UNIVERSITE CATHOLIQUE DE
LOUVAIN
Faculté des Sciences Économiques, Sociales et
Politiques
Institut des Sciences du Travail
EVALUATION DE L'IMPACT PSYCHOLOGIQUE DE LA MISE EN PLACE
D'UN SYSTEME D'ASSURANCE QUALITE (ISO9001) SUR LES TRAVAILLEURS D'UNE
PME.
Directeur : T. PERILLEUX
Rapporteur(s) : C. MAROY
B. FUSULIER
Travail de fin d'études présenté en vue de
l'obtention du grade de
Licencié en sciences du travail
Par
Eric TRILLET
Session d'examens de juin 2007
Table des matières :
1 Avant-propos
4
2 Introduction
5
3 Première
partie : Cadre théorique
6
3.1 L'organisation
6
3.1.1 Approche rationnelle
6
3.1.2 Approche fonctionnaliste
8
3.1.3 Approche stratégique
9
3.1.4 Approche contingente
11
3.1.4.1 Les « structures
organisationnelles »
11
3.1.4.2 Les « modèles de
gestion des ressources humaines »
13
3.1.5 Conclusion
14
3.2 Le concept de norme
15
3.2.1 Définition
15
3.2.1.1 La norme industrielle
15
3.2.1.2 La normalisation
16
3.2.2 Les mutations du rapport à la
norme
16
3.2.3 La métamorphose de la norme
dans l'entreprise
17
3.2.4 Conclusion
18
3.3 Le concept de contrôle
19
3.3.1 Définition
19
3.3.1.1 Le contrôle
19
3.3.1.2 Les règles
20
3.3.1.3 Le pouvoir
21
3.3.2 Le contrôle taylorien
21
3.3.3 La mutation de la forme de
contrôle
23
3.3.4 Le modèle de contrôle et
l'individualisme
24
3.3.5 Conclusion
25
3.4 La norme d'assurance qualité (ISO
9001)
26
3.4.1 Historique et
définition
26
3.4.2 Qualité, contrôle
qualité et assurance qualité
27
3.4.3 Le contrôle et la norme ISO
9001
28
3.4.4 L'ambiguïté de la norme
ISO 9001
30
3.4.4.1 Mise en place du système
qualité (certification)
32
3.4.4.2 Maintien du système
qualité (maturité)
33
3.4.5 Conclusion
34
3.5 Axe de travail
35
3.5.1 Les questions de recherche
35
3.5.2 Les hypothèses de travail
37
4 Deuxième
partie : Approche empirique
38
4.1 Méthodologie
38
4.1.1 La démarche de sélection
de l'échantillon
38
4.1.2 Le choix des entreprises
38
4.1.3 Le choix des travailleurs
39
4.1.4 L'échantillon
39
4.1.5 Les interviews
41
4.1.6 Conclusion
42
4.2 Analyse
43
4.2.1 L'entreprise comme facteur de
contingence
43
4.2.1.1 L'entreprise A
44
4.2.1.2 L'entreprise B
47
4.2.1.3 L'entreprise C
50
4.2.1.4 L'entreprise D
52
4.2.1.5 Conclusion :
54
4.2.2 Le regard des différentes
fonctions
55
4.2.2.1 Les responsables
55
4.2.2.2 Les employés et les
techniciens
56
4.2.2.3 Les ouvriers
57
4.2.2.4 La recherche et le
développement
57
4.2.2.5 Conclusion :
58
5 Conclusion
générale
60
5.1 Analyse des hypothèses
60
5.2 Réflexions et pistes de
réflexions
62
6 Bibliographie
64
1 Avant-propos
Remerciements :
Tout d' abord, je tiens à remercier chaleureusement
ma petite famille, mon épouse et ma fille, pour leur soutien et leur
compréhension.
Merci également à nos parents pour leurs
encouragements et leur aide précieuse.
Je tiens également à remercier Mr Verbinnen
(VDIC sprl), Mr Châlon (Forem), Mme Rossignol (Interface Qualité
asbl) et Véronique pour leur gentille contribution.
Merci à l'ensemble des participants interviewés
pour leur accueil chaleureux et leur gentillesse.
Merci à mon promoteur pour cette passionnante approche
qu'est la psychosociologie. Ce travail m'aura permis de renouer avec un
épisode enrichissant de ma carrière sous un angle
différent, un angle humain.
Pour un travailleur - étudiant à l'IST, ces
études modifient radicalement notre regard sur le monde du travail.
Puissent ces connaissances nous permettre d'aborder cette activité
parfois déshumanisée et vidée de son sens initial
(« on ne parle même plus de produit mais de flux
financiers ») avec plus de sérénité.
Ce travail aura, au-delà de la difficulté qu'il
représente, été une source réelle de satisfaction
et de plaisir.
« Nous ne pouvons résoudre les problèmes
difficiles que
nous rencontrons en demeurant au niveau de réflexions
où nous nous trouvions lorsque nous les avons
créées. »
Albert Einstein.
2
Introduction
Je suis particulièrement sensible aux implications
induites par la mise en place d'un système d'assurance qualité
dans la mesure où j'ai pu exercer durant deux années la fonction
de responsable adjoint en assurance qualité dans une PME. Mes
études m'ont permis de percevoir les différentes facettes du
travail qui ont contribué tant au succès qu'aux
difficultés de cette entreprise.
Les travailleurs vivent-ils passivement ce changement pourtant
majeur de l'entreprise ? On peut difficilement penser que oui. En effet,
ce processus de recherche qualité touche profondément chaque
membre de l'entreprise.
L'ISO1(*)
peut-il constituer une anecdote structurelle, une modification du paysage que
constitue le contexte de travail sans répercussion sur les
individus ? Ou au contraire cette surcharge de travail et ce changement
(procéduralisation, responsabilisation) s'annoncent-ils comme les
prémices d'une transformation fondamentale au sein de
l'organisation ?
Le choix de la norme ISO 9001 n'est pas anodin. D'une part,
j'ai une certaine connaissance de cette norme en ayant participé
à la certification d'une entreprise selon ce référentiel.
D'autre part, cette norme apparaît comme la plus contraignante de la
série ISO (version 1994) et se trouve également être une
obligation pour certaines entreprises afin de rester sur le marché.
Nos hypothèses de départ seront les
suivantes :
o Le système de gestion de la qualité
répondant à la norme ISO 9001 impose une formalisation du travail
ayant un impact psychologique comparable au taylorisme sur les travailleurs.
o Le système de gestion de la qualité
répondant à la norme ISO 9001 impose la traçabilité
des produits. Cette traçabilité repose sur des enregistrements
réalisés par des mesurages à chaque étape de la
production. Ce système peut être ressenti par les
opérateurs comme un outil d'évaluation de leurs performances
individuelles.
Au-delà de cette question
« locale » de la certification en entreprise, la question
peut être déplacée au rapport à la norme et à
l'autorité. L'ambiguïté de la norme ISO 9001 peut en effet
s'analyser comme le résultat de la mutation du rapport à la norme
sociale.
Mon mémoire s'appuiera dans un premier temps sur une
étude théorique de l'organisation et du rapport à la
norme. Une seconde étape consistera en une étude pratique
basée sur des interviews semi directives de travailleurs soumis à
la norme ISO 9001.
3
Première partie : Cadre théorique
3.1 L'organisation
Afin de comprendre l'impact que peut avoir l'application d'une
norme telle que l'ISO 9001 sur les travailleurs d'une organisation, il
apparaît nécessaire de développer quelque peu le contexte
dans lequel se déroulera l'analyse, à savoir,
«l'organisation » elle-même et les changements structurels
qu'elle va subir.
Le terme organisation est vaste. Dans ce travail nous nous
intéresserons en particulier aux PME du secteur marchand, à
savoir aux entreprises comptant entre 10 et 250 salariés.
Il aurait été possible de définir plus
précisément ce qu'est une PME. Toutefois ceci ne nous
apparaît pas relevant dans ce travail et en pratique nous
ramènerons donc l'idée de PME à une unité technique
d'exploitation de taille réduite.
Nous verrons plus loin dans ce mémoire comment les
entreprises ont été sélectionnées (4.1
Méthodologie).
D'une manière générale les organisations
peuvent se définir comme « des structures sociales
créées par les individus pour accomplir de façon
collective certains buts. (Scott, 1987, p9)».2(*)
Ce chapitre brossera les différentes approches des
organisations en essayant de positionner la PME dans les différents
modèles et d'expliquer l'impact potentiel de la mise en place du
référentiel ISO 9001.
3.1.1 Approche rationnelle
L'approche classique de l'organisation repose sur une
recherche d'efficacité.
Le modèle le plus représentatif de cette
approche est le taylorisme (« l'organisation scientifique du
travail ») (F.W. Taylor ~ 1900).
Le taylorisme est un mouvement de rationalisation industrielle
initié par F. W. Taylor fin du XIX° siècle aux Etats Unis.
Ce mouvement fait de l'organisation et du management des disciplines
scientifiques. Son but est d'atteindre l'efficacité économique
optimale en augmentant la « productivité
débit » des facteurs travail et machine. L'individu y est
considéré comme isolé et essentiellement motivé par
l'argent.
Le principe repose sur l'observation
« scientifique » (analyse minutieuse et
chronométrage) de la production afin de décomposer les
tâches complexes en opérations simples, descriptibles,
impersonnelles. Ces opérations ne nécessitant pas, ou très
peu, de connaissances professionnelles sont alors prescrites et leur
exécution contrôlée. La division du travail entre
conception (bureau des méthodes) et exécution y est radicale.
Cette méthode a permis aux ateliers d'être
organisés pour une moindre fatigue des ouvriers. L'efficacité
étant corrélative à l'intensité du travail
individuel, le salaire était lié au rendement.
Il faut remarquer qu'aujourd'hui le taylorisme n'a pas tout
à fait disparu. Comme nous en discuterons plus loin au point 3.3.2 (Le
contrôle taylorien), il a dû s'adapter, mais on parle bien de nos
jours de post-taylorisme, de néo-taylorisme, ou encore de taylorisme
participatif. Aussi faut-il veiller à ne pas assimiler le taylorisme aux
excès qu'il a engendré au cours de la crise de la fin des
années 30.
Bien que le taylorisme, suivi du fordisme et son travail
à la chaîne, n'aient concerné à l'origine que les
productions de masse, ces principes peuvent certainement s'appliquer au niveau
des PME.
On peut supposer qu'une nuance pourrait être faite en
fonction du domaine d'activité. En effet, si cela semble difficilement
transposable à une « spin-off » universitaire dans
un domaine de hautes technologies, on peut sans difficulté imaginer ce
mode d'organisation dans une entreprise dont le processus de production est
élémentaire. On peut donc émettre l'hypothèse qu'il
existe un lien entre la propension au taylorisme et le niveau de qualification
des opérateurs (plus ils sont qualifiés, plus ils sont
autonomes).
Si l'approche rationnelle (taylorisme) a été
dénoncée pour son manque d'efficacité et le
problème « humain » qu'elle engendre, sa
prétention scientifique légitimante, rationalisante, reste
malgré tout séduisante. Aussi est-il tentant de vouloir faire la
comparaison avec les systèmes de management de la qualité tels
que l'ISO 9001 qui présente manifestement des points communs :
o une démarche analytique légitimée par
une « parole scientifique »,
o un impératif de régulation formelle qui fait
place à un contrôle de la part de la ligne hiérarchique,
o une sélection objective des travailleurs.
