Chapitre 2.
Analyse des écarts par rapport à
Bâle II : Cas BMCE BANK
Dans le cadre des exigences bâloises en matière
de gestion des risques, les banques marocaines ont vu naître de nouveaux
besoins pour mettre en place un nouveau système de gestion du risque de
crédit suivant l'approche standard imposée par Bank Al
Maghrib.
Au sein de la BMCE BANK, la gestion du risque de crédit
lié aux entreprises se trouve handicapée par un certain nombre de
gaps qui freinent l'application des exigences bâloises dans les
meilleures conditions. Ces gaps touchent principalement :
- La segmentation
- La notation
- Le système d'information
- La gestion des garanties
- Le périmètre de consolidation
1- Gaps concernant la segmentation :
Comme mentionné dans la partie concernant la
segmentation suivant l'approche standard, on distingue entre quatre
catégories de clientèle :
- Les Souverains
- Les Banques
- Les Entreprises ou corporates
- Banques de détail
La réalisation d'une telle segmentation
nécessite d'avoir des renseignements qualitatifs et quantitatifs tel que
le chiffre d'affaire consolidé pour les groupes d'intérêt
économique ou uniquement le chiffre d'affaire individuel.
L'enjeu d'implémentation de la réglementation
bâloise nécessite un assainissement des entrepôts de
données de la clientèle pour permettre la distinction entre
différents segments ainsi que la mise en place d'une centrale de bilan
pour l'ensemble de la clientèle.
La contrainte qui se pose à ce niveau est que le
chiffre d'affaire individuel et consolidé est généralement
non disponible, ce qui empêche de faire la distinction entre les
entreprises,
PME/PMI et les professionnels.
Pour le cas marocain, La segmentation retenue est la
même que celle apportée par les apports de Bâle. Toutefois
la banque centrale a défini quelques précisions concernant les
catégories « entreprise », « PME » et «
clientèle de détail », comme suit :
· La catégorie « clientèle de
détail » ou « Retail » comprend :
Ø Les particuliers,
Ø Les petites entreprises (y compris les
professionnels) qui répondent aux deux conditions suivantes :
· Le montant total des autorisations de crédit qui
leur est consenti à titre individuel, ou au groupe
d'intérêt auquel elles appartiennent, est inférieur ou
égal à 1 million de dirhams,
· Le chiffre d'affaires hors taxes individuel, ou celui
du groupe d'intérêt auquel elles appartiennent, est
inférieur ou égal à 3 millions de dirhams.
Les expositions sur les professionnels dont l'objet est de
financer leurs besoins personnels (y compris prêts garantis par un bien
immobilier à usage résidentiel), ne peuvent être
affectés au portefeuille « clientèle de détail»
et/ou à la catégorie spécifique des prêts garantis
par un bien immobilier à usage résidentiel que si
l'établissement gère, de manière séparée,
les comptes du bénéficiaire retraçant les facilités
qui lui sont consenties au titre de ses activités professionnelles et
celles finançant ses besoins personnels, ainsi que les flux de revenus
affectés au remboursement de chacune de ces catégories de
concours.
Lorsque l`établissement n'arrive pas à faire
cette distinction, toutes les expositions sur le professionnel (qu'elles soient
destinées au financement de son activité ou à son usage
personnel, y compris sous la forme de prêts garantis par un bien
immobilier à usage résidentiel) sont globalisées. La
créance sur le professionnel est alors affectée, selon les
critères de chiffres d'affaire et d'exposition globale à l'une
des catégories suivantes : clientèle de détail, PME ou
grande entreprise.
Les crédits consentis à des particuliers pour
l'acquisition ou la construction de logements, garantis par hypothèque,
ne font pas partie du portefeuille « Retail » et doivent être
identifiés dans une catégorie spécifique.
· La catégorie Petite ou Moyenne Entreprise (PME)
comprend toute entreprise (y compris les professionnels) dont :
· Le chiffre d'affaires hors taxes individuel, ou celui
du groupe d'intérêt auquel elles appartiennent, est
supérieur à 3 millions de dirhams et inférieur ou
égal à 50 millions de dirhams,
· Le chiffre d'affaires hors taxes individuel, ou celui
du groupe d'intérêt auquel elles appartiennent, est
inférieur à 3 millions de dirhams et le montant total des
autorisations de crédit qui lui est consenti à titre individuel,
ou au groupe d'intérêt auquel elle appartient, est
supérieur à 1 million de dirhams.
