Théorie de la Reconstruction Rationnelle. Programmes de Recherche et Continuité en sciences( Télécharger le fichier original )par Julien NTENDO BIASALAMBELE SJ Faculté de Philosophie St Pierre Canisius, KInshasa - Licence en philosophie 2007 |
I.3.2.1.3. Critique du Falsificationnisme méthodologique naïf.Par le fait qu'elle accorde une place de choix aux décisions méthodologiques, cette variante du falsificationnisme court des risques très grands qui peuvent entacher la rationalité. Les décisions peuvent dramatiquement fausser la démarche. Le falsificationniste méthodologique se comporte alors comme un héros qui tend à choisir, entre deux maux, le moindre. Il verse alors dans le scepticisme qui lui ferait croire que tout marche bien. Il abandonnerait ainsi l'exigence de toute norme intellectuelle et l'idée même de progrès scientifique. La science devient alors un chaos, une véritable Tour de Babel84(*). Par conséquent, le falsificationnisme méthodologique court un grand danger d'irrationalisme : c'est le danger de toute critique du falsificationnisme dogmatique qui ne propose aucune solution de rechange. Tels furent les cas de O. Neurath et Hempel qui voient dans le falsificationnisme un pseudo-rationalisme, mais sans proposer quelque voie d'un rationalisme véritable.85(*) En plus, la fermeté du falsificationnisme méthodologique repose sur des décisions arbitraires. En cela, soutient notre auteur, il cautionne lentement mais sûrement le faillibilisme. Enfin, la décision portant sur la falsification des théories doublées d'une clause ceteris paribus est à la fois dangereuse et risquée. L'histoire réelle des sciences démontre que ces genres de cas ont été l'objet d'une certaine lenteur ou d'une précipitation irrationnelles86(*). Par ailleurs, les versions dogmatique et méthodologique naïve du falsificationnisme sont marquées par deux caractéristiques communes qui sont en parfait accord avec l'histoire effective des sciences. D'une part, « Une mise à l'épreuve est -ou doit être- un duel entre la théorie et l'expérimentation, de sorte que dans la confrontation finale, seuls ces deux adversaires s'affrontent87(*) » ; et d'autre part, « le résultat intéressant d'une telle confrontation est une falsification (décisive) : les « seules » découvertes authentiquement scientifiques sont des réfutations d'hypothèses scientifiques88(*) ». La dernière caractéristique est ce que la version méthodologique a en propre. En cela, face au falsificationnisme dogmatique et au conventionnalisme conservateur, la version méthodologique représente une avancée considérable. Pourtant, ces deux critères sont contredits par l'histoire des sciences qui suggère que, d'une part, la mise à l'épreuve soit de l'ordre d'un combat triangulaire (ou trivial) entre des théories rivales et l'expérimentation ; et que, d'autre part, quelques unes des expérimentations aboutissent, à une confirmation et non pas à une falsification. Voilà pourquoi il est impérieux de falsifier le falsificationnisme méthodologique naïf, en réduisant son élément conventionnel afin de sauver l'exigence d'une méthodologie et l'idée poppérienne du progrès scientifique. C'est ainsi que, au sein de la version méthodologique, Lakatos discerne une autre voie qui a échappé à Karl Popper lui-même, mais qui redonne au falsificationnisme sa raison d'être en tant que théorie de la rationalité. C'est la version sophistiquée du falsificationnisme méthodologique. * 84 Cfr. Idem, pp. 32-33. * 85 Cfr. Idem, p. 34. * 86 Cfr. Idem, p. 36. * 87 Ibidem. * 88 Ibidem. |
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