Cependant le taylorisme et l'ISO 9001 présentent
également d'importantes divergences :
o Le but diffère. Le taylorisme vise l'efficience
tandis que la norme ISO 9001 vise la maîtrise (constance) de la
qualité des produits. La maîtrise des processus passe ainsi du
contrôle des individus au contrôle des produits et des
processus.
o A l'exception de l'indépendance des auditeurs, la
norme ISO 9001 interdit la séparation entre conception et
exécution. De plus, même si elle n'est pas prescrite par la norme,
les travailleurs sont idéalement invités à participer
à l'écriture des procédures. L'ISO 9001 n'obéit pas
à une logique d'isolation, de dépossession des travailleurs et
laisse place à leur autonomie, leur esprit critique.
o Le système qualité ISO 9001 est un
système vivant, évolutif, adaptable. Les opérateurs
doivent éviter de suivre des règles inefficaces, mais doivent
alors contribuer à leur révision.
o La norme ISO 9001 ne prescrit aucune configuration
précise en matière d'autorité.
o L'ISO 9001 ne lie pas la rémunération à
la performance.
« En résumé, la norme ISO
90003(*), en regard
des principes qu'elle prône, montre une position ambiguë par rapport
au taylorisme. Tout en permettant aux utilisateurs de la norme de rompre avec
certains principes clefs du taylorisme, il ne peut être conclu, d'autre
part, qu'elle exige de façon claire et nette ces ruptures. Elle peut
même, par l'effet « pervers » de son obligation de
régulation formelle, induire l'application des principes
tayloriens ».4(*)
3.1.2 Approche fonctionnaliste
C'est en réaction à l'approche rationnelle
classique que différentes alternatives se développent pour
dénoncer entre autres l'absurdité de la « one best
way » ou l'idée d'une motivation quasi exclusivement
financière des individus.5(*)
Le « Groupe de Harvard » redéfinit
l'entreprise comme un système social, coopératif, en relation
avec son environnement et devant assurer l'équilibre entre une fonction
externe économique et interne de satisfaction de ses membres afin de
survivre.
Elle est ainsi composée d'une structure technique et
d'une structure sociale à deux composantes interdépendantes
: une organisation formelle répondant à une logique
d'efficacité (ce qui est attendu, formalisé) et une organisation
informelle renvoyant aux valeurs et aux relations (ce qui existe, les
sentiments).
Le courant des « relations humaines » va
ainsi s'intéresser particulièrement à l'organisation
informelle sans remettre en question l'organisation formelle.
Si les PME sont moins susceptibles d'avoir au préalable
un fort degré de formalisation (voir 3.1.4 Approche Contingente),
l'informel est présent dans toutes les activités, dans toutes les
entreprises. C'est en effet une part irréductible du travail
apparaissant d'ailleurs comme nécessaire pour l'équilibre
psychoaffectif des travailleurs. Le simple fait de vouloir tout décrire
apparaît comme une utopie car même si une grande quantité
d'aspects contingents pouvaient être anticipés, à condition
d'accepter le coût que cela représenterait, il n'en resterait pas
moins qu'il est impossible de tout prévoir, tout maîtriser
à l'avance.
L'ISO 9001 porte sur la formalisation non seulement de
l'organisation formelle (formalisation de la structure hiérarchique et
de l'ensemble des processus productifs), mais également de
l'organisation informelle (formalisation des relations, ce qui échappait
jusque là aux règles : « écrire ce que
l'on fait »). Tout comme ce mouvement, la norme ISO 9001 peut
apparaître comme une forme de reconnaissance de l'existence et de
l'importance de l'informel, comme une valorisation du travail réel des
opérateurs par l'écriture de leurs activités. A ce niveau,
l'implication des opérateurs dans l'écriture des
procédures en constitue sans doute une preuve.
3.1.3 Approche stratégique
Si dans la vision classique il s'agit de définir le
moyen de diviser le travail et ensuite d'assurer la coordination des individus,
dans la vision stratégique (Crozier et Friedberg), l'organisation sera
plutôt considérée comme un problème de
coopération d'acteurs autonomes dont les objectifs peuvent diverger.
Toute modification de l'organisation peut ainsi donner lieu à des
comportements politiques de la part des acteurs.
On peut postuler que de par leur taille, les PME ont des
structures plus souples et des procédures de gestion moins formelles que
les grandes entreprises (voir approche contingente). Que ce soit dans la
maîtrise des ressources ou la mobilité fonctionnelle
(organigramme), cette absence de procédures et le caractère
arbitraire de la gestion des ressources humaines (GRH) pourraient faciliter les
jeux stratégiques des acteurs. Il apparaît en effet plus facile de
gravir les échelons dans une PME que dans une grosse entreprise,
à tout le moins en l'absence de participation à des concours de
promotion n'ayant parfois strictement rien à voir avec les besoins et
les buts de l'entreprise.
La mise en place d'un système d'assurance
qualité ouvre en ce sens des perspectives sur de nouveaux postes pouvant
être distribués sur le marché interne.6(*) C'est « le bon
moment pour se poser la question de l'organisation et du partage des
tâches en fonction des compétences ».7(*) Des rédacteurs de
procédures sont désignés ainsi que des auditeurs internes
et un responsable en assurance qualité. Tout le monde dans
l'organisation va être impliqué dans le processus de certification
et de maintien du niveau de la qualité.
Si ceci peut paraître une opportunité pour les
opérateurs, dans la pratique certaines personnes peuvent être
tentées de détourner le système pour mettre en place des
procédures les rendant incontournables, indispensables.8(*) Il faut malgré tout
rester conscient de ce que ces possibilités restent limitées. La
responsabilisation des travailleurs est cantonnée au cadre de
l'assurance qualité, outil du management.9(*)
Si on analyse l'enjeu stratégique comme la
possibilité d'acquérir du pouvoir, c'est-à-dire la
capacité d'influencer les autres ou de ménager sa marge
d'autonomie, il est intéressant de constater que dans ce contexte des
sources de pouvoir sont en fait mises à la disposition des
travailleurs.
Nous pouvons présenter comme suit les sources de
pouvoir présentées par Crozier et Friedberg :
o La connaissance des règles.
o La connaissance de la norme ISO 9001 est une source de
pouvoir juridique, réglementaire par rapport à
l'extérieur.
o La connaissance des procédures, correspondant aux
règles pratiques de la production, est une source de pouvoir interne.
o Le contact avec l'environnement.
o Les postes clés (responsables AQ, auditeurs...)
entretiennent des relations privilégiées avec l'extérieur
(organisme de certification).
o La maîtrise de l'information.
o L'ISO 9001 met en place un nouveau système de
communication. En effet par la rédaction des procédures et les
réunions qualité, assurant ainsi le lien entre les services pour
assurer la traçabilité et le suivi des problèmes.
o L'expertise.
o Les postes clés inédits garantissent un statut
d'expert à ceux qui les occupent. De plus la connaissance et
maîtrise des processus de production (et de gestion dans son ensemble) de
l'entreprise donne un niveau d'expertise supérieur, une vision globale
de l'activité. habituellement réservée à la
direction.10(*)
L'exercice d'un contrôle sur les activités de ses
collègues (constat des non-conformités, écarts aux
règles) est une forme d'exercice d'un pouvoir. Toutefois cette situation
est ambiguë. Cette problématique est bien connue des responsables
qualité. Il s'agit d'effectuer des contrôles sans être
investi d'une autorité légitime. En effet, rien dans la norme ne
prescrit les relations de pouvoir dans l'entreprise. Les acteurs qualité
ont un rôle de conseiller au nom de la direction qui les soutient plus ou
moins dans leur mission. L'autorité provient d'une part de la
nécessité du marché, d'autre part de
l'intériorisation de la culture qualité dans laquelle chacun peut
s'y retrouver par son message positif.11(*)
L'application des règles influence directement le
processus de production. « ...Les contrôles qualités
des matières première peuvent bloquer la fabrication ou la
livraison des produits ».12(*) Ceci constitue une maîtrise d'une zone
d'incertitude primordiale pour l'entreprise. La certification elle-même
s'avère dans certains cas une zone d'incertitude vitale pour
l'entreprise.
Les jeux et marges de manoeuvre des différents acteurs
sont à éclairer en fonction des opportunités de la
situation et du jeu des autres acteurs. Les acteurs ne sont pas passifs mais
construisent des stratégies par rapport à la norme ISO 9001. Les
acteurs recourent rarement à la force (pouvoir) dont ils disposent mais
souvent à des moyens détournés. La passivité ou
l'excès de zèle sont des formes de réaction possibles.
L'autonomie constitue une source de pouvoir (contrôle d'une zone
d'incertitude) importante. Comme nous le verrons plus loin, cette forme
d'autonomie nouvelle issue de l'application de la norme ISO 9001 est
ambiguë car elle s'accompagne également d'une forme de
contrôle supplémentaire.
Pour clore ce chapitre reprenons un extrait de la conclusion
d'un mémoire consacré à l'impact du l'ISO 9001 :
« Nous estimons que la démarche de certification dans son
application peut être un facteur suscitant des relations de pouvoir et
jouant simultanément la carte de l'autonomie et du
contrôle ».13(*)
3.1.4 Approche contingente
Cette approche part également de la négation
d'une « one best way » comme proposée par
l'organisation scientifique du travail (OST). Au contraire, il existe selon
cette approche une multitude de possibilités d'exister et de
prospérer en fonction de l'environnement de l'organisation. De plus,
l'industrie n'apparaît plus isolée de son environnement mais subit
l'influence d'un ensemble de facteurs contextuels environnementaux.
En revanche, cette approche s'inscrit à nouveau dans
une perspective managériale ou économique.14(*) Elle ne s'intéresse
donc plus au côté informel ou individuel mais elle fait un lien
entre les structures formelles et les différentes variables de
l'environnement qui en influencent le fonctionnement.15(*)
3.1.4.1 Les
« structures organisationnelles »
La structure représente les liens entre les
différents éléments physiques et sociaux de
l'organisation.
Selon Mintzberg la structure est « l'ensemble
des moyens utilisés pour diviser le travail entre tâches
distinctes et pour ensuite assurer la coordination nécessaire entre
celles-ci... La structure est une réponse à un
problème : organiser les tâches en vue de réaliser les
objectifs poursuivis par l'organisation ».16(*)
Nous ne développerons pas la théorie de la
contingence, mais proposons de partir de la classification des configurations
de Mintzberg reprises dans le tableau correspondant en annexe17(*) afin d'y situer les
organisations de type PME et le rapport à l'assurance qualité.
La configuration « entrepreneuriale »
correspond naturellement aux PME en début de vie.
Leur petite taille (par définition) et leur jeunesse
favorisent une division du travail verticale forte et nette où le
pouvoir est clairement aux mains du directeur qui contrôle directement
les activités des travailleurs.
Les opérateurs sont relativement libres dans leurs
activités et l'entreprise n'est pas nécessairement
composée d'unités distinctes.
La norme ISO quant à elle impose une formalisation qui
était peu ou pas existante dans l'organisation.
Les activités vont devoir être clairement
délimitées et l'apparition de l'assurance qualité va
créer l'arrivée d'acteurs que Mintzberg appelle les analystes, ce
qui va contribuer à marquer une différenciation.
La formalisation va également contribuer à
délimiter le travail des opérateurs et clarifier les
responsabilités, jouant de ce fait sur la division horizontale du
travail.
La supervision directe va désormais s'accompagner d'une
obligation de contrôle continu à tous les niveaux.
Cette évolution, marquée principalement par la
formalisation, va rapprocher progressivement l'organisation de la configuration
bureaucratique.
