale de
l'O.N.U. à propos des élections et qui ne font que
témoigner de l'attitude indécise des États et de la
portée ambivalente du principe d'élections périodiques et
honnêtes.
67 LAGHMANI (S), "Vers une légitimité
démocratique ?", in. Les nouveaux aspects du droit international,
dir. BEN ACHOUR (R) et LAGHMANI (S), Paris, Pedone, 1994, p. 256.
PARAGRAPHE DEUXIÈME
LA PORTÉE AMBIVALENTE DU PRINCIPE
D'ÉLECTIONS PÉRIODIQUES ET HONNÊTES
La promotion du principe d'élections périodiques
et honnêtes n'a pris un relief particulier au sein de l'O.N.U.
qu'après le changement de l'équilibre politique dans
l'Organisation. Avant cette période, le droit international "ne se
souciait même pas, toujours au nom de la non ingérence, de savoir
si le principe même du choix, indépendamment de ses
modalités d'exercice est consacré "68.
Cet état des choses nous explique en quelque sorte
l'attitude qu'a affichée l'Assemblée Générale de
l'O.N.U. en adoptant non seulement des résolutions relatives au
"renforcement de l'efficacité du principe d'élections
périodiques et honnêtes" mais aussi des résolutions
sur le "respect des principes de la souveraineté nationale et de la
non ingérence dans les affaires intérieures des États en
ce qui concerne les processus électoraux".
L'analyse de ces résolutions nous permettra de
démontrer qu'il s'agit de résolutions ambivalentes en
elles-mêmes (A) et surtout de résolutions
contradictoires entre elles (B).
A. Des résolutions ambivalentes en
elles-mêmes
A partir de sa quarante troisième session,
l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a décidé
d'inclure la question du "renforcement de l'efficacité du principe
d'élections périodiques et honnêtes" dans l'ordre du
jour de sa quarante quatrième session. Ainsi de 1988 à 1994, sept
résolutions ont été adoptées dans ce sens : la
résolution 43/157 du 8 décembre 1988, la résolution 44/146
du 15 décembre 1989, la résolution 45/150 du 18 décembre
1990, la résolution 46/137 du 17 décembre 1991, la
résolution 47/139 du 18 décembre 1992, la résolution
48/131 du 20 décembre 1993 et
68 BEN ACHOUR (R), art. cit. p. 198.
la résolution 49/190 du 23 décembre 1994. Cette
dernière ayant pour titre "Affermissement du rôle de
l'Organisation des Nations Unies aux fins du renforcement de
l'efficacité du principe d'élections périodiques et
honnêtes et de l'action en faveur de la démocratisation".
Une vue globale sur l'ensemble de ces résolutions nous
permet de dire que, déjà au niveau de l'intitulé, l'organe
plénier de l'O.N.U. nous fait savoir qu'il ne s'agit que d'un
renforcement de l'efficacité du principe d'élections
périodiques et honnêtes autrement dit, l'Assemblée
Générale considère que le droit aux élections
périodiques et honnêtes est bien établi comme un principe
en droit international, son efficacité est relative et elle doit
être renforcée. De cette manière, les destinataires de ses
résolutions comprendront que l'O.N.U. n'est pas en train de créer
une nouvelle obligation pour les États mais qu'elle ne fait que rappeler
à ces États leur devoir de respecter la volonté de leurs
peuples qui fonde l'autorité des pouvoirs publics et qui, par
conséquent, légitime ce pouvoir.
La première résolution adoptée par
l'Assemblée Générale à savoir la résolution
43/157, a constitué une innovation dans la position de l'O.N.U. c'est
pourquoi nous jugeons nécessaire l'analyse de ses dispositions
significatives.
La résolution 43/157 a commencé, dans son
préambule, par le rappel de l'obligation que lui impose la Charte des
Nations Unies de développer et d'encourager le respect des droits de
l'Homme et des libertés fondamentales pour tous. Par conséquent,
l'Assemblée Générale a réaffirmé, en
reprenant les termes de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
"que toute personne a le droit de prendre part à la direction des
affaires publiques de son pays soit directement, soit par
l'intermédiaire de représentants librement choisis, que toute
personne a le droit à accéder, dans des conditions
d'égalité aux fonctions publiques de son pays, que la
volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs
publics et que cette volonté doit s'exprimer par des élections
honnêtes qui doivent avoir
lieu périodiquement, au suffrage universel
égal et au vote secret ou suivant une procédure
équivalente assurant la liberté de vote"69.
L'Assemblée Générale a également
noté les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques qui prévoit que tout citoyen a droit, sans distinction
aucune "de prendre part à la direction des affaires publiques, soit
directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement
choisis, de voter et d'être élu au cours d'élections
périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au
scrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté des
électeurs et d'accéder dans des conditions
générales d'égalité, aux fonctions publiques de son
pays".
Jusque là, on peut très bien voir que l'O.N.U.
n'hésite pas à annoncer sa préférence pour le
modèle démocratique fondé, entre autres sur la
liberté, l'honnêteté et la périodicité des
processus électoraux, plus, on peut même confirmer qu'il existe
"une profession de foi voir une tentative de fondement juridique d'une
norme de légitimité démocratique"7°.
Seulement, après ces passages, l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. semble prendre une position contraire en
rappelant "que tous les États jouissent de
l'égalité-souveraine et que chaque État a le droit de
choisir et de développer librement son système politique, social,
économique et culturel".
Nous remarquons donc que, dans deux passages successifs,
l'Assemblée Générale a rappelé deux principes
antinomiques en ce sens qu'à partir du moment où on
reconnaît aux États une liberté de choix de leur
système politique, on doit se désintéresser de la
manière suivant laquelle fonctionne ce système, à moins
qu'on admette que le moyen du choix des gouvernants est indépendant du
choix du système politique d'un État, ce qui est, à notre
sens insensé.
Toutefois, le dispositif de cette résolution a
résolu cette contradiction en écartant le droit de
l'État de choisir librement son système politique. En effet,
l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a souligné sa
conviction "que les
69 Résolutions et décisions
adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa
Quarante Troisième session, volume I, 20 septembre - 22 décembre
1988, documents officiels, Supplément N° 49.
LAGHMANI (S), art. cit. p. 269.
élections périodiques et honnêtes sont
un élément nécessaire et indispensable des efforts
soutenus visant à protéger les droits et intérêts
des administrés et que, comme le montre l'expérience pratique, le
droit de chacun de prendre part à la direction des affaires publiques de
son pays est un facteur crucial de la jouissance effective par tous d'un grand
nombre d'autres droits de l'Homme et libertés fondamentales y compris
les droits politiques, économiques, sociaux et culturels".
L'organe plénier de l'O.N.U. a même
déclaré dans la résolution 43/157 que "pour
déterminer la volonté du peuple il faut un processus
électoral offrant des choix différents et que ce processus doit
donner à tous les citoyens des chances égales de devenir
candidats et de faire valoir leurs vues politiques, que ce soit à titre
individuel ou conjointement avec d'autres". Cette résolution exige
donc des États l'organisation d'élections pluralistes et bien
qu'elle s'adresse directement à l'Afrique du Sud, la résolution
43 / 157 a réconforté les partisans du régime
démocratique libéral qui ont considéré que
"l'Assemblée Générale avait donc finalement reconnu
que l'exigence des élections libres; du suffrage universel et de la
liberté d'opinion politique pour l'Afrique du Sud ne pouvait pas
être limitée à ce pays il s'agissait d'une exigence
universelle de démocratie"71.
Cette même résolution a provoqué la
crainte de certains pays, jaloux d'une souveraineté difficilement
acquise, qui ont insisté au cours des débats sur le fait
qu'aucune ingérence extérieure ne doit toucher à leur
souveraineté72.
La diversité des attitudes des États Membres de
l'O.N.U. a suscité quelques modifications dans la position de
l'Assemblée Générale lors de sa quarante quatrième
session. En effet, dans sa résolution 44/146 portant le même titre
que la précédente et après avoir fait
référence à la Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
garantissant le droit aux élections périodiques et
honnêtes; l'Assemblée Générale a rappelé
également qu' "il n'existe aucun système politique ni aucune
méthode électorale qui puisse convenir également
à
71 BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 57.
72 Le pluralisme politique prévu
implicitement par la résolution 43/157 se concilie mal avec les
constitutions de certains États à parti unique tel que la Zambie.
voir BEIGBEDER, op. cit., p. 58.
toutes les nations et à tous les
peuples"73. Ce considérant reflète la position
des pays du sud qui évoquent toujours leurs différences
économiques, sociales et culturelles pour ne pas se voir imposer un
système politique de type occidental.
Dans le dispositif de cette résolution,
l'Assemblée Générale a déclaré que "pour
déterminer la volonté du peuple il faut un processus
électoral qui donne à tous les citoyens des chances égales
de devenir candidats et de faire valoir leurs vues politiques que ce soit
à titre individuel ou conjointement avec d'autres, dans le cadre
délimité par la constitution et la législation
nationale".
Bien que l'expression "offrant des choix
différents" ait disparu pour être remplacée par la
référence à "la constitution et la législation
nationales", nous pouvons trouver dans cet extrait un fondement du
pluralisme politique par la référence faite au droit de devenir
candidat à titre individuel ou conjointement avec d'autres.
Ce caractère indécis de l'organe plénier
de l'O.N.U. traduit une polémique entre les États Membres de
cette Organisation qui, chacun de son côté, essayent de faire
prévaloir l'un des deux principes contradictoires.
La résolution 44/146 a essayé de concilier les
deux principes en considérant "que les efforts
déployés par la communauté internationale pour renforcer
l'efficacité du principe d'élections périodiques et
honnêtes ne doivent pas remettre en question le droit souverain
qu'à chaque État de choisir et d'élaborer librement ses
systèmes politique, social, économique et culturel, que ceux-ci
soient conformes ou non aux préférences d'autres États".
L'Assemblée Générale a même souligné que
"chacun des membres de la communauté internationale est tenu de
respecter les décisions prises par les autres États dans
l'exercice de leur droit de choisir et d'organiser librement leurs institutions
électorales".
On peut dire à ce propos que, bien qu'elle soit relative
au renforcement de l'efficacité du principe d'élections
périodiques et honnêtes, la résolution
73 Résolutions et décisions
adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa
quarante quatrième session, volume I, 19 septembre - 29 décembre
1989, documents officiels, supplément N° 49.
44/146 semble atténuer la portée de sa
précédente. En fait, en lisant cette résolution on ne peut
pas affirmer que l'O.N.U. a été catégorique quant à
l'obligation d'organiser des élections libres et pluralistes.
De sa quarante cinquième à sa quarante
neuvième session, l'Assemblée Générale de l'O.N.U.
a donné aux résolutions relatives au "renforcement de
l'efficacité du principe d'élections périodiques et
honnêtes" une portée plutôt opérationnelle.
En effet, la résolution 45/150 du 18 décembre
1990 a repris termes de la résolution 44/146 en ajoutant des
dispositions concernant l'action concrète de l'O.N.U. en vue de
promouvoir l'efficacité du principe d'élections
périodiques et honnêtes. C'est pour cette raison que
l'Assemblée a affirmé "la valeur de l'assistance
électorale que l'organisation des Nations Unies a apporté
à certains États Membres, sur leur demande, et dans le strict
respect de leur souveraineté"74. De plus,
l'Assemblée Générale a considéré "que la
communauté internationale devait continuer d'examiner avec soin les
moyens par lesquels l'Organisation des Nations Unies peut répondre aux
demandes des États Membres désireux de développer et de
renforcer leurs institutions et procédures
électorales"75.
Cette résolution est donc la première dans
laquelle l'Assemblée Générale de l'O.N.U. donne un
caractère concret à sa préférence pour le principe
d'élections périodiques et honnêtes en insistant sur la
valeur de l'assistance électorale. C'est ce qui explique peut être
qu'elle n'a pas été adoptée sans vote comme les
précédentes76.
Pour le reste, les résolutions 46/137, 47/138, 48/131
et 49/190 n'ont fait que donner suite au principe d'élections
périodiques et honnêtes en prévoyant les moyens
nécessaires pour garantir son efficacité.
L'étude des résolutions adoptées par
l'Assemblée Générale de l'O.N.U. en vue de promouvoir
le principe d'élections périodiques et honnêtes nous a
74 Résolutions et décisions
adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa
quarante cinquième session, volume I, 18 septembre - 21 décembre
1990, documents officiels, supplément N°19.
75 Ibid.
76 Cette résolution a été
adoptée par une majorité de 129 votes pour, huit votes contre et
neuf abstentions.
permis de constater que, tout en essayant de créer
à la charge des États l'obligation de respecter la volonté
de leurs gouvernés telle qu'elle s'exprime par des élections
périodiques et honnêtes, elles n'ont pas omis de se
référer au principe de la souveraineté des États et
de leurs droits à choisir librement leurs systèmes politiques.
C'est de là précisément que provient
l'ambivalence de ces résolutions une ambivalence qui s'est
accentuée lorsque l'Assemblée Générale de l'O.N.U.
a adopté des résolutions situées aux antipodes de celles
que nous venons d' analyser.
B. Des résolutions contradictoires entre elles
A partir de sa quarante quatrième session, et au
même jour où elle a adopté sa résolution 44/146
relative au "renforcement de l'efficacité du principe
d'élections périodiques et honnêtes",
l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a adopté la
résolution 44 /147 du 15 décembre 1989 portant le titre
"Respect des principes de la souveraineté nationale et de la non
ingérence dans les affaires intérieures des États en ce
qui concerne les processus électoraux". Contrairement à la
première, la résolution 44/147 n'a pas été
adoptée par consensus mais par une majorité de 113 voix pour,
onze abstentions et 23 votes contre.
Parmi les États qui se sont opposés à
cette résolution nous pouvons citer les États Unis
d'Amérique, le Canada, le Japon et les douze membres de la
Communauté européenne. Il n'est pas difficile de deviner que
cette opposition est due à ce que la résolution 44/147 vient
presque neutraliser la précédente.
En effet, dans le préambule, l'Assemblée
Générale a pris le soin de rappeler les dispositions de l'article
2 (7) de la Charte de l'O.N.U. Elle a considéré par
conséquent que "les principes de la souveraineté nationale et
de la non ingérence dans les affaires intérieures de tout
État doivent être respectés
lors du déroulement d'élections"77 . De
plus, l'Assemblée Générale a considéré dans
le préambule de cette résolution "qu'il n'existe pas de
système politique unique de processus électoral convenant
également à toutes les nations et à tous les peuples et
que les systèmes politiques et les processus électoraux sont
conditionnés par des facteurs historiques, politiques, culturels et
religieux".
Cette disposition se justifie si on garde à l'esprit
qu'elle a été proposée par les pays en
développement78. D'ailleurs, un auteur a
considéré que cette résolution "reflétait
l'inquiétude des États totalitaires et autoritaires
appuyés par de nombreux pays du tiers monde, devant cette avancée
démocratique des Nations Unies"79.
Nous dirons, à propos de cette affirmation,
qu'abstraction faite du mobile politique de ces États
"totalitaires", la résolution objet de ce commentaire s'est
limitée à rappeler des principes fortement ancrés en droit
international positif que sont les principes de la souveraineté et de la
non ingérence dans les affaires intérieures des États.
La référence faite, dans cette
résolution, aux facteurs historiques, politiques, culturels et religieux
a été jugée "en opposition avec la conception
universaliste des droits de l'Homme et de la démocratie"80.
Or, par définition, la démocratie exige la diversité
et la différence faute de quoi cette "avancée
démocratique des Nations Unies" risque de se transformer en un
dogme et par conséquent préparer sa propre négation.
Par ailleurs, l'Assemblée Générale a
réaffirmé dans le dispositif de cette résolution que
"tous les peuples ont le droit de déterminer librement et sans
ingérence extérieure leur statut politique et d'assurer librement
leur développement économique, social et culturel et que chaque
État a le devoir de respecter ce droit conformément aux
dispositions de la Charte"
77 Résolutions et décisions
adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa
quarante quatrième session, volume I, 19 septembre - 29 décembre
1989, documents officiels, supplément N° 49.
78 C'est une résolution proposée par
l'Afghanistan, l'Angola, Cuba, le Yémen, l'Irak, la Libye, le Nicaragua,
la Tanzanie, le Vietnam, la Zambie et la Chine. voir BEIGBEDER (Y), op.
cit. p. 56.
79 BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 58.
80 Ibid. op. cit. loc. cit.
et qu' "il appartient aux seuls peuples de décider
des méthodes à suivre et des institutions à mettre en
place aux fins du processus électorale, ainsi que des moyens de mettre
ce processus en oeuvre conformément à la constitution et à
la législation nationales".
Nous le constatons donc, la résolution ne nie pas les
droits relatifs aux processus électoraux, seulement, ces droits doivent
s'exercer en dehors de toute ingérence extérieure et de toute
pression internationale.
Une autre remarque s'impose à propos de ces extraits.
En fait, cette résolution qui constitue une riposte à la
résolution 44/146 relative au "renforcement de l'efficacité
du principe d'élections périodiques et honnêtes" n'a
pas non plus reconnu expressément aux États le libre choix de
leurs systèmes politiques et de leurs institutions
électorales.
Désormais, c'est au peuple qu'appartient le droit de
choisir ses méthodes électorales, ce choix, notons-le, doit
s'exercer dans le cadre et les limites du droit national.
Donc, paradoxalement, une résolution portant le titre
"renforcement de l'efficacité du principe d'élections
périodiques et honnêtes" reconnaît expressément
dans son préambule que le droit de choisir et de développer
librement leur système politique, économique, social et culturel
est un droit qui appartient aux États alors que ce même droit est
reconnu aux peuples dans le dispositif d'une résolution intitulée
"Respect des principes de la souveraineté nationale et de la non
ingérence dans les affaires intérieures des États en ce
qui concerne les processus électoraux".
Ce paradoxe ne peut être résolu que si on
considère que "la logique du droit international n'est pas de faire
prévaloir le droit des peuples ou les droits de l'Homme sur la
souveraineté, mais de faire en sorte que la souveraineté des
États soit une émanation du droit des peuples et que celui ci
soit une manifestation collective des droits politiques de l'Homme. Une
véritable synthèse de la contradiction ne peut être
qu'immanente. Elle ne peut se réaliser par l'élimination d'un de
ses termes, en l'occurrence la
souveraineté, mais par la réalisation de
l'harmonie naturelle qu'il y a entre... "81.
Cependant, il ne nous semble pas que cette "harmonie"
soit évidente dans tous les cas, il nous suffit de voir le nombre
d'États où les droits fondamentaux de la personne, auxquels
aucune dérogation n'est permise, sont bafoués; à plus
forte raison les droits civils et politiques sont- ils loin d'être
garantis aux gouvernés.
Ajoutons, enfin, que mise à part la résolution
dont nous venons d'analyser la portée, l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. a, depuis cette date, adopté à
chaque session une résolution portant le même titre. C'est ainsi
qu'elle a adopté la résolution 45/151 du 18 décembre 1990,
une reproduction intégrale de sa précédente, la
résolution 46/130 du 17 décembre 1991, la résolution
47/130 du 18 décembre 1992, la résolution 48/124 du 20
décembre 1993 et la résolution 49/180 du 23 décembre
1994.
Ces résolutions sont identiques dans la plupart de
leurs termes. Seulement, on peut remarquer que dans la résolution 48/124
figure l'idée que les "États devraient instituer les
mécanismes et les procédés nécessaires pour
garantir la pleine participation des peuples aux processus
électoraux"82.
Cette disposition a été reprise dans la
résolution 49/180. Elle nous paraît significative dans la mesure
où l'emploi du conditionnel nous prouve que l'Assemblée
Générale n'entend pas créer une obligation aux
États de garantir le droit aux élections périodiques et
honnêtes à leurs gouvernés et qu'il s'agit, pour reprendre
l'expression de M. Rafâa BEN ACHOUR de normes souhaitables de lege
ferenda relatives aux élections83 ou d'un "droit
vert relatif aux élections"84.
81 LAGHMANI (S), art. cit. P. 277.
82 Résolutions et décisions
adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa
quarante huitième session, volume I, 21 septembre - 23 décembre
1993, documents officiels, supplément N° 49.
83 BEN ACHOUR (R), "Normes internationales
souhaitables de lege ferenda relative aux élections",in.
Liberté des élections et contrôle international des
élections, op. cit, pp. 197-210.
84 VASAK (K), "Les normes internationales
existantes relatives aux élections et leur mise en oeuvre", in.
Liberté des élections et observation internationale des
élections, op. cit. L'auteur parle dans cet article de droit vert
relatif aux élections qui se forme au sein de l'O.N.U. contrairement a
un droit mûr établi par les instruments internationaux.
Pour conclure nous pouvons affirmer que ces résolutions
adoptées par l'Assemblée Générale de l'O.N.U. et
qui concernent les élections n'ont pas imposé aux États
une obligation juridique de garantir à leurs citoyens un droit aux
élections périodiques et, honnêtes et par suite,
d'établir un régime démocratique.
Toutefois, il y a là "des tendances nouvelles, dont
il est probablement prématuré d'affirmer qu'elles aboutiront
à la formation de normes juridiques indiscutables, en tout cas au plan
universel, mais qui n'en témoignent pas moins d'un changement
d'état d'esprit"85.
En tout cas, la seule conséquence concrète de
ces résolutions qui ont visé la promotion de la démocratie
par le renforcement de l'efficacité du principe d'élections
périodiques et honnêtes, s'est manifestée sur le plan de
l'action de l'O.N.U. par l'assistance qu'elle a apporté aux États
au cours de leurs processus électoraux.
SECTION DEUXIÈME L'ACTION
OPÉRATIONNELLE : L'ASSISTANCE ÉLECTORALE
Depuis quelques années, l'incitation de l'O.N.U.
à la démocratie a franchi le cadre politique, moral ou même
normatif pour se situer, en fait, à un niveau opérationnel.
Ainsi, l'Organisation mondiale s'est attribué la tâche d'assister
les États souverains dans les élections qu'ils mènent.
Ce sont généralement les États dits en
transition démocratique qui bénéficient de cette
assistance. Outre les États nouvellement indépendants, ce sont
les États constitués suite à une sécession à
l'instar de la plupart des pays de l'Est après la dislocation du bloc
communiste. Cette assistance peut aussi être accordée aux
États qui veulent se donner l'image d'un État
démocratique.
Deux remarques s'imposent dans le cadre de cette étude.
85 QUOC DINH (N), op. cit. p. 418.
La première remarque tient au fait que l'assistance
électorale accordée par l'O.N.U. se concilie parfaitement avec la
souveraineté étatique puisque jamais l'O.N.U. n'a
prêté assistance à un État sans son consentement
c'est toujours la logique de l'accord qui s'impose.
La deuxième remarque est relative au partage des
pouvoirs, en la matière, entre les organes principaux de l'O.N.U. :
l'Assemblée Générale, le Conseil de Sécurité
et le Secrétaire Général de l'Organisation. En effet, si
l'assistance technique ne fait pas intervenir les deux organes politiques de
l'O.N.U., l'observation, la vérification et surtout l'organisation des
élections ne peuvent avoir lieu qu'après l'approbation de
l'Assemblée Générale ou du Conseil de
Sécurité.
Le Conseil de Sécurité intervient
systématiquement quand l'opération électorale
s'insère dans un cadre de paix régionale ou internationale.
Ajoutons que le Secrétaire Général joue un rôle
important en la matière puisqu'il propose généralement la
création des missions de l'O.N.U. pour l'assistance électorale,
il désigne son représentant dans les pays
bénéficiaires de cette assistance et c'est lui également
qui informe l'Assemblée Générale et le Conseil de
Sécurité sur les résultats de l'assistance ainsi que son
appréciation des élections par le moyen des rapports qu'il leur
présente après chaque opération.
A ce jour, environ une soixantaine de missions d'assistance
électorale se sont déroulées dans le cadre de l'O.N.U.
Le Secrétaire Général de l'Organisation a
relevé l'existence de cinq catégories d'assistance
électorale : l'organisation et la tenue d'élections, la
vérification, l'assistance technique, la coordination et l'appui et le
suivi et la présentation de rapport. De même, il a noté
l'interférence qui existe entre l'assistance technique avec les autres
catégories d'assistance.