· La catégorie «entreprise » ou «
corporate » englobe toutes les entreprises (y compris les professionnels)
dont le chiffre d'affaires hors taxes individuel, ou celui du groupe
d'intérêt auquel elles appartiennent, est supérieur
à 50 millions de dirhams.
2- Gaps concernant la notation :
Suivant les exigences bâloises, les banques auront
besoin de notations aussi bien de leurs clients que de leurs garants, selon
leur degré de risque, en respectant un certain nombre d'exigences de la
notation dressée par la réglementation.
Au Maroc, et pour l'application de l'approche standard, les
banques marocaines auront besoin des notations externes des entreprises
(à différentier de la notation interne qui est applicable dans le
cadre des approche avancées), notations délivrées par des
agences reconnues de notation.
Toutefois ces informations ne sont pas disponibles pour
différentes raisons :
· D'abord, la plupart des entreprises marocaines ne sont pas
notées à l'échelle internationale à l'exception de
quelques entreprises cotées en bourse.
· Plus encore, le tissu économique marocain est
constitué d'une majorité de PME/PMI ayant une activité
modeste au niveau national voir même régional.
Cette contrainte de non disponibilité des notations
externes des entreprises constitue un réel handicap pour l'application
de l'approche standard au sein des banques marocaines dans la mesure où
toutes les entreprises non notées seront pondérées
à 100%. Or, une telle pondération peut s'avérer
insuffisante pour des entreprises en très mauvaise situation
financière et représentant un risque plus grand.
Quant à la notation interne, la BMCE dispose d'un
dispositif approprié développé en interne et constitue un
vrai outil d'aide à la décision. Toutefois, dans le cadre de
l'approche standard, ce dispositif s'avère inutile pour le moment sauf
si BMCE BANK opte pour l'application de l'une des deux approches IRB.
3- Impact sur le système d'information
Le premier objectif des réglementations bâloises
consiste à contrôler plus finement les activités
financières des entreprises. Ces dernières doivent être
capables de fournir des données très précises lors d'un
audit financier, ce qui signifie également être capables de suivre
tout ce qui se passe dans l'entreprise, à travers des processus de
traçabilité. Pour obtenir
* cette traçabilité des informations, la
direction générale se tourne vers l'informatique qui
représente le moyen le plus facile d'automatiser les contrôles
dans l'entreprise.
La conduite des projets dans le cadre du Pilier I a fait
naître de nouveaux besoins dans les systèmes opérationnels
existants. La mise en oeuvre des impacts d'usage amplifie ces
réflexions, notamment en méthode IRB. D'ailleurs, certains
référentiels tiers ont d'ores et déjà
évolué pour stocker des informations spécifiques à
la réforme (portefeuille bâlois, données relatives au
«défaut Bâle II»). C'est également le cas des
applicatifs transactionnels utilisés par les conseillers, qui devront
intégrer à terme les éléments de scoring
développés pour les notations internes Bâle II. Une
interface avec les entrepôts de données réglementaires est
probable, afin de disposer de données historiques. Dans certains cas,
notamment pour les chargés d'affaires Corporate, une restitution
immédiate des paramètres bâlois (PD, LG, EAD,
EL, RWA) est à prévoir. Quant aux
ajustements des niveaux de délégations, ils pourraient passer par
la création ou la modification de workflows de validation.
Pour les établissements disposant d'un réseau
d'agences étendu, de larges opérations de déploiement sont
à prévoir, surtout si certains outils sont installés
localement. Les systèmes comptables pourront être impactés
à leur tour, et ce à plusieurs niveaux : affectation automatique
des provisions, consolidation des données bâloises pour
l'allocation des fonds propres réglementaires ou encore outils de
rapprochement avec les données risques (périmètre
local et consolidé).
De plus, les systèmes comptables représentent,
pour la plupart des banques, la source principale d'alimentation des
dispositifs Bâle II. Ces derniers sont souvent bâtis autour d'un
niveau de détail agrégé (compte client). Or, la
méthode IRB avancée impose de suivre les encours au niveau de la
prestation individuelle, impératif à laquelle les bases
comptables doivent se conformer. D'autres évolutions pourront être
apportées aux systèmes de reporting risque au jour le jour, et
plus globalement, dans les outils susceptibles d'être enrichis par les
notions Bâle II afin d'améliorer l'anticipation et la
maîtrise du risque.