Cependant, mis à part cette formalisation et
l'enregistrement continu des paramètres de production, l'ISO n'impose
aucun changement structurel. On ne peut donc pas parler de changement net
induit par ISO mais d'un renforcement des traits bureaucratiques.18(*)
On peut parler de passage d'un contrôle de type
personnel au contrôle idéologique par la standardisation des
procédés et le mécanisme de formalisation. Comme le
soulève un mémoire, il est étonnant que personne ne
mentionne la mise en place d'une nouvelle culture conséquente à
la certification. D'autant plus que celle-ci peut être source de
perturbation (facteur contingent à l'intégration de cette
nouvelle norme).19(*)
Cette formalisation, qui s'exprime parfois sous la forme d'une
bureaucratisation assez poussée, amène la crainte d'une perte des
relations interpersonnelles qui constituent une valeur importante des PME
(même si ce type de relation favorise l'arbitraire). Il y a une peur de
devoir utiliser trop d'outils, d'être submergé par les
procédures, les documents et les exigences. Il y a également une
crainte d'insécurité car ce changement nécessitera
sûrement des formations et apprentissages (de nouveau sur les bancs) avec
la crainte de ne pas réussir et de bouleverser les habitudes.20(*)
3.1.4.2 Les
« modèles de gestion des ressources humaines »
Tout comme les structures ont pu être
classifiées, on peut également établir un tableau de
classification des modèles de gestion des ressources humaines.21(*)
Dans la pratique, chaque modèle de gestion peut
être relié à une structure organisationnelle :
Structure organisationnelle :
|
Modèle de GRH :
|
Entrepreneuriale
|
Arbitraire
|
Mécaniste (bureaucratique - classique)
|
Objectivant
|
Adhocratique
|
Individualisant
|
Professionnelle
|
Conventionnaliste
|
Missionnaire
|
Valoriel
|
Le modèle de GRH lié à la configuration
organisationnelle entrepreneuriale est le modèle arbitraire
(« GRH sous la responsabilité du dirigeant,
prédominance de l'informel »22(*)). Ce modèle correspond
bien à l'idée classique que l'on peut se faire d'une PME
où le directeur, proche des travailleurs, apparaît comme le seul
maître à bord.
Le modèle correspondant à la configuration
bureaucratique vers laquelle évoluent les entreprises soumises à
la certification ISO 9001 est le modèle objectivant
(« Systématisation de la GRH à travers des
critères impersonnels définis par les
analystes »23(*)).
La formalisation va toucher non seulement les
opérations mais également la structure sociale (organigrammes).
Les opérateurs devront dès lors se soumettre à l'ensemble
de règles touchant à tous les niveaux de l'entreprise. Les
besoins en formations vont devoir être objectivés et
planifiés en fonction des qualifications. La communication devra
être formalisée et améliorée.
Ces modèles théoriques sont des idéaux
types et dans la pratique l'organisation n'est pas figée. L'organisation
évolue en fonction de son environnement, des acteurs dominants et de la
localisation du pouvoir.24(*) Ainsi une entreprise pourra être classée
dans plusieurs types ou progresser de l'un à l'autre.
La certification ISO 9001 va donc avoir tendance à
déplacer l'organisation vers un modèle bureaucratique objectivant
en apportant du poids aux analystes de par l'importance de la formalisation.
3.1.5 Conclusion
Dans ce chapitre nous avons décrit l'évolution
de la vision des organisations.
Nous remarquons que les différentes approches
appréhendent l'entreprise sous des angles variables, que ce soit au
niveau de l'activité de production, de son organisation sociale, ou de
l'unité de production face à son environnement. Si ces approches
raisonnent à des échelles différentes de l'entreprise, les
travailleurs ne peuvent être ignorés ou considérés
comme de simples outils.
L'organisation du travail présentant déjà
de nombreuses contradictions et ambiguïtés, c'est en touchant
directement aux paramètres fondamentaux tels le contrôle et la
reconnaissance que la norme ISO 9001 nous apparaît comme pouvant avoir un
impact considérable sur le vécu subjectif des travailleurs.
Ainsi la norme ISO 9001 peut rappeler les méthodes du
taylorisme, mais elle s'adapte nécessairement à
l'évolution de la vision de l'organisation et du management en se
souciant également de l'informel.
Au-delà de cet aspect contingent, la norme ISO 9001
fait évoluer la structure organisationnelle des PME dans le sens d'une
bureaucratisation liée à la formalisation du travail et des
rôles.
Toutefois ceci peut également s'accompagner d'une
certaine forme de réappropriation de la place du travailleur dans
l'entreprise. En effet, comme nous tenterons d'en analyser plus loin
l'ambiguïté, il s'agit d'une norme possédant des
caractéristiques réflexives en même temps qu'un ensemble de
procédures prescriptives.
3.2 Le concept de norme
Il convient d'aborder la norme au sens général
car le sujet étudié constitue un univers normatif particulier qui
n'échappe pas à l'évolution sociale du rapport à la
norme. On ne peut en effet pas imaginer ce rapport comme indépendant de
la réalité sociale dans laquelle il s'inscrit.
Dans ce chapitre, nous analyserons l'évolution des
aspects de formalisation et de contrôle de la norme sociale et leur
diffusion dans l'entreprise.
3.2.1 Définition
« Une norme (du latin norma, équerre,
règle) désigne un état habituellement répandu ou
moyen considéré le plus souvent comme une règle à
suivre. Ce terme générique désigne un ensemble de
caractéristiques décrivant un objet, un être, qui peut
être
virtuel ou non.
Tout ce qui entre dans une norme est considéré comme
« normal », alors que ce qui en sort est
« anormal ». Ces termes peuvent sous-entendre ou non des
jugements de valeur. »25(*)
« La norme sous-entend une notion de pouvoir. En
effet, pour qu'une norme, une règle de vie entre en vigueur dans une
société, elle doit être acceptée par la
majorité (loi du plus grand nombre) ou imposée par un
pouvoir. »26(*)
3.2.1.1 La norme
industrielle
« Dans son acception internationalement reconnue
(Guide I.S.O./C.E.I. n°2, N.F. E.N. 45020) la norme est « un document
établi par consensus et approuvé par un organisme reconnu, qui
fournit, pour des usages communs et répétés, des
règles, des lignes directrices ou des caractéristiques, pour des
activités ou leurs résultats garantissant un niveau d'ordre
optimal dans un contexte donné. »27(*)
« La norme est un document de
référence sur un sujet donné. Il indique l'état de
la science, de la technologie et des savoir-faire au moment de la
rédaction.
Pour être considéré comme une norme,
le document doit remplir deux conditions :
Les moyens et méthodes décrits doivent
être reproductibles en utilisant et respectant les conditions qui sont
indiqués,
Elle doit avoir reçu la reconnaissance de tous.
C'est un référentiel incontestable commun
proposant des solutions techniques et commerciales. Elles sont utilisées
pour simplifier les relations contractuelles. »
28(*)
3.2.1.2 La
normalisation
« La normalisation ou la standardisation est le
fait d'établir des normes industrielles, c'est-à-dire un
référentiel commun et documenté destiné à
harmoniser l'activité d'un secteur. »29(*)
Le système de management intégré moderne
combine un ensemble de normes de natures différentes (environnement,
qualité, sécurité et hygiène, social
éthique, qualité). Ces normes évoluent avec la norme
sociétale pour s'adapter à la relation au client.30(*)
3.2.2 Les mutations du rapport à
la norme
L'ouvrage éponyme (« Les mutations du rapport
à la norme ») de De Munck J. et Verhoeven M. permet de mieux
comprendre l'évolution de la norme. Ce chapitre est une
interprétation de la conclusion de cet ouvrage.
Durant ce dernier siècle, le rapport à la norme
a changé de façon déroutante. Déformalisation,
désubstantialisation, négociation, réflexivité sont
les nouveaux attributs de cette norme qui n'encadre plus de façon rigide
par des règles strictes la vie sociale causant un problème de
perte de points de repère. Elle devient également
évolutive, devant être adaptée en fonction des
circonstances.
L'évolution de la norme vers le modèle de
rationalisation moderne s'est déroulé par le passage par un
modèle de rationalité formelle (légale, bureaucratie)
où un code exhaustif définissait le rapport précis
à la norme et l'Etat. Le modèle holistique,
téléologique qui lui a succédé se basait sur
une normativité substantielle et un Etat social. Enfin le modèle
rationnel négocié vers lequel nous évoluons se base
sur une raison procédurale implicite où les normes produites
sont révisables en cours d'action et où la légitimation
s'effectue par l'interaction et la discussion.
Ce modèle de rationalité donne lieu à une
hybridation des domaines (inter normativité, compromis, carrefours,
noeud...), une interaction (les acteurs doivent s'approprier activement la
norme et tenir compte des contraintes), une contextualisation des
contrôles (donne lieu à la différenciation des
interprétations, sentiment de complexité des
sociétés contemporaines), une horizontalisation des
contrôles.
Durant la période de transition que nous connaissons
vers ce modèle balbutiant, les différents modèles semblent
s'empiler. Il n'y a pas une substitution nette.
Le changement donne lieu à des résistances, au
problème du « sens » de la procéduralisation
pouvant conduire à une nouvelle fragmentation des significations et la
perte de sens. De plus ceci n'efface pas l'inégalité des
ressources malgré une négociation participative et
dialogique.31(*)
3.2.3 La métamorphose de la norme
dans l'entreprise
Inspirons nous à nouveau de l'ouvrage de De Munck J. et
Verhoeven M. (« Les mutations du rapport à la
norme », chapitre 3, pp. 103-162) pour approfondir l'analyse de cette
métamorphose.
Ces 20 dernières années on assiste à une
déconstruction au moins partielle des formes classiques de Taylorisme et
Fordisme ayant existé dans nos entreprises donnant lieu à
l'émergence d'une nouvelle forme d'organisation du travail.
Il ne s'agit cependant pas d'une démocratisation de
l'entreprise car le but reste la rentabilité, mais d'une
déformalisation de la norme de production. L'autonomie accordée
aux exécutants ne l'est qu'au niveau opératoire. Il n'y a aucune
contestation possible sur le plan stratégique.32(*)
Les changements principaux observés dans les
entreprises concernent la définition du « bon
travailleur » d'exécution dont les qualités attendues
relèvent davantage de compétences cognitive, morale,
relationnelle, sociale que d'obéissance ainsi que des modifications
organisationnelles favorisant la polyvalence et une coordination horizontale au
détriment de la ligne hiérarchique verticale.
Malgré l'aspect plus flexible et enrichissant
(augmentation de l'autonomie et de la réflexivité), ce nouveau
mode peut s'avérer encore plus contraignant (voir 3.3.4 Le modèle
de contrôle et l'individualisme).
On observe l'apparition d'une nouvelle normativité
substantielle inversant certaines valeurs du passé et intégrant
la logique de marché, l'acceptation des objectifs.
Ce changement est ambigu car parallèlement à une
logique de déformalisation et de décentralisation existe une
demande plus grande de formalisation.
En même temps qu'une accentuation pour la formalisation
du contrôle des processus (standardisation des
procédés, étalonnage, standardisation des
compétences), on observe une évolution du statut même des
règles qui deviennent révisables au regard d'objectifs et de
critères d'actions qui eux-mêmes apparaissent sacralisés.
Ces règles ne s'appliquent plus que si elles sont plus efficientes.