Cette dernière remarque nous permettra de concevoir
l'assistance technique lato sensu pour y inclure les opérations
de coordination puisque, dans les deux cas, l'O.N.U. n'intervient dans le
processus électoral que par un appui matériel qui n'affecte en
rien les choix de l'État qui en bénéficie.
L'engagement de l'O.N.U. en faveur de la
démocratisation de ces États, et par conséquent son
engagement dans l'assistance électorale, n'atteint pas toujours le
même degré d'importance. En effet, l'action de l'O.N.U. en
matière d'assistance électorale peut être
étudiée non seulement en fonction de la différence de
nature entre les modes d'assistance mais aussi en fonction du degré de
l'engagement de l'Organisation dans le processus de démocratisation.
En vertu de cette classification, nous étudierons
d'abord, dans un paragraphe premier, l'assistance électorale la plus
courante qui se limite à une assistance technique. Ensuite, nous verrons
dans un second paragraphe que les opérations que mène l'O.N.U.
pour l'observation et la vérification des processus électoraux
traduit un engagement plus sérieux dans la démocratisation des
pays concernés. Cet engagement atteint son degré suprême
lorsque l'O.N.U. organise purement et simplement tout le processus
électoral pour conduire un pays à la démocratie. C'est ce
qui fera l'objet de notre troisième paragraphe.
PARAGRAPHE PREMIER
DES OPÉRATIONS CROISSANTES EN MATIÈRE
D'ASSISTANCE TECHNIQUE
L'assistance technique en matière électorale
n'est pas le propre de l'O.N.U. Plusieurs États ou groupe d'États
ont envoyé ces dernières années des fonctionnaires dans
les pays demandeurs de l'assistance afin de les aider à préparer
le cadre matériel des élections.
Une étude de la nature de l'assistance technique (A)
nous permettra de mieux comprendre l'évolution et la fréquence de
ce mode d'assistance en matière électorale
(B).
A. La neutralité de l'assistance technique
Normalement, toute assistance doit être neutre. Par
définition même, assister quelqu'un c'est l'aider à faire
quelque chose qu'il a lui même choisi. Ainsi nous pouvons affirmer que
l'assistance technique accordée par l'O.N.U. aux États qui la
demandent n'affecte en rien les choix de ces États en matière
électorale.
La neutralité de cette assistance est donc parfaitement
compatible avec la souveraineté des États et avec le
caractère consensuel du droit international. C'est ce qui explique le
recours fréquent à ce type d'assistance.
Opération souple, pas très complexe et surtout
efficace, l'assistance technique consiste à apporter un appui
matériel dans divers domaines. Cet appui peut être strictement
financier et dans ce cas l'O.N.U. fournit cette assistance principalement
à travers l'institution du Programme des Nations Unies pour le
développement (P.N.U.D.).
En effet, l'aide du P.N.U.D. en matière
électorale est une tâche qui est nouvelle puisque cette
institution a été créée, à l'origine, pour
accorder son aide au développement économique et social aux
États qui en ont besoin.
Dans son rapport sur l'activité de l'Organisation en
1993, le Secrétaire Général de l'O.N.U., M. Boutros
BOUTROS - GHALI a relevé que l'aide du P.N.U.D. "est de plus en plus
sollicitée lorsqu'il s'agit de tenir des élections, d'engager le
processus de démocratisation et de garantir la protection juridique et
les droits de l'Homme"86. Dans ce même rapport, on a pu
constater à titre d'exemple que rien que sur le continent africain, le
P.N.U.D. a participé avec une somme de deux millions de dollars pour
l'année 1992 répartie entre huit pays.
Outre l'aide financière, l'assistance technique peut
comprendre l'aide dans l'organisation des élections, dans la formation
d'un personnel capable de mener à bien l'opération
électorale, dans l'éducation civique et en matière
d'information.
86 BOUTROS - GHALI (B), Rapport sur
l'activité de l'organisation de la quarante septième à la
quarante huitième session de l'Assemblée Générale,
septembre 1993, p. 71.
Ce qui mérite d'être noté, c'est qu'en
pareil cas, l'assistance technique ne fait pas intervenir un pouvoir
discrétionnaire de l'O.N.U. En effet, on peut même dire que
l'Organisation des Nations Unies se limite à exécuter les choix
des États qui ont fait appel à son appui. Ce qui fait que "...
L '0 .N.U. maintient un profil politique relativement plus bas que lors des
missions de vérification tout en assurant un soutien efficace à
ce processus politique important"87 . C'est
précisément ce profil bas qui nous pousse à parler de la
neutralité de l'action de l'O.N.U. en matière d'assistance
technique.
La conséquence de cet engagement peu poussé est
que l'activité de l'Organisation des Nations Unies n'exige ni
l'approbation du Conseil de Sécurité ni celle de
l'Assemblée Générale.
La neutralité de cette action dans le domaine
électoral se confirme par le fait que le rôle de l'O.N.U. prend,
en principe, fin avec la réalisation de l'aide ce qui veut dire
qu'aucune déclaration sur l'équité ou même la
régularité des élections n'est prononcée.
Ce qu'on peut conclure de ce qui précède, c'est
que c'est la nature même de l'assistance technique qui a fait son
succès et sa fréquence sur le plan international et qui explique
l'évolution continue des demandes des États pour en
bénéficier.
B. Évolution de l'action de l'O.N.U. en
matière d'assistance technique
Une vue globale sur l'activité de l'Organisation des
Nations Unies nous permet de relever l'évolution quantitative de
l'assistance technique en faveur d'un nombre d'États toujours
croissant.
Cette augmentation des demandes d'assistance a suscité
une institutionnalisation de l'action de l'O.N.U. en la matière. Dans ce
cadre, l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a adopté
une résolution dans laquelle elle a approuvé la demande du
Secrétaire Général pour la désignation d'un haut
fonctionnaire chargé de centraliser les demandes des États qui
87 DE RAULIN (A), "L'action des observateurs
internationaux dans le cadre de l'O.N.U. et de la société
internationale", R.G.D.LP 1995, volume 3, p. 590.
organisent les élections88. Cette même
résolution a prévu que le haut fonctionnaire aurait pour mission
"d'établir et tenir à jour une liste d'experts internationaux
susceptibles de fournir une assistance technique"89. La
tâche confiée à ce fonctionnaire est entreprise avec le
concours du Groupe de l'assistance électorale de l'O.N.U.
créé en janvier 1992 et devenu opérationnel le ler avril
de la même année.
A travers cette institution, l'O.N.U. a pu répondre
à plusieurs demandes d'assistance. Ainsi, en 1992, l'O.N.U. a
accordé une assistance technique en prévision d'élections
à douze pays90.
Le Secrétaire Général de l'O.N.U. a
exprimé sa satisfaction de cette activité en relevant que
"L'Organisation des Nations Unies contribue de plus en plus à
favoriser la démocratisation en cours dans un certain nombre de pays et
à leur fournir une aide technique pour leur processus électoral".
Il est même "particulièrement heureux de pouvoir
répondre aux demandes
d ' appui"91
Le cas du Mozambique nous fournit un exemple de l'aide technique
apportée par l'O.N.U.
Au début du mois de septembre 1992, deux équipes
techniques ont été envoyées au Mozambique pour
évaluer les besoins en ressources humaines et matérielles dans ce
pays. La première équipe qui nous concerne dans le cadre de cette
étude est une équipe technique. Elle avait pour mission de
collecter "les informations nécessaires pour définir le
mandat, la conception des opérations et la dotation en effectifs de la
composante électorale de la mission. Elle a aussi examiné comment
l'Organisation des Nations Unies pourrait le mieux fournir un soutien technique
pour le
88 Résolution 46/137 A.G./O.N.U. (XXXXVI) du 17
décembre 1991, "Renforcement de l'efficacité du principe
d'élections périodiques et honnêtes".
89 Ibid.
90 Les pays bénéficiaires de cette
assistance sont : l'Albanie, le Congo, El Salvador, l'Ethiopie, la
Guinée, le Liberia, le Madagascar, le Mali, le Rwanda, le Togo et
l'Angola. voir BOUTROS - GHALI (B), rapport sur l'activité de
l'Organisation, septembre 1992, p. 40.
91 BOUTROS - GHALI (B). Rapport du
Secrétaire Général sur l'activité des
l'Organisation de la quarante septième session de l'Assemblée
Générale, septembre 1992, p. 40.
processus électoral, et s'est demandée si
des concours seraient nécessaires, par exemple en matière de
rédaction, de planification budgétaire, de communication ou
d'informatique"92.
Un autre exemple concrétisant l'aide de l'O.N.U. aux
pays en matière d'assistance technique est celui des Philippines. En
effet, le P.N.U.D. a fourni à la commission électorale des
Philippines une assistance pour créer un système d'information et
de gestion ainsi que pour moderniser les procédures électorales.
La même assistance a été accordée au Kenya pour ses
élections législatives du 29 décembre 1992. Dans ce
dernier cas, l'O.N.U. a coordonné l'action d'un groupe de 54
observateurs internationaux.
Ajoutons que ces opérations ont été
menées par le P.N.U.D. et par la division des projets mondiaux et
inter-régionaux qui financent un "projet de renforcement de
l'administration électorale dans les pays en voie de
développement"93.
Depuis la création du Groupe de l'assistance
électorale, l'O.N.U. a accordé son assistance technique à
plusieurs États membres mais le continent africain a été
le principal bénéficiaire de cette action. Cela peut s'expliquer
par le fait que la plupart des États africains sont des États
démunis de toute tradition démocratique. Ce sont des États
qui veulent, aujourd'hui, prouver à l'O.N.U. leur adhésion au
régime démocratique libéral. C'est pour cette raison que
l'Organisation Mondiale ne manque pas d'apporter son appui à ces
États qui ont toujours représenté pour elle un souci.
Certains États ont bénéficié de
l'assistance électorale de l'O.N.U. pendant plusieurs années.
C'était le cas du Mozambique qui, à part l'aide qui lui a
été accordé en 1992, a été assisté
par une mission conjointe de l'O.N.U. et de l'Union Européenne en
1993.
Pendant l'année 1994, l'O.N.U. a poursuivi son
rôle de coordination et d'appui dans ce pays. Le Secrétaire
Générale de l'O.N.U. a considéré dans son
Rapport sur l'activité de l'Organisation que le rôle de
l'O.N.U.
92 SAMKANGE (S), " L'O.N.U. et le processus de la paix
au Mozambique". Le trimestre du monde, 1er trimestre, 1994, p. 153.
93 Voir BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 62.
consisterait à contribuer techniquement à la
préparation des élections en créant un cadre propice
à la création d'un gouvernement dans des conditions
sécurisantes.
Quelques données chiffrées nous permettrons de
saisir l'ampleur de l'assistance technique apportée à ce pays
conjointement par l'O.N.U. et par dix sept pays. En effet, cette assistance
s'est concrétisée par la formation de 2600 agents
électoraux, 8000 agents de recensement, 1600 agents chargés de
l'éducation civique, 5200 scrutateurs et 12 personnes
détachées par le P.N.U.D. auprès de la Commission
électorale nationale. L'O.N.U. a aussi affecté quelques
volontaires à chacune des circonscriptions électorales. De
même, elle a créé un fonds d'affectation spéciale
pour l'assistance aux partis politiques qui n'ont pas signé l'accord de
paix, à préparer les élections ce qui constitue une action
favorable au pluralisme politique.
En plus du cas du Mozambique, et pendant l'année 1995,
douze autres pays ont bénéficié de l'assistance technique
de l'O.N.U.94. Selon le rapport du Secrétaire
Général de l'O.N.U. sur l'activité de l'Organisation en
1995, onze autres missions d'évaluation des besoins ont
été organisées pendant la même année.
Cet effort entrepris par l'O.N.U. ne nous empêche pas de
préciser que l'Organisation n'a pas toujours accepté les demandes
des États et ce, soit pour des raisons tenant au court délai
prévu pour préparer son aide, soit, dans certains cas, pour
manque de fonds95.
Malgré ces quelques cas de refus, on peut dire que les
nombreux cas d'assistance techniques témoignent d'un effort fourni par
l'Organisation des Nations Unies pour aider les États à organiser
leurs élections. Un effort qui s'avère plus important dans le cas
où l'O.N.U. effectue une vérification du processus
électoral.
94 Ces États sont : Le Brésil, El
Salvador, la Guinée Équatoriale, Haïti, le Honduras, le
Liberia, Les Malawi, le Mexique, la Namibie, le Niger, l'Ouganda et Sierra
Leone. Voir BOUTROS - GHALI (B). Rapport du Secrétaire
Général sur l'activité de l'Organisation, 1995, p.
142.
95 C'était le cas du Swaziland lorsqu'il a
demandé une aide financière durant l'année 1994. Voir
BOUTROS - GHALI (B). "Pour la paix et le développement", Rapport
annuel sur l'activité de l'Organisation, 1994, p. 293.
PARAGRAPHE DEUXIÈME
L'OBSERVATION ET LA VÉRIFICATION DES
ÉLECTIONS : UN CONTRÔLE DE LA DÉMOCRATISATION
L'action engagée par l'O.N.U. en vue d'aider les
États à établir un régime démocratique ne se
limite pas à leur accorder une assistance technique en matière
électorale. En fait, l'Organisation Mondiale a pu répondre aux
appels des États pour vérifier et observer l'ensemble de leurs
processus électoraux.
Certes, l'engagement de l'O.N.U. à contribuer au
processus de démocratisation de ces pays n'avait pas la même
portée dans tous les cas. Ainsi, pour certains États tels que
Haïti ou El Salvador, la vérification a touché des
élections à la fois présidentielles, législatives
et locales, dans d'autres cas l'observation électorale n'a
concerné que les élections présidentielles et
législatives cela a été le cas, par exemple, du Nicaragua,
du Mozambique et de l'Angola.
L'étude de l'action de l'O.N.U. en matière
d'observation des élections nous a permis de constater le nombre
élevé des États qui en ont
bénéficié.
Faute de pouvoir étudier tous les cas d'observation
électorale menée par l'O.N.U. ces dernières années,
nous allons nous contenter de l'étude de quelques cas dans lesquels
l'Organisation a relativement réussi sa fonction de
démocratisation à travers les élections (A)
sans, pour autant, perdre de vue les cas où l'effort de
l'O.N.U. pour établir un régime démocratique par
l'observation électorale, a été voué à
l'échec (B).
A. Cas réussis des missions d'observation
électorale
Présentés comme des succès de l'O.N.U., ces
cas concernent successivement le Nicaragua, le Mozambique et l'Afrique du
Sud.
a. L'observation des élections au Nicaragua
C'est dans le cadre du processus de paix en Amérique
Centrale que l'O.N.U. a assuré l'observation des élections au
Nicaragua. En effet, les accords de Guatemala ou encore d'Esquipulos II,
signés le 7 août 1987 par les présidents du Nicaragua, du
Guatemala, du Honduras, d'El Salvador et du Costa Rica, ont prévu de
promouvoir les élections libres et honnêtes dans les pays
signataires.
L'observation des élections au Nicaragua ne s'est pas
réalisée sans provoquer une controverse au sein de l'Organisation
des Nations Unies puisque c'était pour la première fois que
l'O.N.U. fut appelée à observer le processus électoral
dans un État Membre. Jusqu'alors l'Organisation n'avait observé
les plébiscites ou les élections que dans le cadre d'un processus
d'autodétermination.
C'est le service juridique de l'O.N.U. qui s'est, pudiquement,
prononcé sur la question en 1982. Cela se comprend si on
considère que "l'intervention des Nations Unies est dangereuse et
créerait un précédent, justifiant d'autres
demandes"96. Donc, selon le service juridique "les Nations
Unies ne peuvent être impliquées comme observateur pour une
élection ou un plébiscite dans un État souverain et
indépendant que si l'un des organes délibérants principaux
autorise une telle intervention et le Secrétaire Général
doit refuser une demande d'un État tant qu'il n'a pas obtenu
l'autorisation préalable de l'Assemblée Générale ou
du Conseil de Sécurité"97.
Le cas du Nicaragua semble répondre à ces
conditions. Ainsi le 3 mars 1989, le gouvernement du Nicaragua a demandé
au Secrétaire Général de l'O.N.U., la constitution d'un
groupe d'observateurs pour les élections qu'il envisageait
d'entreprendre. Sa demande a été satisfaite et le
Secrétaire Général a créé la Mission
d'observation des Nations Unies chargée de la vérification du
processus électoral au Nicaragua (O.N.U.V.E.N.) qui a commencé
à fonctionner le 25 août 1989 après avoir été
appuyée par
96 TAVERNIER (P) "L'année des Nations Unies 23
décembre 1988 - 22 décembre 1989", Questions juridiques, 1989, p.
600.
97 TAVERNIER (P), "L'année des Nations Unies 23
décembre 1988 - 22 décembre 1989", Questions juridiques, A.F
.D.I., 1989, p. 600.
l'Assemblée Générale dans sa
résolution 44/10 du 23 octobre et endossée par le Conseil de
Sécurité dans sa résolution 637 du 27 juillet 1989.
L'O.N.U.V.E.N. avait pour mission d'observer le processus
électoral dans son intégralité, une observation qui devait
avoir lieu entre août 1989 et février 1990 et qui devait se
dérouler suivant trois phases. La première concerne
l'établissement des listes électorales, la deuxième phase
est relative à la campagne électorale. Le vote et le
dépouillement des résultats faisaient alors l'objet de la
troisième phase de cette Mission.
La Mission avait plusieurs tâches dans le cadre de sa
vérification des élections. L'une de ses fonctions consistait
à vérifier que les partis politiques, en conflit depuis plusieurs
années, ont été représentés au conseil
électoral suprême d'une façon équitable. Le
rôle de l'O.N.U.V.E.N. s'est avéré encore plus important
lors de la campagne électorale marquée par un conflit politique
accentué. C'est pourquoi l'O.N.U. s'est ingéniée à
garantir à ces partis un accès égal aux médias, une
mobilisation libre et sans contrainte ainsi qu'une liberté d'expression
et d'organisation. De plus, le mandat de la Mission consistait à donner
suites aux plaintes et aux irrégularités ou fraudes
observées pendant les élections.
Cet effort entrepris par l'Organisation pour assurer un climat
de compétition démocratique dans le pays a suscité une
mobilisation d'un effectif assez important qui a été
renforcé par la présence de 190 observateurs appartenant à
divers services de l'O.N.U.98.
De même, jour des élections; le 25 février
1990, l'O.N.U. a désigné dans le cadre de l'O.N.U.V.E.N. 207
observateurs assistés par une équipe de 34 personnes
réparties entre le siège de Managa et les bureaux
régionaux. Ces observateurs ont été présents dans
2155 bureaux de vote situés dans 141 des 143 circonscriptions.
L'O.N.U.V.E.N. a poursuivi son contrôle des
élections pendant la phase de dépouillement suite à
laquelle la Mission a déclaré la victoire de l'opposition et
sa candidate Mme Violetta BARRIOS DE CHAMORRO
98 On peut remarquer, en plus, la présence des
fonctionnaires d'Etats Membres détachés par leur gouvernement.
avec 54,7% des voix contre 40,8% des votes pour le parti du
gouvernement et son candidat M. Daniel ORTEGA, le taux de participation
étant de 86%.
Les résultats des élections nicaraguayennes ont
été considérés par l'O.N.U.V.E.N. comme
authentiques grâce à l'impartialité et la
régularité du processus électoral dans son ensemble bien
que ce soit "là, la première opération de
contrôle électoral interne, autorisée par les Nations Unies
et menée par l'Organisation sur le territoire d'un État
Membre"99 .
Après ces élections, l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. a pris acte "des rapports du
Secrétaire Général sur la vérification du processus
électoral effectuée, à chacune de ses étapes, par
un groupe d'observateurs des Nations Unies à la demande du gouvernement
Nicaraguayen, et en particulier du fait que, selon ces rapports, l'ensemble du
processus électoral s'est déroulé dans les règles,
librement et dans 1' équiteloo.
Ainsi, la Mission d'observation des Nations Unies
chargée de la vérification du processus électoral au
Nicaragua a été considérée comme un succès.
En fait, de part son caractère innovateur, la Mission est parvenue
à assurer des élections jugées libres et équitables
dans un pays qui a, pendant longtemps, souffert d'une crise politique et socio
- économique qui entravait tout processus démocratique.
b. L'observation des élections au Mozambique
Outre l'assistance technique apportée à ce pays,
le Mozambique a sollicité l'assistance de l'Organisation des Nations
Unies en matière d'observation électorale.
Ainsi, après la conclusion d'un accord de paix, le 4
octobre 1992 entre le gouvernement et la Resistencia National
Moçambicana (RENAMO); le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a
décidé, par sa résolution 797 du 16 décembre 1992,
la création d'une opération des Nations Unies au
99 DE CUELLAR (J - P). Rapport du
Secrétaire Général sur l'activité de
l'Organisation, 1990, p. 8.
100 Résolution 45/15 A.G./O.N.U. (XXXXV),
"la situation en Amérique centrale : menaces contre la paix et la
sécurité internationales et initiatives de paix" du 20
novembre 1990.
Mozambique (O.N.U.MOZ.). C'est une opération qui
s'insère dans les opérations de maintien de la paix menées
par l'O.N.U. Précisons que ces opérations n'ont été
prévues ni par le chapitre VI ni par le chapitre VII de la Charte. Ce
sont des opérations basées sur ce que la doctrine appelle le
chapitre VI bis.
L'O.N.U.MOZ. devait agir sur quatre plans : politique, militaire,
humanitaire et électoral.
Le cadre de notre recherche nous impose de n'étudier
que l'aspect électoral de cette opération. Une
énumération des fonctions de la composante électorale de
l'O.N.U.MOZ. nous est fournie par une étude concernant "l'O.N.U. et
le processus de la paix au Mozambique"101. En effet, cette
composante électorale avait pour tâches de :
a) vérifier l'impartialité de la Commission
électorale nationale.
b) vérifier que les partis politiques jouissent d'une
entière liberté d'organisation et d'expression.
c) vérifier que ces partis bénéficient d'un
égal accès aux médias.
d) vérifier la régularité des inscriptions
sur les listes électorales.
e) informer les autorités locales des plaintes concernant
les irrégularités afin de les corriger.
f) observer les activités relatives au processus
électoral : inscription sur les listes électorales, organisation
du scrutin, campagne électorale, le scrutin en soi ainsi que le
dépouillement des bulletins et la proclamation des résultats.
g) prendre part à la campagne d'information sur les
élections.
h) établir des rapports périodiques sur le
déroulement du processus électoral qui seront communiqués
au représentant spécial intérimaire du Secrétaire
Général.
Cette liste de fonctions confiées à l'O.N.U.MOZ.
nous démontre que l'action de l'O.N.U. dans ce pays a embrassé
tous les aspects du processus électoral. Il s'agit là d'un
engagement poussé de l'Organisation en vue de réussir des
élections libres.
101 SAMKANGE (S), art. cit., Le trimestre du
monde, 1994, 1er trimestre, pp. 147 - 176.
Pour mener cette opération, cent quarante huit
fonctionnaires internationaux ainsi que des volontaires ont été
mis à la disposition de la division électorale de l'O.N.U.MOZ.
Pour l'opération entière mille deux cent observateurs ont
été répartis dans des bureaux de régions et des
bureaux de circonscriptions.
Malgré cet effectif important, le processus
électoral au Mozambique a connu certaines entraves dues
généralement à un désaccord entre le gouvernement
et la RENAMO sur la composition de la Commission électorale nationale
ainsi que sur le projet de la loi électorale ce qui a conduit le Conseil
de Sécurité à adopter une résolution pour demander
à tous les partis de parvenir à un accord sur cette
1oi102. Ce désaccord a retardé la date des
élections qui n'ont eu lieu qu'entre le 27 et 29 octobre 1994.
Après la proclamation des résultats, le
représentant spécial du Secrétaire Général
de l'O.N.U. a déclaré que ces élections avaient
été libres et régulières. Le Conseil de
Sécurité de l'O.N.U. a confirmé cette déclaration
sans réserve.
Les résultats de cette action de l'O.N.U. pour exhorter
le Mozambique à établir un régime démocratique ont
été inattendus pour certains observateurs dont le
Secrétaire Général de l'O.N.U. qui n'a pas
hésité à relever les difficultés que pouvait
rencontrer cette opération dans un pays caractérisé par
une superficie étendue et par une économie ravagée.
