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Théorie de la Reconstruction Rationnelle. Programmes de Recherche et Continuité en sciences

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par Julien NTENDO BIASALAMBELE SJ
Faculté de Philosophie St Pierre Canisius, KInshasa - Licence en philosophie 2007
  

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0. INTRODUCTION

0.1. Problématique

Le vingtième siècle aura insufflé les germes de grands bouleversements au sein de la philosophie des sciences ainsi que dans la perception des perspectives épistémologiques. A la suite du dépassement de la mécanique newtonienne par la relativité, et des grandes révolutions qui s'en suivent, les philosophes des sciences s'intéressent de plus en plus à la définition d'un « nouvel esprit scientifique », capable de rendre compte aussi bien de la rationalité en science que de la complexification et de la mathématisation du réel.

Plus d'un s'investissent alors dans la clarification du concept même de science, déterminant par là les conditions, c'est-à-dire des critères de démarcation ou de définition de la science et des théories scientifiques. Ces critères tracent une frontière nette entre la science et la pseudoscience et déterminent les conditions de progrès des théories dites scientifiques et de rejet, hors la science, de celles qui ne répondent pas à ces critères. Cette entreprise reçut une large contribution des philosophes du Cercle de Vienne qui défendent un positivisme logique. D'autres comme Karl Popper, Thomas Kuhn, etc. marqueront d'une note spéciale ce siècle : ils sont les interlocuteurs directs et privilégiés d'Imre Lakatos.

Quels sont donc le problème et le projet de Lakatos ? Pour les préciser, évoquons les questions suivantes. Quelle est la spécificité de l'activité scientifique ? Comment peut-on rendre compte de la rationalité dans le contexte où d'aucuns situent l'essentiel de l'activité scientifique dans la naïveté de simples réfutations sans cohérence interne ? Comment défendre les idées de rationalité, de continuité, dès lors que d'autres les rejettent et versent dans l'irrationalisme, voire dans le scepticisme ?

Le problème d'Imre Lakatos est de rendre compte de la rationalité dans le développement des sciences. Aussi pose-t-il la thèse selon laquelle la science est une activité continue. L'idée de continuité dans les sciences suppose la permanence d'une structure normative à partir de laquelle l'historien des sciences peut, a posteriori, reconstruire la rationalité scientifique. Cette permanence est garantie par le noyau dur, la structure normative admise comme irréfutable, dans une histoire qui n'est plus celle de simples conjectures et réfutations, ni celle de paradigmes incommensurables. L'histoire de sciences est enfin, une histoire de programmes de recherche compétitifs et qui se dépassent dans un enveloppement dialectique.

L'idée de continuité est déjà présente chez Thomas Kuhn dans ce que ce dernier appelle « la science normale ». Lakatos se démarque pourtant du cadre socio-psychologique dans lequel Kuhn situe la normalité, pour rejoindre l'idée d'une logique propre à la découverte scientifique afin de mieux rendre compte de la rationalité. D'où cette affirmation :

« En sciences, l'attitude dogmatique qui expliquerait les périodes de stabilité a été décrite par Kuhn comme un des traits fondamentaux de la « science normale ». Mais le cadre conceptuel dans lequel Kuhn traite de la continuité en science est socio-psychologique : le mien est normatif. Je regarde la continuité en sciences sociales à travers des lunettes poppériennes. Quand Kuhn voit des « paradigmes », je vois aussi des `programmes de recherche' rationnels ». 1(*)

C'est dire que, là où Kuhn pense le progrès de la science comme irrationnel, du fait de l'incommensurabilité des paradigmes, Lakatos veut sauver la rationalité de la science, en associant, à la notion de continuité, l'exigence d'un cadre normatif d'évaluation telle que celle-ci fut proposée par Karl Popper. Le programme de recherche, peut-on dire, « peut être interprété comme une reconstruction du concept socio-psychologique de `paradigme' de Kuhn dans le Monde 3 de Popper »2(*), en tant que ce monde est celui de la connaissance objective.

