Le protocole de Kyoto et le développement durable: cas de l énergie nucléairepar tshitshi mbuyi Université de Kinshasa - Licence en droit 2005 |
INTRODUCTION GENERALEI. PROBLEMATIQUEL'existence de la civilisation moderne est liée à diverses sources d'énergie. D'une manière ou d'une autre, l'homme quotidiennement a besoin des combustibles fossiles, que ce soit pour nous rendre au travail, pour cuisiner, ou encore pour éclairer, chauffer ou climatiser sa maison. Or, l'utilisation des principales sources d'énergies est à la base du réchauffement de la planète. En effet, le climat terrestre est déterminé par un flux continu d'énergie qui nous parvient du soleil sous forme de lumière visible essentiellement. Environ 30% de cette énergie est renvoyée dans l'espace, tandis que la majorité des 70% restants traverse l'atmosphère et réchauffe la surface de la terre. Pour que ne se réchauffe pas trop la surface de la terre, cette énergie doit être renvoyée dans l'espace. Cependant, notre planète, qui est beaucoup plus froide que le soleil, n'émet pas d'énergie sous forme de lumière visible mais sous forme de rayonnement infrarouge (invisible). Ce rayonnement ne traverse pas directement l'atmosphère, il est absorbé par des gaz (comme la vapeur d'eau, le dioxyde de carbone, l'ozone, le méthane, l'oxyde nitreux et les hydrocarbures halogénés, plus d'autres gaz industriels) présents dans l'atmosphère. A l'exception des gaz naturels, tous ces gaz existent à l'état naturel et représentant un peu moins de 1% de l'atmosphère. Ce pourcentage peut paraître infine, mais il est suffisant pour produire un « effet de serre » naturel qui maintient la terre à une température supérieure à 30% environ qu'elle serait en leur absence(1(*)). Le problème vient du fait que les concentrations atmosphériques de tous les principaux gaz à effet de serre (à l'exception peut-être de la vapeur d'eau) augmentent sous l'effet direct des activités humaines. Les niveaux du dioxyde de carbone ont varié de moins de 10% au cours des 10.000 années qui ont précédé l'ère industrielle mais, depuis 1800 c'est-à-dire 200 ans, ils ont augmenté de plus de 30%(2(*)). Bien que la moitié des émissions de gaz carbonique (Co2) soit absorbée par les océans et la végétation, les niveaux atmosphériques continuent de progresser à raison de 10% tous les 20 ans. C'est ainsi que la hausse des concentrations de dioxyde de carbone (imputables essentiellement à la combustion des combustibles fossiles), de méthane et d'oxyde nitreux (agriculture et changements d'affectation des terres), d'ozone (gaz d'échappement et autres sources) et de gaz industriels à longue durée de vie (CFC, HCF et PFC) accentuent le phénomène par lequel l'atmosphère piège le rayonnement infra rouge émis par la surface de la terre(3(*)). Il en résulte une intensification de l'effet de serre qui provoque un réchauffement général de la surface de la terre et de la baisse atmosphérique qui à son tour, modifie le climat de la planète. Les changements climatiques provoqués par les activités humaines risquent d'avoir des effets indésirables sur l'habitat et l'économie de la quasi-totalité de la planète. Parmi les effets, on prévoit une augmentation des précipitations mondiales et une évolution de la gravité et/ou de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, les tempêtes (Katrina aux USA, ...) et les inondations. Les zones climatiques seraient remodelées, perturbant les forêts, les déserts, les zones climatiques ou de pature naturelle et tout autre écosystème non exploité ; ce qui pourrait provoquer le dépérissement ou le morcellement de ces systèmes et la disparition de certaines espèces. Au niveau mondial, la sécurité alimentaire ne devrait pas être menacée, bien que la production alimentaire puisse être localement menacée, provoquant ainsi pénuries et famines. Les modifications des régimes d'évaporation et de précipitations dans le monde se répercuteront sur les ressources en eau. Les activités économiques, la santé et les établissements humains subiront des multiples conséquences directes et indirectes de ce réchauffement. Les pauvres et les plus démunis sont aussi les plus exposés aux effets des changements climatiques. De plus, les populations vivant dans des régions arides ou semi-arides, des zones côtières de faible élévation, des zones sujettes aux inondations ou des petites îles, sont particulièrement exposées. L'augmentation de la densité des populations dans de nombreuses parties du monde a rendu certaines zones sensibles plus vulnérables à des risques comme les sécheresses en dépit des tempêtes et inondations(4(*)). Les événements récents et douloureux qui ont eu lieu aux Etats-Unis d'Amérique (USA) causant plusieurs dégâts matériels estimés à plus de cent milliards de dollars et notamment plusieurs pertes en vies humaines(5(*)). C'est dans ce contexte qu'a été adoptée à New York le 09 mai 1992, la convention-cadre sur les changements climatiques au terme de deux ans environ de négociations et qui est entrée en vigueur le 21 mars 1994(6(*)). Cette convention a été ratifiée par près de 180 pays conscients de la nécessité de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère terrestre. Un protocole à cette convention, dit protocole de Kyoto a été adopté par consensus à la troisième session de la conférence des parties (CoP3) en décembre 1997. Il est entré en vigueur le 16 février 2005. Il a pour objectifs