Du reste, le règlement global du conflit Mozambicain
semble être atteint ainsi que les objectifs de la composante
électorale de l'O.N.U.MOZ. Le Secrétaire Général de
l'O.N.U. a pu conclure : " Ces élections ont marqué
l'aboutissement de l'une des opérations les plus réussies de
l'Organisation des Nations Unies sur le plan de l'instauration de la paix, de
la consolidation de la paix, de l'aide humanitaire et de l'assistance en
matière électorale"103.
c. L'observation des élections en Afrique du
Sud
102 Résolution 863 C.S / O.N.U. du 13 septembre
1993.
103 BOUTROS GHALI (B). Rapport du
Secrétaire Général sur l'activité de
l'Organisation, septembre 1995, p. 112.
Lors d'une session extraordinaire de son Assemblée
Générale, l'Organisation des Nations Unies a adopté une
Déclaration sur l'apartheid et ses conséquences destructrices en
Afrique Australe104.
Les objectifs de cette déclaration visent à ce
que l'Afrique du Sud devienne un pays uni, démocratique et non racial.
L'observation du processus électoral fut alors l'un des moyens pour
atteindre ce but.
Le 7 décembre 1993, le Conseil exécutif de
transition demande à l'O.N.U. de lui fournir des observateurs
internationaux chargés de suivre le processus électoral et de
coordonner les activités des observateurs de l'Organisation de
l'Unité Africaine, du Commonwealth, de l'Union Européenne ainsi
que les observateurs de différents pays.
Dans cette perspective, l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. a demandé au Secrétaire
Général de l'Organisation "de planifier plus rapidement le
rôle que l'Organisation des Nations Unies pourrait jouer en consultation
avec le Conseil de Sécurité"105.
Le Secrétaire Général a, alors,
élaboré un rapport sur la question de l'Afrique du Sud dans
lequel il a proposé l'élargissement du mandat de la Mission
d'observation des Nations Unies en Afrique du Sud (MONUAS) autorisée par
le Conseil de Sécurité dans sa résolution 772 du 17
août 1992. Une proposition approuvée par le Conseil de
Sécurité qui, en outre, " demande à toutes les parties
en Afrique du Sud de prendre des mesures afin de mettre un terme aux actes de
violences et d'intimidation et de contribuer ainsi à la tenue
d'élections libres et régulières et compte que quiconque
cherchera à perturber les élections sera tenu pour responsable de
tels agissements"106. C'est aussi sur la base de cette
résolution que l'effectif de la MONUAS a atteint 2840 observateurs.
104 Résolution S - 16 / 1 du 14
décembre 1989, voir TAVERNIER (P), "Les Nations Unies et la question de
l'Afrique du Sud (sanctions et appui à la transition
démocratiques)", in. Revue juridique et politique,
indépendance et coopération, janvier - avril 1994, N°
1, pp. 27 - 45.
105 Résolution 48/159 A.G./O.N.U. (XXXXVIII) du
20 décembre 1993, "Élimination de l'apartheid et instauration
d'une Afrique du Sud unie, démocratique et non raciale".
106 Résolution 894 CS / O.N.U. du 14 janvier 1994,
documents d'actualité internationale, N° 47 - 1er avril
1994, p. 151.
La fonction d'observation des élections, menée
par l'Organisation mondiale, a commencé avant le déroulement des
élections. 2120 observateurs ont contribué à la
vérification du processus électoral "ce qui représente
la mission électorale la plus importante jamais effectuée par
l'Organisation"le.
Les élections qui ont eu lieu du 26 au 29 avril 1994
ont été jugées "suffisamment libres et justes"
par la Commission électorale indépendante ainsi que par les
observateurs internationaux et par le Secrétaire Général
de l'O.N.U. qui a réitéré l'engagement de l'Organisation
à soutenir le processus de démocratisation de l'Afrique du
Sud.
Le succès de l'O.N.U. à réaliser des
élections libres en Afrique du Sud a été une tâche
non aisée pour l'Organisation qui, depuis presque sa création, a
suivi la question de l'Afrique du Sud dans tous ces développements.
Mais si l'Organisation des Nations Unies a relativement
réussi à établir des régimes issus
d'élections libres et honnêtes dans certains États, cet
objectif n'a pas été atteint dans d'autres.
B. Les cas d'échec des Missions d'observation
électorale de l'O.N.U.
Il s'agit là d'un échec à établir la
démocratie par la voie des vérifications électorales.
Plusieurs États qui ont été
assistés par l'O.N.U. sont loin d'être qualifiés de
démocratiques. Les coups d'État survenus Niger le 27 janvier 1996
et au Sierra Leone le 16 janvier 1996, l'échec de l'O.N.U. à
Haïti et en Angola, en sont la preuve.
Nous examinerons exclusivement ces deux derniers cas vu
l'importance des opérations menées par l'O.N.U. dans ces
États.
a. L'observation des élections en Haïti
Si les actions de l'O.N.U.V.E.N., de l'O.N.U.MOZ. et de la
M.O.N.U.A.S. s'inséraient dans un cadre plus général que
celui de l'assistance électorale à savoir un cadre de maintien de
la paix, l'assistance apportée par l'O.N.U. au processus
électoral en Haïti n'avait pas, du moins à son début,
cette dimension de paix internationale.
En effet, l'O.N.U. a reçu une demande d'assistance
électorale de la part de la présidente du gouvernement provisoire
d'Haïti. Mme Ertha Pascal Trouillot a demandé une assistance pour
la vérification du processus électoral dans toutes ses
étapes ainsi qu'une assistance pour la sécurité qui
conditionne ce processus.
Ce n'est qu'après l'avis favorable du Conseil de
Sécurité que l'Assemblée Générale de
l'O.N.U. a pris sa résolution 45/2 adoptée par consensus le 10
octobre 1990 intitulée "assistance électorale à
Haïti". Un extrait de cette résolution nous éclairera
sur l'attitude prudente de l'Assemblée Générale :
"Prenant note des lettres, ... adressées au Secrétaire
Général par la présidente du gouvernement provisoire de la
république d'Haïti, dans lesquelles cette dernière a
demandé l'assistance de l'Organisation des Nations Unies pour assurer le
bon déroulement, dans des conditions pacifiques du prochain processus
électoral,
Réaffirmant le droit souverain du peuple
haïtien de choisir son propre destin et de participer librement à
la détermination de celui-ci sans ingérence extérieure,
Consciente des efforts déployés par le peuple haïtien pour
consolider ses institutions démocratiques face aux risques de
déstabilisation.
- 1 - Prie le Secrétaire Général,
agissant en coopération avec les organisations régionales et les
États Membres, de fournir au gouvernement haïtien l'appui le plus
large possible"108.
Ainsi, dans cette résolution, l'organe plénier de
l'O.N.U. a pris le soin de rappeler : d'abord, que cette action ne fait que
répondre à la demande d'un État Membre, ensuite, que
cette action ne constitue nullement une
108 Résolutions et décisions
adoptées par l'Assemblée Générale au cours de
quarante cinquième session, volume I, 18 septembre - 21 décembre
1990, documents officiels, p. 12.
ingérence extérieure dans les choix du peuple
haïtien; enfin, qu'il s'agit d'un appui partagé entre l'O.N.U. et
les organisations régionales.
Se basant sur cette approbation, le Secrétaire
Général de l'O.N.U. a créé le Groupe d'observation
des Nations Unies pour la vérification des élections en
Haïti (O.N.U.V.E.H.) en octobre 1990.
Suivant les recommandations de l'Assemblée
Générale, L'O.N.U.V.E.H. devait comporter un groupe de 50
observateurs chargés d'encadrer les élections depuis
l'inscription des électeurs jusqu'à la fin de la période
électorale. Ce nombre pouvant être augmenté tout au long du
processus.
Trois divisions constituaient ce groupe. La première
est chargée de l'observation des élections et composée de
39 fonctionnaires internationaux rejoints lors des élections par 70
observateurs des institutions des Nations Unies, 35 observateurs
désignés par 13 gouvernements et 38 représentants
d'organisations non gouvernementales. La deuxième division est
chargée d'observer la sécurité alors que la
troisième s'intéresse à l'administrationlo9.
L'O.N.U.V.E.H. avait pour tâche l'observation des
élections non seulement législatives mais aussi
présidentielles et locales. Cette observation devait couvrir le
processus électoral dans sa globalité.
L'O.N.U.V.E.H. a jugé que les inscriptions des
électeurs ainsi que la campagne électorale se sont
déroulées dans des conditions acceptables bien que quelques actes
de violence aient eues lieu.
Lors du premier tour des élections, du 16
décembre 1990, les observateurs de l'O.N.U. ont déclaré
qu'il n y avait pas eu de tentatives importantes pour fausser le processus
électoral par la violence ou par l'intimidation. Jean Bertrand Aristide
a alors recueilli 67 % des voix dès ce premier tour.
Le 20 janvier, le deuxième tour des élections
législatives a été organisé sous la surveillance de
l'O.N.U.V.E.H. et de l'O.E.A. qui ont été
généralement satisfaites des conditions du scrutin malgré
la tentative du coup d'État menée le 6 janvier par Roger
Lafontant appelé "Chef des tontons macoutes".
109 Voir BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 69.
L'appui apporté par l'O.N.U. pour garantir
l'impartialité des élections en Haïti a été
considéré par le Secrétaire Général de
l'O.N.U. comme un "exemple de ce que les Nations Unies peuvent faire, avec
l'appui approprié des organes délibérants, pour superviser
impartialement le déroulement d'élections nationales dans une
situation pouvant comporter des répercussions internationales"no
.
Yves Daudet a considéré que cette
déclaration "montre bien l'aspect global des actions des Nations
Unies et légitime leur intervention dans un domaine sensible et
délicat par les conséquences internationales susceptibles
d'être entraînées par une situation
interne"111.
Les développements ultérieurs de la situation en
Haïti ont démenti les prétentions de l'O.N.U. de parvenir
à établir un régime démocratique par l'assistance
électorale à un État qui n'a jamais connu de régime
démocratique.
Cet échec de l'O.N.U.V.E.H. revient selon certains
auteurs112 au fait que le Groupe consistait en une mission
temporaire sans force de maintien de la paix ni mandat lui permettant de
maintenir la démocratie.
Il a fallu donc donner aux haïtiens une autre chance pour
exprimer leur volonté politique.
A notre sens, les dernières élections
haïtiennes, qui, ont eu lieu le 17 décembre 1995, avec un taux de
participation de 28 % de l'ensemble des électeurs inscrits,
témoignent du rejet de cette autre chance et de cette démocratie
par un peuple toujours préoccupé par sa misère.
b. L'observation des élections en Angola
llo DE CUELLAR (J - P). Rapport du Secrétaire
Général sur l'activité de l'Organisation, 1991, P.
9.
111 Rapport introductif, in. Aspects du système des
Nations Unies dans le cadre de l'idée d'un nouvel ordre mondial,
colloque du 22 et 23 novembre 1991 à Aix en Provence; dir. DAUDET
(Y), Paris, Pedone, 1992, p. 23.
112 Voir par exemple BEIGBEDER (Y), op. cit.,
pp. 71 - 72.
Par leur signature de l'accord du cessez - le - feu le 31 mai
1991, le président de l'Angola José Eduardo Dos Santos et le chef
de l'Union Nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (U.N.I.T.A.)
Jonas Savimbi ont prévu, outre le calendrier du cessez - le - feu,
l'organisation des élections présidentielles et
législatives entre septembre et novembre 1992.
Suite à cette décision, le gouvernement a
demandé une assistance électorale à l'Organisation des
Nations Unies.
Après avoir approuvé la création de la
composante électorale de l'U.N.A.V.E.M. 11113, qui a commencé
à fonctionner en avril 1992; le Conseil de Sécurité de
l'O.N.U. a élargi le mandat de cette mission pour y inclure
l'observation des élections et ce par sa résolution 747 du 24
mars 1992.L'O.N.U. a encadré les élections angolaises à
partir des opérations d'inscription sur les listes électorales. A
cette fin, elle a mobilisé 98 fonctionnaires internationaux alors que
pendant le déroulement du scrutin plus de 400 observateurs ont
été présents.
Après les élections législatives et le
premier tour des élections présidentielles qui ont eu lieu le 29
et 30 septembre 1992, ces observateurs ont indiqué que les conditions du
scrutin avaient été généralement paisibles. Des 75%
des voix exprimées 50,9% ont choisi le président Dos Santos
contre 39,3% des voix pour Savimbi et 33,4% pour son parti l'U.N.I.T.A. alors
que le M.P.L.A. a obtenu 55% des voix.
Cependant ces résultats ont été
qualifiés de frauduleux par l'U.N.I.T.A. ce qui a amené le
Conseil de Sécurité de l'O.N.U. à envoyer une commission
ad-hoc pour vérifier ces résultats.
Lors du deuxième tour des élections, le Conseil
national électoral a annoncé la victoire du M.P.L.A. par
l'obtention d'une majorité absolue. A la fin de ce processus, la
représentante spéciale du Secrétaire
Générale a déclaré que les élections ont
été généralement libres et équitables bien
que quelques irrégularités aient été
remarquées. Une déclaration qui a été
approuvée par le Conseil de Sécurité qui a rejeté
les allégations de fraude
de l'U.N.I.T.A. et a invité ce parti à se
conformer aux résultats des élections. Le Conseil de
Sécurité a, en plus, interdit la fourniture d'armes et de
produits pétroliers à l'U.N.I.T.A. après avoir
constaté, sur la base du chapitre VII de la Charte de l'O.N.U., que la
situation en Angola constitue une menace contre la paix et la
sécurité internationales114.
Malgré cette intervention de l'organe restreint de
l'O.N.U., l'action menée pour soutenir le processus électoral
était vouée à l'échec. L'U.N.I.T.A. n'a pas admis
sa défaite dans les élections. Jonas Savimbi a alors repris les
armes nonobstant les menaces du Conseil de Sécurité.
Cet échec du processus de démocratisation est-il
imputable "à l'O.N.U. pour ne pas avoir mené à bien la
démobilisation des forces rivales et leur intégration dans une
nouvelle armée angolaise "unique" avant les élections, et pour
n'avoir disposé que d'effectifs insuffisants pour contrôler
effectivement le processus électoral sur le vaste territoire
angolais"?115 A cette question, le Secrétaire
Général de l'O.N.U. a pu répondre que, l'Organisation des
Nations Unies ne peut en aucun cas agir par la force pour obliger les parties
à respecter un accord de paix signé entre elles. Le succès
d'une opération de maintien de la paix et l'aspect électoral
d'une telle opération dépendent de la bonne foi des parties et de
leur véritable volonté d'engager des élections
libres116.
L'assistance électorale effectuée par l'O.N.U.
en faveur de certains États n'a pas été toujours le moyen
efficace et approprié pour établir des régimes
démocratiques dans ces pays. L'assistance apportée à
Haïti et à l'Angola et l'expérience de l'O.N.U. dans ces
deux États nous enseigne que, bien que les élections libres et
honnêtes soient un moyen pour établir des régimes
démocratiques, ce moyen n'est pas toujours adéquat pour certains
États qui n'ont jamais réuni les conditions d'un régime
démocratique. Certains auteurs pensent que "... les semaines qui
précèdent une élection ne suffisent pas à
créer une véritable culture civique et les valeurs
démocratiques ne s'importent pas par voie d'assistance
internationale"117.
114 Résolution 864 B.
115 ,BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 76.
116 Ibid. loc. cit.
117 DE RAULIN (A), art. cit., p. 592.
Malgré ces carences du système de l'O.N.U. en
matière d'observation des élections, l'Organisation mondiale
s'est attribuée un rôle plus complexe pour établir la
démocratie et ce par l'organisation et la conduite des
élections.
TROISIÈME PARAGRAPHE
L'ORGANISATION ET LA CONDUITE DES ÉLECTIONS AU
CAMBODGE : UNE VÉRITABLE PRISE EN CHARGE DE LA
DÉMOCRATISATION
Indépendant de la France depuis 1953, le Cambodge a
été dirigé par le prince Norodom Sihanouk destitué
par le général Lon Nol en 1970. En 1975, les Khmers Rouges
prennent le pouvoir, le Cambodge devient alors l'"État
démocratique du Kampuchéa". Pendant cette période, un
génocide a été commis à l'égard de la
population. Ce n'est qu'après l'intervention vietnamienne que les Khmers
rouges ont été écartés pour céder le pouvoir
à un gouvernement pro-vietnamien dirigé par Hun Sun.
A partir de décembre 1987, la rencontre entre le prince
Sihanouk et Hun Sun a facilité les négociations qui ont abouti
à la conférence de Paris sur le Cambodge du 30 juillet au 30
août 1989. L'échec de cette conférence a conduit le Conseil
de Sécurité de l'O.N.U. à proposer un plan cadre pour le
règlement du conflit cambodgien puis à adopter sa
résolution 668 du 20 septembre 1990 dans laquelle il a souligné
que les efforts de l'O.N.U. "visent à permettre au peuple cambodgien
d'exercer son droit inaliénable à disposer de lui même par
le biais d'élections libres et équitables organisées et
menées à bien par l'Organisation des Nations Unies, dans un
environnement politique neutre et dans le plein respect de la
souveraineté nationale du Cambodge"118.
118 Documents d'actualité internationale,
N° 21, 1er novembre 1990, p. 394.
Le 23 octobre 1991, un accord pour un règlement
politique global du conflit du Cambodge a été signé
à Paris, par le Cambodge et 18 autres pays parmi lesquels figuraient les
cinq membres permanents du Conseil de Sécurité.
Dans l'article 2 de cet accord "les signataires invitent
le Conseil de Sécurité des Nations Unies à créer
une Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge". Une demande
qui a été satisfaite par la résolution 745 du 28
février 1992. En plus de l'objectif du maintien de l'ordre, de la
pacification et celui du rapatriement des réfugiés,
l'A.PR.O.N.U.C. visait non seulement l'organisation des élections libres
et équitables (A) mais aussi l'instauration d'une
démocratie politique (B).
A. La conduite d'élections libres : un objectif
immédiat de l'O.N.U.
Désireux "d'assurer au peuple cambodgien l'exercice
de son droit à l'autodétermination par la voie d'élections
libres et équitables"119, les membres du Conseil
national suprême du Cambodge (CNS) ont engagé l'O.N.U. à
conduire ces élections. Une tâche redoutable primo parce
que c'est la première fois quel'O.N.U. entreprend cette
opération, secundo parce qu'elle est entreprise dans un pays en
guerre depuis 20 ans.
En effet, l'A.PR.O.N.U.C. a été responsable de
l'organisation de l'élection d'une Assemblée constituante qui se
transformerait en Assemblée législative et formerait un nouveau
gouvernement après l'adoption d'une nouvelle constitution.
L'article 12 de l'accord pour un règlement politique
global du conflit du Cambodge a prévu que "ces élections se
tiendront sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies dans un
environnement politique neutre et dans le plein respect de la
souveraineté nationale du Cambodge". Les signataires de cet accord
semblent être conscients de l'ampleur de l'opération menée
par l'A.PR.O.N.U.C. En fait, la fonction électorale de
119 Préambule de l'accord pour un
règlement politique global du conflit au Cambodge, in. Relations
internationales : le nouvel ordre mondial, travaux dirigés par
WEISS (P), Paris, Eyrolles, 1993, pp. 107-108.
l'A.PR.O.N.U.C. commence par l'élaboration d'une loi
électorale en coopération avec le Conseil national suprême,
un rôle qui a suscité les réserves de certaines parties au
conflit à cause des conditions d'octroi de la citoyenneté
cambodgienne de laquelle dépend le droit de vote120. De
même, la composante électorale de l'A.PR.O.N.U.C. avait pour
fonction l'installation et l'organisation des bureaux de vote, l'organisation
du transport des candidats, la fourniture du matériel nécessaire
ainsi que le suivi de la campagne électorale, du dépouillement et
de la proclamation des résultats.
La conduite des élections générales,
libres et authentiques au Cambodge n'était pas aisée pour
l'O.N.U. : réaliser ces élections dans un environnement politique
neutre était un objectif plutôt qu'un fait. Les entraves à
cette opération étaient dues au refus du parti des Khmers Rouges
(le parti du Kampuchéa démocratique) de reconnaître
l'autorité du C.N.S. pendant la période transitoire et par
conséquent de participer aux élections. Cette résistance a
provoqué la mobilisation de quelques 1600 militaires de l'A.PR.O.N.U.C.
pour protéger l'opération des inscriptions électorales et
le vote lui même.
Malgré cet effort, un nombre important de morts et de
blessés a été enregistré et le parti du
Kampuchéa (P.K.D.) a mené propagande contre l'A.PR.O.N.U.C.
Les Khmers Rouges ont, en outre, entravé le processus
électoral dans les régions soumises à leur pouvoir. Cette
attitude a provoqué la résolution 792 du 30 novembre 1992 par
laquelle le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a prévu des
sanctions économiques contre les zones contrôlées par le
P.K.D.
En dépit de cette déstabilisation,
l'A.PR.O.N.U.C. a continué sa fonction d'information sur tous les
aspects du processus électoral. Elle a décidé d'un commun
accord avec le C.N.S. de maintenir la date des élections prévues
du 23 au 28 mai 1993.
Ces élections ont eu lieu dans 21 provinces, 1400
bureaux ont été fixés pour recueillir les bulletins.
L'A.PR.O.N.U.C. a aussi créé 200 équipes mobiles pour
faciliter le vote dans les régions où l'accès est
difficile.
La composante électorale de l'A.PR.O.N.U.C. a
été constituée par 170 fonctionnaires internationaux, 400
volontaires des Nations Unies et 1500 agents choisis sur place comme
scrutateurs internationaux. Ce personnel a coopéré avec plus de
50000 agents électoraux cambodgiens pour suivre tout le processus
électoral auquel ont participé 20 partis politiques.
Cet effort n'est pas resté sans conséquences sur
les résultats des élections puisque des 4,6 millions de
cambodgiens, 4267192 électeurs; soit 89,56 % des électeurs
inscrits, se sont prononcés par le recours aux urnes121.
Certains auteurs ont commenté ce résultat sur un
ton lyrique. Ainsi Yves BEIGBEDER a relevé que "les électeurs
ignorèrent les menaces de violence, les bandits, les difficultés
d'acheminement et les pluies"122.
Le Secrétaire Général de l'O.N.U. a
même considéré que "le vote s'est déroulé
dans une atmosphère de paix et souvent de fête"123.
Le Front Uni National pour un Cambodge Indépendant,
Neutre, Pacifique et Coopératif (F.U.N.C.I.N.P.E.C.), parti du prince
Sihanouk, a obtenu 45,47 % des suffrages exprimés alors que le parti du
peuple cambodgien (P.P.C.) a recueilli 38,23 % des voix.
A la suite de la proclamation des résultats, le
représentant spécial du Secrétaire Général
de l'O.N.U. a déclaré devant le C.N.S. que les élections
ont été libres et équitables dans leur ensemble. Il a
aussi noté dans sa déclaration que les
irrégularités contestées par le (P.P.C.) ont
été vérifiées et qu'en tout état de cause
ces allégations, même exactes, n'avaient pas d'influence sur les
résultats.
121 Voir BEIGBEDER (Y), op. cit., p. 85.
122 Ibid. loc. cit.
123 Rapport du Secrétaire Général sur le
déroulement et le résultat des élections au Cambodge, 10
juin 1993, Documents d'actualité internationale N° 16, 15
août 1993, p. 344.
Le Secrétaire Général de l'O.N.U. a
confirmé cette déclaration dans son Rapport sur le
déroulement et le résultat des élections au Cambodge du 10
juin 1993. De même le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a
fait sienne cette déclaration en demandant "à toutes les
parties de se conformer à l'obligation qui leur incombe de respecter
pleinement les résultats des élections et... de faire tout leur
possible pour assurer l'établissement pacifique d'un gouvernement
démocratique conformément aux termes de la nouvelle
constitution"124.
La conduite des élections cambodgiennes par
l'A.PR.O.N.U.C. a été considérée comme un
succès malgré les actes de violence et d'intimidation
menés par les Khmers Rouges. Il s'agit là d'une opération
ambitieuse qui, en plus de l'organisation des élections, a
envisagé une véritable conduite du pays vers la
démocratie.
B. L'instauration d'une démocratie politique : un
but médiat de l'O.N.U.