Il y a un renoncement à l'utopie du taylorisme face
à l'aspect irréductible du travail tout en encadrant les
conduites des travailleurs. Peut-on parler de taylorisme participatif où
les exécutants participent à l'élaboration des normes
qu'ils devront appliquer ensuite ? Il y a une mise en avant de l'aspect
réel du travail dans la prise de conscience que l'implication paradoxale
va également dans le sens de l'efficacité. 33(*)
3.2.4
Conclusion
Nous vivons une évolution de la norme qui ne se limite
pas à la modification de la représentation du « bon
travailleur ». Le changement de la conception que l'on se fait du
travailleur autonomisé et responsabilisé modifie forcément
le rapport à l'autorité et au contrôle. Ce changement rend
également ambigu l'interprétation de la norme d'assurance
qualité ISO 9001.
o D'un côté la norme ISO 9001 peut se concevoir
selon l'ancien modèle normatif comme un ensemble de règles
prescriptives, rigides et pouvant potentiellement donner lieu à des
actions coercitives.
o Tandis que d'un autre côté, la norme ISO 9001
peut aussi apparaître comme une source de réflexivité
révisable menant à une recherche d'un optimum et
génératrice d'une certaine autonomie.
Comme nous le verrons plus loin, la norme ISO 9001 se
revendique de ce caractère réflexif et autonomisant correspondant
à la vision moderne du mode de contrôle.
Cependant, on peut établir un rapport avec
l'ambiguïté liée à l'évolution du mode de
contrôle. Si celui-ci se conçoit de moins en moins coercitif, les
différents modes coexistent et rien n'empêche la
réappropriation dans l'entreprise de cette norme qualité selon le
modèle prescriptif coercitif.
3.3 Le concept de
contrôle
« Avant d'être des communautés
intellectuelles ou affectives reliées en fonction
d'intérêts communs, les organisations se présentent en
premier lieu comme un champ structuré par un ensemble de règles,
se traduisant par des interdictions et des prescriptions, écrites ou
implicites des acteurs. Qu'ils s'y soumettent ou non, les comportements et les
attitudes des acteurs, de même que leurs émotions et leurs
réactions, y sont nécessairement et toujours
référés. »34(*)
Le contrôle est donc un élément central de
l'organisation ayant un impact important sur l'équilibre psychique des
travailleurs.
Or la norme d'assurance qualité ISO 9001 consiste en la
mise en place d'un système de contrôle continu destiné
à garantir la maîtrise des processus. Ces contrôles, s'ils
concernent les processus, s'imposent nécessairement aux travailleurs qui
les conçoivent et les exécutent. Cette dimension de
contrôle spécifique à la norme ISO 9001 sera
détaillé au point 3.4.3 (Le contrôle et la norme ISO
9001).
Dans ce chapitre nous développerons le concept de
contrôle et son évolution parallèle à la mutation du
rapport à la norme.
3.3.1 Définition
3.3.1.1 Le contrôle
Le terme contrôle a une multiplicité de
significations et usages. Si le sens que l'on veut lui accorder parait
intuitif, il convient néanmoins de le préciser.
Il ne s'agit pas dans notre cadre d'étude de la
signification positive liée à la maîtrise, mais d'une
signification plutôt négative liée à une action de
surveillance voire de répression des travailleurs. Nous nous baserons
donc sur la définition suivante du contrôle social :
« Le contrôle social est un ensemble de ressources
matérielles et symboliques dont dispose une société pour
s'assurer la conformité du comportement de ses membres à un
ensemble de règles et de principes prescrits et
sanctionnés. ».35(*)
Il s'agit donc d'une forme d'exercice du pouvoir,
autorité légitimée par les règles organisant les
travailleurs, de vérification du respect d'une norme.
Transposée à notre cas d'étude nous
réécrirons : « Le contrôle dans
l'organisation est un ensemble de ressources matérielles et symboliques
dont dispose une organisation pour s'assurer la conformité du
comportement de ses travailleurs à un ensemble de règles et de
principes prescrits par une norme (référentiel ISO
9001). »
Cette transposition de la définition du contrôle
social au contrôle dans l'organisation peut être contestée
par le fait que le contrôle social repose sur une intériorisation
de la norme sociale.
Les règles du contrôle social sont implicites
contrairement au contrôle délibéré de
l'activité dans les entreprises.
A cette contestation nous apportons deux arguments :
o D'une part les règles du contrôle social ne
sont pas totalement implicites car ce contrôle s'effectue par
l'intermédiaire du système juridique (la loi est un ensemble de
règles explicites que nul n'est sensé ignorer). Aussi la norme
sociale influence nécessairement le mode de fonctionnement de
l'organisation.
o D'autre part, et en particulier dans notre cas
s'intéressant à l'ISO 9001, le contrôle en entreprise se
base également en partie sur des normes implicites telles la
qualité ou la définition du « bon
travailleur ».
3.3.1.2 Les règles
Le contrôle s'effectue donc par rapport à des
règles. Celles-ci ne sont pas une habitude mais une contrainte. Le
contrôle social, activité de la société maintenant
les règles luttant contre la déviance... ne se fait pas sans
attendre de résistance. Ce qui assure la stabilité des
règles n'est pas leur poids, inertie, mais les forces qu'elles
mobilisent (stratégie des acteurs qui les utilisent, construisent). Les
règles n'ont de sens que parce qu'elles sont rapportées aux fins
d'une action commune, elles sont ainsi toujours instrumentales.36(*)
Selon Lévy, les règles démontrent donc
toujours un caractère arbitraire car elles ne reposent sur aucun
argument antérieur susceptible de leur conférer une
légitimité ou les expliquer. Cependant ces règles se
justifient par leur existence même plutôt que leur contenu car
elles permettent les échanges et le travail collectif. Les règles
définissent non seulement ce qui est interdit mais aussi ce qui est
possible. Elles ne se réfèrent que rarement à des
comportements objectivables et mesurables mais à des normes. Leur
légitimité repose sur la conviction qu'elles correspondent
à des nécessités. Une organisation vivante à pour
propriété un travail permanent de recomposition,
redéfinition et invention des règles. Comme l'avançait
Dejours, c'est une situation où cette dynamique serait figée qui
apparaîtrait comme pathologique.37(*)
De Munck insiste quant à lui sur la
réflexivité des règles, de la norme.
« Le système formel n'épuise ni ne
condense toutes la séquence réflexive, puisqu'il ne se
découpe que comme thématisation dépendante de
paradigmes. »38(*) La norme est un résumé sélectif
d'apprentissages antérieurs et dans une perspective de l'avenir les
règles peuvent être le support de nouveaux apprentissages
collectifs. « La norme est ainsi un milieu réflexif
collectif. »39(*)
3.3.1.3 Le pouvoir
Le contrôle est une forme d'exercice du pouvoir
légitimé par les règles. Les règles formelles
déterminent la sanction applicable. Les principes de la direction ne
sont pas seulement de faux-semblants ou une théorie erronée, mais
aussi un outil de gestion efficace. L'informel a sa place pour autant qu'elle
ne provoque pas de réaction de la direction. La direction devant
respecter les exécutants dont elle a besoin. Le pouvoir est une
relation ! Ces deux régulations (formelle et informelle) visent
à une cohérence de résultat, une légitimité
tirée des finalités de l'organisation.40(*)
Le pouvoir peut être vu comme un rapport de force et
donc une violence. La légitimation du pouvoir rationnel légal
s'effectuant sur base de normes, de règles, il apparaît donc tout
aussi arbitraire. La légitimation, fonction d'occultation de ce
caractère arbitraire et inégalitaire se réalise par son
idéologisation, son intériorisation par les acteurs.
L'autorité est ce pouvoir légitimé, lui permettant
l'économie de l'usage de la force.41(*)
3.3.2 Le contrôle taylorien
Reprenons le modèle taylorien pour en analyser à
présent la dimension de contrôle plus en détail.
Pour commencer il est important de préciser que si ce
modèle organisationnel a montré depuis longtemps ses limites,
cela ne signifie pas pour autant qu'il n'existe plus aujourd'hui.
Ce modèle industriel basé sur un contrôle
strict et étroit des travailleurs finit par s'avérer
contre-productif et inadapté aux changements des caractéristiques
du marché.
De plus il subit de nombreuses critiques sur le plan
psychosociologique.
La régulation de contrôle peut amener des effets
pervers (tel le cercle vicieux bureaucratique, le manque de souplesse face aux
changements, l'inadéquation, la psychose due à l'exécution
routinière).42(*)
La psychodynamique établit le constat qu'il existe un
conflit entre l'organisation du travail et le fonctionnement psychique des
travailleurs pouvant les mener à une souffrance psychique. En effet, si
l'activité du travail se déploie dans le monde objectif de la
production, il se déploie également dans le monde subjectif comme
un lieu de construction identitaire.
Son importance s'y traduit par une revendication du droit
à la contribution passant par l'endossement de responsabilités
dans l'organisation.
Le problème consiste alors à ne pas briser cette
mobilisation subjective en « en brimant le droit à la
contribution d'une part, en désamorçant la dynamique de la
reconnaissance d'autre part ».
« Si la dynamique de la reconnaissance est
paralysée, la souffrance ne peut plus être transformée en
plaisir, elle ne peut plus trouver de sens. »43(*)
Dans ce cas la souffrance s'accumule et peut devenir
pathologique.
Pour s'en prémunir les individus élaborent des
stratégies défensives individuelles et collectives
inconscientes.
Toutefois le taylorisme n'est pas juste la dépossession
du savoir-faire, mais aussi une compensation salariale. Il y a un rapport de
justice entre le progrès technique et le progrès social. C'est
aussi une organisation hiérarchique quasi militaire claire avec
promotion et recrutement en marché interne. Cependant, cette
égalité ne tient pas face à la logique des sentiments, aux
relations sociales. D'où le passage d'une rationalité
substantielle à procédurale qui s'interroge sur la production des
processus cognitifs.
L'ouverture organisationnelle pose particulièrement
problème car elle déplace la question de la productivité
des ressources dans l'entreprise à celle de l'organisation dans son
entièreté. Le fordisme est également touché par le
changement de priorité apportée à la qualité,
variété, innovation (stratégie de différenciation).
Le rapport au travail doit être pensé
différemment, non plus analytique mais en fonction d'une maîtrise
décisionnelle, de la coopération. Il y a production d'un savoir
collectif, coopératif, où le surcroît d'autonomie va de
pair avec une capacité de globalisation des processus.44(*)
Ceci a un impact considérable sur le rôle du
chef. Les qualités appréciées ne sont plus tellement
individuelles mais liées à l'esprit de groupe, les
rétributions se font à ce niveau seulement. Au-delà de la
polyvalence on encourage la poly-compétences. Les travailleurs se voient
responsabilisés. Les responsables de groupes ne doivent pas être
directifs mais inciter la participation (coach). La fonction de chef est
soumise à l'incertitude, la tension. Le rôle du chef se partage
entre la gestion et la coopération.45(*) Toutefois l'application de la règle peut
toujours être ainsi brandie comme une menace.46(*)
Un aspect fondamental du contrôle aujourd'hui admis est
l'irréductibilité du travail à des procédures
« parfaites ». D'une part tout ne peut être
couché sur papier. Les consignes et vérifications ne peuvent
saturer complètement la décision de l'exécutant. D'autre
part la prescription donne lieu à une réaction des travailleurs
en vue de préserver leur équilibre socio-affectif. Ceci ne
signifie pas forcément sabotage et est d'ailleurs admis dans certaines
mesures par la direction. C'est ainsi que l'on peut qualifier selon Reynaud les
régulations de contrôle, autonome et conjointe.