Il faut également se garder d'une identification complète de Lakatos à son maître, Karl Popper. Bien qu'il retienne de son ancienne formation le cadre normatif garant de la continuité et de la rationalité, il veut garder sa distance d'avec Popper qui professe l'existence des expériences cruciales pouvant attester la rationalité des théories scientifiques. Lakatos rejette vigoureusement l'idée d'une rationalité immédiate, car la rationalité en science opère lentement. A vrai dire, rien ne permet d'éliminer un Programme de recherche qui dégénère ou dont le pouvoir heuristique s'affaiblit, car

« un nouveau programme de recherche, qui vient d'entrer dans la compétition, peut commencer par expliquer des `anciens faits', d'une manière inédite, mais un très long intervalle peut s'écouler avant qu'il soit considéré comme produisant des faits authentiquement inédits ». 3(*)

Vue de cette manière, l'évaluation devient une reconstruction rétrospective qui assouplit et libéralise les normes. Le critère poppérien de falsification, c'est-à-dire celui de conjectures et réfutations, devient caduc dans la mesure où les programmes de recherche restent compétitifs tant qu'ils peuvent être l'objet d'une reconstruction rationnelle.

Cette ferme exigence de reconstruction rationnelle en science se déploie, chez Imre Lakatos, en un double moment : d'abord en mathématiques, puis dans les sciences empiriques. Dans ces dernières, le contexte d'émergence de la pensée lakatosienne est celui où la communauté scientifique, consciente de la non adéquation des théories scientifiques à la réalité et de l'histoire de leurs éternelles remises en question, s'interroge de jure sur ce qui distinguerait la connaissance scientifique des autres types de connaissance. Karl Popper se démarque de l'idée que la connaissance prouvée ou probable est la science par excellence. Tirant les leçons de l'effondrement de la mécanique et de la théorie de la gravitation newtoniennes, Popper remplace la `'prouvabilité'' et la probabilité par la réfutabilité, comme critère de scientificité d'une théorie. Une théorie est dite scientifique si elle se prête à être réfutée par des données expérimentales. Une vraie activité scientifique procède, à son avis, par une série de conjectures et de réfutations. Car, commente Lakatos,

« la vertu ne consiste pas en l'attention mise à se garder des erreurs, mais en la détermination brutale avec laquelle on les élimine. Audace des conjectures d'une part, austérité des réfutations de l'autre : telle est sa recette. L'honnêteté intellectuelle ne consiste pas à essayer de se retrancher sur sa position ou de s'asseoir en la prouvant (ou en la probabilisant) ; elle consiste au contraire à spécifier avec précision dans quelles conditions on accepterait de l'abandonner »4(*).

Le scientifique adopte des hypothèses explicatives provisoires qu'il soumet au tribunal de l'expérience. Le contre-témoignage de l'expérience entraîne, selon Popper, l'abandon ou le rejet de la conjecture. Dans ce sens, l'activité scientifique constitue une révolution permanente ; elle consiste en une critique sans complaisance des théories scientifiques, dans une confrontation avec les énoncés empiriques ou factuels de base admis par la communauté scientifique. Dans une telle perspective, le progrès scientifique est rationnel et dépend de la logique interne de la découverte scientifique. Il peut, à ce titre, être l'objet d'une reconstruction rationnelle.

Cependant, la démarche poppérienne se heurte au démenti de l'histoire même de théories scientifiques qui, comme le souligne Thomas Lepeltier, ne prennent pas toujours en compte les démentis de l'expérience ; mais, très souvent, elles progressent, fortes de cette négligence5(*). La méthode de conjectures et réfutations ne résout donc pas le problème de la spécificité de l'activité scientifique, non seulement du fait du nombre élevé d'anomalies que les théories scientifiques rencontrent à leur début mais aussi en raison du danger de voir privées de toute scientificité, les théories même les plus respectables.