L'organisation des élections au Cambodge n'était
que l'un des moyens de l'O.N.U. pour parvenir à régler le conflit
cambodgien et mener le pays à la démocratie. L'O.N.U. a
jugé le temps opportun pour arrêter les rebelles Khmers et mettre
ainsi fin au régime communiste soutenu jusqu'alors par la Chine
Pendant la période de transition qui a commencé
avec l'entrée en vigueur de l'accord de Paris pour un règlement
politique global du conflit du Cambodge, le C.N.S. a
délégué ses pouvoirs à l'O.N.U. afin de lui
permettre d'appliquer cet accord. C'est cette délégation qui a
permis à l'O.N.U. de conduire les élections permettant la
formation d'un gouvernement légitime et l'établissement d'un
État démocratique.
Ces élections ont fait naître une assemblée
constituante de 120 membres qui s'est réunie le 14 juin pour
rétablir le prince Sihanouk comme chef d'État et ce n'est que
le 21 septembre qu'elle a adopté la nouvelle
124 Résolution 835 CS/O.N.U. du 2 juin 1993
"souhaitant l'établissement pacifique d'un gouvernement
démocratique en application des résultats électoraux",
Documents d'actualité internationale N°14, 15 juillet
1993, p. 292.
constitution du Royaume du Cambodge qui est entrée en
vigueur le 24 septembre jour auquel la mission de l'A.PR.O.N.U.C. a pris
fin.
A propos de cette nouvelle constitution, l'article 23 de
l'accord de Paris pour un règlement politique global du conflit du
Cambodge stipule que "les principes fondamentaux qui seront contenus dans
la nouvelle constitution du Cambodge, y compris ceux relatifs aux droits de
l'Homme et aux libertés fondamentales ainsi qu'au statut de
neutralité du Cambodge, sont énoncés à l'annexe 5".
En effet, l'accord de Paris a exigé du constituant cambodgien le
choix de la démocratie libérale et pluraliste pour mettre fin
à la tragédie vécue par le pays. Une démocratie qui
ne se réalise, selon l'accord, que par le respect des droits
fondamentaux, du pluralisme politique, de l'indépendance du pouvoir
judiciaire et de sa neutralité Ainsi, la constitution cambodgienne a
décidé que le roi règne mais ne gouverne pas. Le
gouvernement roy reste responsable devant l'Assemblée. Les
libertés publiques ont été proclamées et le conseil
supérieur de magistrature garantira l'indépendance du pouvoir
judiciaire.
Les événements survenus pendant la
période électorale et la résistance des Khmer Rouges ont
démontré la précarité de la situation au
Cambodge.
Cependant une chose reste sûre : L'action de l'O.N.U.
pour démocratiser le Cambodge a été ferme. C'est cette
persévérance qui a poussé le prince Sihanouk à
écrire déjà en mars 1993 qu' "après le 25
août, le Cambodge devra cesser d'être un protectorat de l'O.N.U....
et de recouvrer sa pleine souveraineté, ce qui voudra dire que toute
ingérence étrangère dans les affaires intérieures
du Cambodge sera inacceptable et inadmissible et que les affaires entre Khmers
devront être réglées par les Khmers"125.
Cette affirmation s'explique d'autant plus que l'O.N.U. s'est
occupée de tous les aspects de la vie intérieure du Cambodge.
L'A.PR.O.N.U.C. a essayé pendant la période transitoire de
favoriser le respect des droits de l'Homme, elle a même réussi
à convaincre le C.N.S. de ratifier les pactes internationaux relatifs
aux droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels.
Cette action a affecté le système judiciaire et administratif
ainsi que les domaines de la défense et des affaires
étrangères.
125 Cité par ISOART (P) "L'O.N.U. et le
Cambodge", 1993, volume 3,
p. 687.
Bref, cette action a visé tout le système
politique cambodgien en vue d'obtenir un régime démocratique
basé sur des valeurs qui sont évidentes "pour un esprit
occidental qui ne le sont pas forcément pour les citoyens
Khmers"126.
L'établissement de la démocratie a
été le but ultime de l'O.N.U. nonobstant la réaffirmation
du droit inaliénable des États à déterminer
librement leur propre système politique, économique, social et
culturel conformément à la volonté de leurs peuples. La
logique de l'accord semble, à notre sens, résoudre cette
contradiction apparente.
Du reste, le caractère exemplaire de l'opération
menée par l'O.N.U. au Cambodge tient au fait qu'il s'agit là
d'une situation strictement interne, "il n'y a ici de manière
directe aucun élément d'ordre international. Certes, la
stabilité de cet État est une pièce du système de
sécurité dans la région... mais cet aspect n'est
qu'indirect et peut, en définitive, être relevé à
propos de n'importe quelle situation interne susceptible d'avoir des effets
externes"127.
L'appui de l'O.N.U. à la démocratie par la
promotion du principe d'élections périodiques et honnêtes
et par l'assistance électorale s'est avéré utile pour
certains cas et inadéquat pour d'autres.
Dans ce cas, nous ne pouvons que confirmer l'idée que
"la démocratie doit être préparée, ses racines
doivent se développer progressivement. Les élections ne sont
qu'une étape dans le lent processus de la naissance et de la croissance
d'une culture et d'institutions politiques destinées à soutenir
un régime démocratique"128. Faute de quoi la
démocratie ne serait que précaire.
L'O.N.U. s'est trouvée dans la situation où des
élections authentiques et libres ont été remises en
cause par des coups d'État, l'Organisation a alors
126 Ibid., p. 669.
127 DAUDET (Y), "Rapport introductif', in
Aspects du système des Nations Unies dans le cadre de l'idée d'un
nouvel ordre mondial, dir. DAUDET (Y), Paris, Pedone, 1992, p. 24.
128 BEIGBEDER (Y), op. cit. p. 26.
envisagé une action contraignante pour rétablir la
démocratie dans ces régimes.
CHAPITRE DEUXIÈME
L'ACTION DE L'O.N.0
POUR RÉTABLIR LA DÉMOCRATIE
L'engagement de l'O.N.U. en faveur de la démocratie ne
s'est pas arrêté avec l'assistance électorale. Après
avoir aidé certains pays à établir leur régime sur
la base de la démocratie et du respect des droits de la personne,
l'O.N.U. a vu son action détruite par des coups de force. Son
succès s'est alors transformé en échec.
L'O.N.U. a vivement réagi face à cette situation
en condamnant les coups d'État survenus contre des gouvernements
librement élus. Une attitude tout à fait nouvelle de la part
d'une organisation dont le premier principe est l'égalité
souveraine entre les États. Cette égalité souveraine a
pour corollaire le principe de l'autonomie constitutionnelle de l'État
ou son libre choix de son système politique, économique, social
et culturel.
L'action de l'O.N.U. suite aux coups d'État survenus
contre des gouvernements librement - et donc légitimement - élus
avait un fondement problématique. Cette action a, en fait, prouvé
le passage du principe de l'autonomie constitutionnelle à celui de la
légalité constitutionnelle, plus, à celui de la
légitimité démocratique (Section I).
Cette action entreprise par l'O.N.U. en vue de rétablir
la démocratie est caractérisée par un mouvement
évolutif allant de la condamnation jusqu'au recours aux sanctions
militaires passant ainsi par les sanctions non militaires.
A priori, cette action ne peut que violer la
souveraineté des États, l'O.N.U. ne peut en effet intervenir dans
les conflits et les affaires internes de ces États.
Seulement, l'étude de la pratique de l'O.N.U. pour
rétablir la démocratie en Haïti nous permet d'affirmer que
cette action ne se situe pas totalement en marge du droit international.
L'O.N.U. a, d'abord, réagi concrètement suite à la demande
de l'État haïtien, elle a, ensuite, procédé suivant
la logique de l'accord entre les parties, enfin lorsque l'une des parties n'a
pas respecté son engagement; l'O.N.U. a utilisé les
prérogatives, exorbitantes certes, qui lui sont reconnues par la Charte.
Ainsi l'action de l'O.N.U. pour rétablir la
démocratie en Haïti s'est trouvée circonscrite
par la légalité internationale (Section II).
SECTION PREMIÈRE
UN FONDEMENT PROBLÉMATIQUE : AUTONOMIE
CONSTITUTIONNELLE ET LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE
Il y a quelques années encore, parler du passage de
l'autonomie constitutionnelle à la légitimité
démocratique ou même à la légalité
constitutionnelle aurait été une aberration. En effet, le
principe de l'autonomie constitutionnelle traduit la liberté qu'a
l'État de choisir son système politique, économique,
social et culturel en dehors de toute ingérence ou pression
extérieure. Porter atteinte à ce principe était donc nier
un attribut fondamental de l'État qu'est la souveraineté.
Aujourd'hui, avec la fin de l'opposition Est-Ouest, ce
principe semble perdre du terrain laissant ainsi apparaître une tendance
visant à rétablir les régimes librement choisis par les
peuples. Se pose alors la question : la souveraineté est-elle en cause ?
Une question qui nous parait être légitime à partir du
moment où l'Organisation des Nations Unies revendique de plus en plus le
respect de la légalité constitutionnelle et de la
légitimité démocratique, affaires purement internes des
États (Paragraphe I); alors que le principe de
l'autonomie constitutionnelle, principe bien ancré en Droit
International, a pendant longtemps conditionné les relations "amicales"
entre États (Paragraphe II)
PARAGRAPHE PREMIER
L'AUTONOMIE CONSTITUTIONNELLE : UN PRINCIPE BIEN
ANCRÉ EN DROIT INTERNATIONAL
Attribut de l'État, la souveraineté constitue
"une pierre d'angle" dans les relations internationales. L'une des
conditions ou des critères de cette souveraineté est
l'indépendance de l'État129.
En vertu de ce principe, il appartient à l'État
et a lui seul de déterminer son régime politique, son
système économique, social et culturel ainsi que sa politique
étrangère.
La Charte de l'O.N.U., adoptée pour régler les
rapports inter-étatiques dans une société internationale
hétérogène, n'a prévu qu'une seule condition quant
à la nature d'un État candidat à être Membre :
être pacifiquel3o.
En droit international, le principe de l'autonomie
constitutionnelle n'a connu qu'une seule exception expresse qui consiste en la
condamnation du régime de la discrimination raciale de l'apartheid.
Cette exception a été institutionnalisée par de nombreuses
conventions internationales qui ont condamné les régimes
politiques fondés sur la discrimination raciale, c'est le cas notamment
de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes
de discrimination raciale adoptée sous les auspices de l'O.N.U. en date
du 21 décembre 1965 et entrée en vigueur le 4 janvier 1969 ainsi
que la Convention internationale sur l'élimination et la
répression du crime d'apartheid adoptée par la résolution
3068 de l'Assemblée Générale de l'O.N.U. en date du 30
novembre 1973 et entrée en vigueur le 18 juillet 1976. En dehors de ce
cas, la positivité du principe de l'autonomie constitutionnelle a
toujours fait obstacle à toute théorie de
légitimité politique.
Ainsi nous pouvons dire que le droit international est
indiffèrent vis-à-vis de la nature des régimes
politiques des États. Une logique tout à fait
129 Cf DUPUY (P-M), Droit International Public,
Paris, Dalloz, 1993, p. 21.
130 L'article 4 (1) de la Charte de l'O.N.U. dispose que
"1- peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres États
pacifiques qui acceptent les obligations de la présente Charte et, au
jugement de l'Organisation, sont capables de les remplir et disposées
à le faire". De même la C.I.J. dans son avis sur "Les
conditions de l'admission d'un État comme membre des Nations Unies"
du 28 mai 1948, interprétant l'article 4 de la Charte, a
"déclaré que les conditions posées pour l'admission
des États sont limitatives et que, si elles sont remplies par un
État candidat, le Conseil de Sécurité doit faire la
recommandation permettant à l'Assemblée Générale de
statuer sur l'admission" cf LAGHMANI SLIM, Répertoire
élémentaire de jurisprudence internationale, Tunis,
C.E.R.P., 1993, p. 47.
conforme au principe de l'égalité souveraine. Le
principe de l'autonomie constitutionnelle se trouve alors consacré par
le droit international positif (A) ainsi que par la jurisprudence
internationale (B).
A. La consécration du principe de l'autonomie
constitutionnelle par le droit international positif
Bien que non expressément prévu par la Charte
des Nations Unies, le principe de l'autonomie constitutionnelle a figuré
aussi bien dans l'article premier commun aux pactes de droits civils et
politiques et économiques, sociaux et culturels (a) que dans de
nombreuses résolutions de l'organe plénier de l'O.N.U.
(b).
a. L'article premier des pactes relatifs aux droits de
l'Homme
Cet article commun aux deux pactes dispose que "tous les
peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes, en vertu de ce droit ils
déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur
développement économique, social et culturel".
Le droit des peuples à choisir leur statut politique
s'est concrétisé dans la pratique de l'O.N.U. par la
reconnaissance du droit des peuples à la décolonisation. Qu'en
est-il alors de ce droit si les peuples sont déjà
constitués en États ? Si le régime politique choisi par
l'État émane ou traduit la volonté du peuple de cet
État, le droit des peuples à la libre détermination et sa
liberté de choisir le système politique qu'il juge adéquat
doit, dans ce cas, être compris dans sa dimension externe dans le sens
où chaque peuple choisit librement son statut politique sans
l'ingérence d'un autre peuple et d'un autre État. Cela suppose,
évidemment, une identité ou du moins une harmonie entre le peuple
et l'État.
C'est donc en vertu du droit des peuples à
déterminer librement leur statut politique que "le droit
international reconnaissait à chaque État une
autonomie constitutionnelle, c'est à dire la
possibilité de déterminer la nature du régime, sa forme,
son organisation, ses institutions"131.
Nous le remarquons, cette conception du principe de
l'autonomie constitutionnelle présume une compatibilité entre le
droit des peuples et le droit des États.
Cependant, cette compatibilité n'est pas toujours
certaine. Dès leur indépendance, la plupart des États ont
"confisqué" le droit de leur peuple au nom de la construction
du jeune État et de l'Unité nationale132.
Nous nous trouvons alors devant une controverse : le droit du
libre choix du système politique est-il un droit du peuple ou un droit
de l'État ?
En abordant le principe de l'autonomie constitutionnelle, la
doctrine a souvent considéré qu'il s'agit là d'un droit de
l'État puisqu'il est le corollaire du principe de la
souveraineté. C'est pour cette raison que pendant presque quarante ans,
la logique de la coexistence pacifique entre les États a exigé le
respect du droit de l'État à choisir son système politique
et ses institutions internes. Cette logique correspondait parfaitement à
l'ordre politique existant. Cela étant, l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. a réaffirmé ce principe
à plusieurs reprises.
b. Les résolutions de l'Assemblée
Générale confirmant le principe de l'autonomie
constitutionnelle
Composée alors d'une majorité d'États
nouvellement indépendants, l'Assemblée Générale de
l'O.N.U. a adopté la résolution 2131 du 21 décembre 1965
dans laquelle elle a déclaré que "tout État a le droit
inaliénable de choisir son système politique, économique,
social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part de n'importe
quel État". En
131 BEN ACHOUR (R), "Actualité des principes de
droit international", in. Les nouveaux aspects du droit international. op.
cit. p. 45.
132 EDMOND JOUVE écrit dans ce sens "les
droits des peuples sont donc violés souvent par ceux-là
mêmes dont la fonction était de les sauvegarder. Longtemps, ces
violations ont pu se produire en toute impunité. Ce n'est plus tout
à fait le cas aujourd'hui", Le droit des peuples, Paris,
P.U.F., 1992, p. 114.
adoptant cette disposition, l'A.G. de l'O.N.U. a entendu
"créer les conditions appropriées qui permettent à
tous les États, et en particulier aux pays en voie de
développement, de choisir sans contrainte ni coercition leurs propres
institutions politiques, économiques et sociales"133.
La reconnaissance de la liberté du choix du
système politique, économique, social et culturel et par
conséquent l'autonomie constitutionnelle des États a
été réitérée par l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. dans sa résolution 2625 du 24 octobre
1970 portant "Déclaration relative aux principes de droit
international touchant aux relations amicales et à la coopération
entre les États conformément à la Charte des Nations
Unies". En effet, cette résolution a réaffirmé que "-
e - Chaque État a le droit de choisir et de développer
librement son système politique, social, économique et culturel".
De même, en abordant "le principe relatif au droit de ne pas
intervenir dans les affaires relevant de la compétence nationale d'un
État, conformément à la Charte", la résolution
2625 a réaffirmé que "tout État a le droit
inaliénable de choisir son système politique, économique,
social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part d'un autre
État"134.
La résolution 3281 adoptée par ce même
organe le 12 décembre 1974 portant adoption de la Charte des droits et
devoirs économiques des États nous semble être plus
précise quant à la détermination du principe de
l'autonomie constitutionnelle. L'article premier de cette résolution
dispose que "chaque État a le droit souverain et inaliénable
de choisir son système économique, de même que ses
systèmes politique, social et culturel conformément
à la volonté de son peuple sans ingérence,
pression ou menace extérieure d'aucune sorte"135.
Durant plusieurs années, l'Assemblée
Générale de l'O.N.U., caractérisée par la
montée des pays du tiers monde, a insisté sur la
nécessité du respect de l'autonomie constitutionnelle. Ce
respect a été une garantie essentielle
133 Résolutions adoptées par
l'Assemblée Générale au cours de sa vingtième
session, 21 septembre - 22 décembre 1965, documents officiels,
supplément N° 14.
134 Résolutions adoptées par
l'Assemblée Générale au cours de sa vingt-cinquième
session, 15 septembre - 17 décembre 1970, documents officiels,
supplément N° 28.
135 Résolutions d'intérêt
juridique adoptées par l'Assemblée Générale
à sa sixième session extraordinaire et à la
vingt-neuvième session ordinaire, 9 avril 2 mai 1974 et 17 septembre -
18 décembre 1974, documents officiels (c'est nous qui soulignons).
pour assurer une coexistence pacifique et des relations
"amicales" entre des États différents et même
antagonistes sur le plan idéologique.
La violation du principe de l'autonomie constitutionnelle des
États a été une occasion pour la jurisprudence
internationale pour se prononcer sur la question.
B. La confirmation du principe de l'autonomie
constitutionnelle par la jurisprudence internationale
La Cour Internationale de Justice a eu à se prononcer
sur le principe de l'autonomie constitutionnelle à l'occasion de deux
affaires. La première affaire a donné lieu à l'avis
consultatif du 16 octobre 1975 concernant le Sahara Occidental (a), la
deuxième affaire qui a opposé le Nicaragua aux les États
Unis d'Amérique a été à l'origine de l'arrêt
rendu le 27 juin 1986 relatif aux activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (b).
a. L'avis consultatif du Sahara Occidental
Dans son avis consultatif concernant le Sahara Occidental,
la C.I.J. a affirmé qu'aucune règle de droit
international n'exige que l'État ait une structure
déterminée, comme le prouve la diversité des structures
étatiques qui existent actuellement dans le
monde"136.
La confirmation du principe de l'autonomie constitutionnelle
est claire dans cet extrait étant donné que la Cour a
relevé l'indifférence du droit international à
l'égard des régimes politiques des États. Seulement, la
référence à "la diversité des structures
étatiques qui existent actuellement dans le monde" comme preuve du
libre choix du système politique, nous pousse à poser la question
de savoir si cette référence à l'ordre politique
international peut prouver actuellement cette indifférence ? Nous dirons
à
ce propos que si l'ordre juridique international reste encore
fondé sur le principe de la souveraineté des États et par
conséquent sur le principe de l'autonomie constitutionnelle, les
mutations qu'a subies l'ordre politique international nous empêchent
d'affirmer que cet ordre est encore marqué par la diversité des
structures étatiques. En effet, depuis la dislocation du bloc
communiste, la plupart des États semblent adopter le modèle
démocratique libéral, du moins au niveau de leur discours
politique. Aujourd'hui rares sont les États qui prétendent ne pas
avoir un régime démocratique basé sur l'État de
Droit et le respect des droits de la personne.
Désormais, ces États renoncent à cette
diversité pour suivre un modèle qui tend vers
l'universalité.
b. L'arrêt relatif aux activités militaires
et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
La confirmation du principe de l'autonomie constitutionnelle a
été plus nette dans l'arrêt rendu par la C.I.J. à
l'occasion de l'affaire opposant le Nicaragua et les États Unis
d'Amérique. Dans cette affaire, exemple de la politique
interventionniste des États Unis, la C.I.J. a affirmé que
"les orientations politiques internes d'un État relèvent de
la compétence exclusive de celui-ci pour autant, bien entendu, qu'elles
ne violent aucune obligation de droit international. Chaque État
possède le droit fondamental de choisir et de mettre en oeuvre comme il
l'entend son système politique, économique et
social"137 . Une affirmation réitérée par
la Cour qui a été plus ferme en affirmant que "quelque
définition qu'on donne au régime du Nicaragua, l'adhésion
d'un État à une doctrine particulière ne constitue pas une
violation du droit international coutumier; conclure autrement reviendrait
à priver de son sens le principe fondamental de la souveraineté
des États sur lequel repose tout le droit international et la
liberté qu'un État a de choisir son système politique,
social, économique et culturel, (..), La Cour ne saurait concevoir la
création d'une règle nouvelle faisant droit à une
intervention d'un État contre un autre pour le
137 Arrêt du 27 juin 1986,
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (fond), C.I.J., Recueil des arrêts, avis consultatifs et
ordonnances, 1986, p. 131, § 258.
motif que celui-ci aurait opté pour une
idéologie ou un système politique particulier"138.
La Cour a même récusé toute "prétendue
règle d'intervention idéologique, qui aurait été
d'une nouveauté frappante"139.
Le principe de l'autonomie constitutionnelle permet donc aux
États souverains de se doter du système politique qu'ils jugent
opportuns, ce choix doit être respecté même s'il ne
correspond pas aux préférences d'autres États. Selon la
Cour, la seule limite à cette liberté trouve son fondement dans
la volonté de l'État lorsque ce dernier s'engage sur le plan
international à assumer une obligation quelconque.
Le problème s'est posé dans l'affaire de 1986.
Ainsi, lorsque la résolution des Ministres des relations
extérieures de l'Organisation des États Américains du 23
Juin 1979 a considéré que l'avenir politique du Nicaragua doit
reposer sur l'installation d'un gouvernement démocratique, le respect
des droits de l'Homme et l'organisation d'élections libres et lorsque le
Nicaragua a manifesté son intention d'organiser des élections
libres et de respecter les droits de l'Homme, la C.I.J. a
considéré que la résolution citée ainsi que la
réponse du Nicaragua n'ont qu'une valeur politique démunie de
toute force juridiquel4o.
Si la doctrine est unanime sur l'idée de
l'indifférence du droit international vis-à-vis de la forme
politique ou constitutionnelle des Étatsl4l, elle
n'hésite pas, pour autant, à modérer cette idée du
moment que "l'évolution contemporaine incite, (.) à nuancer
ce constat d'indifférence du droit à la forme gouvernementale
(...) l'affirmation de plus en plus nette du caractère obligatoire de la
protection des droits de l'Homme implique l'organisation d'un certain type de
rapport entre gouvernants et gouvernés et présente ainsi une
incidence sensible sur l'organisation du pouvoir interne comme sur son
exercice"142.
138 Ibid., p. 133, § 263.
139 Ibid., p. 134, § 266.
140 Le juge SCHWEBEL a considéré, dans son
opinion dissidente, que l'engagement international de l'État n'exige ni
la forme écrite ni même une forme particulière
solennelle. cf LANG
(C), L'affaire Nicaragua / États Unis devant la Cour Internationale
de Justice, Paris, L.G.D.J., 1990, pp. 247-248.
141 Cf QUOC DINH (N) et al. op. cit., P. 417.
Et DUPUY (P-M), Droit International Public, Précis Dalloz,
Paris, 1993, p. 22.
142 DUPUY (P-M), op. cit. loc.
cit.
Nous assistons aujourd'hui à un déclin de ce
principe avec l'émergence d'un discours et d'une pratique exigeant des
États de se conformer à la légalité
constitutionnelle et à la légitimité
démocratique.
PARAGRAPHE DEUXIÈME
LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE : UNE
NOUVELLE REVENDICATION DE L'O.N.U.