d'élaborer les normes juridiques contraignantes pour les parties visées à l'annexe I, qui collectivement doivent réduire leurs émissions de six gaz à effet de serre d'au moins 5,2% avant la fin de la période de 2008-2012 (période d'engagement). Les réductions des émissions opérées pour chaque gaz sont traduites en « équivalents Co2 » qui sont additionnées pour donner un seul chiffre. Le protocole n'établit pas d'objectifs de réduction d'émissions pour les pays hors annexe I, pour la plupart des pays en développement, qui ont des obligations moins lourdes étant donné qu'ils sont économiquement moins avancés et qu'ils ont, à ce jour, émis moins de gaz à effet de serre (bien que les émissions totales de ce groupe augmentent aujourd'hui plus vite que celles des parties visées à l'annexe 1)(7(*)). Il existe de multiples moyens de limiter les émissions de gaz à effet de serre à court et à moyen terme. Les décideurs peuvent favoriser l'efficacité énergétique ainsi que d'autres moyens, mesures en faveur du climat, tant au niveau de la production d'énergie que de sa consommation, à titre d'exemple en créant un cadre économique et juridique qui réponde aux besoins des consommateurs et des investisseurs. Ce cadre doit être de nature à favoriser des initiatives rentables, l'utilisation des meilleures technologies actuelles et futures et le choix de stratégies sans regret. C'est dans cet ordre d'idée qu'est née à la fin des années 1980, le concept du développement durable, qui a été défini dans le rapport BRUNDTLAND comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »(8(*)). Dans son sens le plus large, le développement durable prône l'équité entre citoyens d'un même pays, entre pays et entre générations et englobe en outre la croissance économique, la protection de l'environnement et le bien être social. Trouver des politiques permettant efficacement de contrer le changement climatique fait parti des défis à relever pour assurer un développement durable. L'énergie nucléaire ne produit pas de carbone et contribue à réduire les émissions anthropiques de gaz à effet de serre qui sont responsables du réchauffement climatique de la planète ainsi que de la pollution atmosphérique au niveau local. Même si l'on a le choix entre plusieurs solutions techniques et mesures gouvernementales pour atténuer les risques d'un changement climatique planétaire, la stabilisation de la teneur en dioxyde de carbone de l'air nécessitera probablement des politiques d'envergure mettant à contribution tout un éventail de technologie et d'instruments économiques et réglementaires. L'intégration de l'option nucléaire dans l'ensemble des outils destinés à régler les problèmes du changement climatique est donc conforme aux principes de précautions et aux objectifs de développement durable. Les centrales nucléaires produisent près du quart de l'électricité consommée dans les pays membres de l'organisation de coopération et de développements économiques (O.C.D.E) et sont arrivées, après plusieurs décennies d'expériences, à la maturité commerciale. Quelques 350 tranches nucléaires sont connectées au réseau dans les pays de l'O.C.D.E, et sur ce nombre, la plupart resteront en service plus de 10 ans encore. A moyen terme, la demande d'énergie s'accroîtra principalement dans les pays non membres où ces projets nucléaires verront aussi de plus en plus le jour. A la sixième session de la conférence des parties, lors de l'examen de l'article 12 du protocole de Kyoto les parties sont convenues « de reconnaître que les parties visées à l'annexe I doivent s'abstenir d'utiliser les unités de réduction certifiée des émissions générées par des installations nucléaires pour remplir leurs engagements au titre du paragraphe 1 de l'article 3 » c'est-à-dire que le protocole de Kyoto n'exclue pas les projets nucléaires du mécanisme pour le développement propre (M.D.P). Il prévoit pourtant que les parties de l'annexe I se doivent de s'abstenir d'utiliser les unités de réduction certifiée des émissions (URCE) générées par de tels projets pour respecter leurs engagements. La lutte contre le changement climatique va être une des questions politiques structurantes de ce siècle nouveau. D'elle va largement dépendre l'équilibre des relations internationales. Cela étant, tout mécanisme tendant à réduire le réchauffement de la planète ne sera-t-il pas matière à réflexion ? Dans la présente étude, nous nous proposons d'examiner la possibilité qu'a l'énergie nucléaire de lutter contre les changements climatiques, mieux à évaluer dans quelle mesure l'énergie nucléaire est compatible avec les objectifs du développement durable et comment elle peut contribuer à mieux les atteindre. * 1 PNUE et UNFCCC ; Changements climatiques, fiches informatives, publiée par le PNUE et la UNFCCC, France, septembre, 2002, p.2. * 2 I PNUE et UNFCCC, Op.cit, p.3. * 3 Idem, p.1. * 4 PNUE et UNFCCC ; op.cit, p.9. * 5 Les conséquences des changements in, www.tv5.org, * 6 Convention cadre sur le changement climatique (Cfr. Portail Francophone), in www.unfccc.inf, consulté le 20 mars 2005. * 7 Textes officiels de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le protocole de Kyoto et les accords de Born et Marrakech, in http://unfccc.int * 8 Notre avenir à tous, la commission mondiale sur l'environnement et le développement, Editions du FLEUVE, Publications du Québec, p.5, in http://www.a.ora2I.org/dd/rapport-brimdtlandhtml |
|