Si les chaînes de gestion restent le coeur de
l'activité de la banque, le bloc applicatif risques doit se
positionner comme support des activités opérationnelles de la
banque. Véritable base d'information d'une grande richesse par
la granularité, la complétude et la profondeur
historique des données stockées, le dispositif Bâle II
offrira de nouveaux services aux activités de gestion de la
banque.
Un projet de mise en conformité génère
généralement trois étapes :
· La première consiste à prendre conscience
de l'information à collecter pour être conforme. Il se peut que
l'information n'existe pas encore dans le système d'information, et dans
ce cas il faudra l'extraire,
· La deuxième étape consiste à
récupérer ces informations et,
· La troisième consiste à fournir ces
informations à un système chargé de la mise en
conformité. C'est en quelque sorte une nouvelle application.
Selon le niveau de maturité du système
d'information, ces trois étapes pourront donner lieu à des
chantiers très différents.
Ainsi, pour une société au système
d'information très structuré, la récupération
d'informations s'effectuera en causant le moins d'impact possible sur les
applications opérationnelles, afin de ne pas remettre en cause
l'existant. Au contraire, des grands groupes profitent de ces chantiers de mise
en conformité pour revoir en profondeur leurs processus et les
uniformiser pour l'ensemble de leurs filiales par exemple.
Face à ces dépenses, et au risque de
multiplication des lois, les directeurs informatiques évitent autant que
possible de multiplier les modifications au niveau des applications
métiers critiques. Pour autant, les nouvelles informations
remontées peuvent parfois servir de nouveaux indicateurs de performance
internes, aussi bien que pour les audits externes par la suite. En effet, le
fait de contrôler l'information pour les sociétés
cotées va leur permettre, d'une part, de mieux assurer la
cohérence de la communication de l'entreprise, communication qui joue de
manière significative sur le cours de bourse. D'autre part,
l'automatisation des processus accélère la
génération des chiffres financiers et aide ainsi à mieux
répondre aux exigences des organismes de régulation des
marchés.
Un autre problème posé par la mise en place du
nouvel accord de Bâle dans les banques porte sur le volume et la
qualité des données disponibles, sur leur hiérarchisation
ainsi que leur utilisation au sein du système d'information. Ceci
constitue le chantier le plus lourd sur le risque de crédit. Le travail
se complexifie davantage avec la clientèle entreprise pour laquelle il
faut tenir compte de données externes.
Aujourd'hui, les banques marocaines disposent d'un minimum de
deux ans d'historisation, ce qui est peu pour que les modèles
statistiques soient pertinents et c'est d'ailleurs une des raisons qui ont
poussé Bank Al Maghrib à imposer l'application de la
méthode standard, dans un premier temps, afin de recueillir plus
d'informations nécessaires à l'application des méthodes
avancées et mettre à profit toutes les données pour
calibrer le risque à sa juste valeur.
Cet enjeu est crucial, en particulier dans le cas des grandes
banques qui disposent souvent d'un système d'information très
hétérogène évoluant depuis des dizaines
d'années. Il faudra donc pouvoir transformer les données de leur
format d'origine vers un format permettant leur insertion dans la base de
données risque.
Ceci dit, l'enjeu en matière des systèmes
d'information réside dans la problématique de transformer les
données comptables en données de gestion facilitant ainsi la
prise de décision en matière des risques de crédit.
Collecte, identification, fiabilisation, standardisation des données
sont donc un enjeu majeur pour arriver à bâtir une nouvelle
stratégie de risque de crédit. Il faut en effet mettre à
profit toutes les données pour calibrer le risque à sa juste
valeur. L'évolution des réglementations et l'automatisation des
procédures administratives font que les systèmes d'informations
devront être de plus en plus souples, standard et ouverts
4- Impact sur la gestion des garanties :
Dans le cadre de sa politique de maîtrise de risque, la
BMCE BANK a entrepris un grand chantier consistant en la mise en place d'une
centrale de garanties. Ce projet est pris par le département risque. Il
devra permettre de connaître, d'évaluer et de gérer ce
patrimoine de biens, d'une part, et d'assurer un suivi dynamique et
opérationnel pour faciliter l'accès à toute information
requise par les autres services de la banque, d'autre part.
Ainsi, BMCE BANK veut aligner la gestion de ses garanties sur
les contraintes bâloises et des meilleures pratiques. L'objectif
principal de ce chantier est d'être en conformité avec l'approche
standard (Basé sur des pondérations forfaitaires) et se
préparer pour les approches avancées (approche plus exhaustive)
en matière des garanties.