D'où l'affirmation, chez certains, de la thèse selon laquelle il n'existe, intrinsèquement, aucun critère fiable de démarcation entre la science et les autres modes de connaissance, et que par conséquent un primat de celle-là sur ceux-ci serait dénué de tout fondement épistémologique. N'est-ce pas là l'expression d'un scepticisme qui, en dernière analyse, aboutit à professer l'irrationalisme au sein de l'activité scientifique ? Ce fut l'entreprise de Thomas Kuhn qui s'intéresse à la « structure des révolutions scientifiques ». Rejetant l'idée que les sciences progressent par l'accumulation de vérités éternelles, Kuhn affirme :

« en science, le changement - d'un paradigme à un autre - est une conversion mystique qui n'est pas gouvernée par les lois de la raison et ne peut pas l'être et qui relève entièrement du domaine de la psychologie (sociale) de la découverte ». 6(*)

Le progrès scientifique serait donc irrationnel. La révolution étant chose exceptionnelle voire extra-scientifique, et la critique, anathème en « temps normal », le passage de la critique à l'engagement de la communauté scientifique marquerait pour ainsi dire le début de la croissance scientifique.

C'est contre les dérives de l'irrationalisme et l'aveuglement des successions, sans lien, des conjectures et réfutations que s'insurge Lakatos. Au coeur du débat Popper-Kuhn, Lakatos clarifie son projet, celui de dégager deux versions du falsificationnisme. Il signale que Kuhn n'en maîtrise qu'une seule, mais c'est par la deuxième que Popper peut être défendu des critiques de Kuhn. Notre auteur veut ainsi consolider la version forte de Popper et fonder sur elles, contre Kuhn, l'idée d'un progrès rationnel des sciences.

Il faut donc sauver l'idée d'une rationalité au coeur de l'activité scientifique. La relecture du falsificationnisme sert alors de tremplin : elle dégage deux formes du falsificationnisme. L'un, naïf ou dogmatique, identifie la réfutation au rejet des théories non corroborées. Cette variante du falsificationnisme repose sur le présupposé erroné de l'existence d'une frontière nette entre les propositions théoriques et les propositions factuelles. L'autre, dite méthodologique, reconnaît une large part de convention dans la détermination du critère de démarcation. La variante dite sophistiquée du falsificationnisme méthodologique a le mérite, d'abord de réduire la part du conventionnalisme, ensuite de distinguer rejet et réfutation, et d'évaluer non plus des théories isolées, mais des séries de théories en fonction de leur pouvoir de prédiction.

Il appert donc que l'activité scientifique ne se borne pas à poser des conjectures et à les réfuter par l'expérience ; elle consiste au contraire en programmes de recherche. A la lumière de la version sophistiquée du falsificationnisme, le problème en science devient celui de l'évaluation objective des théories, en termes de déplacements progressifs ou dégénératifs dans les séries de théories.

« les théories les plus importantes pour le développement des sciences se caractérisent par une certaine continuité qui relie leurs termes, et qui provient d'un authentique programme de recherche ébauché dès le début. Ce programme se compose des règles méthodologiques sur les voies de recherche à éviter (heuristique négative) ou à poursuivre (heuristique positive) » 7(*).

Ainsi se profilent les trois piliers de la rationalité : un noyau dur précisant le cadre conceptuel, un pouvoir heuristique, et une compétition sans fin, qui par là même détermine les conditions de leur progrès et de leur dégénérescence. Cette évaluation des théories repose alors sur un nouveau critère de démarcation, entre la science mature et la science immature. Une science mature devra être à la fois théoriquement et empiriquement progressive : elle devra, par rapport à celle qui dégénère, offrir un pouvoir heuristique plus fort, prédire des faits inédits que sa rivale ne prédit pas, et une partie de ces faits devra être corroborée par l'expérience8(*). Si la réfutation n'implique pas automatiquement le rejet des théories, la rationalité scientifique exige qu'on ne décrète aucune expérience immédiate comme cruciale, c'est-à-dire comme devant réfuter un programme de recherche. Aussi Lakatos s'insurge-t-il contre l'idée d'une rationalité immédiate. D'après le logicien Hongrois,

« L'idée d'une rationalité immédiate est utopique. Mais cette idée est la marque distinctive de la plupart des variétés d'épistémologie. (...) toutes ces théories de la rationalité immédiate, et du savoir immédiat ont échoué. (...) la rationalité opère beaucoup plus lentement que ne le pense la plupart des gens et que, même ainsi, elle est faillible »9(*).

