Section 3 : Décomposition des multiplicateurs de
prix fixes
Certaines productions sectorielles contribuent plus à
l'amélioration des revenus des groupes de ménages que d'autres en
fonction de la technologie utilisée (fonction de production), des
dotations factorielles des groupes socio-économiques et de l'importance
des interrelations économiques qui existent aussi bien du
côté de l'offre que de la demande7. Ces contributions
sont mesurées à partir des multiplicateurs. Cette section expose
comment les multiplicateurs de prix fixes peuvent être
décomposés en effets distributifs et en effets
d'interdépendance.
? ?
0 0 C 13
A partir de la matrice des propensions marginales de
dépenses C C C
? ?
= ? ?
0
n 21 22
? ?
? ?
0 C C
32 33
L'équation [1] se réécrit
:
yn = Cnyn +
xn [1']
En passant aux variations, on obtient :
dy n = C n dy n + dx
n [4]
L'équation [4] est équivalente au
système d'équations suivant :
? ? ?
? ?
|
dy = C dy dx
+
1 13 3 1
dy C dy C dy dx
2 21 1 22 2
= + + 2
dy C dy C dy dx
= + +
3 32 2 33 3 3
|
.
|
|
Ce qui implique :
6 L'expression anglo-saxon est « fixe price
multiplier » : voir Pyatt & Round (1979). Par ailleurs, dans les
modèles d'équilibre général Walrasien, c'est la
flexibilité des prix qui détermine l'équilibre. Dans un
modèle keynésien par contre, à court terme ce sont les
quantités qui varient alors que le vecteur prix reste fixe. C'est ce
dernier type de modèle qui est utilisé dans le présent
document.
7 Degré d'intégration de
l'économie.
? ?
?
dy C dy dx
= +
1 13 3 1
- 1 - 1
dy I C C dy I C dx
2 22 22 21 1 22 22 2
= - + -
( ) ( )
-1 dx3
- 1
dy =
3
( ) ( )
I C C dy I C
- + -
33 33 32 2 33 33
On suppose que la matrice Mc est
partitionnée de la façon suivante :
?
= ?
21 22 23 ?
31 32 33 ?
c c c c ? ? M M M
c c c
?
c c c
11 12 13
? ?
? M M M
M M M M
[S]
[5]
En partant de l'équation [3] dy n
= M c dx n, on peut écrire :
dy2 = M c 21dx 1 + M
c 22dx2 + M c 23dx3
Suite à une augmentation exogène de la demande
pour une production sectorielle donnée dx3, on
cherche à savoir quel est son impact sur le revenu des
différents
groupes de ménages dy2.
[6]
[8]
[10]
Ainsi, lorsqu'on suppose que seul x3 subit
une variation dx3, alors dx 1 =
dx2 = 0 et dans ce cas l'équation
[5] donne :
dy2 = M c 23dx3
De même, à partir du système
[S] , on a : dy2 = [R ×
D] dx3
1 - 1
où : ( ) ( )
= - - et ( ) 1
-
D I 22 C 22 C
21 C 13 I 33 C
33 R I 22 D C 32 -
= - ×
Des équations [6] et
[7] , on déduit que Mc 23 = R ×
D
R et D sont dénommées
respectivement effets distributifs et effets d'interdépendance.
Posons ( ) 2
M m = =
c ij i n
23 1
=
1 = =
j n 3
|
. Alors on peut écrire :
|
dy2 i = m ij dx3 j
[9]
Les éléments mij
représentent les effets directs et indirects totaux résultant
de
l'augmentation de la demande et donc de l'offre d'une production
sectorielle j sur l'accroissement des revenus d'un groupe de ménages
i.
Les effets distributifs (D)
Les effets distributifs résultent d'une variation
exogène d'une production sectorielle dx3
donnée. En supposant que la demande et donc la production de textile par
exemple
augmente d'une unité. Pour produire cette unité
supplémentaire, des consommations intermédiaires tels que le
tissu, les fibres et du carburant seraient nécessaires et qui à
leur tour engendreraient d'autres consommations intermédiaires pour
être produits. Les différentes étapes de demande en
consommations intermédiaires sont captées par la
matrice ( ) 1
I 33 C 33 -
- . De même, toute hausse d'une production sectorielle
nécessite
premièrement des inputs tels que la main d'oeuvre non
qualifiée, le capital et la terre. La demande de ces facteurs de
production est donnée par la matrice C13. En retour,
un
revenu supplémentaire sera distribué aux
différents groupes de ménages en fonction de leurs dotations
factorielles (en des facteurs utilisés dans le secteur du textile).