Le travail réel ne se borne pas à constater la
désobéissance ou l'ingéniosité des
exécutants, mais on découvre aussi les responsabilités que
ceux-ci assument, réclament ou acceptent devant les erreurs de
l'organisateur officiel.47(*)
3.3.3 La mutation de la forme de
contrôle
Le management a fortement évolué ces
dernières décennies. La tendance à l'autonomisation, la
responsabilisation est déroutante car elle provoque une perte de points
de repères. D'autant plus que l'ancien mode de contrôle coexiste
avec le nouveau. Les règles n'encadrent plus strictement les individus
qui sont souvent dépourvus face à la réflexivité
que permet voire impose in fine cette nouvelle conception. Il ne s'agit plus
seulement de vérifier la réalisation d'objectifs
préalablement fixés, le savoir faire et le savoir être font
également l'objet du contrôle que l'on qualifiera de gestion
(managériale ou de pilotage). Ce mode de gestion ne s'effectue plus
à l'issue des objectifs mais en continu de manière à
permettre un réajustement rapide en fonction des besoins du
client.48(*) De plus, ces
règles se voient également changeantes, évolutives en
fonction des nécessités de l'expérience.
Il y a un passage de la responsabilité à la
responsabilisation. Or la responsabilisation a une portée
différente de la responsabilité. Elle est purement individuelle
portant sur des valeurs psychologiques. Il s'agit d'ordres de grandeurs
différents avec en arrière plan un « horizon
cognitif ». Elle a un caractère motivationnel. Autant assumer
des responsabilités est reconnu comme positif. Autant dans le domaine de
la responsabilisation, la satisfaction ou déception reposent sur des
attitudes intériorisées face à un processus jamais
achevé. Ceci procure une incertitude voire une inquiétude face
à l'ambiguïté des attentes. Ceci n'empêche cependant
pas lorsque l'individu ne répond plus aux attentes, de repasser de la
responsabilisation (autonomie, intériorisation de règles
implicites interprétables) à un système coercitif de
responsabilités (règles explicitées
interprétées). Ces deux systèmes ne s'excluent pas mais se
superposent. On peut parler d'une forme d'autonomisation contrôlée
dans cette nouvelle forme transversale de responsabilisation individuelle
(autour de la satisfaction du client). Ceci contribue également à
déléguer au plus près du terrain la responsabilité
économique. Il s'agit en effet de traduire les contraintes plutôt
que d'instiguer des règles.49(*)
La crise de productivité du taylorisme a
provoqué la recherche de nouveaux modèles de gestion, le
raccourcissement des lignes hiérarchiques, l'autonomisation... Ensuite,
ce modèle de gestion a évolué parallèlement
à la norme sociale. L'évolution de la nouvelle coordination,
socialisation de type postindustrielle se traduit donc par le
passage :
o d'une norme imposée => à une norme
négociée
o de règles => à des standards
o de la répétition => à
l'innovation
o de la hiérarchie (récompense - sanction)
=> au contrôle horizontal (inclusion-exclusion
d'équipe)
o de la surveillance => à l'autonomie.
Comme le montre l'assurance qualité, la nouvelle
stratégie du management est pédagogique. Elle s'appuie sur la
conviction d'un potentiel de développement des habilités. La
possibilité d'apprendre à apprendre en adoptant des
méthodes de réflexivité systémique par rapport
à des objectifs, identification des savoirs experts, surmonter les
tensions et augmenter les performances (apprendre de façon autonome en
équipe à augmenter la productivité par
l'amélioration du système). Ce n'est plus l'apprentissage de
l'obéissance, de la culture organisationnelle, mais la prise en charge
responsable d'une fonction spécifique dans un plan d'ensemble. La
gestion des conflits se banalise (méthodique, quotidienne), ce n'est
plus une logique de crise.50(*)
Il ne faut pas négliger non plus l'aspect technologique
dont l'évolution permet de pousser le contrôle plus en avant.
L'informatisation est une conséquence fréquente de la mise en
place d'un système d'assurance qualité. En effet, la masse de
documents est plus facile à gérer sous format informatique
(définition des rôles des intervenants via un système
sécurisé, volume de papier réduit). Il permet
également une vue instantanée et l'élaboration de rapports
et de statistiques sur la situation à un instant donné.
L'utilisation de logiciels spécifiques à l'assurance
qualité (gestion documentaire) est un point positif dans la
démarche de certification. Sans que cela ne soit systématique,
l'assurance qualité conduit naturellement à s'intéresser
à une gestion globale intégrée de l'entreprise (ERP
« Enterprise Ressources Planning » ou GPI
« Progiciel de Gestion Intégrée », type
SAP).
3.3.4 Le
modèle de contrôle et l'individualisme
Le modèle culturel basé sur le « souci
de soi » qui se développe depuis les années 80 nous
permet de mieux comprendre l'évolution d'un mode de contrôle de
plus en plus évanescent, source d'ambiguïté d'une norme
telle l'ISO 9001.
L'avènement de l'individualisme fait partie de
l'évolution de la norme et permet de trouver une alternative à la
coercition propre à l'ancien modèle de contrôle. En effet
si la punition permettait d'exercer une contrainte dans l'ancien modèle,
dans le nouveau modèle c'est la menace de l'exclusion qui contraint les
travailleurs.
Ainsi si le contrôle semble se faire moins
présent et l'autonomisation gagner du terrain, il ne s'agirait pas d'une
simple avancée des valeurs de l'individualisme telles les droits de
l'homme, mais bien celle des techniques de pouvoir qui réorganisent
sournoisement la totalité des rapports sociaux. Selon Foucault, la
construction moderne du sujet est étroitement liée aux
dispositifs de savoir et de pouvoir. L'articulation entre le modèle de
normativité et le modèle de contrôle n'est en rien un
hasard. Le noyau central au coeur de la modernité est bien le dispositif
de contrôle. Le pouvoir moderne vise la normalisation des comportements.
Ce contrôle est plus efficace, globalisant, mais il est devenu
invisible.
En ce qui concerne l'organisation du travail, il y a bien un
parallèle depuis 30 ans entre mode d'organisation et le processus de
déformalisation de la société, un parallèle entre
subjectivation et reconnaissance de l'informel. De Tersac conclut ...
« on peut faire l'hypothèse que les efforts de
rationalisation visent la mise en place de nouvelles règles de
production, devant assurer une certaine congruence entre la définition
des contraintes et la délimitation des degrés de liberté
pour les acteurs pouvant gérer ces contraintes, délimitation qui
suppose l'acceptation de l'autonomie comme condition de mise en oeuvre des
contraintes ».
Ce fonctionnement social où le sujet placé dans
un contexte où les règles sont floues et contradictoires et
où les indéterminations sont grandes, va de pair avec l'appel
répété à la responsabilisation du sujet.
Ainsi la nature de la sanction a évolué avec le
modèle de contrôle. Les mutations contemporaines ne
s'arrêtent en effet pas à l'architecture du pouvoir mais se
répercutent aussi sur les processus opérationnels de
contrôle. Loin de la « sanction normalisatrice »
disciplinaire, ce type de sanction pose une règle formelle et s'applique
à l'écart des comportements par rapport à elle. C'est
pourquoi est pénalisable le domaine indéfini du non conforme. Le
châtiment n'est pas seulement répressif, mais doit être
utile, correctif. Il n'est qu'un élément dans un système
double « gratification-sanction ». Au contraire, faute de
standard formel des performances, le contrôle contemporain porte sur des
compétences informelles. Il ne vise plus la normalisation et
tolère l'invention, l'innovation, la révision permanente des
voies de l'action. Il n'intègre pas dans un groupe homogène mais
sélectionne des capacités et aptitudes globales pour gouverner
des multitudes hétérogènes. On voit ici l'enjeu social
essentiel de l'appartenance, le déplacement de la problématique
de la transgression à celle de la socialisation. 51(*)
3.3.5
Conclusion
Nous avons vu dans le chapitre précédent
l'évolution du modèle d'une norme rigide et substantielle vers un
modèle de norme révisable et réflexif. Ceci va de pair
avec une évolution du modèle de contrôle passant de la
coercition à la responsabilisation. Le caractère motivationnel de
cette responsabilisation est ambiguë et implique le savoir-être des
travailleurs. Ainsi, face aux changements de la conception du travailleur
lié à l'évolution du marché et à l'admission
de l'irréductibilité du travail à des procédures,
le rôle du chef se voit profondément modifié.
La coexistence des modèles de contrôle
génère une ambiguïté dans l'interprétation des
règles comme pouvant être l'exercice du pouvoir ou une source de
réflexivité.
L'articulation entre l'individualisme contemporain et le
modèle de contrôle n'est pas un hasard. Il ne s'agit pas d'une
simple avancée des valeurs de l'individualisme, mais bien des techniques
de pouvoir.
Il est également intéressant de constater que si
le modèle moderne ne se base plus sur la punition, il la remplace par la
menace de l'exclusion sociale de groupes fragilisés.
3.4 La norme d'assurance qualité
(ISO 9001)
Ce chapitre a pour objet de décrire brièvement
ce qu'est l'assurance qualité (ISO 9001), de mettre en évidence
les différents concepts de qualité ainsi que les
ambiguïtés de cette norme notamment par rapport au
contrôle.
3.4.1
Historique et définition
Les normes de qualité existent depuis toujours. Leur
importance et leur formalisation ont connu une évolution rapide durant
les guerres mondiales pour faire face au problème de
compatibilité des munitions. Au début internes à chaque
entreprise, elles vont progressivement s'internationaliser.
o En 1974 le British Standard Institute édite la norme BS
5179 (« Guide to the Operation and Evaluation of Quality Assurance
Systems », consistant en des recommendations.
o En 1979 édition de la norme BS 5750 (« Quality
Systems ») et aux Etats-Unis de l'ANSI/ASQC Z 1.15
(« Generic Guidelines for Quality Systems ») par l'American
National Standard ». C'est également cette année qu'est
créé le groupe de travail « International Organisation
for Standardisation » (ISO) à Genève.
o C'est en 1984 qu'est éditée la première
norme ISO 8402 contenant le vocabulaire relatif à la qualité.
o La série de normes ISO 9000 voient le jour en 1987 parmi
lesquelles seules les normes ISO 9001, 9002 et 9003 permettent d'obtenir la
certification.
Le but de l'assurance qualité est de satisfaire
durablement tous les acteurs en relation avec les activités de
l'entreprise et les clients par la maîtrise du processus de production
garantissant la constance (reproductibilité) de la qualité des
produits.52(*)
La norme ISO est un outil de gestion des valeurs et pratiques
(manière de travailler). Il affiche l'idéal d'une image
harmonieuse d'union d'efforts pour faire face à un univers
hostile.53(*)
« L'ISO 9001 peut se définir comme un
ensemble de discours sur la qualité, de nature non critique ni
sociologique, pouvant être
interprétés ».54(*) « Cette norme créée dans
les années 80 s'inscrit dans un contexte de mondialisation. Si son but
initial était de simplifier la relation client - fournisseur, elle
permet également de réduire les obstacles techniques au commerce
en assurant la transparence. »55(*)
Si l'on ne peut pas totalement écarter une
réelle volonté de « faire de la
qualité », l'ISO 9001 s'avère être devenue une
condition de survie pour certaines entreprises. En effet, d'un
côté les fournisseurs sont choisis en fonction de leur
certification car elle assure la qualité des matières
premières et réduit la nécessité de contrôler
la qualité des produits entrants. Elle joue donc un rôle dans la
concurrence entre entreprises. D'un autre côté la certification
est devenue une condition préalable à l'apposition du marquage CE
nécessaire à la mise sur le marché (par exemple pour les
dispositifs de diagnostic in vitro, dir 98/79).