Si tel est le cas, si aucune expérimentation ne peut servir de tribunal contre une théorie ni contre un programme de recherche, comment alors le chercheur choisirait-il entre plusieurs théories, hypothèses et programmes de recherche concurrents ? D'après Imre Lakatos, un programme reste concurrent tant que son noyau dur n'a pas dégénéré. Le scientifique continue à étayer son heuristique à l'aide des hypothèses auxiliaires jusqu'à ce que son noyau dur ne réponde plus aux conditions du progrès. Cependant, rien n'autorise à rejeter un programme de recherche qui dégénère :

« il serait inopportun (...) de laisser tomber un programme de recherche qui dégénère parce qu'il est empiriquement moins corroboré. Il faut lui laisser le temps de se développer et attendre que la postérité évalue l'intérêt heuristique d'un changement de programme de recherche10(*) ».

Chez Lakatos, La théorie de la reconstruction rationnelle est à même de rendre compte de l'histoire des sciences. L'historiographie des sciences distingue deux manières essentielles de faire l'histoire, soit en tant qu'internaliste, soit en tant qu'externaliste. La rationalité ainsi que l'exigence de continuité en science requiert une reconstruction purement internaliste. Sans récuser le rôle joué par les facteurs externalistes de la science, Lakatos centre la reconstruction rationnelle sur le cadre normatif propre à l'activité scientifique, en tant que ce cadre détermine le type de problème propre au chercheur. Le rôle central de ce cadre normatif démontre également l'autonomie de l'activité scientifique ainsi que la persistance des chercheurs à travailler sur un programme de recherche, même au coeur des anomalies, dans l'espoir qu'elle supplante ses rivales dans les jours à venir. C'est aussi cela la science. Le projet lakatosien s'inscrit donc dans le vaste projet d'une épistémologie structuraliste dans laquelle l'histoire sert de mémoire11(*) de la science et offre le cadre de la reconstruction. La rationalité, à ce titre, est toujours une rationalité reconstruite. Ce projet structuraliste fait de l'histoire de la science :

« l'historicité du discours scientifique, en tant que cette historicité représente l'effectuation d'un projet intérieurement normé, mais traversé par des accidents, retardé ou détourné par des obstacles, interrompu par des crises, c'est-à-dire des moments de jugement et de vérité12(*) ».

Ainsi se déploie la théorie de la rationalité selon Imre Lakatos. Mais, comme il est dit plus haut, cette unique intuition lakatosienne, l'idée d'une reconstruction de la rationalité fut avant tout l'objet de ses recherches mathématiques13(*) avant de s'étendre à la physique. Léon Brunschvicg rapporte que depuis Descartes et Leibniz, la physique est dans une large mesure une extension de la mathématique14(*). C'est ce que veulent insinuer les recherches de Matteo Motterlini, recherches qui concluent que la théorie de la reconstruction lakatosienne de la physique est une application de sa théorie de la reconstruction rationnelle des mathématiques. Ici et là, la théorie de la reconstruction qu'offre Lakatos vise à « sauvegarder l'emprise absolue du rationnel »15(*) là où d'aucuns entendent s'enfermer dans le dogmatisme de la preuve et de la démonstration, du vérificationnisme, de l'irrationnel et même du scepticisme. Dès lors, une théorie de la reconstruction rationnelle qui se veut complète ne laisserait jamais hors de son champ d'investigation la reconstruction lakatosienne de la rationalité mathématique. Voilà qui justifie, pour Lakatos, à certains moments, le passage obligé par les mathématiques en vue d'une saisie globale de la rationalité à la Lakatos.

C'est dans le sillage des critiques des formalismes16(*) et de la métamathématique qu'il s'agit de situer les travaux de Lakatos sur les mathématiques. Il prend pour cible principale une certaine conception statique et autoritaire des mathématiques17(*).

Comme le rapporte Motterlini :

«the standard view of mathematics, from Euclid onwards, but especially after the logicist revolution of the early twentieth century, is dominated by proof. It is formal proof that provides a mathematical result with reliability and rigour18(*)».

