1.1. Etymologie évolution du terme
Tout d'abord, ce mot n'est pas nouveau, le Robert indique
qu'il s'agissait anciennement des bailliages de l'Artois et de la Flandre et
que, dans son acceptation moderne, la gouvernance désigne, au
Sénégal, l'ensemble des services administratifs d'une
Région et l'édifice où ils se trouvent. Pour le Webster's
New Universal Dictionnary, il s'agit à la fois de «la forme du
régime politique»; «du processus par lequel
l'autorité est exercée dans la gestion des ressources
économiques ou sociales »; ou « de la capacité des
gouvernements à concevoir, formuler et mettre en oeuvre des politiques
et, en général à assumer leurs fonctions
gouvernementales4 ».
Historiquement, la gouvernance est un mot français.
C'est un terme médiéval, dont la première occurrence
semble remonter au XIIe siècle avec un sens technique : la gouvernance
désignait la direction des bailliages. A partir du XIIIe siècle,
le sens retenu est plus large, et renvoie au fait de gouverner. La
métaphore qui sous-tend les termes de gouvernance comme de gouvernement
est celle du gouvernail d'un navire ; ils réfèrent tous deux
à « l'action de piloter quelque chose ». Au Moyen-Age, les
frontières linguistiques de l'Europe étaient poreuses :
l'Angleterre adapte alors le terme français à l'anglais, et
governance est ainsi utilisé outre Manche pour
caractériser le mode d'organisation du pouvoir féodal. On
retrouvait alors ce terme sous la plume de John Fortescue un légiste
anglais qui publia en 1471 «The Governance of England» (Marcou et
al., 1997).
La réflexion conceptuelle sur le pouvoir,
entamée avec l'émergence de l'Etat moderne à partir du
XVIe siècle, distingue de plus en plus les notions de
gouvernance et gouvernement. La gouvernance est reléguée au
second plan, tandis que s'élabore, notamment chez Machiavel et chez Jean
Bodin, la conception d'un Etat monopolisant l'intégralité d'un
pouvoir exercé sur une population circonscrite à un territoire
donné. Progressivement, la notion de gouvernement décrit ce
pouvoir stato-national et hiérarchisé, cet Etat qui se pense et
se veut comme une totalité. La gouvernance est marginalisée, et
le terme n'est plus guère employé que pour décrire la
science du gouvernement - c'est-à-dire la façon de prendre en
charge adéquatement la chose publique «indépendamment »
de la question du pouvoir. Deux paradigmes fondamentaux du débat
contemporain de la gouvernance se posent alors avec cette distinction entre
pouvoir, politique, et modes d'organisation sociale. Celui de la fin de
l'Histoire qui, de Hegel à Fukuyama, rêve d'une humanité
sortie de ses conflits et qui, apaisée, développerait un autre
mode d'organisation et d'administration des sociétés humaines. Et
celui du « bon gouvernement », qui plonge ses racines dans la grande
rupture de la modernité à la fin du
4 Webster's New Dictionnary; London, Dorset and
Barber, 1979.
Moyen-Age. Libéré de l'emprise du sacré
(de l'église), le pouvoir a désormais comme objectif
l'amélioration de la condition humaine. Dès lors, quel est le
meilleur pouvoir possible ? Deux ordres de réponses ont
été apportés à cette question : une réponse
démocratique qui, de Hobbes à Rousseau, fonde le pouvoir sur un
contrat social librement consenti par les peuples et une réponse
technocratique, particulièrement illustrée par le SaintSimonisme,
selon laquelle le bon gouvernement est exercé par ceux qui en ont la
connaissance.
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