L'idée d'une légitimité
démocratique n'est pas tout à fait étrangère
à la pratique internationale des États. En effet, le principe de
l'autonomie constitutionnelle et donc la liberté du choix du
système politique, économique, social et culturel a subi quelques
atteintes doctrinales depuis le début de ce siècle. Ainsi, en
1907, le Docteur Tobar a élaboré une doctrine qui exige la non
reconnaissance d'un gouvernement issu d'un coup de force et dont la
légitimité n'a pas été établie par les
élections. De même, la doctrine de la souveraineté
limitée de Brejnev prévoit la primauté de
l'internationalisme prolétarien sur la souveraineté des
États.
Malgré ces atteintes, l'O.N.U. n'a jamais
expressément manifesté une préférence pour un
régime politique quelconque143. Cette attitude s'explique par
l'idée que "Le droit de la coexistence pacifique a même fait
de l'absence d'un modèle politique universel une condition sine-qua-non
de l'établissement de la paix de la sécurité
internationales"144.
143 Nous utilisons le mot expressément parce
que l'attitude de l'O.N.U. vis-à-vis de la question espagnole prouve que
l'article 4 de la Charte a été utilisé pour refuser la
candidature de l'Espagne à devenir Membre de l'O.N.U. en 1946 alors
qu'en 1955 cet État a été admis non pas parce qu'il
devient pacifique mais parce qu'il est avant tout doté d'un
régime anticommuniste.
144 BEN ACHOUR (R), "Égalité
souveraine des États, Droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes et liberté de choix du système politique,
économique, culturel et social", in. Solidarité,
Égalité, Liberté, (Le livre d'hommage offert à
Federico MAYOR), Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 786.
Cet état des choses a manifestement changé
lorsque l'O.N.U. a adopté un discours politique faisant du respect de la
légalité constitutionnelle et de la démocratie un
impératif dans les relations internationales (A). Ce discours s'est
traduit en action du moment que l'O.N.U. mène une pratique revendiquant
le respect de la légalité constitutionnelle et de la
légitimité démocratique (B).
A. Le discours politique de l'O.N.U.
Nonobstant l'affirmation continue des organes de l'O.N.U. du
principe de l'égalité souveraine et de celui de l'autonomie
constitutionnelle des États, le discours politique de l'Organisation
mondiale n'est plus indifférent aux systèmes politiques des
États. La préférence qu'a l'O.N.U. pour la
démocratie libérale a coïncidé avec le changement de
l'ordre politique international en faveur de ce modèle.
Le Secrétaire Général de l'O.N.U.,
principal auteur de ce discours, semble mettre entre parenthèse le
principe de l'autonomie constitutionnelle des États en affirmant que
"l'impératif de démocratisation est l'enjeu fondamental de
cette fin de siècle. Seule la démocratie, à
l'intérieur des États et à l'intérieur de la
communauté des États, est le véritable garant des droits
de l'Homme. C'est par la démocratie que se réconcilient les
droits individuels et les droits collectifs, les droits des peuples et les
droits des personnes. C'est par la démocratie que se réconcilient
les droits des États et les droits de la communauté des
États "145. La démocratie apparaît alors
comme la seule valeur politique capable de résoudre les contradictions
du droit international. Ce discours a fait écho dans les écrits
de certains auteurs qui vont jusqu'à parler d'une "conversion
à la démocratie"146. "L'impératif
démocratique" a toujours été présenté
comme un moyen réalisant les buts des Nations Unies. Ainsi, "les
droits de l'Homme sont intimement liés à la manière dont
ils gouvernent leurs
145 BOUTROS-GHALI (B), "Déclaration liminaire",
in. Conférence Mondiale sur les droits de l'Homme, Nations
Unies, 1993, pp. 10-11.
146 Cf BEIGBEDER (Y), "Le contrôle
international des élections" op. cit.
peuples, c'est-à-dire encore, au caractère
plus ou moins démocratique de leur régime
politique"147.
Le Secrétaire Général de l'O.N.U. a, en
outre, fait de la démocratie le corollaire du développement. En
effet, "La démocratie et le développement sont liés
pour diverses raisons fondamentales. Tout d'abord, la démocratie offre
la seule solution permettant de concilier, à long terme des
intérêts ethniques, religieux et culturels antagonistes tout en
minimisant le risque de conflits internes violents. De plus, la
démocratie est par définition, un mode de fonctionnement de
l'État, qui lui même influe sur tous les aspects des efforts de
développement"148.
Devant cette association démocratie - droit de l'Homme
et développement, nous ne pouvons que confirmer l'idée que
"pour ce qui est de leur mise en oeuvre tout au moins, cet ensemble de
valeurs se trouve en situation de contrariété avec les principes
les plus avérés de l'ordre politique et de l'ordre juridique
internationaux actuels (..) Le trait fondamental et contradictoire à la
fois, de l'idéologie "droits de l'Homme - démocratie -
développement" est d'un côté, leur vocation à
l'universalité, sans laquelle ils perdraient une grande partie de leurs
valeurs et de leur signification mais d'un autre côté, le fait que
ces valeurs ne peuvent se réaliser qu'à l'échelle de
l'État, dans le cadre de l'État et avec la bonne volonté
de 1 'État"149.
Le Secrétaire Général de l'O.N.U. n'a pas
seulement associé démocratie, droits de l'Homme et
développement "Désormais l'exigence démocratique
investit le domaine du maintien de la paix en assignant aux opérations
des Nations Unies une double mission : La réconciliation nationale et la
consolidation démocratique"150. Dans le même sens,
Monsieur BoutrosGhali a estimé que "seule la démocratie
permet tout à la fois d'arbitrer et de régler, de façon
durable, les nombreuses tensions politiques, sociales,
147 BOUTROS-GHALI (B), "Déclaration liminaire",
op. cit., p. 9.
148 BOUTROS-GHALI (B), "Agenda pour le
développement" mai 1994, p. 24.
149 BELAID (S), "Rapport de synthèse" in.
Les nouveaux aspects du Droit International, op. cit., pp. 301-302.
150 (B), "L'O.N.U. et les opérations de maintien de la
paix à la
croisée des chemins", in. Relations Internationales et
Stratégiques, 1993, N° 11, p. 11.
économiques et ethniques qui menacent sans cesse de
déchirer les sociétés et de détruire les
États"151.
En conclusion, nous pouvons affirmer que la démocratie
constitue aujourd'hui une nouvelle idéologie de l'Organisation mondiale.
Une idéologie qui se veut universelle, certes, mais aussi et ce qui est
à notre sens frappant, une idéologie qui tend à être
ce que le S. G. de l'O.N.U. voudrait appeler "Un droit international de la
démocratie"152. Cette dernière idée
suscite deux remarques : primo, au plan strictement juridique,
l'intégration de la démocratie comme une norme en droit
international ne peut se réaliser sans heurter certains principes
fortement ancrés en droit tel que le principe de l'autonomie
constitutionnelle. Par conséquent, cette intégration
"supposerait qu'au préalable, un réajustement profond ait
été effectué au niveau des principes de droit
international les plus solidement ancrés dans la société
internationale"153. Secundo, ce discours comprend la
possibilité d'une dérive : la démocratie, comme toute
idéologie, risque en effet de se transformer en un nouveau dogme Du
reste, "si on ne peut que se féliciter des progrès de
l'idée de démocratie dans le monde, dans le sens d'une
participation des peuples à la gestion de leurs affaires, (..), on ne
doit pas perdre de vue que chaque société élabore son
expérience historique à son rythme avec ses erreurs, des
hésitations et des adaptations progressives. Il n'existe pas en la
matière de normes ou de critères universels, et encore moins un
droit des puissances extérieures ou d'un pouvoir
hégémonique de les apprécier et d'imposer leur
respect"154.
Seulement, il est clair que le discours politique de l'O.N.U.
témoigne d'un recul du principe du libre choix du système
politique, économique, social et culturel. Ce discours qui a voulu
s'adapter à "l'accélération de l'histoire" et aux
profondes mutations qu'a connu l'ordre politique international n'est
151 BOUTROS-GHALI (B), "Agenda pour le
développement", mai 1994, p. 24.
152 Voir le message adressé par le
Secrétaire Général de l'O.N.U. à l'occasion du
colloque international organisé par la Faculté des Sciences
Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis du 11 au 13 avril 1996, ayant pour
thème "Harmonie et contradictions en droit international".
153 BELAID (S), "Rapport de synthèse", in.
Les nouveaux aspects..., op. cit., p. 303.
154 BENNOUNA (M), "L'obligation juridique dans le
monde de l'après-guerre froide", A.F.D.I., 1993, pp. 44-45.
pas resté sans influence sur la nouvelle pratique de
l'organisation des Nations Unies.
B. La pratique de l'O.N.U.
La pratique de l'O.N.U. revendiquant la légitimité
démocratique s'est surtout concrétisée vis-à-vis
des coups d'État.
Avant d'analyser cette pratique, quelques précisions
méritent d'être faites.
Pour les constitutionnalistes un coup d'État est
"un changement de gouvernants opéré, hors des
procédures constitutionnelles en vigueur par une action entreprise au
sein même de l'État au niveau de ces dirigeants"155.
Ainsi, pour l'O.N.U., en mettant en cause le gouvernement
constitutionnel, le gouvernement issu du coup d'État renverse un
gouvernement légitime156. Tout autre est le cas de
la révolution qui est "la subversion violente du gouvernement et de
l'ordre juridique pour créer une nouvelle société,
déjà en gestation sous l'ancien ordre politique
"157. Cette subversion, étant faite par le peuple et non
par l'une des autorités constituées158,
peut être tenue pour légitime.
Cela étant dit, la pratique récente de l'O.N.U.
à l'égard des coups d'État constitue une innovation dans
le sens où l'Organisation s'est attribuée une tâche
nouvelle et non prévue par la Charte.
155(155) LEROY (P), Dictionnaire constitutionnel,
dir. DUHAMEL (0) et MENY (Y), Paris, P.U.F., 1992, p. 240.
156 H importe ici de définir la
légitimité qui "appliquée à un gouvernement,
indique que l'investiture de celui-ci est considérée comme
conforme à un principe politique ou moral considéré"
BASDEVANT (J), Dictionnaire de la terminologie du droit international,
Paris, Sirey, 1960, p. 365.
157 Dictionnaire constitutionnel, dir.
DUHAMEL (0) et MENY (Y), Paris, P.U.F., 1992, pp. 935 - 936. Cf :
BURDEAU (G), Traiter de science politique, Paris, L.G.D.J, 1984,
tome IV, pp. 535 - 568, cf contra KELSEN (H), théorie pure
du Droit, Paris, Dalloz, 1962, p. 279.
158 voir AVRIL (P) et GICQUEL (J), Lexique, Droit
constitutionnel, Paris, P.U.F., 2ème éd., 1989, p. 114.
A priori, nous pouvons dire que cette attitude
condamnant les coups d'État menés contre les régimes
librement élus s'explique par la volonté de l'Organisation de
rétablir l'ordre constitutionnel et donc la légalité dans
ces États. Seule une analyse de cette pratique nous permettra de savoir
si l'O.N.U. récuse toute prise du pouvoir par la force ou seulement le
renversement des régimes qu'elle juge démocratiques.
Nous proposons alors d'étudier successivement trois cas
de coups d'État similaires où la réaction de l'O.N.U. a
été différente : Le cas haïtien (a), le cas
du Burundi (b), et le cas du Niger (c).
a. Le cas haïtien
Notre propos ici n'est pas de résumer l'action de
l'O.N.U. dans cet État dans toutes ses dimensions mais plutôt de
relever les aspects indiquant cette revendication de la
légitimité démocratique.
Indépendante de la France depuis 1804, la
République haïtienne est l'un des pays les plus pauvres de
l'Amérique latine. Son histoire est marquée par des crises
politiques et économiques continues. Depuis son arrivée au
pouvoir en 1957, François Duvalier a institué une
véritable dictature appuyée par les
américains159 et poursuivie par son fils Jean
Claude Duvalier. Ce dernier s'est exilé en 1986 après avoir
échoué à résoudre la crise économique et
politique de l'État. Depuis l'adoption de la constitution haïtienne
par référendum en 1987, l'histoire politique de cet État
n'est qu'une succession de coups d'État160.
Les élections haïtiennes qui se sont
déroulées sous le contrôle de l'O.N.U. ont abouti à
l'élection du Président Jean - Bertrand Aristide le 16
décembre 1990 avec une majorité de 67% des voix. Entré en
fonction le sept février
159 Voir "Mémo" Larousse, 1990, p. 545.
160 En 1987 le Général Namphy prend
le pouvoir, en 1988 Leslie Manigat est renversée quelques mois
après son élection par le Général Namphy lui
même reversé par le Général Prosper Avril qui quitte
le pays en 1990. En cette date Mme. Ertha Pascal Trouillot a été
nommée Président de la République haïtienne.
1991, le Père Aristide a été renversé
par un coup d'État mené par le Général Raoul
Cédras le 30 septembre 1991.
Ce même jour, et au niveau régional, le Conseil
permanent de l'Organisation des États Américains a
condamné ce coup d'État exigeant le respect de la constitution et
du gouvernement légitime ainsi que l'intégrité physique du
Président Aristide et des droits du peuple haïtien. De même,
les Ministres des relations extérieures de l'O.E.A. ont adopté
une résolution en date du 3 octobre 1991 condamnant le coup
d'État et exigeant le rétablissement immédiat de
l'autorité du Président Aristide. Par ailleurs, la
résolution a recommandé l'isolement économique, financier
et diplomatique des autorités de faite en Haïti.
Le 8 octobre, une résolution du même organe vient
renforcer sa précédente en condamnant le remplacement
illégal du Président Aristide et déclarant inacceptable
tout gouvernement résultant de cette situation, la résolution a,
en plus, décidé le gel des avoirs financiers de l'État
haïtien et l'application d'un embargo commercial, sauf pour l'aide
humanitaire. A la demande d'Aristide, cette résolution a
décidé d'envoyer une mission civile chargée de
rétablir et de renforcer la démocratie constitutionnelle en
Haïti161.
La pratique de l'O.E.A. vis-à-vis de ce coup
d'État n'est pas surprenante. En effet, pour cette Organisation, la
défense des régimes démocratiques est une obligation pour
les États Membres puisque la Charte de l'O.E.A. a opté pour la
démocratie. Il paraît donc "normal que dans la crise
haïtienne l'O.E.A. joue un rôle premier, ne serait ce que pour des
considérations géographiques. Pourtant(...), cette raison n'a pas
été déterminante pour l'O.E.A. qui insiste bien davantage
sur la spécificité de sa Charte et des dispositions qu'elle
contient en faveur du soutien aux régimes démocratiques sur
lesquelles le Secrétaire Général s'appuie pour justifier
le rôle moteur que l'O.E.A. doit jouer dans la gestion de cette crise
"162.
La situation est différente pour l'Organisation des
Nations Unis. Si nous admettons que "le remplacement d'un gouvernement
par un autre
161 Voir les Nations Unis et la situation en
Haïti, documents officieux publiés par le département
de l'information publique de l'Organisation des Nations Unis, mars 1985, pp. 1
-2.
162 QUOC DINH (N), op. cit., p. 542.
n'intéresse pas, en principe, les autres
États" et que "toute prise de position négative serait
analysée comme une ingérence dans les affaires intérieures
de l'État, à tout le moins comme un geste inamical
"163; à plus forte raison l'O.N.U., qui n'est que
l'ensemble de ces États ne doit donc pas prendre position à
l'égard des coups d'État dès lors que la nouvelle
autorité exerce un pouvoir effectif et que l'État respecte ses
engagements internationaux.
Tel n'a pas été le cas dans l'affaire
haïtienne puisqu'immédiatement après le renversement du
Président Aristide, le Secrétaire Général de
l'O.N.U. ainsi que, le président du Conseil de Sécurité
ont fait une déclaration exprimant leur espoir de voir le processus
démocratique se poursuivre conformément à la constitution.
Le 3 octobre, une déclaration du président du Conseil de
Sécurité a réitéré sa condamnation du coup
d'État en demandant le rétablissement du gouvernement
légitime. Par ailleurs, le rétablissement de l'ordre
constitutionnel en Haïti, a fait l'objet des résolutions de
l'organe plénier de l'O.N.U. En effet, par la résolution 46/7
adoptée par consensus le 11 octobre 1991, l'A.G de l'O.N.0 a
rappelé son soutien au peuple haïtien pour consolider ses
institutions démocratiques et pour tenir des élections libres.
C'est dans cette perspective que se situe l'affirmation que "Les Nations
Unis sont d'autant plus fondées à se saisir de la situation que,
d'une certaine manière, on peut considérer que la
crédibilité de l'Organisation est en jeu et qu'elle se doit de
réagir vivement en présence d'une situation qui ruine son action
antérieure "164.
Dans la résolution 46/7 l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. "préoccupée par les
événements graves survenus en Haïti depuis le 29 septembre
1991, qui ont causé une interruption brutale et violente du processus
démocratique dans ce pays, entraînant des violations des droits de
l'Homme et des pertes en vies humaines, (..) Considérant qu'il importe
que la communauté internationale appuie le développement de la
démocratie en Haïti, lequel passe par un renforcement des
institutions du pays et par une attention prioritaire accordée aux
graves problèmes sociaux et culturels auxquels il se heurte,
163 DAUDET (Y), "l'O.N.U. et l'O.E.A. en Haïti et
le Droit Internationale", 1992, p. 90.
164 DAUDET (Y), "l'O.N.U. et l'O.E.A....",
art.cit., p. 92.
Consciente que, conformément à la Charte des
Nations Unies, l'Organisation s'attache à encourager le respect des
droits de l'Homme et des libertés fondamentales pour tous et qu'aux
termes de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme "la
volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs
publics";
- 1- Condamne énergiquement tant la tentative de
remplacer illégalement le président constitutionnel d'Haïti
que l'emploi de la violence, la coercition militaire et la violation des droits
de l'Homme dans ce pays;
- 2 - Déclare inacceptable toute entité
issue de cette situation illégale et exige sur le champ le
rétablissement du gouvernement légitime du Président Jean
-Bertrand Aristide, ainsi qu'un retour à la pleine application de la
constitution nationale et, partant, au respect intégral des droits de
l'Homme en Haïti "165.
Si nous nous bornons à l'analyse de la condamnation du
renversement illégale du Président constitutionnel, nous pouvons
affirmer, a priori, qu'il s'agit là d'une remise en cause du
droit de l'État à l'autonomie constitutionnelle et du droit du
peuple à l'autodétermination, du moins par rapport aux puissances
extérieures. Or, dans le cas haïtien, depuis le coup d'État;
il y a eu une incompatibilité entre le droit de l'État et celui
du peuple qui a déjà fait son choix politique par des
élections libres.
L'O.N.U. semble dépasser cette contradiction,
inhérente au droit international, en faisant prévaloir le droit
du peuple. Toutefois, on se pose la question de savoir si l'O.N.U. aurait
réagi de la même manière si le gouvernement renversé
n'avait pas opté pour le régime démocratique.
Il est vrai que la résolution 46/7 a exigé le
rétablissement de l'ordre constitutionnel et donc de la
légalité constitutionnelle mais elle a surtout exigé le
rétablissement d'un ordre constitutionnel basé sur les valeurs
démocratiques. Ainsi, nous passons de la légalité
constitutionnelle à la légitimité démocratique. La
première exige le rétablissement du pouvoir choisi par le peuple,
quel qu'il soit. La deuxième exige le rétablissement
165 Résolutions et décisions
adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa
quarante sixième session, volume I, 17 septembre - 20 décembre
1991, documents officiels, supplément n°49.
d'un pouvoir jugé démocratique. Pourtant, nous
remarquons que dans le discours de l'O.N.U., ces deux expressions sont
équivalentes.
Désormais, le rétablissement de la
démocratie doit être appuyé par la communauté
internationale "expression curieuse par laquelle l'Assemblée ne peut
désigner l'ensemble des États puisque parmi eux se trouvent des
États qui ne sont ni se réclament de la démocratie
libérale. Elle désigne probablement la communauté des
États démocratiques ce qui est une singulière conception
de la "communauté internationale" "166.
Il est donc clair que la résolution, objet de ce
commentaire, constitue une innovation dans la mesure où elle opte
expressément pour la légitimité démocratique qui
n'est - selon l'A.G - que la conséquence immédiate des droits
civils et politiques de l'Homme
Si on se limite à cette résolution, nous
pouvons confirmer que "la résolution de l'Assemblée
Générale, tout en étant révélatrice d'un
certain état des rapports de force à l'échelle
internationale, n'est pas obligatoire en elle-même, et en l'état
actuel de la pratique internationale, elle ne déclare pas non plus une
coutume générale "167.
Seulement, la reprise de cette résolution par
l'Assemblée Générale de l'O.N.U. à chacune de ses
sessions ultérieures et la revendication constante du
rétablissement de la démocratie en Haïti, nous pousse
à nuancer cette affirmation d'autant plus que "La situation de la
démocratie et des droits de l'Homme en Haïti" a fait l'objet
de la résolution 47/20 A.G/O.N.U.(XXXXVII) du 24 novembre 1992, de la
résolution 48/27 A.G/O.N.0 (XXXXVIII) du 20 décembre 1993 et de
la résolution 49/27 A.G/O.N.0 (XXXXIX) du 5 décembre 1994. Cette
dernière bien qu'adoptée après le rétablissement de
l'ordre constitutionnel a décidé d'inscrire la question relative
à la démocratie et aux droits de l'Homme en Haïti à
l'ordre du jour provisoire de sa cinquantième session.
La répétition des résolutions relatives
à la démocratie en Haïti va dans le sens de
l'émergence d'une coutume condamnant les coups d'État
menés contre les gouvernements démocratiques.
166 LAGHMANI (S), art.cit.p. 262.
167 Ibidloc cit.
Cette condamnation prouve, en outre, l'attachement de
l'O.N.U. à rétablir la démocratie en Haïti.
Cependant, autre a été le degré de cet attachement dans
l'affaire du Burundi.
b. Le cas burundais
Plus grave que celui d'Haïti, le coup d'État
survenu au Burundi le 21 octobre 1993 a renversé le Président
Melchior Ndadaye entraînant ainsi sa mort et celle d'autres
personnalités.
Engagé dans un processus démocratique par la
constitution du 13 mars 1992, le Burundi a été
présidé par un membre de l'ethnie des Hutus
démocratiquement élu. Ces élections ont permis au peuple
burundais de mettre fin à la domination de la minorité tutsie.
Le coup d'État a provoqué la
déstabilisation du pays et des massacres ethniques. Le 29 octobre le
Haut Commissariat pour les Réfugiés annonce que
déjà 600 000 burundais avaient fui leur pays168.
Les réactions relatives à ce coup d'État
se sont multipliées sur le plan international : les États Unis
d'Amérique ont suspendu leur programme d'aide à ce pays, l'Union
Européenne et l'Allemagne ont condamné cet acte, la France, quant
à elle, a revendiqué le retour à la
légalité169.
Au niveau régional, l'Organisation de l'Unité
Africaine a décidé d'envoyer au Burundi un contingent de 200
personnes. De même, et à la demande du gouvernement burundais,
l'Organisation de l'Unité Africaine a décidé le 19
novembre 1993 d'établir une Commission internationale pour
enquêter sur le coup d'État170.
Pour ce qui est de l'O.N.U, immédiatement après
ce coup d'État, le Secrétaire Général de 1
'Organisation a désigné un envoyé spécial
chargé "d'une mission de bons offices pour faciliter le
rétablissement
168Cf TORELLI (M) et al, chronique des faits
internationaux, in. R. G.D.I.P., 1994, volume I, pp. 135-136.
169 Ibid. op. cit.
170 Ibid., p. 190.
constitutionnel au Burundi et définir les
activités que l'Organisation des Nations Unis pourrait entreprendre
à cet effet "171.
Le 3 novembre 1993, l'Assemblée Générale
de l'Organisation des Nations Unies a adopté la résolution 48/17
concernant la situation au Burundi dans laquelle elle s'est
déclarée :
"Profondément préoccupée par le coup
d'État militaire survenu au Burundi le 21 octobre 1993, (..)
Très gravement inquiète des
conséquences dramatiques du coup d'État qui plonge le Burundi
dans les violences, entraînant ainsi des morts, des déplacements
massifs des populations avec des répercutions régionales
importantes". Par conséquent, l'Assemblée
Générale,
" -1- condamne sans réserve le coup de force qui a
causé une interruption brutale et violente du processus
démocratique engagé au Burundi;
- 2- Exige que les putschistes déposent les armes et
retournent dans leurs casernes;
- 3- Exige également la restauration immédiate
de la démocratie et du régime constitutionnel;
- 4- Appuie les efforts déployés par le
Secrétaires Général, l'Organisation de l'Unité
Africaine et les pays la région pour favoriser le retour à
l'ordre constitutionnel et la protection des institutions démocratiques
au Burundi;
( ..) -7- Décide de rester saisie de la question
jusqu'à ce que soit trouvée une solution à la crise
"172.
