Théorie de la Reconstruction Rationnelle. Programmes de Recherche et Continuité en sciences( Télécharger le fichier original )par Julien NTENDO BIASALAMBELE SJ Faculté de Philosophie St Pierre Canisius, KInshasa - Licence en philosophie 2007 |
I.1.2. Le positivisme logique et le critère de significationLe positivisme logique est une école philosophique qui vit le jour au début du XXème siècle autour du Cercle de Vienne40(*). Celui-ci est un forum de discussions principalement scientifiques mais il porte un intérêt particulier aux questions philosophiques. Le courant prévaut d'un double héritage : celui de l'empirisme d' Ernst Mach et de la Logique. Le positivisme logique du Cercle de Vienne professe donc un empirisme logique dont Jean François Malherbe résume la thèse fondamentale en ces termes : « Il n'y a pas de jugement synthétique a priori possible. Les jugements a priori sont analytiques et s'expriment dans des tautologies de la logique formelle et des mathématiques, tandis que les jugements a posteriori sont synthétiques et s'expriment dans les énoncés empiriques de la science unifiée41(*) ». De cette thèse antikantienne découlent deux caractéristiques du positivisme logique. D'abord, l'affirmation qu'il n'y a de connaissance qu'extraite de l'expérience, c'est-à-dire de ce qui se donne immédiatement42(*). Dans une telle perspective, l'expérience est la seule source fiable pouvant garantir la validité des jugements synthétiques. Le positivisme logique se sert de la Logique pour distinguer les propositions douées de sens, c'est-à-dire scientifiques, de celles qui en sont dépourvues, qu'il nomme métaphysiques43(*). Par là les membres du Cercle de Vienne posent un nouveau critère de démarcation qui est l'exigence de vérification ou le critère de signification44(*). Ce critère suppose ensuite qu'un énoncé n'est significatif ou scientifique que s'il est vérifiable par l'expérience. La signification45(*) s'assimile à la méthode de vérification de l'énoncé, ce qui suppose une adéquation entre l'énoncé et le donné empirique. Ceci rappelle l'isomorphisme du `premier Wittgenstein' entre les structures logiques et les structures du monde. La base empirique de l'activité scientifique serait donc faite des énoncés protocolaires de la forme : « A tel moment, telle et telle place, dans telles et telles circonstances, tel et tel sera observé »46(*). La vérification d'un énoncé devient alors la réduction de cet énoncé au schéma d'un énoncé protocolaire. On voit ainsi, à travers la profession de l'empirisme et l'exigence de vérification de la signification des énoncés grâce à l'analyse logique, que le positivisme véhicule correctement l'idéal justificationniste d'une connaissance prouvée. Alain Boyer est d'ailleurs du même avis lorsqu'il affirme : « Cette idée simple de la « vérification » (...) avait été, dans les années 20, problématisée et érigée en dogme par les membres du Cercle de Vienne, en particulier par Schlick (...). Les empiristes prétendaient posséder un critère de signification implacable, et qui les rendait capables de décider du caractère scientifique (=doué de sens) ou métaphysique (=dénué de sens) d'un énoncé quelconque. (...) Le dogme s'exprime par la formule : « La signification d'un énoncé, c'est sa méthode de vérification » »47(*) La thèse justificationniste ou vérificationniste du Cercle de Vienne véhicule une logique inductive de la science. Cette thèse reçut de violentes critiques de Karl Popper. Celui-ci s'en prend à la méthode inductive, et par ricochet, ébranle le volet philosophique du justificationnisme. D'autres critiques soutiendront la thèse poppérienne afin de montrer que l'induction porte en elle-même les germes de sa propre destruction. * 40 Ce Cercle fut fondé par Moritz Schlick, un ancien élève de Max Planck. Il réunit des personnes de grande notoriété dont Gustave Bermann, Kurt Goëdel, Hans Hahn, Otto Neurath, Karl Menger, Victor Kraft, Herbert Feigl, Friedrich Waïsemann et Rudolf Carnap. A côté de ces membres permanents, le Cercle connaît l'estime de quelques amis dont Albert Einstein, Bertrand Russel, Karl Popper, Hans Reichenbach, Carl Hempel, etc. Cfr. MALHERBE, J. F., Epistémologies anglo-saxonnes, Paris, PUF, 1981, p. 47. * 41 Idem, p. 50. * 42 Idem, p. 50-51. * 43 Le critère de signification dans le positivisme logique visait également à éliminer la métaphysique comme science dans la mesure où métaphysique et philosophie n'offrent rien de vérifiable empiriquement. C'est ce que Popper dégage des aphorismes 5, 6.53, 6.54 du Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein. D'après l'auteur de Conjectures et réfutations, Wittgenstein était convaincu que les propositions philosophiques et métaphysiques sont des pseudo-propositions, dénuées de toute signification. Cfr. POPPER, K., Conjectures et réfutations, p. 39. * 44 Le Cercle de Vienne est très fortement influencé par le logicisme de Frege et de Russell ainsi que par l'analyse logique du monde de Ludwig Wittgenstein. * 45 Pour Wittgenstein, les propositions significatives sont fonction de la vérité des propositions élémentaires ou atomiques qui décrivent des faits atomiques. Ces faits sont en principe attestés par l'expérience ou par l'observation. * 46 MALHERBE, J. F., op. cit., p. 52. * 47 BOYER, A., Introduction à la lecture de Karl Popper, Paris, Presse de l'Ecole Normale Supérieure, 1994, p. 15. |
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