II.6. Traitement des hypercalcémies
aiguës
Les indications du traitement dépendent essentiellement
du chiffre de la calcémie adaptée à l'albuminémie
et des symptômes associés. Pour une calcémie
supérieure à 3,5 mmol·L-1, le traitement doit
être agressif même s'il n'existe pas de signes cliniques car c'est
une urgence vitale. Quand la calcémie est comprise entre 3
et 3,5 mmol·L-1, le retentissement clinique
doit servir de guide pour la thérapeutique à employer. Si la
calcémie est inférieure à 3 mmol·L-1, le
traitement initial peut être réduit à la correction de la
déshydratation au traitement de la maladie causale.
Le traitement de l'hypercalcémie repose sur quatre
objectifs: la correction de la déshydratation, l'augmentation de
l'excrétion urinaire de calcium, l'inhibition de la résorption
osseuse et le traitement de l'étiologie. (Bilezikian ,
1992)
II.6.1. Correction de la
déshydratation
C'est une mesure générale à prendre
devant toutes les hypercalcémies (aiguës ou chroniques).
L'administration de sérum isotonique est la première étape
du traitement. La quantité nécessaire est basée sur la
sévérité de l'hypercalcémie, l'état de
déshydratation et la tolérance cardiaque de l'expansion
volémique ce qui aboutit en moyenne vers des apports de 2,5 à 4
L·j-1. La restauration de l'état volémique
entraîne une baisse de la calcémie par: dilution, augmentation de
la masse de calcium filtré par augmentation de la filtration
glomérulaire, diminution de la réabsorption de Na et Ca au niveau
du tube contourné proximal et augmentation de la diurèse et de la
calciurèse.
II.6.2. Augmentation de l'excrétion urinaire de
calcium
Après la réhydratation, les diurétiques
de l'anse peuvent être utilisés pour deux raisons. D'une part, ils
augmentent la calciurie en inhibant la réabsorption du calcium au niveau
de la branche ascendante de l'anse de Henlé, mais ceci doit être
précédé d'une expansion volémique. D'autre part,
ils protègent contre une surcharge hydrosodée chez les patients
insuffisants cardiaques. Les posologies de furosémide utilisées
peuvent entraîner une majoration des pertes urinaires nécessitant
une compensation hydroélectrolytique, d'où l'importance du
ionogramme urinaire au cours de la surveillance du traitement.
II.6.3. Inhibition de la résorption
osseuse
Le troisième axe du traitement est la correction de la
résorption osseuse. Il est recommandé d'introduire des
inhibiteurs des ostéoclastes, chez des patients dont la calcémie
dépasse 3.5 mmol·L-1 ou chez des patients symptomatiques
dont la calcémie reste supérieure à 3
mmol·L-1 après normalisation de leur volémie
Ces médicaments sont essentiellement regroupés en
trois familles: les biphosphonates, la calcitonine et la plicamycine.
II.6.3.1. Biphosphonates
Les biphosphonates possèdent une analogie structurelle
avec le pyrophosphate lequel est un produit naturel du métabolisme. Ces
produits ont une haute affinité pour l'hydroxyapathite osseuse. Cette
liaison inhibe la dissolution des cristaux minéraux par les enzymes
ostéoclastiques. Les propriétés communes des
biphosphonates sont leur effet inhibiteur sur la fonction des
ostéoclastes et aussi leur capacité à diminuer la
viabilité des ostéoclastes. Il existe 3 molécules
disponibles : l'étidronate, le pamidronate et le clodronate. Leur
absorption digestive étant inférieure à 10 %, leur
administration est intraveineuse. Leur durée d'action est très
variable d'un patient à l'autre, certains normalisent leur
calcémie pour plusieurs mois après une injection unique tandis
que d'autres ont besoin de plusieurs doses répétées pour
la stabiliser. Parmi les effets secondaires recensés, on retrouve une
fièvre modérée en relation avec une
sécrétion de cytokines à partir des ostéoclastes,
des monocytes et des macrophages. Sont notés par ailleurs une
hypocalcémie (10 %), une hypophosphatémie (10 à 30 %), une
hypomagnésémie (10 %) et une baisse transitoire des
lymphocytes
L'étidronate est un biphosphonate de première
génération, la dose recommandée est de 7,5
mg·kg-1 intraveineux sur 4 heures pendant 3 à 7 jours.