Encore une fois, l'Assemblée Générale
condamne le coup d'État qui a rompu le processus démocratique et
exige par conséquent le rétablissement de l'ordre constitutionnel
et le rétablissement de la démocratie.
171 BOUTROS - GHALI (B), Rapport du
Secrétaire Général sur l'activité de
l'organisation, "Pour la paix et le développement", 1994, p.
188.
172 Résolutions et décisions
adoptées par l'Assemblée Générale au cours de sa
quarante huitième session, volume I, 21 septembre - 23 décembre
1993, documents officiels, supplément n°49.
Contrairement à cette attitude ferme de
l'Assemblée Générale, le Conseil de Sécurité
de l'O.N.U. s'est contenté d'une Déclaration prononcée par
son président en date du 25 octobre 1993 dans laquelle :
"Le Conseil de sécurité déplore
vivement et réprouve le coup d'État militaire du 21 octobre 1993
contre le gouvernement démocratiquement élu au Burundi,
Le Conseil de sécurité condamne avec force
les actes de violence commis par les auteurs du coup d'État et regrette
profondément les pertes en vies humaines qui en ont
résulté. Il exige que les intéressés s'abstiennent
désormais de tout acte qui exacerberait la tension et susciterait une
violence encore accrue et de nouvelles effusions de sang qui pourraient avoir
des conséquences graves pour la paix et la stabilité dans la
région.
Le Conseil de sécurité exige que les auteurs
du coup d'État cessent tous actes de violence, fassent savoir où
se trouvent les personnalités officielles et ce qu'il est advenu
d'elles, libèrent tous les prisonniers, regagnent leurs casernes et
mettent fin sur le champ à leur acte illégal, en vue du
rétablissement immédiat de la démocratie et du
régime constitutionnel au Burundi;
Le Conseil de sécurité rend hommage au
président du Burundi S.E.M. Melchior Ndadaye, et aux membres de son
gouvernement qui ont sacrifié leur vie à la démocratie.
Les responsables de leur mort violente et autres actes de violence devraient
être traduits en justice.
Le Conseil de sécurité prie le
Secrétaire Général de suivre de près la situation
au Burundi, en étroite association avec l'Organisation de l'Unité
Africaine (O. U.A.), et de lui faire un rapport d'urgence à ce sujet.
Dans ce contexte, il note avec satisfaction que le Secrétaire
Général a dépêché un envoyé
spécial au Burundi. Le conseil demeurera saisi de la
question"173.
Malgré cette revendication du rétablissement de
la démocratie par le Conseil de Sécurité, ce dernier a
refusé de créer une nouvelle opération de maintien de la
paix pour le Burundi. L'envoyé spécial du S. G. des Nations Unies
à Bujumbura a indiqué que "le Conseil de
Sécurité n'a aucune
173 Documents d'actualité internationale,
15 décembre 1993, N° 24, p. 534.
intention de créer une nouvelle opération
de maintien de la paix pour le Burundi. M J. Jonah, secrétaire
général adjoint a considéré que ce refus
"réduit considérablement les chances de la démocratie dans
ce pays". Certains commentateurs ont déclaré, à ce propos,
que la délégation américaine "ne veut même plus
entendre parler d'une nouvelle force "5174. Il s'est alors
limité à envoyer une commission d'enquête du 7 novembre
1993.
Après l'échec du coup d'État au Burundi
un nouveau Président a été élu en janvier 1994.
Entre mai et avril 1994, le S. G. de l'Organisation a désigné une
équipe chargée d'établir les faits au Burundi.
L'action de l'O.N.U. en vue de rétablir la
démocratie au Burundi ne s'est donc pas arrêtée avec le
rétablissement de l'ordre constitutionnel. Les déclarations du C.
S. exigeant le rétablissement de la démocratie se sont
multipliées. Ainsi, par sa déclaration du 29 juillet 1994, le
président du Conseil de Sécurité a apporté son
soutien au dialogue politiquel75.
Par sa déclaration du 21 octobre 1994 relative
à la situation au Burundi, "Le conseil de sécurité a
examiné la situation au Burundi... Il accueille avec une vive
satisfaction l'élection et l'entrée en fonctions du
Président, la confirmation du Premier Ministre dans ses fonctions et la
constitution du nouveau gouvernement de coalition. Il y voit un important
progrès vers la stabilisation de la situation au Burundi. Il demande
à toute partie burundaise de concourir au rétablissement de la
démocratie et de stabilité"176.
La pratique de l'O.N.U. vis-à-vis du coup
d'État du Burundi prouve l'engagement de l'O.N.U. à
rétablir les régimes issus d'élections libres et donc
bénéficiant d'une légitimité
démocratique.
Cependant, une remarque s'impose à propos de cette
pratique : s'il est vrai qu'aussi bien l'A.G. que le C. S. de l'O.N.U. ont
énergiquement revendiqué
174 Cf TORELLI (M) et al.,
"Chronique de faits internationaux", R. G.D.LP., 1994, volume I,
p. 186.
175 BOUTROS-GHALI (B), "Pour la paix et le
développement", 1994, Rapport annuel sur l'activité de
l'Organisation, pp. 188-192.
176 Résolutions et déclarations du
Conseil de Sécurité, 1994, documents officiels.
ce retour à la légalité
constitutionnelle et à ce rétablissement de la démocratie
en Haïti et au Burundi, dans ce dernier cas la pratique de l'O.N.U. a
été moins contraignante puisque le C. S. n'a pas jugé
nécessaire d'assister le Burundi par les casques bleues et s'est
contenté d'adopter des déclarations. D'ailleurs, dans une
Déclaration du 9 mars 1995 et devant le climat
d'insécurité régnant au Burundi, l'organe restreint de
l'O.N.0 a avoué que "L'impunité était un
problème fondamental au Burundi"177.
Nous le constatons donc, devant de cas pareils, l'O.N.U. a
agi différemment cela "ne peut s'expliquer que par le peu
d'intérêt qu'ont les membres du Conseil de Sécurité
et notamment, les membres permanents à s'impliquer directement dans la
situation. A la différence de Haïti, le Burundi n'est pas un pays
voisin des États Unis
d'Amérique"178.
c. Le cas du Niger
Au Niger, le 27 janvier 1996, un coup d'État a
renversé le Président Mohamane Ousmane, premier Chef
d'État démocratiquement élu en avril 1993,
entraînant ainsi la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée
Nationale et la suspension des partis politiques. Ce coup d'État a donc
mis "entre parenthèses trois ans de pluralisme marqué par une
cohabitation plus que difficile entre le Président Ousmane et son
Premier Ministre et adversaire politique, Hama
Amadou"179.
En réagissant contre ce coup d'État militaire,
la France a suspendu sa coopération civile et militaire avec le Niger,
les États Unis d'Amérique ont suspendu leur aide à ce
pays. De son côté, le Danemark a interrompu toute assistance au
Niger afin de contraindre les militaires à rétablir l'ordre
constitutionne1180.
Les déclarations des États condamnant le coup
d'État nigérien n'ont pas seulement émané des
pays occidentaux traditionnellement attachés aux principes
démocratiques. En effet, au niveau régional, le Bénin
ainsi que le
177 Voir Chronique. O.N. U., juin 1995,
Volume XXXII, N° 2, p. 9.
178 LAGHMANI (S), art.cit., p. 266.
179 Voir La Presse du 29 janvier 1996, p. 1
et 6.
180 Voir La Presse du 30 janvier 1996, p. 1
et 8.
Mali ont récusé ce coup de force qui a
interrompu le processus démocratique. Le Mali a condamné cet
"acte illégal qui porte un sérieux coup à la marche du
processus démocratique en Afrique" en invitant la communauté
internationale "à prendre toutes les mesures pour le retour de
l'ordre constitutionnel normal au Niger"181.
Par un communiqué de son ministère des affaires
étrangères, la Tunisie a déclaré
unilatéralement qu'elle "a appris avec vive préoccupation la
nouvelle du coup d'État militaire intervenu au Niger. Tout en regrettant
les pertes en vies humaines et les arrestations qui s'ensuivirent, la Tunisie
exprime son indignation face au renversement par la force d'un régime
élu. La Tunisie qui accorde une grande importance à la
stabilité et à l'enracinement des valeurs démocratiques en
Afrique, appelle au retour de la légalité constitutionnelle au
Niger frère"182.
Malgré cette multiplication des déclarations
unilatérales des États, l'Organisa des Nations Unies, qui s'est
mobilisée pendant trois ans pour rétablir la démocratie en
Haïti, s'est contentée d'une déclaration prononcée
par son Secrétaire Général qui a "fermement
condamné" le coup d'État et "espère
sincèrement que le pays retrouvera bientôt une situation normale
fondée sur le processus démocratique"183.
Cette réaction timide de l'O.N.U. face au coup
d'État du Niger ne peut que prouver la pratique incontestablement
sélective de cette Organisation en vue de rétablir la
démocratie. Dans des situations identiques, le degré de
l'engagement de l'O.N.U. pour rétablir la démocratie n'a pas
été le même. Le Conseil de Sécurité de
l'Organisation Mondiale a activement agi dans le cas d'Haïti, beaucoup
moins dans celui de Burundi alors qu'au Niger il n'a pas jugé opportun
de le faire. Nous ne pouvons alors que confirmer qu' "il y a dans cette
politique des poids et des mesures tout le danger qui pourrait résulter
d'un Conseil de sécurité qui s'érigerait comme le gardien
de la démocratie dans le monde"184.
181 Voir La Presse du 30 janvier 1996, p. 1
et 8.
182 Voir La Presse du 30 janvier 1996, p.
8.
183 Ibid .loc cit
184 LAGHMANI (S), art., cit., p. 266.
Par ailleurs, il importe de signaler que suite au coup
d'État survenu aux Comores le 29 septembre 1995, le Secrétaire
Général de l'O.N.U. s'est limité à condamner ce
coup de force en exigeant la libération du Président Comorien et
des autres dirigeants détenusl85.
L'attitude générale de l'O.N.U. condamnant les
coups d'États contre les régimes démocratiquement
élus témoigne de l'attachement de l'Organisation des Nations
Unies à rétablir la démocratie lorsque celle-ci est
réduite à néant par un coup d'État.
Au niveau international et indépendamment de
l'Organisation des Nations Unies, les déclarations unilatérales
non seulement des pays occidentaux mais aussi celles de certains pays du sud
renforcent l'idée selon laquelle nous assistons probablement à
l'émergence d'une pratique constituant l'élément
matériel d'une coutume internationale qui condamne tout régime
issu d'un coup d'État contre un gouvernement démocratiquement
élu.
Reste à savoir si cette coutume s'affirme à
l'encontre des principes du droit international.
SECTION DEUXIÈME
LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE
CIRCONSCRITE PAR LA LÉGALITÉ INTERNATIONALE
Le principe est que l'Organisation des Nations Unies ne peut
agir que conformément au droit international et notamment à sa
Charte. Or, le droit international est fondé sur la volonté des
États, sur leur égalité souveraine et sur le principe de
l'autonomie constitutionnelle de ces États. Ce dernier principe suppose
l'interdiction de toute ingérence dans les affaires intérieures
des États tel que le choix de leur système politique,
économique, social et culturel.
Toutefois, l'étude de la pratique de l'Organisation des
Nations Unies en Haïti nous permet de constater que l'O.N.U. n'a
fermement agi pour
185 Voir Le Monde du 6 octobre 1995, p.
2.
rétablir la démocratie dans ce pays que parce
qu'elle a trouvé dans le droit international les éléments
qui lui ont permis une telle action.
En effet, l'étude du cas haïtien nous permet
d'affirmer que l'action de l'O.N.U. en vue de rétablir la
démocratie ne s'est pas totalement détachée des principes
régissant le droit international.
Avant d'étudier la pratique contraignante de l'O.N.U.
en Haïti (paragraphe II), nous essayerons de relever les
fondements juridiques qui peuvent justifier cette action (paragraphe
I).
PREMIER PARAGRAPHE
LES FONDEMENTS DE L'ACTION DE L'O.N.U. EN VUE DE
RÉTABLIR LA DÉMOCRATIE EN HAÏTI
A priori, nous pouvons affirmer que le principe de
l'autonomie constitutionnelle reconnu aux États, fait obstacle à
toute intervention visant à influencer les choix politiques,
économiques, sociaux et culturels de ces États. Cependant,
pendant longtemps une donnée fondamentale a été
"refoulée" : l'État qui bénéficie de cette
autonomie est sensé avoir l'approbation de son peuple. Le libre choix du
système politique appartient à l'État, certes, mais dans
la mesure où ce dernier exerce ce droit conformément au choix de
son peuple186. Les conflits qui naissent entre les peuples et leur
propre appareil d'État font surgir l'ambivalence du droit international
qui reconnaît le libre choix du système politique tantôt au
peuple, tantôt à l'État.
La pratique de l'O.N.U. en Haïti a fait prévaloir
le droit du peuple sur celui de l'État. Cette attitude peut s'expliquer
par l'idée qu'un coup d'État contre un gouvernement légal
et légitime constitue une négation du droit du peuple au libre
choix de son système politique et de ses gouvernants (A).
Si ce peuple s'est prononcé pour le régime
démocratique, le rétablissement de la démocratie constitue
dans ce cas une consécration du droit de ce peuple au libre choix de son
système politique (B).
186 Voir La résolution 3281 AG/O.N.U. (XXIX)
du 12 décembre 1974, op. cit.
A. Le coup d'État contre un régime
librement élu : une négation du droit du peuple à
l'autodétermination
Depuis sa naissance, le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes a été frappé d'ambiguïté.
Alors que Lénine présentait ce droit comme impliquant le droit
à la décolonisation, Wilson déduisait de ce droit que les
pouvoirs des gouvernements doivent être fondés sur le consentement
du peuple187.
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a
été consacré par le droit international positif depuis
1945. En effet, l'article premier de la Charte de l'O.N.U. dispose que "Les
buts des Nations Unies sont les suivants... - 2 - Développer entre les
nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de
l'égalité de droits des peuples et de leur droit à
disposer d'eux-mêmes...". Un droit positif, le droit des peuples
à disposer d'eux- mêmes n'a pu se développer et se
concrétiser qu'avec le changement de l'équilibre politique au
sein de l'Assemblée Générale de l'O.N.U. en faveur des
pays du tiers monde assistés par les pays socialistes Ainsi
"lorsqu'en 1945, les Nations Unies inscrivent dans leur Charte le droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes au nombre des principes
éthiques devant guider leur action et d'en faire un droit, il
apparaît - alors que la guerre froide n'a pas encore commencé -
que la décolonisation sera le grand problème, le plus aigu et le
plus brûlant, qu'aura à régler la société
internationale au lendemain de la guerre. Dès ce moment, le droit des
peuples devient avant tout celui des populations colonisées à se
constituer en États indépendants"188.
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a
donc été à l'origine de l'action de l'O.N.U. afin de
mettre fin à la décolonisation. C'est dans cette perspective que
la résolution 1514 adoptée par l'A.G. de l'O.N.U. le 14
décembre 1960 dispose que "- 2 - Tous les peuples ont le droit de
libre détermination, en vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut
187 Voir CASSESE (A), Commentaire de l'article 1
(§ 2) de la Charte des Nations Unies, in. La Charte des Nations Unies,
Commentaire article par article, dir. COT (J- P) et PELLET (A), Paris,
Economica, Bruxelles, Bruylant, 1985, pp. 38-54.
188 ARDANT (Ph), "Que reste-t-il du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes ?" Pouvoirs, 1991, N° 57, p. 45.
politique et poursuivre librement leur développement
économique, social et culturel"189.
Pendant longtemps, le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes n'a pu s'affirmer que contre la domination
étrangère, la colonisation et le régime de l'apartheid.
Aujourd'hui que la plupart des États ont acquis une
égalité souveraine au niveau international "une question va
alors se poser bientôt : Après son triomphe dans l'abolition des
liens coloniaux le droit des peuples a-t-il encore un rôle à jouer
?"190.
Si nous admettons que le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes est une "formule qui, lorsqu'elle est appliquée
à un État, énonce, l'intention de respecter
l'indépendance de celui-ci"191 nous devons alors dire
que du moment où cette indépendance est acquise, le droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes n'aurait plus une raison
d'être d'autant plus que "la souveraineté, c'est le droit des
peuples à son stade de réalisation"192.
Seulement, inséré dans un document relatif aux
droits de l'Homme, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
pourrait avoir une autre signification. En effet, l'article premier commun aux
pactes des droits civils et politiques, économiques, sociaux et
culturels dispose que "tous les peuples ont le droit de disposer
d'eux-mêmes, en vertu de ce droit ils déterminent librement leur
statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel". Cet article, qui reprend les
termes de la résolution 1514, s'est référé aux
peuples, à tous les peuples. Il en découle que ce droit
appartient même aux peuples déjà constitués en
État.
"Après ce pas en avant un pas en
arrière"193 est effectué par la résolution
2625 qui a prévu que " chaque État a le droit de choisir et
de développer librement son système politique, social,
économique et culturel". Bref, ambivalent depuis sa naissance, le
droit des peuples à disposer d'eux-
189 Résolutions adoptées par
l'Assemblée Générale au cours de sa quinzième
session, volume I, 20 septembre - 20 décembre 1960, documents officiels,
supplément N° 16.
190 (Ph), art. cit., p. 46.
191 BASDEVANT (J), Dictionnaire de la
terminologie du Droit International, op. cit., p. 233.
192 CHAUMONT (Ch), Cours Général de
Droit International Public, R.C.A.D.I., 1970, p. 390.
193 JOUVE (E), Le droit des peuples, Paris,
P.U.F., 1992, p. 82.
mêmes a été interprété par
l'O.N.U. en faveur des États, les aspirations des peuples ou leurs
conflits avec leur propre appareil d'État ne concernaient pas
l'Organisation mondiale. Cette Organisation "issue des États, avait
le choix entre deux solutions : ruser avec eux ou prendre leur défense.
Elle paraît avoir retenu la première formule"194.
Cela n'est plus tout à fait le cas aujourd'hui. Désormais,
le droit des peuples au libre choix de leur système politique,
économique, social et culturel pourrait s'exercer contre l'État
en cas de sa méconnaissance par ce dernier.
Cette hypothèse s'est vérifiée dans le
cas haïtien : par le moyen d'élections libres, le peuple
haïtien a fait son choix qui a mené au pouvoir le Président
Aristide. Le libre choix du peuple haïtien de son système politique
a donné naissance à un régime bénéficiant
d'une légitimité démocratique. Le coup d'État qui
est survenu contre ce gouvernement issu de la volonté du peuple a donc
constitué une négation des droits politiques de l'Homme
consacrés par la D.U. D.H. et du droit du peuple haïtien au libre
choix de son système politique et précisément de son droit
à la démocratie. Par conséquent, le rétablissement
de cette démocratie sera conforme au droit du peuple au libre choix de
son système politique.
B. Le rétablissement de la démocratie : une
consécration du droit du peuple à l'autodétermination
Oscar SCHACHTER s'est posé la question suivante "y
a-t-il un droit à renverser un gouvernement
illégitime"?195 Nous posons la question inverse y a-t-il
un droit de rétablir un gouvernement légitime ? Ces deux
questions posent en fait un même problème puisque dans les deux
cas il y a un conflit entre le droit du peuple et celui de l'État.
Dans la plupart des résolutions adoptées par
l'A.G. concernant l'affaire haïtienne, l'O.N.U. rappelle que
conformément à la Charte elle "s ' attache à
encourager le respect des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales pour tous", elle rappelle en outre les termes de l'article
21 (3) de la
194 Ibid., p. 101.
195 "Is there a right to overthrow an illegitimate
regime ?" in. Mélanges VIRALLY (M), Paris, A Pedone, 1991, pp.
423-430.
D.U.D.H. selon lesquels "la volonté du peuple est
le fondement de l'autorité des pouvoirs publics". De cette
manière, l'action de l'O.N.U. en vue de rétablir la
démocratie pourrait être fondée sur l'idée que c'est
le droit du peuple à la démocratie qui a été
protégé. Par conséquent, cette action ne porte nullement
atteinte au droit à l'autodétermination interne.
Seulement, une remarque s'impose à cet égard :
cette interprétation comporte le risque d'une dérive.
Contrairement à l'État, un peuple peut ne pas avoir la
possibilité et /ou la volonté de s'exprimer. En plus, cette
dérive peut exister d'abord, parce que les cas où le droit des
peuples au libre de choix de leur système politique a été
"confisqué" par les États ne sont pas rares. L'O.N.0
pourrait alors dénoncer ou condamner tous les gouvernements qu'elle juge
illégitimes. Ensuite, parce que le droit des peuples à
l'autodétermination a été à l'origine d'une
politique interventionniste de certains États. Ainsi, comme l'a
justement relevé Oscar SCHACHTER, l'intervention des États Unis
à Grenade en 1983, au Panama en 1989, celle de l'Union Soviétique
en Afghanistan en 1979 ainsi que celle du Vietnam au Cambodge en 1978; ont
été justifiées par une prétendue
illégitimité des gouvernements concernés196.
Enfin, parce que la pratique de l'O.N.U. en vue de protéger le droit des
peuples à l'autodétermination interne qui s'exprime par le libre
choix du système politique, économique, social et culturel, est
une pratique sélective qui dépend des rapports de forces au sein
de l'Organisation et des intérêts des grandes puissances. Nos
développements antérieurs nous ont permis de voir que l'O.N.U. a
sévèrement agit devant l'interruption du processus
démocratique en Haïti alors que dans des cas similaires elle n'a
pas jugé opportun de le faire.
Mohamed BENNOUNA a prévu une autre
éventualité en posant la question "Qu'en est-il lorsque
l'urne génère des forces dont l'ambition proclamée est de
la faire saccager définitivement ? "197. Dans ce cas,
l'O.N.U. n'a pas jugé nécessaire de protéger le droit du
peuple au libre choix de son système politique, l'interruption du
processus démocratique par l'annulation des élections en
Algérie n'a pas été appréciée, par l'O.N.U.,
comme contraire à la volonté du peuple.
196 "Is there a right to overthrow an illegitimate
regime ?" art. cit., p. 424.
197 "L'obligation juridique dans le monde de
l'après-guerre froide", art. cit., p. 45.
La pratique récente de l'O.N.U. nous permet d'affirmer
que le droit des peuples n'est évoqué qu'en cas de coup
d'État contre les gouvernements librement élus. Une conception
purement Wilsonienne du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes.
Du reste, le droit international positif n'a pas
consacré une légitimité démocratique, il a
seulement prévu, dans la D.U.D.H., que c'est la volonté du peuple
qui fonde l'autorité des pouvoirs publics. Que ce peuple choisisse la
démocratie libérale ou tout autre modèle politique, le
droit international est indifférent. D'ailleurs, même lorsqu'un
État nie la volonté de son peuple, il y a une "obligation
pour les tiers de laisser le peuple de cet État régler lui
même les contestations qui s'élèvent en son sein, en ce
sens que la position du gouvernement établi n'est juridiquement ni
meilleure, ni plus mauvaise, vis-à-vis des tiers que celle des
insurgés"198.
C'est à notre sens la seule manière pour
éviter toute dérive d'une Organisation fondée sur le
principe de la souveraineté des États Membres. En
vérité, le droit international contemporain a toujours
considéré que la souveraineté des États
émane de la volonté des peuples. Seulement, ce n'est qu'à
la suite de l'échec des régimes communistes que l'O.N.U. commence
à s'intéresser à la volonté des peuples lorsque
cette dernière s'affirme contre l'État. En effet,
"l'idée d'une conformité des régimes politique n'a
fait son entrée dans les instances des Nations Unies qu'à la
faveur de la renonciation de l'Union Soviétique à son rôle
de superpuissance"199.
En définitive, la réponse à la question
de savoir si l'O.N.U. a un droit à rétablir la démocratie
dans des États souverains ne peut être que nuancée.