Ainsi la décision de certification peut être
proactive ou réactive en fonction qu'elle soit volontaire (satisfaire le
client pour le fidéliser, diminuer les dysfonctionnements) ou
imposée de l'extérieur (pour le certificat, l'image).56(*)
Nous considérerons l'ISO 9001 pour son aspect normatif
sur le travail et le fait qu'il s'applique à l'ensemble de
l'organisation et de ses membres, direction comprise.57(*) Les membres de l'organisation
sont généralement tous impliqués dans la rédaction
des procédures et soumis à cette norme.
Les procédures ne sont donc pas prescrites sans que
l'avis des travailleurs ne soit pris en compte. On n'écrit pas ce que la
direction souhaite mais ce qui est58(*) : le leitmotiv est « écrire ce
que l'on fait et faire ce qui est écrit ».
Le système ne peut donc se réduire à un
outil de contrôle, d'évaluation.59(*) L'ISO 9001 impose la forme des procédures et
non le fond. La procédure est impersonnelle et écrite dans un
langage spécifique. L'ISO interdit la séparation entre conception
et la réalisation.
Il s'agit donc d'une production normative par
l'écriture collective, ce qui contribue à en augmenter la
légitimité.
3.4.2
Qualité, contrôle qualité et assurance qualité
La qualité est un terme présentant plusieurs
significations. Aussi il est parfois mal employé et il est
fréquent de confondre assurance qualité et contrôle
qualité.
La qualité est « ce qui fait qu'une chose
est plus ou moins recommandable ; degré plus ou moins
élevé d'une échelle de valeurs
pratiques ».60(*)
Il est important de différencier la Qualité et
la qualité (travail et produit) car la version 2000 de la norme ISO 9001
porte sur toute l'entreprise et non plus juste sur le produit.61(*)
Le contrôle qualité (produit) a pour but
« d'évaluer la conformité d'un produit ou d'un
service par rapport à des exigences contenues le plus souvent dans des
spécifications ».62(*)
La gestion de la Qualité (travail, assurance
qualité) « a pour objectif de garantir la satisfaction des
partenaires de la société (clients, actionnaires, le personnel,
...) pendant une période la plus longue possible».63(*)
C'est donc en parlant d'assurance (ou gestion) qualité
que De Munck définit la qualité comme suit : la
qualité consiste à améliorer, traquer les écarts
à la norme. C'est la conformité totale aux exigences
négociées avec le client. Elle consiste en la mise en place d'un
système de visibilisation des performances de l'ensemble de
l'entreprise, du patron à l'atelier. Le but est de repérer les
défauts d'organisation imputables aux services plutôt qu'au
personnel. Des groupes d'amélioration sont mis en place mais avec aussi
les salariés concernés. Il s'agit d'un engagement dans un
processus d'amélioration continu où les acteurs sont
récompensés de façon symbolique (visibilité des
résultats).64(*)
3.4.3 Le
contrôle et la norme ISO 9001
Reprenons le contrôle sous l'angle de la norme ISO 9001.
En effet, il convient à présent de se poser la question centrale
de ce travail, à savoir « la norme ISO 9001 est-elle un
contrôle (série de règles) ? ». En effet,
cette norme peut être vue comme le contrôle des activités de
l'entreprise ou comme l'initiation d'une « culture
qualité ».
Une première chose est évidemment de voir la
manière dont la norme est présentée dans l'entreprise aux
travailleurs qui ne la connaissent pas. En fonction de cette
présentation, soit comme une contrainte du marché, soit comme une
nouvelle culture (culture de la qualité), elle sera vécue
différemment et mobilisera différemment les travailleurs.
Quoi qu'il en soit cette norme est ambiguë car tout en
imposant des contrôles stricts (produits, processus), elle s'avère
en même temps être une source d'autonomie pour les travailleurs. Le
contrôle de cette norme concerne non pas les travailleurs mais porte sur
la maîtrise technologique. Les mots clés de ce système
sont : participatif, responsabilisation et valorisation du
collaborateur.65(*) Les
acteurs ne le ressentent d'ailleurs pas forcément comme une
régulation de contrôle dans la mesure où il s'agit de
« dépasser les exigences ».66(*)
La mise en place du système de gestion qualité
concerne l'ensemble du personnel, de la direction à la base de
l'organisation. Sa conception ne s'accompagne pas d'un système de
répression et de sanction.67(*)
On ne peut pas affirmer que la norme ISO provoque en tant que
telle une perte d'autonomie. En fait cela dépend de la
répartition des activités de gestion entre les cadres et les
opérateurs. Or nous sommes ici dans un contexte de PME où le
nombre de cadres est très réduit. L'ISO est
précisément neutre à ce sujet, la seule obligation est la
formalisation. Cela dépendra donc de l'entreprise dans laquelle la norme
est implémentée. De plus, l'autonomie ne serait pas ambiguë
car elle est différenciée dans le temps : écriture
des procédures et application des procédures.68(*)
L'implication des opérateurs dans la qualité
peut être considérée comme une augmentation de leur
autonomie et un enrichissement de leurs tâches.
Toutefois il arrive que l'ISO ne contribue qu'à
renforcer une situation de contrôle préexistante où les
ouvriers ne sont que plus opprimés.69(*)
Quoi qu'il en soit, ce système procure un sentiment de
surveillance au moins sous le regard exogène du certificateur.70(*) Ce nouveau mode de
contrôle qui s'effectue en continu, porte non plus seulement sur les
objectifs mais également sur le savoir être.
En fait, la prescription, la rationalisation, la
standardisation des tâches est compensée par l'attention nouvelle
portée aux travailleurs (groupes qualité, audits...). Le but
n'est pas de faire une fonction qualité fermée sur
elle-même. Il faut la réviser
régulièrement.71(*)
Cela modifie les relations sociales en provoquant une
remontée des individus (accès symbolique à des lieux,
écriture habituelle réservée à des échelons
supérieurs) et des paroles (attention particulière du management
qui n'existait pas).72(*)
La norme ISO a une grande influence sur les relations. Elle
modifie notamment le mode de résolution des conflits en passant d'une
« équité dans la discipline » basée
sur l'autorité arbitraire des cadres (ordre domestique ou marchand
plutôt que réglementation organisationnelle) à
« l'efficacité dans l'autonomie » où des
programmes d'actions sont prévus dans le traitement des non
conformités. La conception même de conflit est transformée,
il devient un signal comme un autre de mauvais fonctionnement. Dans la logique
industrielle les personnes et leurs relations sont des ressources. Tout conflit
est appréhendé comme une défaillance du système de
production. Il ne s'agit pas de punir un coupable mais d'identifier et corriger
la défaillance du système de gestion des choses et personnes
(système indéfiniment perfectible). L'assurance qualité,
par la formalisation des manières de faire et dire les choses,
transforme le mode de résolution. Tout tourne autour de la description
précise des caractéristiques techniques des produits et des
attentes relationnelles à rencontrer. Ça donne le sentiment de
former une équipe autour d'un défi technique exigeant de laisser
de côté l'aspect personnel, professionnel ou organisationnel.
L'assurance qualité s'inscrit ainsi dans la nouvelle philosophie du
management horizontal : décentralisation des pouvoirs,
réduction de la ligne hiérarchique, responsabilisation.73(*)
Ce système imposant basé sur l'écrit est
moins coercitif qu'il n'y paraît car contrairement à l'oral qui
permet l'exercice d'actions discrétionnaires il permet de
référer à un cadre. Ainsi si la volonté de
certification vient de la direction à l'origine, la
traçabilité est demandée également par les
travailleurs.74(*)
Toutefois on ne peut ignorer les possibilités
d'établissement de statistiques pouvant facilement déboucher sur
des profils de performances individuels liés notamment à
l'informatisation accompagnant souvent l'assurance qualité.
J.-M. Compère en dira : « Ne
considérez pas le système qualité comme une loi ou un
règlement. Les lois se limitent à interdire. Ce qui n'est pas
interdit est autorisé... Ceci est tout à fait contraire à
l'Esprit Qualité. Un système de Management de la qualité
est un outil de gestion qui doit apporter une aide à la
réalisation des tâches... Ce système doit vivre,
évoluer, s'enrichir. »75(*)
« Il n'y a pas d'incompatibilité entre
autonomie et initiatives encadrées ».76(*)
L'aspect scientifique (expertise, analytique) de cette
démarche a son importance car elle tend à lui donner une grande
légitimité (tout comme l'OST77(*)). De plus, le fait que ces règles ne soient
pas imposées (par des cadres) en facilite l'acceptation par les
travailleurs qui y voient mieux l'utilité (mémoire écrite,
communication et efficacité).78(*) Tout ceci contribue à l'intériorisation
des contraintes dans une idéologisation du concept qualité.
Certains systèmes qualité vont bien plus loin encore en
prônant l'excellence.
Cette écriture de procédures par les
opérateurs a parfois un inconvénient surprenant. En effet,
ceux-ci plus proches de la réalité du terrain, peuvent être
tentés d'aller trop loin dans la description et éprouver du mal
à appliquer ensuite leurs procédures. C'est pourquoi après
certification on observe souvent un retour en arrière vers un
système moins contraignant.79(*)
3.4.4 L'ambiguïté de la
norme ISO 9001
Comme nous avons déjà pu le constater dans les
chapitres précédents, l'application de la norme ISO 9001 dans
l'entreprise présente un certain nombre d'ambiguïtés. Ce
sont ces ambiguïtés qui nous semblent centrales dans le sentiment
provoqué chez les opérateurs. Nous proposons dans un premier
temps de dresser une liste des ambiguïtés constatées dans
les entreprises certifiées avant de discuter de l'ambivalence de la
procéduralisation.
Les ambiguïtés résultant de l'application
de la norme ISO 9001 et les sources de craintes des travailleurs :
o Tout d'abord, le but même de cette recherche de
certification n'est pas unanime. Malgré les discours du management, si
le sens de cette norme est une maîtrise de la qualité, elle
s'avère également une nécessité pour rester sur le
marché.
o La similitude apparente avec le taylorisme laissant craindre
un contrôle poussé à l'extrême et un appauvrissement
des tâches (division du travail) ne semble qu'un cas extrême. Si le
taylorisme apparaît comme une application extrême de la norme ISO,
rien dans la norme ISO n'oblige à aller aussi loin.
o D'une manière générale l'ISO impose une
forme à la procéduralisation mais ne se prononce jamais sur le
fond. La norme nécessite donc une interprétation qui s'effectuera
différemment d'une entreprise à l'autre. Nous sommes loin d'une
homogénéisation des organisations. Nous pouvons même
évoquer un renforcement de l'identité locale et une utilisation
opportuniste de la part des chefs d'entreprises.80(*)
o L'opérateur gagne en autonomie par la
possibilité de participer à la rédaction des
procédures, mais trouve une première contrainte dans l'obligation
de forme (syntaxe ISO, éventuellement via un scripteur
qualifié).
o Cette formalisation des pratiques informelles par
l'écriture à tout niveau (« écrire ce que l'on
fait ») donne une autonomie, un droit de regard aux travailleurs sur
le contenu des procédures encadrant leur travail.81(*) Cependant la seconde phase
clé de ce concept étant « faire ce qu'on a
écrit » oblige par la suite à respecter scrupuleusement
des règles jusque là implicites, soumises désormais
à la surveillance hiérarchique.
o Cette démarche qualité consistant en
l'officialisation de la régulation autonome pour l'inscrire dans une
nouvelle forme de régulation de contrôle est elle-même
déroutante82(*).