Depuis Euclide, les mathématiques se fondent essentiellement sur la notion de preuve ou de démonstration. La preuve mathématique étant la démonstration de la vérité d'un énoncé ou d'un théorème, est synonyme de la démonstration. Et les résultats mathématiques y trouvent leur garantie ainsi que leur certitude. Faut-il pourtant enfermer l'essentiel de l'activité mathématique dans le cercle clos des démonstrations et des formalismes ? Voilà ce qui préoccupe Imre Lakatos.

Loin de cautionner une telle tradition infallibiliste des mathématiques19(*), Imre Lakatos établit une distinction entre Vérité et Validité. Il brise pour ainsi dire le cercle clos des formalismes pour situer l'essentiel des mathématiques dans l'activité humaine, à savoir dans leur forme préaxiomatique. La preuve mathématique se construit socialement et elle a une histoire. A vrai dire, la logique de la découverte mathématique est une succession de conjectures, d'expérimentations et de réfutations20(*). Par là il veut mettre en évidence le rôle de l'erreur dans la rationalité mathématique.

Il entend, par ailleurs, remettre en doute le caractère définitif de la notion de preuve dans la rationalité mathématique. Aussi compare-t-il tour à tour deux types d'approche de la définition mathématique : une essentialiste et une autre nominaliste, et deux styles d'enseignement des mathématiques, à savoir le style déductiviste et le style heuristique.

Une telle entreprise est porteuse d'une richesse épistémologique indéniable. D'abord, les mathématiques sont formalisées sans pour autant être formelles ; la preuve ou la démonstration d'un théorème étant irréductible à un calcul, elle implique la connaissance, et par conséquent le sujet connaissant. L'analyse de la preuve passe par sa compréhension et fait intervenir des modèles de connaissance subjective, des conceptions individuelles. Les mathématiques sont alors une construction humaine historique : elles sont construites socialement et leur acquisition doit être contrôlée par les individus comme sens et non pas seulement comme langage. Ensuite, de ce qui précède, Lakatos en arrive à la conclusion selon laquelle :

« le savoir mathématique n'est pas tout entier enfermé dans les textes et les signes des théorèmes. Il est plutôt dans l'histoire des concepts, c'est-à-dire dans le cadre problématique de leur genèse, dans ce qui fait obstacle et ce qui a favorisé leur émergence21(*) ».

* 1 LAKATOS, I., Histoire et Méthodologie des sciences. Programmes de recherches et reconstructions rationnelles, PUF, Paris, 1994, p. 128.

* 2 Idem, p. 131, note 1.

* 3 Idem, p. 98.

* 4 LAKATOS, I., Histoire et Méthodologie des sciences. Programmes de recherche et reconstruction rationnelle, 1994, p. 2.

* 5 LEPELTIER, Th., `'A propos de Histoire et Méthodologie des sciences. Programmes de Recherche et reconstruction rationnelle d'Imre Lakatos'', Novembre 1999, in http://assoc.wanadoo.fr/revue.de.livres/

* 6 LAKATOS, I., op. cit., p 3.

* 7 LAKATOS, op.cit, p. 62.

* 8 Idem, p. 41.

* 9 Ibidem, p. 124.

* 10 LEPELTIER, Th., Op.cit., p. 7.

* 11 Cfr. CANGUILHEM, G., Etude d'histoire et de philosophie de sciences, 3ème édition, Vrin, Paris, 1975, p. 12.

* 12 Idem, p. 17.

* 13 Depuis les origines, la philosophie et les mathématiques entretiennent des rapports de proximité. Ayant peu à peu coupé le cordon ombilical qui les rattachait à la philosophie, les mathématiques ont affirmé leur autonomie en tant que domaine précis du savoir. Quoique le champ mathématique n'échappe pas totalement à l'investigation et à l'intrusion philosophiques, mathématiciens et philosophes ont ainsi cherché une systématisation propre de leur raisonnement afin d'aboutir à la vérité. Dans ce but, les mathématiciens ont tour à tour précisé leur objet, leur démarche ainsi que les outils de leur analyse ; l'entreprise connaît l'apport de personnes illustres (Pythagore, Euclide, Archimède, etc.) qui en déterminèrent les principales orientations. Plusieurs de leurs successeurs font appel à la logique afin d'asseoir le raisonnement mathématique

* 14 BRUNSCHVICG, L., Les étapes de la philosophie mathématique, 3ème édition, PUF, Paris, 1947, p. 240.