Par ailleurs d'autres Exigences ont été
identifiés à savoir :
- La comptabilisation des garanties en hors bilan
- Le calcul des provisions spécifiques
- Etablir le lien entre les engagements et les garanties
- La valorisation des garanties reçues.
La gestion des garanties en conformité avec les
exigences bâloises fait face à plusieurs contraintes, notamment
:
- Absence d'une centralisation des garanties et historisation
des données
- Non comptabilisation des garanties
- Absence de liens entre les garanties et les expositions.
Pour permettre la modélisation des taux de couverture
ainsi que les L.G.D, BMCE BANK propose la catégorisation des
collatéraux selon trois types :
- Collatéraux financiers
- Collatéraux personnel
- Autres.
Dans un objectif prudentiel et comptable chaque garantie (ou
garanties) doit être liée à, ou aux engagements, qu'elle
couvre.
Au préalable la centrale des garanties doit être
interfacée avec le référentiel des engagements pour
identifier les garanties spécifique (type 1/1), propre (type 1/n) ou
globale (type n/n) afin de faciliter l'identification de la valeur de la
garantie.
Ø Garantie de type 1/1 : une garantie couvre un seul
risque : c'est le cas des contrats
Ø Garantie de type 1/n : une garantie peut couvrir
plusieurs risques
Ø Garantie de type n/n : plusieurs garanties couvrant
plusieurs risques
Une autre contrainte s'impose, c'est que les garants doivent
être noté au même titre que les tiers de la banque
d'où la nécessité de déposer des informations sur
les garants.
Cette liaison doit être faite aussi bien avec un
système de notation interne qu'avec un système de notation
externe et cela représente finalement un double contraint vu
l'indisponibilité de l'information.
5- Impact sur le périmètre de consolidation
Le Nouvel accord de Bâle sur les fonds propres
s'applique sur une base consolidée aux banques à dimension
internationale, ce qui permet le mieux de préserver
l'intégrité des fonds propres des établissements
dotés de filiales en éliminant toute double comptabilisation.
Le champ d'application du Nouvel accord intègre
désormais, sur une base totalement consolidée, toute
société de portefeuille à la tête d'un groupe
bancaire, pour garantir la prise en compte du risque à l'échelle
du groupe. Un groupe bancaire désigne un groupe qui exerce des
activités à dominance bancaire ; dans certains pays, il peut
avoir le statut de banque.
champs d'applications de Bâle II
Le Nouvel accord s'applique aussi à toutes les banques
à dimension internationale, à chaque niveau au sein du groupe,
également sur une base intégralement consolidée (voir le
schéma cidessous).
Une période transitoire de trois ans est prévue
pour les pays qui ne sont pas actuellement tenus d'effectuer une consolidation
intégrale au niveau intermédiaire.
Dans toute la mesure du possible, l'ensemble des
opérations de banque et des autres activités financières
concernées menées au sein d'un groupe comportant une banque
à dimension internationale sont consolidées. Ainsi, les
unités - entités bancaires, entreprises d'investissement
(lorsqu'elles sont soumises à une réglementation globalement
similaire ou quand leurs activités sur titres sont jugées
constituer des activités bancaires) et autres entités
financières dans lesquelles il existe une participation majoritaire ou
de contrôle devraient en principe faire l'objet d'une consolidation
intégrale.
Il est parfois impossible ou peu souhaitable de consolider
certaines entreprises d'investissement ou autres entités
financières réglementées, notamment dans les cas suivants
:
Participation par acquisition d'une créance
contractée antérieurement et détenue à titre
provisoire ;
Ø Participation soumise à une
réglementation différente ;
Ø Exigence légale de non-consolidation aux fins
des fonds propres réglementaires.
Il est alors impératif que l'autorité de
contrôle bancaire obtienne suffisamment d'informations auprès des
responsables de la surveillance de ces entités.
L'impact de la réglementation bâloise sur le
périmètre de consolidation se fait particulièrement sentir
au niveau des filiales de la société mère. En effet, le
nouvel accord stipule que même si ces filiales ne sont pas assujetties
aux dispositions bâloises, elles doivent remonter l'information de
façon à ce qu'elle soit conforme à la demande de la
société consolidant, opérant selon les directives de
Bâle II.
Dans ce sens, le périmètre de consolidation de
BMCE BANK se présente comme suit :
Filiales du Groupe
BMCE BANK
Banque
D'affaires
Filiales financières spécialisées
Autres
m
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