Elle ne prétend pas à une disparition de l'informel mais
à sa délocalisation par la remontée de l'oral.83(*) L'énoncé suivant
de l'ouvrage de J.-M. Compère en résume bien l'ambivalence :
« Autorisez une dérive contrôlée de la
réalité par rapport à la
théorie ».84(*)
o La formalisation donne d'une part une
légitimité voire une reconnaissance au travail pratique des
travailleurs. D'un autre côté elle les dépossède de
leur savoir et contribue à les rendre substituables. Cette peur de
perdre un certain pouvoir se pose plus encore pour les employés car plus
les objectifs sont clairs plus il est aisé de vérifier qu'ils
sont atteints.85(*)
o Si l'ISO a pour but le contrôle des produits en cours
de production, il impose également l'identification des
opérateurs dans le but de traçabilité.
o Dans un premier temps tout du moins, la mise en place du
système d'assurance qualité signifie améliorer et
maîtriser la qualité dans une contrainte de temps plus
serrée (surcharge de travail). Les opérateurs craignent ainsi de
devoir supporter les coûts, qu'on ait des exigences trop importantes sans
leur donner les moyens suffisants pour y répondre.86(*)
o Si dans un premier temps il s'agit de formaliser le travail
(faire un instantané de la situation), cela entraînera de
nouvelles exigences. C'est une source de crainte face à la certaine
nécessité de formation, un retour sur les bancs de l'école
avec une remise en question et le risque d'échec.87(*) Paradoxalement J.-M.
Compère évoque pourtant un effet de réduction du stress du
personnel.88(*)
o Par rapport à l'organisation hiérarchique,
l'organisation horizontale et la procéduralisation peuvent
paraître plus « souples ». Toutefois ce modèle
de contrôle s'avère plus ambitieux encore car il y a une meilleure
régulation des procédés au plus près du terrain.
D'une manière générale on peut observer
une ambiguïté majeure autour du thème de la
régulation (du contrôle) induit par la norme ISO 9001. Nous
pouvons en ce sens opposer les points de vues de Dejours et de De
Munck :
o D'un côté nous pouvons voir
l'implémentation de la norme ISO 9001 dans l'entreprise comme le
développement d'une nouvelle régulation de contrôle, une
rigidification, un renfort insidieux des règles.
o D'un autre côté, la normalisation peut
être envisagée sous son aspect de procéduralisation, comme
une source de négociation, de réflexivité, d'apprentissage
collectif.
Nous pensons qu'il n'y a pas nécessairement de
contradiction entre ces deux théories. En effet, tout comme nous l'avons
évoqué dans le chapitre 3.4.3 (Contrôle et norme ISO)
à propos de l'autonomie, on peut certainement différer ces points
de vue dans le déroulement spatial et temporel de la démarche de
gestion de la qualité.
3.4.4.1 Mise en place du système qualité
(certification)
Si les discours du management autour de la démarche
qualité portent sur une meilleure maîtrise et une
amélioration des processus de production (forme d'apprentissage, de
réflexivité) et non comme une accroissement du contrôle.
Dans la pratique le point de vue des opérateurs au centre de notre
étude est celui de l'introduction par une certaine
extériorité (direction, responsable qualité, organisme de
certification...) de règles régissant leur travail.
N'oublions pas que le pouvoir reste nécessairement aux
mains de la direction de l'entreprise qui après quelques ajustements
intégrera ce nouvel outil dans son arsenal de gestion (pilotage). Cet
outil permettant la traçabilité par l'enregistrement constant des
paramètres de production s'avère très efficace dans
l'évaluation des performances. Son utilisation, malgré
l'éthique liée à l'assurance qualité, se
limite-t-elle vraiment dans la pratique au suivi des produits ? Nous
pouvons avancer que dans certaines circonstances l'assurance qualité a
pu être utilisée pour argumenter des sanctions.
La hiérarchie du personnel est respectée dans la
hiérarchie des documents. Les opérateurs formalisent leur
savoir-faire, les opérations élémentaires, dans les
« modes opératoires », tandis que les responsables
rédigent les « procédures » relatives aux
processus de production et le responsable qualité les procédures
plus générales. Nous pouvons donc supposer que dans cette
première phase l'aspect réflexif concerne avant tout la
hiérarchie (direction et responsables d'unités) et les personnes
directement impliquées dans le processus (auditeurs...). L'intervention
des opérateurs est plus descriptive que réflexive. Si
l'écrit permet de rendre le savoir public89(*), il s'agit surtout d'une mise
en place concertée de la nouvelle régulation de
contrôle.
3.4.4.2 Maintien du système
qualité (maturité)
Les opérateurs se trouvent désormais soumis
à un accroissement de contrôle (inscription de la
régulation autonome dans une nouvelle forme de régulation de
contrôle). Alors que la direction bénéficie d'un nouvel
outil de pilotage assurant de lui-même sa propre correction et son
évolution par la décentralisation (horizontalisation) du
contrôle au plus près du terrain via le processus qualité
(gestion des non-conformités).
La réflexivité de ce système
apparaît donc évidente au niveau de la ligne hiérarchique.
Qu'en est-il vraiment au niveau des opérateurs ? Si leur
participation ne se limite pas à la rédaction de
procédures et à la consultation dans le cadre de traitement de
problèmes. Peut-on parler de réflexivité ? Ils
restent les exécutants de la chaîne de production et leur
autonomie se localise précisément au système
qualité qui ne constitue qu'un outil de management. La
réflexivité à ce niveau pourrait être une meilleure
compréhension du milieu de travail. Loin d'être négligeable
nous sommes aussi loin d'une réflexivité systémique de
l'organisation. En ce sens, malgré l'orientation positive de J.-M.
Compère, l'expression suivante me semble ambiguë :
« Les acteurs du terrain sont très utiles dans le cadre de
la recherche des différentes solutions. Ces derniers possèdent
généralement un solide bon sens et proposent souvent des
solutions simples et efficaces ».90(*) En fait, leur connaissance du
terrain est appréciée pour améliorer l'efficacité
du contrôle.
L'analyse de cas pratiques nous apportera certainement un
éclairage intéressant sur cet aspect.
Nous pouvons aller plus loin et nous poser la question de
savoir si la particularité de la norme ISO 9001 de ne porter que sur la
forme ne peut pas elle-même être considérée comme une
forme de déni du travail des opérateurs.
Elle renvoie en effet ainsi l'opérateur à ses
propres problèmes. Il s'agit d'une responsabilisation de
l'opérateur par le besoin de rédaction de ses procédures
le renvoyant directement face à ses responsabilités de terrain.
Ce processus pourrait ainsi être considéré
comme une forme de contrôle abusif. En effet, sous cet aspect
réflexif il permet d'évaluer le degré de maîtrise du
travailleur vis-à-vis de son poste bien au-delà des
opérations pratiques élémentaires. En tenant compte du
savoir être et de la formation des travailleurs, ce système nous
rapproche de la gestion des compétences dont nous avons l'habitude
aujourd'hui, mais en continu.
3.4.5
Conclusion
Dans le discours la norme ISO 9001 se veut réflexive et
révisable (adaptée). Cependant un grand nombre
d'ambiguïtés existent car, même si la norme et le
modèle de contrôle évoluent en ce sens, on ne peut ignorer
l'instrumentalité de cet outil pouvant être
réapproprié selon les caractéristiques de l'ancien
modèle et présenter les mêmes débordements que le
taylorisme basé sur la prescription, la surveillance et la coercition.
La norme ISO 9001 s'impose dans l'entreprise de façon
impérative à l'ensemble du personnel et rien ne garantit une
dimension réflexive pour tous les travailleurs.
En effet, on peut penser que cette réflexivité
touche différemment le personnel en fonction de son implication
décidée par la direction.
Aussi si elle dépend fortement de la conception que
s'en fait cette dernière, une vision plus globale de l'activité,
propre aux responsables, est sans doute nécessaire pour en cerner la
portée.
On peut cependant postuler que l'implémentation de
cette norme contribue au minimum à une conscientisation du rôle
des travailleurs dans l'entreprise.
3.5 Axe de travail
Ce chapitre fait le point sur les hypothèses et la
question de recherche.
3.5.1 Les questions
de recherche
La plupart des acteurs seront d'accord pour dire que la mise
en place d'un système d'assurance qualité est bien trop lourde
pour avoir comme but principal le contrôle des travailleurs. Ce
système porte sur la maîtrise des processus de production et le
contrôle en continu des produits. En définissant et formalisant
les contrôles et les rôles (responsabilités) il provoque une
bureaucratisation de l'organisation. Dans un premier temps lors de sa mise en
place, il constitue un état des lieux, un instantané de
l'organisation. Dans un second temps il doit permettre d'apporter des
corrections et des améliorations en réformant en permanence son
jeu de règles (procéduralisation).
Ce système d'assurance qualité doit être
replacé dans son contexte. Qu'il soit issu d'une démarche
volontaire ou non de la part de la direction, il s'agit d'un outil de gestion
(management) très performant. La performance de ce système
instrumental est due à l'horizontalisation de son contrôle au plus
près des opérations de terrain impactant ainsi l'ensemble du
personnel, sa légitimité issue d'une idéologisation de la
qualité et d'une démarche scientifique analytique.
Le malaise potentiel (souffrance pour reprendre le terme de
Dejours) peut être dû d'une part à l'accentuation insidieuse
du contrôle des opérateurs et d'autre part à une
ambiguïté perceptible de ses finalités.
Les rationalités substantielle (contrôle) et
procédurale (réflexive) de la norme constituant des
idéaux-types, on peut admettre que ce caractère sera parfaitement
contingent et dépendra du travail de traduction de la norme dans
l'entreprise.
Commentaire sur les deux hypothèses de base :
Première hypothèse : Le système de
gestion de la qualité répondant à la norme ISO 9001 impose
une formalisation du travail ayant un impact psychologique comparable au
taylorisme sur les travailleurs.
Cette question a déjà été
étudiée par différents chercheurs. Nous nous appuierons
sur leurs résultats et dans la pratique il s'agira principalement
d'analyser si :
o le caractère prescriptif de la norme ISO 9001 est de
nature à provoquer un cloisonnement du travail (appauvrissement des
tâches),
o la mise en place du contrôle en continu des processus
induit une augmentation du contrôle du travail individuel,
o ce système engendre une séparation entre la
conception et l'exécution des procédures.
Seconde hypothèse : Le système peut
être ressenti par les opérateurs comme un outil
d'évaluation de leurs performances individuelles. En effet, le
système de gestion de la qualité répondant à la
norme ISO 9001 impose la traçabilité des produits (cette
traçabilité repose sur des enregistrements réalisés
par des mesurages à chaque étape de la production).
Ce thème de la performance est toujours
d'actualité et porte sur une des caractéristiques du taylorisme
qui est le contrôle étroit de la productivité. Dans la
pratique il s'agira d'évaluer l'instrumentalité de la norme ISO
9001 au niveau de la gestion du personnel :
o La certification est-elle une volonté de la direction
et par conséquent pensé comme un outil de management ?
o Les données issues de l'assurance qualité
peuvent-elle être récupérées dans le cadre d'une
évaluation des performances individuelles ?
Au-delà de cette question
« locale » de la gestion de la qualité dans
l'entreprise, la question peut être déplacée au rapport
à la norme et à l'autorité au sens général.