* 15 LAKATOS, I., Histoire et Méthodologie des sciences. Programmes de recherches et reconstructions rationnelles, PUF, Paris, 1994, p. viii.

* 16 Le XIXème siècle fut celui d'un grand effort de systématisation de la Logique, notamment avec les travaux sur les fondements des mathématiques. Hilbert et le courant logiciste tentèrent de reconstruire la géométrie euclidienne en un système formel. Ils formalisèrent, c'est-à-dire traduisirent les raisonnements mathématiques « dans un système de langages symboliques conventionnels et univoques, qui n'ont de compte à rendre qu'à leur exigence de rigueur et de cohérence »( MUTUNDA, M., Eléments de logique, 1ère Edition, Cerdaf, 2001, p. 49). Hilbert, Frege, Russel, et Whitehead prirent alors le soin d'affiner le calcul logico-mathématique en un système opérationnel doté d'un point de départ admis comme valide. Ils en précisèrent également les règles de formation, les règles de transformations, les définitions et un ensemble d'axiomes garantissant la démonstration mathématique. Fortes d'un langage formalisé, les mathématiques ont une prétention à la vérité, grâce à la cohérence de la démonstration. Les mathématiques sont donc essentiellement un édifice géant construit sur l'idée de preuve, véhiculée par celle de démonstration. Les gigantesques travaux sur les fondements des mathématiques et la tendance à élever les mathématiques au plus haut degré du savoir ne passent cependant pas inaperçus chez plusieurs philosophes et logiciens qui trouvent à redire sur les prétentions mathématiques. Ainsi, invitant la formalisation à la barre, G.F. Hegel s'attaquait déjà aux formalistes Euler, Lambert, à son maître Ploucquet (DUBARLE, D. ; DOZA, Logique et dialectique, Paris Larousse,...) , et même le projet leibnizien d'une caractéristique universelle univoque pouvant prévenir la logique contre les polysémies, les paradoxes et les abus du langage ordinaire. Gilbert Ryle à son tour, voit dans le formalisme mathématique un agrégat de « constructions sèches, figées, arides, d'accès difficile » (MUTUNDA, M., op. cit., p. 95); il prône simplement un retour au langage ordinaire.

Plus grave encore le formalisme de Hilbert, Frege, de Russel et de Whitehead se heurte à de nombreux paradoxes et à la question de la décidabilité. Qu'est-ce qui, dans un calcul logico-mathématique par exemple, nous garantit la validité du raisonnement ? Sur quelles bases fonder la légitimité d'une déduction et la consistance d'un système formel ? Comment rendre compte de l'appartenance d'un énoncé à un ensemble de formules vraies ou fausses ? La démonstration mathématique elle-même, est-elle aussi rigoureuse que le croient les mathématiciens ? Peut-elle rendre réellement compte de la vérité des théorèmes et axiomes qu'elle est destinée à prouver ou à justifier ? C'est dire, à la suite de Fermat, de Motowski, de Kleen, de Turing, de Curry, de Church, de Lovenheim, de Tarski, de Skolem, de Wang, de Post, etc... qu'il existe des problèmes indécidables en logique et en mathématique. Kurt Gödel ne démontre-t-il pas l'existence de questions insolubles - ou de limitations internes d'après Jean Ladrière - et de propositions indémontrables dans les mathématiques formalisées ? Par conséquent, Gödel ébranlela toute puissance des procédures de décision mathématiques, épurant ainsi la prétention des formalistes à une vérité absolue.

* 17 Cfr. MOTTERLINI, M.,  «'Reconstructing Lakatos: a reassessment of Lakatos' epistemological project in the light of the Lakatos Archive», in Studies in History and Philosophy of Science, London, 2002, p. 490.

* 18 Ibidem.

* 19 LAKATOS, I., Preuves et réfutations, p.

* 20 Cfr. MOTTERLINI., M., Idem, p. 491.

* 21 LAKATOS. I., Preuves et réfutations, p. xviii.

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