Une certaine conception du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes peut fonder ce droit. Reste à savoir si cette
conception autorise l'O.N.U. à utiliser la contrainte contre un
État en vue de rétablir la démocratie. La pratique de
l'O.N.U. nous offre un seul cas où elle a utilisé la contrainte
pour rétablir la démocratie, à savoir le cas
haïtien.
198 CHAUMONT (Ch), Cours Général de
Droit International Public, 1970,
volume I, p. 406.
199 BENNOUNA (M), art. cit., p. 45.
PARAGRAPHE DEUXIÈME
L'ACTION DE L'O.N.U. EN VUE DE RÉTABLIR LA
DÉMOCRATIE EN HAÏTI
Les développements antérieurs nous ont permis
de relever que l'O.N.U. a fortement condamné le coup d'État qui a
rompu le processus démocratique en Haïti. Au début, cette
condamnation a surtout émané de l'organe plénier de
l'O.N.U. A ce stade, l'engagement de l'Organisation mondiale afin de
rétablir la démocratie n'a pas eu d'implications
concrètes. Ce n'est qu'avec l'intervention du Conseil de
Sécurité que cette action a acquis une dimension
contraignante.
L'organe restreint de l'O.N.U., chargé
d'écarter toute menace à la paix et à la
sécurité internationales, s'est basé sur la logique de
l'accord pour pouvoir mener une action contraignante contre un État
(A). Suite au manquement des autorités de fait à
leurs engagements, le Conseil de Sécurité a constaté une
menace à la paix et à la sécurité internationales
et a utilisé les prérogatives qui lui sont reconnues par la
Charte pour mettre en oeuvre les accords conclus (B).
A. Une action autorisée par les autorités
légales d'Haïti
La première action concrète menée par
l'O.N.U. en Haïti était pacifique. En décembre 1992,
l'envoyé spécial du Secrétaire Général de
l'O.N.U. a mené une série de négociations avec le
Président Aristide exilé à Washington, avec les
coordonnateurs et les membres de la Commission présidentielle, avec le
Général Raoul Cédras, avec le Premier Ministre du
gouvernement de facto M. Marc Bazin et avec les présidents des
deux chambres de l'Assemblée Nationale d'Haïti.
Suite à ces négociations, le Président
renversé a adressé une lettre au Secrétaire
Général de l'O.N.U. en date du 8 janvier 1993 dans laquelle il a
présenté certaines demandes. Il a souhaité notamment que
l'O.N.U. et l'O.E.A. créent une mission civile internationale
chargée de veiller au respect des droits de l'Homme et
l'élimination de toute forme de violence
en Haïti. Par la même lettre, le Président
Aristide a demandé à ces deux organisations l'instauration d'un
processus de dialogue entre les parties haïtiennes sous les auspices de
l'envoyé spécial, en vue de parvenir à des accords sur le
règlement de la crise politique, à la désignation par le
Président d'un Premier Ministre qui dirigerait un gouvernement de
concorde nationale ayant pour mandat d'assurer le rétablissement complet
de l'ordre démocratique en Haïti, à des accords pour la
réhabilitation des institutions haïtiennes, y compris la
réforme du système judiciaire, la professionnalisation des forces
armées et la séparation de la police et des forces armées,
une assistance technique internationale à la reconstruction nationale et
un système de garanties propre à assurer une solution
durable200.
Les revendications du Président Aristide ont donc
concerné des questions qui touchent directement aux prérogatives
de tout État souverain. Seulement, empêché d'exercer les
pouvoirs qui lui sont légalement reconnus, le Président
renversé a trouvé en l'O.N.U. un véritable refuge.
Après avoir acquis l'accord du Général
Raoul Cédras, l'envoyé spécial a discuté avec les
Secrétaires Généraux de l'O.N.U. et de l'O.E.A. des
modalités du fonctionnement de la mission civile.
Jusque là, l'O.N.U. a procédé par le
moyen de l'accord entre les parties concernées. Cet accord a
déterminé les fonctions de la mission civile dans tous ses
détails. Parmi ces tâches, la mission devait assurer le respect
des droits de l'Homme reconnus par la constitution haïtienne et par les
instruments internationaux auxquels Haïti est partie, notamment le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques et la Convention
américaine relative aux droits de l'Homme
Ce n'est qu'après la recommandation faite par le S.G.
à l'A.G. que cette dernière a adopté la résolution
47/20 B du 20 avril 1993. Dans cette résolution, adoptée sans
vote, l'A.G. de l'O.N.U.
200 Voir COICAUD (J-M), "La communauté
internationale et la reprise du processus démocratique", Le
trimestre du monde, Premier trimestre 1995, pp. 98-99, Voir
également Les Nations Unies et la situation en Haïti, op. cit.,
p. 3.
"Déplorant que malgré les efforts de la
communauté internationale, le gouvernement légitime du
Président Jean-Bertrand Aristide n'ait pas été
rétabli et que la violence continue de triompher des droits de l'Homme
et des libertés civiles et politiques en Haïti,
Rappelant que le but de la communauté
internationale demeure le prompt rétablissement de la démocratie
en Haïti et le retour du Président Aristide, le respect
intégral des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et
la promotion du développement social et économique en
Haïti,
(..) Accueillant avec satisfaction l'accord qui a permis le
déploiement de la Mission Civile Internationale en Haïti...
Convaincue que l'oeuvre accomplie par la Mission peut
contribuer au respect intégral des droits de l'Homme et créer un
climat propice à la restauration de l'autorité
constitutionnelle.
(..) - 1 - Approuve le rapport du Secrétaire
Général et les recommandations qui y figurent, tendant à
ce que l'Organisation des Nations Unies participe avec
l'Organisation des États Américains
à la Mission Civile Internationale en Haïti, qui aura pour
tâche initiale de vérifier le respect des obligations
internationales d'Haïti en matière des droits de l'Homme, en vue de
faire des recommandations à ce sujet, pour aider à l'instauration
d'un climat de liberté et de tolérance propice au
rétablissement de la démocratie en Haïti,
- 2 - Décide d'autoriser la participation
effective et immédiate de l'Organisation des Nations Unies à la
Mission Civile Internationale en Haïti et prie le Secrétaire
général de prendre les mesures nécessaires pour assurer et
renforcer la présence de la Mission en Haïti,
- 4 - Répète qu'il faut que le
Président Aristide regagne sans retard Haïti pour y prendre ses
fonctions constitutionnelles de Président, ce qui est le moyen de
réactiver sans plus de délai le processus démocratique
en
Haïte,201.
201 Les Nations Unies et la situation en
Haïti, op. cit., p. 51.
Le 3 juin 1993, la Mission Civile Internationale en
Haïti a présenté son premier rapport dans lequel elle a
constaté les atteintes continues au droit à
l'intégrité et à la sécurité des personnes.
Suite à ce rapport, le représentant permanent d'Haïti
auprès de l'O.N.U. a demandé au Conseil de Sécurité
d'universaliser les sanctions adoptées par l'O.E.A. à l'encontre
des autorités de fait en Haïti.
C'est dans ce contexte que le Conseil de
Sécurité de l'O.N.U., deux ans après le coup
d'État, a utilisé les prérogatives qui lui sont reconnues
par la Charte pour appliquer les accords relatifs au rétablissement de
la démocratie.
B. Une action coercitive pour rétablir la
démocratie en Haïti
Le chapitre VII de la Charte de l'O.N.U., relatif à
l'action du Conseil de Sécurité en cas de menace contre la paix,
de rupture de la paix et d'acte d'agression, offre à ce dernier toute
une panoplie de mesures qui lui permettent de maintenir ou de rétablir
la paix et la sécurité internationales. Dans l'affaire
haïtienne, le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a
décidé dans une première phase des sanctions non
militaires (a), pour les faire suivre, dans une deuxième phase,
par des sanctions militaires (b).
a. Les sanctions non militaires pour rétablir
démocratie en Haïti
La première résolution adoptée par le
Conseil de Sécurité pour rétablir l'autorité
démocratiquement élue en Haïti a constitué une
réponse à la demande du représentant haïtien à
l'O.N.U. La résolution 841 du 16 juin 1993 "imposant un embargo
à Haïti pour provoquer le retour à la démocratie dans
ce pays" a donné un nouvel aspect à l'action de l'O.N.U. en
vue de rétablir la démocratie. C'est pour cette raison que nous
jugeons utile d'en relever les passages les plus importants :
"Le Conseil de Sécurité,
des crises humanitaires, y compris les
déplacements massifs de population, qui constituent des menaces à
la paix et à la sécurité internationales ou aggravent les
menaces existantes,
(..) Préoccupé par le fait que la
persistance de cette situation contribue à entretenir un climat de peur
de la persécution et de la désorganisation économique,
lequel pourrait accroître le nombre de haïtiens cherchant refuge
dans les États membres voisins et convaincu que cette situation doit
être inversée pour qu'elle n'ait pas d'effets nocifs dans la
région...
Considérant que la demande susmentionnée du
représentant permanent d'Haïti..., définit une situation
unique et exceptionnelle qui justifie l'adoption de mesures extraordinaires par
le conseil de sécurité à l'appui des efforts entrepris
dans le cadre de l'Organisation des États américains,
Constatant que, dans ces conditions uniques et
exceptionnelles, la persistance de cette situation menace la paix et la
sécurité internationales, agissant en conséquence en vertu
du chapitre VII de la charte des Nations Unies... "202, Le
Conseil de Sécurité a décidé un embargo commercial
sur le pétrole, les produits pétroliers, les produits d'armements
ainsi que sur les véhicules d'équipement militaire et
d'équipement de police ne permettant ainsi que l'importation du
pétrole pour des besoins strictement humanitaires. Le Conseil de
Sécurité a décidé que ces sanctions entreront en
vigueur le 23 juin à moins que les résultats des
négociations ne justifient plus ces mesures.
Bien que le Conseil de Sécurité ait
précisé que son action s'insère dans le cadre du chapitre
VII sans référence à un article précis, il est
clair que l'organe restreint de l'O.N.U. a usé des pouvoirs qui lui sont
attribués par l'article 39 de la Charte. Cet article dispose que "Le
Conseil de Sécurité constate l'existence d'une menace contre la
paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des
recommandations ou décide quelles mesures seront prises
conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la
paix et la sécurité internationales".
202 1993, Volume 3, partie documents, pp. 810-814.
Dans le cas haïtien, le Conseil de
Sécurité a jugé que les déplacements massifs de
population haïtienne et l'augmentation du nombre d'haïtiens cherchant
refuge dans les pays voisins constituent une menace à la paix et
à la sécurité internationales.
Concernant le concept de la paix, le Pr. Pierre-Marie Dupuy a
élaboré une distinction entre la paix sécuritaire et la
paix structurelle2o3, "L'une évoque la paix
par la police qui protège ou rétablit l'ordre public; l'autre
fonde la paix sur l'organisation sociale et le respect des droits de l'Homme...
La première suppose une action urgente dans la main du conseil de
sécurité qui peut, s'il invoque le chapitre VII, décider
de l'emploi de la force. La seconde se développe sur la longue
durée par la mise en place de conditions politiques, économiques
et sociales favorables à la paix par la coopération
internationale (Article 55). Elle relève plus naturellement du
rôle de l'Assemblée Générale"204.
Selon cette classification, nous pouvons affirmer que la
situation en Haïti, caractérisée par un climat de peur,
d'insécurité et d'atteinte aux droits de l'Homme ne peut porter
atteinte qu'à la paix structurelle. C'est l'Assemblée
Générale qui pourrait, dans ce cas, exhorter le gouvernement de
fait à assurer les conditions de Paix. Cependant, "C'est cette
répartition des fonctions entre ces deux organes qui se trouve
aujourd'hui remise en cause"205.
En qualifiant la situation en Haïti de menace contre la
paix et la sécurité internationales, le Conseil de
Sécurité a certainement utilisé les dispositions du
chapitre VII. On se demande cependant si la situation en Haïti constitue
vraiment une telle menace.
Il est vrai que l'article 39 en soi donne au Conseil de
Sécurité un large pouvoir pour agir, mais ce pouvoir
discrétionnaire "et disons-le arbitraire de
qualification"206 a été à l'origine d'une
politique d'opportunité qui
203 "Sécurité collective et
organisation de la paix", R.G.D.I.P., 1993, N° 3, pp. 617-627.
204 DUPUY (R-p,
) "Concept de démocratie et action des Nations Unies",
Rapport introductif, in. Bulletin du Centre d'Information des Nations
Unies, Paris, décembre 1993, N° 7-8, p. 59.
205 DUPUY
J), "Concept de démocratie et action
des Nations Unies", art. cit., p. 59.
206 LAGHMANI (S), art. cit., p. 263.
heurte l'esprit de la Charte des Nations Unies. Dans ce sens,
nous pouvons constater "depuis quelques années une perversion de
l'article 39 de la Charte des Nations Unies dont la logique a été
renversée : le Conseil ne prend pas des mesures quant il constate que la
paix et la sécurité internationales sont menacées ou
rompues, il constate que la paix et la sécurité internationales
sont menacées ou rompues lorsqu'il décide de prendre des
mesures"207.
En vertu de la constatation d'une menace contre la paix et la
sécurité internationales en Haïti, le Conseil de
Sécurité de l'O.N.U. a pu appliquer l'article 41 prévoyant
les sanctions non militaires. En effet, cet article dispose que "Le Conseil
de Sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas
l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet
à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies
à appliquer ces mesures ...".
Le Conseil de Sécurité semble être
conscient de l'importance de sa décision prise par la résolution
841 puisque dans une déclaration prononcée à cette
occasion, le président du Conseil a considéré que "La
situation unique et exceptionnelle qui règne en Haïti justifie
l'adoption de cette résolution et qu'il ne faut pas la considérer
comme un précédent"208. Faut-il comprendre de
cette déclaration que le Conseil de Sécurité n'aurait
réagi de cette manière que parce qu'il y avait une
véritable menace à la paix ? Autrement dit, le Conseil de
Sécurité ne pouvait appliquer le chapitre VII dans le seul but de
rétablir la démocratie.
La résolution 841 adoptée par le Conseil de
Sécurité a vite donné résultat. Le 21 juin 1993, le
Général Raoul Cédras a accepté le dialogue avec le
Président Aristide en vue de résoudre la crise. Ce dialogue a
donné lieu à l'accord de Governors Island du 3 juillet 1993 qui a
notamment prévu que "- 8 - Le commandant en chef des forces
armées d'Haïti a décidé de faire valoir ses droits
à une retraite anticipée et le Président de la
République nomme un nouveau commandant en chef des forces armées
d'Haïti qui nommera les membres du Haut état-major, selon la
constitution
207 Ibid. loc. cit.
208 Voir Les Nations Unies et la situation en
Haïti, op. cit., p. 5.
- 9 - Retour en Haïti du Président de la
République, Jean-Bertrand Aristide le 30 octobre 1993". L'Accord a
en outre prévu la "- 4 - La suspension à l'initiative du
Secrétaire Général de l '0.N.U., des sanctions
adoptées par la résolution 841 (1993) du Conseil de
Sécurité et suspension, à l'initiative du
Secrétaire Général de l'O.E.A., des autres mesures
adoptées par la réunion ad-hoc des ministres des affaires
étrangères de l'O.E.A., immédiatement après la
ratification et l'entrée en fonctions en Haïti du Premier
Ministre"209.
Effectivement, après la nomination par le
Président Aristide de Robert Malval au poste du Premier Ministre, le
Conseil de Sécurité, sur une recommandation du Secrétaire
Général de l'O.N.U., a adopté la résolution 861 du
27 août 1993 suspendant ainsi l'embargo pétrolier et les sanctions
économiques contre Haïti. Suite à l'accord Governors Island,
l'organe restreint de l'O.N.U. a créé la Mission des Nations
Unies en Haïti
\ 210
(MI.N.U.HA.) qui avait pour tâche d'assister Haïti
pour la modernisation des forces armées et la création d'une
nouvelle force de police haïtienne tel que prévu par l'Accord entre
les deux parties en conflit.
Nonobstant cet accord, les autorités de fait n'ont pas
permis à la MI.N.U.HA. d'accomplir sa fonction mettant ainsi en
échec l'accord du 3 juillet. Suite à ce manquement de l'une des
parties à ses engagements pris en vertu de l'accord de Governors Island,
le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a réimposé les
sanctions prévues initialement par la résolution 841. Devant ce
refus des autorités de fait, une série de résolutions et
de déclarations a été adoptée par le Conseil de
Sécurité. Ainsi, par la résolution 875 du 16 octobre 1993,
le Conseil de Sécurité a demandé aux États Membres
d'appliquer strictement l'embargo décidé contre Haïti et en
particulier d'interrompre la navigation maritime en direction de ce pays. En
plus, le Président du Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a
adopté, au nom du Conseil, plusieurs déclarations revendiquant le
rétablissement du Président démocratiquement élu et
l'application intégrale de l'accord de Governors Island.
209 le texte intégral de l'Accord Governors Island,
in. COICAUD (J-M), art. cit.,
p. 102.
210 Résolution 867 du 23 septembre 1993.
Quelques extraits de ces déclarations peuvent nous
démontrer l'attachement de l'O.N.U. à rétablir la
démocratie ainsi que la gradation de sa politique dans le cas
d'Haïti.
Dans la déclaration de son Président du 25
octobre 1993 "Le Conseil de Sécurité réaffirme la
nécessité de mettre pleinement en oeuvre l'accord de Governors
Island. Il condamne les autorités militaires en Haïti qui
continuent de faire obstacle à la pleine application de l'accord
notamment, en laissant se développer des actes de violence contraire aux
engagements qu'elles ont souscrits dans cet accord...
Le Conseil de Sécurité averti que si
l'accord de Governors Island n'est pas pleinement appliqué, il
envisagera des mesures supplémentaires ...»211 .
Dans le même sens, dans la déclaration de son
Président du 30 octobre 1993 "Le Conseil de Sécurité
continue d'exiger que l'accord de Governors Island soit respecté
intégralement et sans conditions et que soient assurés le retour
dans les meilleurs délais du Président Aristide ainsi que la
démocratie pleine et entière en Haïti...
Il réaffirme que l'accord de Governors Island
demeure pleinement en vigueur et constitue le seul cadre valide pour le
règlement de la crise en Haïti qui continue de menacer la paix et
la sécurité dans la région...
En outre, il se déclare de nouveau résolu
à maintenir et à faire dûment appliquer les sanctions
contre Haïti jusqu'à ce que les engagements pris
à Governors Island soient honorés, et à envisager de
renforcer celles-ci... 212.
Ces dispositions ont été
réitérées par une déclaration du 15 novembre 1993
émanant du même organe.
Dans la déclaration de son Président du 10
janvier 1994, le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. "se
déclare à nouveau profondément préoccupé par
les souffrances endurées par le peuple haïtien dans la crise
actuelle et réaffirme sa détermination à réduire au
minimum l'incidence de cette crise sur les groupes les plus vulnérables
en Haïti"213.
211 Les Nations Unies et la situation en
Haïti, op. cit. pp. 30-31.
212 Les Nations Unies et la situation en
Haïti, op. cit. pp. 31-32.
213 Ibid. op. cit., p. 33.
Malgré cette préoccupation par les souffrances
du peuple haïtien dues essentiellement à l'embargo imposé
par l'O.N.U., l'organe restreint de cette organisation n'a pas
hésité à recourir à la force armée pour
rétablir le gouvernement renversé.
b. Les sanctions militaires pour rétablir la
démocratie en Haïti
L'intervention militaire pour rétablir un
régime démocratiquement élu n'est pas le propre de
l'O.N.U. En effet, suite au coup d'État survenu aux Comores le 29
septembre 1995, renversant le régime du Président élu
Saïd Mohamed Djohar, la France, ancienne puissance coloniale; s'est
basée sur la demande du Président par intérim ainsi que
sur un accord de défense conclu avec les Comores pour intervenir
militairement dans cet État. Le Ministre français de la
coopération a déclaré : "La France interviendra chaque
fois qu'un pouvoir démocratiquement élu sera destitué par
un coup d'État lorsqu'il existe des accords de coopération
militaire',214 . Un commentateur situe l'intervention
française aux Comores "dans la droite ligne de la doctrine
occidentale qui veut que les États africains se conforment aux
règles élémentaires de la
démocratie"215.
L'O.N.U. qui était quasi-absente aux Comores, avait une
attitude complètement différente en Haïti. En effet, la
résolution 940 adoptée par le Conseil de Sécurité
le 31 juillet 1994 a constitué un nouveau tournant dans l'affaire
haïtienne. Dans cette résolution le Conseil de
Sécurité :
"(...) Condamnant le refus persistant du régime de
facto illégal de tenir compte de ces accords...
Gravement préoccupé par l'ampleur de la
détérioration de la situation humanitaire qui a empiré en
Haïti, en particulier la multiplication des violations
systématiques des libertés civiles commises par le régime
de facto illégal, le sort tragique des réfugiés
haïtiens et l'expulsion récente du personnel de la Mission Civile
Internationale en Haïti (MI. CIV.I.H).
214 Voir Le Monde du 6 octobre 1995, p.
2.
215 SOTINEL (Th), Le Monde, op. cit., loc.
cit.
(..) Prenant note de la lettre... adressée par le
Président légitimement élu d'Haïti (..) et de la
lettre du Représentant permanent d'Haïti auprès de
l'Organisation des Nations Unies,
Réaffirmant que le but de la communauté
internationale consiste toujours à restaurer la démocratie en
Haïti et à assurer le prompt retour du Président
légitimement élu, Jean-Bertrand Aristide, dans le cadre de
l'accord de Governors Island,
Rappelant que dans la résolution 873 (1993) il a
confirmé qu'il a été prêt à envisager
d'imposer des mesures supplémentaires si les autorités militaires
d'Haïti continueraient à entraver les activités de la
Mission des Nations Unies en Haïti (MI.NU.HA.) ou n'avaient pas
appliqué dans leur intégralité les résolutions
pertinentes du Conseil de Sécurité et les dispositions de
l'accord de Governors Island,
Constatant que la situation en Haïti continu de menacer
la paix et la sécurité dans la région,
(..) - 2 - Constate le caractère unique de la
situation actuelle en Haïti et sa détérioration ainsi que sa
nature complexe et extraordinaire qui appellent une réaction
exceptionnelle;
- 3 - Considère que le régime de facto
illégal en Haïti n'a pas appliqué l'accord de Governors
Island et manque aux obligations qui lui incombent en vertu des
résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité,
- 4 - Agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des
Nations Unies, autorise les États Membres à constituer une force
multinationale placée sous un commandement et un contrôle
unifiés et à utiliser dans ce cadre tous les moyens
nécessaires pour faciliter le départ d'Haïti des dirigeants
militaires, eu égard à l'accord de Governors Island, le prompt
retour du Président légitimement élu et le
rétablissement des autorités légitimes du gouvernement
haïtien, ainsi que pour instaurer et maintenir un climat sûr et
stable qui permette d'appliquer l'accord de Governors Island, étant
entendu que le coût de l'exécution de cette opération
temporaire sera à la charge des États Membres participants"
216.
216 R.G.D.I.P., 1994, Tome 98, Volume 3,
Partie documents, pp. 861-863.
Contrairement aux autres résolutions adoptées
par le Conseil de Sécurité pour rétablir la
démocratie en Haïti, la résolution 940 n'a pas fait l'objet
d'une unanimité des Membres du Consei1217.
Le débat qui s'est déroulé à
propos de cette résolution est révélateur. En effet,
certains États Membres de l'O.N.U., mais non Membres du Conseil, se sont
opposés à l'intervention armée de l'O.N.U. en Haïti.
Ainsi, le Mexique a considéré que les interventions en
Amérique latine sont néfastes et que la crise en Haïti ne
constitue pas une menace à la paix qui appelle l'usage de la force
conformément à l'article 42 de la Charte. Cuba quant à
elle, a aussi considéré que la crise en Haïti ne constitue
pas une menace pour la paix et qu'elle est résolument opposée
à une intervention militaire comme moyen pour résoudre des
conflits internes. L'Uruguay a considéré que la résolution
940 va à l'encontre des principes de la non intervention et du
règlement pacifique des différends. La Chine, Membre permanent du
conseil de sécurité, bien qu'elle n'a pas utilisé son
droit de veto, a considéré que toutes tentatives pour
régler la crise de manière pacifique n'ont pas encore
été épuisées218.