Cette transformation est représentée par la matrice
C21. Si la technologie de production de
textile existante utilise plus de main d'oeuvre non
qualifiée, alors les groupes socio- économiques tels que les
ménages ruraux sans terre et les ménages urbains peu instruits et
qui disposent suffisamment de dotations en ce facteur (main d'oeuvre non
qualifiée) en tireraient davantage profit.
Lorsqu'un facteur de production est beaucoup plus
détenu par un groupe de ménages composé en majorité
de pauvres et est intensément utilisé par une production
sectorielle donnée, l'effet distributif serait important.
Ensuite, des transferts de revenus s'opèrent aussi bien
à l'intérieur d'un même groupe qu'entres les
différents groupes socioéconomiques, et sont captés par
la
matrice( ) 1
I 22 C 22 -
- .
Ainsi, à partir des développements ci-dessus, les
effets distributifs totaux sont fournis
- 1 - 1
par la matrice ( ) ( )
D I 22 C 22 C
21 C 13 I 33 C
33
= - - .
Le graphique n°3 montre les différents
mécanismes à travers lesquels une injection exogène
dx3 affecte les trois comptes endogènes.
Graphique n° 3 : Les effets distributifs dans
le modèle des multiplicateurs fixes
( ) 1
I 33 C 33
-
(C 1 3)
dy3
dx3
dy1
( ) 1
I 22 C 22 C21
-
dy2
Source : Auteurs
D est le produit de trois composantes définies
par :
- ( ) 1
D 3 I 22 C 22 -
= - : effets de transferts. Elle représente les effets
distributifs
intragroupes des revenus des ménages.
- D2 = C21C 13 : effets
distributifs directs. Elle retrace les flux de revenus en direction des
groupes de ménages en provenance des facteurs
utilisés dans le processus de production, et détenus par ces
groupes.
- ( ) 1
D 1 I 33 C 33 -
= - : effets intersectoriels. Elle retrace les interrelations
Input-Output qui
surviennent dans le processus de production.
Les effets distributifs représentent l'effet initial de
la variation de la demande et donc de l'offre d'une production sectorielle
donnée sur les revenus des différents groupes
socio-économiques. L'ampleur des effets distributifs dépend
principalement de la fonction de production8 et des dotations
factorielles des ménages9.
8 Par exemple son intensité en main d'oeuvre,
combien de fois elle dépend des facteurs de production détenus
par les groupes de ménages.
9 L'importance de la main d'oeuvre non
qualifiée ou le volume des terres qu'ils détiennent.
Les effets d'interdépendance
(R)
Les effets d'interdépendance R sont les
multiplicateurs keynésiens des effets distributifs D,
corrigés par les propensions marginales de dépenses des
ménages
retracé par la matrice C32. En
d'autres termes, ( ) 1
R I 22 D C 32 -
= - ×
Pendant que les effets distributifs captent l'impact initial
de la variation d'une production sectorielle sur les revenus, les effets
d'interdépendance captent les effets de dépenses et «
redépenses10 ». Les revenus supplémentaires
reçus par les groupes de ménages sont, à leur tour
dépensés en bien de consommation alimentaires, d'habillement, et
autres produits. Pour satisfaire cette demande additionnelle, une offre
équivalente est nécessaire. Cette dernière engendre des
consommations intermédiaires mais également l'utilisation de
facteurs primaires (par exemple la main d'oeuvre non qualifiée) qui
génère finalement un accroissement indirect additionnel de
revenus pour les pauvres. Ces revenus supplémentaires leur permettent
d'augmenter leurs dépenses de consommation et le processus recommence.