La calcémie commence à diminuer dans les 2 premiers jours et se
normalise dans 60 à 100 % des cas dans les sept premiers jours. Le
traitement peut être interrompu si la baisse de la calcémie est
supérieure à 0,5 à 0,75 mmol·L-1
après les 2 ou 3 premières doses ou si le niveau de la
calcémie est presque normal. La poursuite du traitement jusqu'à
la normalisation complète de la calcémie expose à une
hypocalcémie. L'action anti-
résorption osseuse est mise en évidence par la
chute de l'excrétion urinaire de calcium et de l'hydroxyprolinurie. Les
effets secondaires du traitement de courte durée sont très
faibles, on rapporte juste une élévation transitoire de la
créatininémie et de la phosphorémie.
Le clodronate a été un des premiers
biphosphonates à être utilisé dans l'hypercalcémie
néoplasique. Il peut être administré à la dose de 4
à 6 mg·kg-1 en IVL de 2 à 5 heures, pendant 3
à 5 jours ou en injection unique sur 2 à 9 heures. La
réponse au traitement survient durant les 2 premiers jours pour une
normalisation de la calcémie en 7 jours. Le clodronate, comme le
pamidronate, a la capacité de réduire la progression des
métastases et de prévenir l'hypercalcémie des patients
cancéreux
Le pamidronate a une action antirésorption osseuse plus
puissante que l'étinodrate. Trois protocoles d'administration ont
été utilisés: a) perfusion lente de 15 à 45
mg·j-1 pendant 6 jours; b) perfusion lente et unique de 90 mg ;
c) prise orale de 1 200 mg·j1 pendant cinq jours. La dose unique semble la
plus performante car elle normalise 70 à 100% des hypercalcémies.
Les effets secondaires sont limités à une fièvre jamais
supérieure à 39°C, à une leucopénie
transitoire et à une hypophosphorémie modérée.
Dans une étude comparant l'efficacité de ces 3
molécules, le pamidronate était le plus rapide à agir,
celui qui donnait la plus forte et la plus longue baisse de
l'hypercalcémie.Dans un autre essai thérapeutique pamidronate
versus étidronate, le pamidronate normalisait la
calcémie chez 70 % des patients alors que l'étinodrate ne la
corrigeait que chez 40 %.
II.6.3.2. Calcitonine
La calcitonine est une hormone naturelle qui inhibe la
résorption osseuse et augmente l'excrétion rénale de
calcium. La calcitonine utilisée provient du saumon, la dose
recommandée est de 2 à 8 UI·kg-1 toutes les 6
à 12 heures en intraveineux, en sous-cutanée ou en
intramusculaire. C'est la drogue qui agit le plus vite contre
l'hypercalcémie, la baisse de la calcémie s'observe dès
les premières heures de traitement grâce à la majoration de
l'excrétion urinaire. Les deux problèmes majeurs
de cette agent sont l'existence d'un phénomène
d'échappement après les 12 premières heures, malgré
la poursuite du traitement et sa faible efficacité (baisse de la
calcémie d'environ 0,5 mmol·L-1). La tolérance
est bonne, néanmoins des nausées, des crampes abdominales, des
bouffées vasomotrices ainsi que des réactions anaphylactiques ont
été décrites pour la calcitonine saumonée. La
calcitonine humaine est moins puissante que celle du saumon. La calcitonine a
sa place dans les hypercalcémies menaçant le pronostic vital car
son action est très rapide. En revanche dans ce cadre, il est
intéressant de faire une association avec les biphosphonates plus longs
à agir mais dont la durée d'action et la puissance lui sont
supérieures.
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