Les débats relatifs à cette résolution,
témoignent d'une controverse Ainsi, l'intervention de l'O.N.U. pour
rétablir la démocratie dans un État heurte à
priori le principe de la non intervention prévu par l'article 2 (7)
de la Charte de l'O.N.U. qui stipule qu' "aucune disposition de la
présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans
les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence
nationale d'un État, ni oblige les Membres à soumettre des
affaires de ce genre à une procédure de règlement aux
termes de la présente Charte..." En se limitant à ce
passage, nous pouvons affirmer l'illicéité de cette
résolution "Toutefois ce principe ne porte en rien atteinte à
l'application des mesures de coercition prévues au chapitre vIr .
Or, le chapitre VII et précisément son article 39
déjà cité, donne au Conseil de Sécurité un
pouvoir discrétionnaire pour déterminer
217 La résolution a été
adoptée par 12 voies pour (Argentine, République Tchèque,
Djibouti, France, Nouvelle Zélande, Nigeria, Oman, Pakistan,
Fédération de Russie, Espagne, Royaume Uni de Grande Bretagne et
de l'Irlande du Nord et les États Unis d'Amérique), 2 abstentions
(Le Brésil et la Chine), le Rwanda était absent lors de
l'adoption de cette
résolution. cf
COICAUD (J-M), art. cit. p. 107.
218 Voir COICAUD (J-M), art. cit., p. 108.
quelles situations constituent une menace à la paix et
à la sécurité internationales.
L'extension du concept de menace à la paix et à
la sécurité internationales219, le caractère de
plus en plus "polymorphe"220 de ce concept rend l'article 2
(7) de la Charte inutile puisqu'il suffit au Conseil de Sécurité
d'agir sur la base du chapitre VII pour déroger au principe de la non
intervention. L'article 2 (7) se trouve alors inutile tant qu'il n'y a pas un
contrôle sur les qualifications faites par cet organe politique de
l'O.N.U. sur la base de l'article 24 (2) de la Charte qui prévoit que
"dans l'accomplissement de ses devoirs, le Conseil de
Sécurité agit conformément aux buts et principes des
Nations Unies"221.
Du reste, la qualification de la situation haïtienne
comme menaçant la paix et la sécurité internationales
traduit une politique d'opportunité qui répond aux
intérêts des États Unis d'Amérique et à leur
leadership défendu clairement par un auteur qui, commentant la
résolution 940 du Conseil de Sécurité, considérait
que "Le cas d'Haïti montre à sa manière, qu'au Conseil
de Sécurité une décision difficile à prendre
bénéficie, sinon de l'appui unanime, en tout cas d'un certain
consensus des États Membres, lorsqu'un pays d'importance assume le
leadership. Dans le domaine de la vie internationale - comme d'ailleurs sur le
plan de la vie politique intérieure - le consensus politique n'exclue
pas le leadership. Il le suppose. Le leadership permet, en effet de faire
converger des points de vue divergents, de mettre en oeuvre une direction
claire, inscrite dans la durée. Le leadership a un rôle de
catalyse et d'inspiration"222.
219 Voir BEN MESSAOUD (L), "L'extension du
concept de menace à la paix et à la sécurité
internationales", mémoire en vue de l'obtention du diplôme
d'Etudes approfondies en Droit Public et Financier, Faculté des Sciences
Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis (Tunis II), 1994/1995.
220 Voir DUPUY (P-M), "Sécurité
collective...", art. cit., pp. 622-623
221 Cf BEDJAOUI (M), "Nouvel ordre mondial et
contrôle de la légalité des actes du Conseil de
Sécurité", Bruxelles, Bruylant, 1994, PP. 24-25, voir
également SNOUSSI (M), "Le contrôle par la Cour Internationale
de Justice de la validité des actes émanant des organes
politiques de l'O.N.U.", Mémoire en vue de l'obtention du D.E.A. en
Droit Public et Financier, Faculté des Sciences Juridiques, Politiques
et Sociales de Tunis (Tunis II), 1994/1995.
222 COICAUD (J-M), art. cit., p. 109.
Cette conception singulière des relations entre
États ne fait que dévoiler une réalité
marquée par l'hégémonie américaine et par l'absence
d'un véritable rapport horizontal entre les États.
L'action de l'O.N.U. en vue de rétablir la
démocratie en Haïti a été caractérisée
par la dualité négociation - pression. Ainsi nous avons pu noter
que l'O.N.U. a procédé suivant la logique de l'accord entre les
parties en conflit, une logique tout à fait en harmonie avec la
souveraineté des États. Ce n'est que lorsqu'une partie a
méconnu ses engagements que l'action de l'O.N.U. a pris un
caractère contraignant. Une contrainte non armée d'abord, mais
une contrainte armée au bout presque de trois ans du coup d'État.
Cette dernière phase de l'action de l'O.N.U. a provoqué la
démission des autorités de facto et le retour du
Président constitutionnel en Haïti le 15 octobre 1994 et par
conséquent le rétablissement du régime démocratique
dans ce pays. Après ce rétablissement la MI.N.U.HA. a repris ses
fonctions visant à reconstruire le pays en vue de créer les
conditions qui permettent de restaurer la démocratie.
La pratique de l'O.N.U. en Haïti ne peut nous laisser
indifférents : une action entreprise au nom du droit du peuple
haïtien à la démocratie, une action délimitée
par la logique de l'accord et par le consentement de l'État
concerné est défendable. Seulement, on se demande si le peuple
haïtien n'a pas été le grand perdant suite à trois
ans d'embargo qui n'a fait que le paupériser.
Établir ou rétablir la démocratie dans
des États Membres, tel a été le but de l'O.N.U. Ce but n'a
pu être atteint qu'après un changement du panorama de la
société internationale contemporaine et qu'après un
ajustement, de fait, des principes du droit international public.
Sans avoir l'idée de justifier ou de dénoncer
cet engouement pour la démocratie et indépendamment de l'analyse
juridique de la question, nous dirons que la démocratie promue par
l'O.N.U. n'a pu réaliser ni la paix ni le développement. Si
l'O.N.U. a pu introduire dans certains États la démocratie comme
une technique de gouvernement, elle n'a pas, pour autant, su apaiser les
conflits ethniques, confessionnels et identitaires. Les massacres ethniques qui
se passent en ce moment notamment au Niger, au Burundi et au Liberia en sont la
preuve.
La démocratie libérale qui se veut un
modèle universel se trouve, aujourd'hui, confrontée à ces
particularismes culturels qui ne font que démontrer ses limites.
Relevant plus du culturel que du politique, la
démocratie ne peut servir l'Homme ou le peuple que si elle est une
émanation de leur libre et authentique volonté. Tel nous semble
être l'enseignement majeur que nous pouvons tirer de l'étude des
rapports entre l'O.N.U. et la démocratie.
I. MANUELS
· ARBOUR (J-M), Droit International Public,
Québec, Yvon Blais, inc, 1992.
· BEN ACHOUR (R), Institutions Internationales,
Tunis, ENA, 1995.
· COMBACAU (J) et SUR (S), Droit International Public,
Paris, Monchrestien, 1995.
· DUPUY (P-M), Droit International Public, Paris,
Précis Dalloz, 1993.
· QUOC DINH (N), DAILLIER (P) et PELLET (A), Droit
International Public, Paris, L.G.D.J., Sème éd., 1994.
· REUTER (P) et COMBACAU (J), Institutions et relations
Internationales, Paris, PUF, 4ème éd., 1988.
· RUZIE (D), Droit International Public, Paris,
Dalloz, 10ème éd., 1992.
II. OUVRAGES
· BEDJAOUI (M), Nouvel ordre Mondial et Contrôle
de la Légalité des Actes du Conseil de Sécurité,
Bruxelles, Bruylant, 1994.
· BEIGBEDER (Y), Le Contrôle International des
Élections, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J., 1994.
· BEN ACHOUR (R), Évolutions des modes de prise
de décisions dans les organisations et conférences
internationales, C.N.U.D.S.T., 1986.
· BOULOUIS (J), Droit Institutionnel des
Communautés Européennes, Paris, Montchrestien, 1993.
· BURDEAU (G), Traité de Science Politique,
Paris, L.G.D. J., 1984, tome IV.
· CHAUMONT (Ch), L'Organisation des Nations Unies,
Paris, P.U.F., 1992.
· CHEVALLIER (J), L'État de Droit, Paris,
Montchrestien, 1992.
· COLARD (D), Droit des Relations Internationales,
documents fondamentaux, Paris, Milan, Barcelone, Masson, 2ème
éd., 1988.
· COMBACAU (J), Le Pouvoir de Sanction de l'O.N.U.,
étude théorique de la coercition non militaire, Paris, A.
Pedone, 1974.
· CORTEN (0) et KLEIN (P), Droit d'Ingérence ou
obligation de réaction ?, Bruxelles, Bruylant, 1992.
· COT (J-P), PELLET (A) et TAVERNIER (P), La Charte
des Nations Unies : Commentaire article par article, Paris, Economica,
Bruxelles, Bruylant, 1985.
· DAUDET (Y), dir., Actualité des Conflits
Internationaux, Colloque des 4 et 5 décembre 1992, rencontres
internationales de l'Institut d'Études Politiques d'Aix en Provence,
Paris, A. Pedone, 1992.
· DAUDET (Y), dir., Aspects du Système des
nations Unies dans le cadre de l'idée d'un nouvel ordre mondial,
Colloque du 22 et 23 novembre 1991 à Aix en Provence, Paris, A.
Pedone, 1992.
· DE SANARCLENS (P), La Crise des Nations Unies,
Paris, P.U.F., 1988.
· DORMENUAL (A), Procédures Onusiennes de mise
en oeuvre des Droits de l'Homme. Limites ou Défauts ?, Paris,
P.U.F., 1991.
· GUEHENNO (J-M), La fin de la démocratie,
Flammarion, 1993.
· JOHNSON (G) et SYMONIDES (J), La
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, 40ème anniversaire
1948-1988, Bris, UNESCO, L'Harmattan, 1991.
· JOUVE (E), Le Droit des Peuples, Paris,
P.U.F., 2ème éd., 1993.
· KELSEN (H), Théorie pure de Droit,
Paris, Dalloz, 1962.
· LANG (C), L'affaire Nicaragua / États Unis
devant la Paris, L.G.D.J., 1990.
· MADIOT (Y), Droits de l'Homme et Libertés
Publiques, Paris, Masson, 1976.
· OLIVIER (J-Y), Démocratie Mondiale une logique
au service de la paix, Lyon, Chroniques sociales, 1994.
· Société Française de Droit
International, Révolution et Droit International, Colloque de
Dijon, Paris, A. Pedone, 1990.
· SUDRE (F), Droit International et Européen des
Droits de l'Homme, Paris, P.U.F., 1989.
· VIRALLY (M), L'Organisation Mondiale, Paris,
Armand Colin, 1972.
· VIRALLY (M), Le Droit International en devenir,
essais écrits au fil des ans, Paris, P.U.F., 1990.
· WEISS (P), dir., Relations Internationales, le nouvel
ordre mondial, Paris, Eyrolles, 1993.
III. COURS
· CHAUMONT (Ch), "Cours Général de Droit
International Public", R.C.A.D.I., 1970, PP. 335-526.
· VIRALLY (M), "Panorama du Droit International
Contemporain : Cours Général de Droit International Public",
R.C.A.D.I., 1983, PP. 25-382.
IV. RECUEILS
· LAGHMANI (S), Répertoire
élémentaire de jurisprudence internationale, CERP, 1993.
· THIERRY (H), Droit et Relations Internationales :
traités, résolutions, jurisprudences, Paris, Montchrestien,
1984.
V. DICTIONNAIRES, ENCYCLOPÉDIES,
LEXIQUES
· AUROUX (S), dir. Encyclopédie Philosophique
Universelle, Les notions philosophiques, Paris, P.U.F., 1990.
· AVRIL (P) et GICQUEL (J), Lexique, Droit
Constitutionnel, Paris, P.U.F., 2ème éd., 1989.
· BASDEVANT (J), dir. Dictionnaire de la terminologie
du Droit International, Paris, Sirey, 1960.
· BOUDON (R) et BOURRICAUD (F), Dictionnaire critique
de la sociologie, Paris, P.U.F., 1982.
· DUHAMEL (0) et MENY (Y),dir. Dictionnaire
constitutionnel, Paris, P.U.F., 1992.
VI. MÉMOIRES
· BEN MESSAOUD (L), L'Extension du concept de menace
à la paix et à la sécurité internationales,
Mémoire en vue de l'obtention du D.E.A. en Droit Public et
Financier, Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de
Tunis (Tunis II), 1994/1995.
· SNOUSSI (M), Le Contrôle par la Cour
Internationale de Justice de la Validité des actes émanant des
organes politiques de l'O.N.U., Mémoire en vue de l'obtention du
D.E.A. en Droit Public et Financier, Faculté des Sciences Juridiques,
Politiques et Sociales de Tunis (Tunis II), 1994/1995.
VII. ARTICLES
· ARDANT (Ph), "Que reste-t-il des droits des peuples
à disposer d'eux- mêmes ?", Pouvoirs, 1991, N° 57,
PP. 43-54.
· BADIE (B) " "Je dis Occident" :
Démocratie et développement, réponse à 6
questions", Pouvoirs, 1990, N° 52, PP. 43-53.
· BATAILLER-DEMICHEL (F), "Droits de l'Homme et Droits
des Peuples dans l'ordre international", in. Le Droit des Peuples à
disposer d'eux-mêmes. Méthodes d'analyse du Droit International,
mélanges offerts à Charles CHAUMONT, Paris, A. Pedone, 1984,
PP. 23-34.
· BELAID (S), "Rapport de Synthèse", in. Les
Nouveaux Aspects du Droit International, Paris, Pedone, 1994, PP.
281-328.
· BEN ACHOUR (R), "Actualité des principes de
Droit International", in. Les Nouveaux Aspects du Droit International,
Paris, Pedone, 1994, PP. 3149.
· BEN ACHOUR (R), "Droit de Veto : maintien ?
élargissement ? abandon ? , Études Internationales,
1992, N° 45, PP. 3-4.
· BEN ACHOUR (R), "Égalité Souveraine des
États, Droit des Peuples à disposer d'eux-mêmes et
liberté de choix du système politique, économique,
culturel et social", in. Solidarité, Égalité,
Liberté (Federico MAYOR Amicorum liber), Bruxelles, Bruylant, 1995,
PP. 785-799.
· BEN ACHOUR (R), "La Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples : Histoire et Problèmes", Études
Internationales, 1988, N° 28, PP. 10-23.
· BEN ACHOUR (R), "La Souveraineté des
États : Harmonie et Contradictions", communication du colloque
international du 11 au 13 avril 1996 "Harmonie et Contradictions en Droit
International", Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et
Sociales de Tunis.
· BEN ACHOUR (R), "Normes Internationales Souhaitable de
Lege Ferenda relatives aux élections", in. Liberté
des élections et contrôle international des élections,
Conférence internationale La Laguna Tenerife, 27 février - 2
mars 1994, Bruxelles, Bruylant, 1995, PP. 197-210.
· BENNOUNA (M), "L'Obligation Juridique dans le monde de
l'Après- guerre froide", 1993, PP. 41-52.
· BOUTROS-GHALI (B), " L'O.N.U. et les opérations
de maintien de la paix à la croisée des chemins", Relations
Internationales et Stratégiques, 1993, N° 11, PP. 7-16.
· BOUTROS-GHALI (B), "Déclaration Liminaire",
in. Conférence Mondiale sur les Droits de l'Homme, Nations
Unies, 1993, PP. 5-23.
· BOUTROS-GHALI (B), Message du Secrétaire
Général de l'Organisation des Nations Unies à l'occasion
du colloque international de la Faculté des Sciences Juridiques,
Politiques et Sociales de Tunis, Tunis, avril 1996.
· CASSESE (A), "La valeur actuelle des Droits de
l'Homme", in. Humanité et Droit International, Mélanges DUPUY
(R-J), Paris, A. Pedone, 1991, PP. 65-76.
· CHAUMONT (Ch), "L'équilibre des organes politiques
des Nations Unies et la crise de l'organisation", 1965, PP. 428-446.
· CHAUMONT (Ch), "Recherche du contenu
irréductible du concept de souveraineté internationale de
l'État", in. Hommage d'une génération de juristes au
Président Basdevant, Paris, Pedone, 1960, PP. 114-151.
· CHEMILLIER-GENDREAU (M), "Un demi siècle des
Nations Unies", in. Spécial 50ème anniversaire des Nations
Unies, Paris, Centre d'Information des Nations Unies et Association
Française des Nations Unies, PP. 29-31.
· COHEN-JONATHAN (G), La Protection Internationale
des Droits de l'Homme dans le cadre des Organisations Universelles,
documents d'études, droit international public, N° 3, 06 avril
1990.
· COICAUD (J-M), "La Communauté Internationale et
la reprise du processus démocratique", Le Trimestre du Monde,
1995, premier trimestre, PP. 93-128.
· COLIN (J-P), "Réflexions sur un Nouvel Ordre
Mondial", in. Aspects du système des Nations Unies dans le cadre de
l'idée d'un Nouvel Ordre Mondial, dir. DAUDET (Y), Paris, A.
Pedone, 1992, PP. 29-59.
· DAUDET (Y), "L'O.N.U. et l'O.E.A. en Haïti et le
Droit International", A.F.D.I., 1992, PP. 89-111.
· DAUDET (Y), "Les Nations Unies et les
évolutions du contenu du maintien de la paix", in. Spécial
50ème anniversaire des Nations Unies, Paris, Centre d'Informations
des Nations Unies et Association Française des Nations Unies, PP.
44-47.
· DAUDET (Y), "Rapport Introductif', in. Aspects du
système des Nations Unies dans le cadre de l'idée d'un Nouvel
Ordre Mondial, dir. DAUDET (Y), Paris, A. Pedone, 1992, PP. 13-28.
· DE LA GORCE (P-M), "Le Droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes dans la nouvelle conjoncture internationale",
in. Bulletin du Centre d'Information des Nations Unies, Paris,
décembre 1993, N° 7-8, PP. 77-82.
· DE RAULIN (A), "L'action des observateurs
internationaux dans le cadre de l'O.N.U. et de la société
internationale", R.G.D.I.P., 1995/3, PP. 567604.
· DE VISSCHER (P), "La contribution de l'Institut de
droit international à la protection des Droits de l'Homme", in. Le
Droit International au service de la paix, de la justice et du
développement, Mélanges VIRALLY (M), Paris, A. Pedone, 1991,
PP. 215-224.
· DUPUY (P-M), "Sécurité collective et
organisation de la paix", R. G.D.I.P., 1993/3, PP. 617-627.
· FRANK (Th), "The emerging right to democratic
governance", A.J.I.L., Janvier 1992, volume 86, N° 1, PP.
46-91.
· HERMET (G), "Démocratie et
développement", in. Tiers Monde, Controverses et
Réalités, dir. BRUNEL (S), Paris, Economica, 1987, PP.
399-411.
· ISOART (P), "L'autorité provisoire des Nations
Unies au Cambodge", A.F.D.I., 1993, PP. 157-177.
· ISOART (P), "L'O.N.U. et le Cambodge", R.G.D.I.P.,
1993/3, PP. 645687.
· JAZIE (Z), "La Protection Internationale des Droits de
l'Homme", Revue de Politique Internationale, 20. W. 1991, PP.
13-16.
· KRISTAN (I), "L'autodétermination en tant que
Droit de l'Homme", Revue de Politique Internationale, 5. III. 1991,
PP. 9-11.
· LAFON (J-P), "L'action des Nations Unies et
l'assistance électorale", in. Bulletin du Centre d'Information des
Nations Unies, Paris, décembre 1993, N° 7-8, PP. 69-76.
· LAGHMANI (S), "L'effectivité de sanctions des
violations des Droits Fondamentaux : développement récents",
R.T.D., 1993, PP. 275-295.
· LAGHMANI (S), "Vers une légitimité
démocratique", in. Les nouveaux aspects du droit international,
dir. BEN ACHOUR (R) et LAGHMANI (S), Paris, Pedone, 1994, PP. 249-278.
· LAMBERT (D-C), "Amérique latine : Une
démocratisation fragile", in. Tiers Monde : Controverses et
Réalités, dir. BRUNEL (S), Paris, Economica, 1987, PP.
411-416.
· LAVAU (G), "Propos hâtifs sur le risque
démocratique", Pouvoirs, 1990, N° 52, PP. 35-42.
· LEFORT (C), "Renaissance de la démocratie ?",
Pouvoirs, 1990, N° 52, PP. 5-22.
· MARIE (J-B), "Instruments Internationaux relatifs aux
Droits de l'Homme / classification et état actuel des ratifications au
ler janvier 1995", R.U.D.H., 15 mars, volume 7, N° 1-3, PP.
63-79.
· MOJSOV (L), "La démocratie à
l'échelle planétaire", Revue de Politique Internationale, 5,
I, 1990, PP. 5-8.
· N'KOLOMBA (A), "L'ambivalence des relations entre le
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et
l'intégrité territoriale des États en droit international
contemporain", in. Le droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes. Méthodes d'analyse du Droit International, Mélanges
offerts à CHARLES CHAUMONT, Paris, A. Pedone, 1984, PP. 433-463.
· PINTO (M.C.W.), "Démocratization of
international relations and its implications for development and application of
international law", United Nations congress on public international law,
topic 3, 15 march, 1995, 15 pages.
· SAMKANGE (S), "L'O.N.U. et le processus de la paix au
Mozambique", Le trimestre du monde, ler trimestre 1994, PP.
147-176.
· SCHACHTER (0), "Is there a right to overthrow an
illegitimate regime ?", in. Mélanges VIRALLY, Paris, A. Pedone,
1991, PP. 423-430.
· SORMAN (G), "Les années 90: Le choc des cultures",
Revue de politique internationale, 5, I, 1991, PP. 16-18.
· TAVERNIER (P), "L'année des Nations Unies 23
décembre 1988 - 22 décembre 1989", Questions juridiques,
A.F.D.I., 1989, PP. 584-613.
· TAVERNIER (P), "L'année des Nations Unies, 22
décembre 1990 - 20 décembre 1991" Questions juridiques,
A.F.D.I., 1991, PP. 617-646.
· TAVERNIER (P), "Les Nations Unies et la question de
l'Afrique du Sud (sanctions et appui à la transition
démocratique)", Revue juridique et politique, indépendance et
coopération, janvier - avril 1994, N° 1, PP. 27- 45.
· VALTICOS (N), "La notion des droits de l'Homme en
droit international", in. Le Droit International au service de la paix, de
la justice et du développement, Mélange VIRALLY (M), Paris,
A. Pedone, 1991, PP. 483-492.
· VASAK (K), "Les normes internationales existantes
relatives aux élections et leur mise en oeuvre", in. Liberté
des élections et contrôle international des élections,
Bruxelles, Bruylant, 1995, PP. 39-78.
· VEDEL (G), "Les droits de l'Homme · quels
droits ? quel Homme ?", in. Humanité et droit international,
Mélanges RENE-JEAN DUPUY, Paris, Pedone, 1991, PP. 349-362.
· VERDROSS (A), "Le principe de la non intervention dans
les affaires relevant de la compétence nationale d'un État et
l'article 2 (7) de la Charte des Nations Unies", in. La communauté
internationale, Mélanges ROUSSEAU, Paris, Pedone, 1974, PP.
267-276.
· VIRALLY (M), "Le rôle des "principes" dans le
développement du droit international", in. Le Droit International en
devenir, Essais écrits au fil des ans, Paris, P.U.F., 1990, PP.
195-212.
· WEBER (H), "Vous avez dit formelle ?", Pouvoirs,
1990, N° 52, PP. 2334.
VIII. DOCUMENTS OFFICIELS
· BOUTROS-GHALI (B), Rapport annuel du
Secrétaire Général sur l'activité de
l'Organisation, 1992,1993,1994 et 1995.
· BOUTROS-GHALI (B), "Agenda pour le
développement", mai 1994.
· DE CUELLAR (J-P), Rapport annuel du Secrétaire
Général sur l'activité de l'Organisation, 1990 et
1991.
· Résolutions et Décisions adoptées
par l'AG/O.N.U.
· Résolutions et Décisions adoptées
par le CS/O.N.U. IX. PRESSE
· Afrique Magasine
· Croissance, N° 382, mai 1995.
· Jeune Afrique
· La Presse
· Le Monde
|