Par conséquent, les effets d'interdépendance agrègent
l'impact du premier flux « revenus-dépenses » et des autres
flux successifs de même type. Les effets d'interdépendance
reflètent le degré d'intégration qui existe dans un
système socio-économique aussi bien du côté de
l'offre que de la demande.
En effet, du coté de la demande, plus les consommateurs
vont effectuer des dépenses en biens et services domestiques ou bien
plus diversifié est leur panier de consommation, plus les effets
d'interdépendance seraient importants. De même, du coté de
l'offre, plus les relations intersectorielles et les transferts au sein des
ménages sont intenses, plus les effets d'interdépendance seraient
importants.
Ces effets d'interdépendance sont équivalents
aux « Close-loop effects » identifiés par Pyatt & Round
(1979)11 dans leur méthodologie alternative de
décomposition des multiplicateurs.
10 Transferts d'un groupe de ménages reconduits
en dépenses par les groupes de ménages
bénéficiaires.
11 Pyatt G. Round J.I. (1979). Accounting and Fixed
Price Multipliers in a SAM Framework, Economic Journal, 89: 850-873.
Section 4 : Analyse de pauvreté à l'aide
d'un modèle de multiplicateurs fixes Paragraphe 1 : Les indices de
pauvreté utilisés dans l'analyse
Pour évaluer l'impact de la variation de la demande (et
donc de l'offre) dans un secteur de production sur la pauvreté, il est
nécessaire d'adopter une mesure de pauvreté appropriée,
l'approche adopté dans le présent contexte étant
l'approche de la pauvreté monétaire. Cette dernière
traduit une insuffisance de revenu nécessaire pour procurer à une
personne le minimum de consommation indispensable pour vivre.
Un indice de pauvreté doit permettre d'apprécier
la pauvreté et satisfaire un certain nombre de propriétés
fondamentales12. Parmi ces propriétés, deux retiennent
l'attention : l'axiome de mono tonicité et celui de transfert. Les
indices qui sont utilisés dans la présente étude sont ceux
de la famille P-alpha (Pá ) connus sous le nom
d'indices de la classe Foster-Greer-Thorbecke (FGT).
Ces indices (Pá ) possèdent
une propriété particulière qui est celle de la
décomposition. Une mesure P(y,z) est dite
décomposable si et seulement si pour toute partition de la
mn
distribution y en m groupes ( y
1 , y 2 , ... , y m ) , on a : ( )
( )
P y z P y z
, ,
, où niest
i
= ? i
i = 1
n
l'effectif du groupe i. Ainsi, pour des indices
décomposables, la pauvreté peut s'exprimer comme une moyenne
pondérée de pauvretés des sous-groupes.
La formule générale des indices
(Pá ) de la classe FGT est donnée par :
1 á
q y i
= ? -
P á où :
?
?
?= ?
n 1
i ? z
1 ?
n: nombre d'individus dans la population ; q
: nombre de pauvres dans la population ; z: seuil de pauvreté
;
yi: dépenses par tête dans le
groupe de ménages i ;
á: le paramètre qui mesure l'aversion pour
la pauvreté.
12 Voir annexe n°5 pour les axiomes d'une mesure
de pauvreté.
- Indice numérique
(P0 )
Il est obtenu pour á = 0 et s'écrit :
|
q
P 0 = . P0 exprime la proportion
d'individus
n
|
pauvres dans la population totale, une fois le seuil
pauvreté fixé. - Indice de profondeur de la
pauvreté
(P1)
q y
Il est obtenu pour á =1 et s'écrit : ?=
1 1
1 . P1 correspond en quelque sorte
à
?
i
P = ? -
? ?
n i ? z
1 ?
la distance moyenne qui sépare les individus de la
population des pauvres de la ligne de pauvreté ; la distance zéro
étant celle qui est attribuée aux non pauvres.
- Indice de sévérité de la
pauvreté (P2
)
2
q
Il est obtenu pour á = 2 et s'écrit :
i
2 1
= ? - y
P . Une fois que le nombre de
?
?
1 ?= ?
n i 1 ? z?
pauvres ainsi que leurs revenus moyens sont fixés, cet
indice P2 , est un meilleur indicateur de
l'inégalité entre les pauvres.
|