L'ambiguïté de la norme ISO 9001 peut en effet s'analyser comme le
résultat de la mutation du rapport à la norme sociale et à
la coexistence (empilement) des modèles de contrôle.
Ainsi nous pouvons poser deux questions
supplémentaires :
o D'une part, la norme ISO 9001 offre-t-elle la
réflexivité (apprentissage collectif) prônée par les
qualiticiens et en phase avec le modèle de rationalité
contemporain ?
o D'autre part, les opérateurs ont-ils conscience des
ambiguïtés sous-jacentes de cette double
rationalité ?
3.5.2 Les
hypothèses de travail
Nous pouvons à présent synthétiser les
questions de recherche par cinq hypothèses de travail que nous tenterons
de mettre à l'épreuve dans la partie pratique au travers
d'entretiens semi-directifs :
1. L'ISO 900191(*) provoque une prescription du travail menant à
un certain cloisonnement, appauvrissement des tâches.
2. Si le contrôle induit par l'ISO 9001 porte sur les
processus, il permet une augmentation du contrôle du travail individuel
et in fine des individus eux-mêmes susceptible de servir à
l'évaluation des performances des travailleurs.
3. Malgré les recommandations, l'ISO 9001 peut donner
lieu à une séparation entre la conception et l'exécution
des procédures en altérant le caractère
réflexif.
4. La certification est une volonté de la direction qui
voit l'ISO 9001 comme un pur outil de management.
5. Les individus n'ont pas conscience de la coexistence des
modèles de contrôle source de l'ambiguïté de l'ISO
9001.
4 Deuxième partie :
Approche empirique
4.1 Méthodologie
Ce chapitre a pour but de décrire les moyens mis en
oeuvre afin de vérifier nos hypothèses de travail.
4.1.1 La
démarche de sélection de l'échantillon
Nous avons alors cherché à constituer une liste
des entreprises certifiées ISO 9001 en Wallonie. Pour ce faire nous
avons contacté le service du Forem en charge de l'aide à la
certification. Nous avons également trouvé via Internet des
listes d'entreprises sur les sites du CEQUAL (Centre Wallon de la
Qualité) et de l'UWE (Union Wallonne des Entreprises). Des contacts ont
ainsi pu être établis avec ces organismes.
Nous avons de cette façon pu dresser une liste des
entreprises certifiées ISO 9001 en Wallonie. La plus grosse partie du
travail a ensuite consisté à identifier les entreprises
correspondant à nos critères :
o Critère géographique (proximité).
o Taille de l'entreprise (PME)
o Secteur marchand.
Cette recherche a pu être effectuée en grande
partie via Internet où la plupart des entreprises possèdent
aujourd'hui un site.
La suite des démarches s'est déroulée par
échange de courriers électroniques.
Dans nos contacts nous avons eu l'occasion de rencontrer avec
un consultant en qualité et d'obtenir sa collaboration. La liste des
entreprises cibles potentielles s'est encore allongée et des
informations intéressantes ont pu s'ajouter à notre
étude.
4.1.2 Le choix des
entreprises
Nos critères de sélection étaient :
o Tout d'abord la taille, les entreprises ne doivent pas
être trop grandes afin que la formalisation, la différenciation et
la division du travail ne préexistent à la certification ISO
9001. Il s'agit donc de PME voire de TPE92(*).
o Les entreprises doivent être certifiées ou en
cours de certification ISO 9001. Dans la mesure du possible, nous avons
essayé de trouver des entreprises ayant été
certifiées depuis 4 ans au maximum. Les changements organisationnels
doivent toujours être en cours ou suffisamment récents pour qu'une
comparaison avec la situation précédant la certification soit
encore possible.
o Les entreprises ne doivent pas avoir été
certifiées selon un autre référentiel (ISO 9002,
TQM93(*)) avant la
certification ISO 9001 afin de ne pas biaiser les résultats de
l'analyse.
o Le type d'activité (secteur) n'est pas un
élément fondamental de cette étude. Mais nous avons
volontairement évité certaines activités (services...)
dans lesquelles la formalisation aurait déjà pu être de
mise depuis trop longtemps.
4.1.3 Le choix des
travailleurs
o Tout comme les entreprises, les travailleurs doivent avoir
connu l'avant et l'après certification afin de pouvoir en analyser
l'impact. Ceci n'exclut pas en guise de comparaison le témoignage des
travailleurs n'ayant pas connu « l'avant ISO 9001 », mais
ceux-ci ne constituent pas l'échantillon de base.
o L'étude porte essentiellement sur les
opérateurs, c'est-à-dire les exécutants sans
responsabilités hiérarchiques officielles (ouvriers, techniciens,
employés). Le but de l'étude porte en effet sur l'accentuation
potentielle du contrôle hiérarchique en bout de ligne de
commandement. Les témoignages des responsables hiérarchiques et
du responsable qualité permettront de conforter ou non le sentiment des
travailleurs.
o La qualification des travailleurs n'est pas au centre de
cette étude. Toutefois il serait intéressant, dans la mesure du
possible, de contraster l'interprétation entre opérateurs
qualifiés et non qualifiés.
o Les autres critères ne sont pas discriminants pour
cette étude.
4.1.4
L'échantillon
Après de nombreuses tentatives de contact, nous n'avons
pas trouvé d'entreprises accessibles répondant strictement aux
critères initiaux et principalement au fait d'avoir été
certifiées dans les quatre années qui précèdent
notre recherche. Cependant les entreprises de notre échantillon
présentent l'intérêt de se trouver à des stades de
maturité différents de leur système d'assurance
qualité.
Cela constitue un facteur de contingence
supplémentaire, mais cela permet d'avoir une idée du ressenti des
travailleurs tant avant qu'après une période d'adaptation et
d'optimisation de leur système qualité.
L'échantillon comprend quatre entreprises et 38
travailleurs.
Pratiquement, ce travail porte essentiellement sur une
comparaison entre deux entreprises (A et B). Les entreprises C et D
enrichissent notre étude, notamment par leur expérience en
matière de gestion des ressources humaines (C) et de gestion de la
qualité (D).
La liste suivante reprend quelques informations sur les
entreprises (certification, taille, domaine) ainsi que sur les participants
(fonction, diplôme le plus élevé).
Le profil des entreprises sera abordé plus en
détail dans le paragraphe consacré aux entreprises.
Il est à noter que nos relations avec certains
interlocuteurs peuvent être qualifiées d'amicales. Ceci donne lieu
à un tutoiement dans les interviews ainsi qu'à une certaine
aisance et franchise dans les réponses aux questions.
Entreprise A, certifiée ISO 9001 en
2001 ; 12 employés dont 2 consultants ; secteur de
l'électronique (assemblage).
· a) Directeur Formation : Doctorat
· b) Employé admin., resp. AQ Formation :
Licence
· c) Employé administration Formation :
Supérieur
· d) Responsable atelier Formation :
Ingénieur
· e) R&D Formation : Graduat
· f) Ouvrier (I) Formation : Inférieur
· g) Ouvrier (I) Formation : Inférieur
· h) Ouvrier (I) Formation : Inférieur
· i) Ouvrier94(*) Formation : Graduat
Entreprise B, certifiées ISO 9001 en
2001, certification de groupe en 2004, certification ISO 13485; 30-40
employés ; secteur de la biochimie - biotechnologies.
· a) Resp. plan. & log. Formation : A2
· b) Resp. prod. adjoint Formation : Graduat
· c) Responsable prod. Formation : Licence, DEA
· d) Resp. adjoint (cond.) Formation : A2
· e) Technicien (labo) (II) Formation : Graduat
· f) Technicien (labo) (II) Formation : Ingé.
Indust.
· g) Technicien (labo) (II) Formation : Graduat
· h) Responsable tests Formation : Graduat
· i) Chercheur Formation : DES + Doct.
· j) Assistant commercial Formation : A1
· k) Resp. AQ Formation : Graduat, DAES
· l) Directeur de production Formation : Graduat
· m) Resp. contrôle qualité (QC)
Formation : Licence
· n) Resp. xxx Formation : Inférieur
· o) Resp. contrôle qualité (QC)
Formation : Licence, DAES
· p) Technicien (labo) Formation :
Graduat
· q) Resp. adjoint contrôle qualité
(QC) Formation : Ingénieur industriel
· r) Technicien (condit., expéd.).
Formation : Inférieur
· s) Technicien (labo) Formation :
Graduat
· t) Resp. production Formation : Licence +
2° cycle
· u) Technicien QC Formation : Graduat
Entreprise C, en cours de démarche de
mise en place d'un système qualité depuis deux ans ; 99
employés ; secteur de l'aérospatiale (engineering).
· a) Ressources humaines Formation : Graduat
· b) Ressources humaines Formation : Licence
Entreprise D, certifiée ISO 9001 en
2001, a perdu sa certification et est aujourd'hui fermée ; 150
employés ; secteur du rayonnage métallique.
· a) Responsable qualité Formation :
Inférieur
· b) Resp. des opérations Formation :
Ingénieur
· c) Ingénieur bureau d'étude
Formation : Ingénieur
· d) Conseiller en prévention Formation :
A1
· e) Resp. achats et planning Formation : Graduat
· f) Employé admin. et finance Formation :
Graduat
4.1.5 Les
interviews
L'étude pratique de cette problématique a
été effectuée sur base d'interviews qualitatives (semi
directives). L'objectif était d'obtenir une dizaine d'interviews dans
trois entreprises différentes. Nous avons finalement obtenu 38
témoignages dans quatre entreprises.
Nous avons garanti l'anonymat des travailleurs. C'est pourquoi
aucun nom (ni de travailleur ni d'entreprise) ni localisation ne seront
mentionnés dans ce travail.
Le guide d'entretien a été réalisé
dans un premier temps en définissant cinq groupes de questions devant
permettre de tester les cinq hypothèses, plus un groupe de questions
introductives d'ordre général.
Cet ensemble de questions a ensuite été soumis
à un premier entretien (préparatoire) ayant permis de reformuler
les questions dans un ordre logique, fluide, allant des notions les plus
générales aux plus précises.95(*)
Les entretiens ont tous été enregistrés
afin d'être retranscrits96(*) et analysés.
Ceci permet une analyse déductive du matériel
recueilli en effectuant l'opération inverse, c'est-à-dire en
regroupant les questions en fonction des hypothèses initiales auxquelles
elles se rapportent afin de les confronter aux résultats.
En pratique, le contenu des retranscriptions a
été réparti en vue de son interprétation en six
fichiers correspondant aux cinq hypothèses et au contexte
général.
Enfin, les réponses ont été
rassemblées dans un tableau afin d'observer les tendances en fonction
des dimensions analysées.97(*)
Les contraintes pratiques des entreprises nous ont
amené à faire preuve d'une certaine souplesse dans notre
approche :
o Tout d'abord, la durée des interviews a
été ramenée à une demi-heure au lieu d'une heure
entière initialement prévue.
o Ensuite, certaines interviews ont été
réalisées en groupe. Dans ce cas le nom du groupe se trouve entre
parenthèses dans le paragraphe dédié à
l'échantillon.
o De plus certaines personnes n'ont pas pu être
interviewées faute de temps ou de disponibilité.
o Enfin, pour l'entreprise ayant fermé ses portes, les
questions ont été envoyées par formulaire et n'ont pas
fait l'objet d'une interview en face-à-face.
4.1.6
Conclusion
Nous avons eu l'occasion d'interviewer la majorité du
personnel d'une TPE (A) et d'une PME (B).
Nous avons ainsi pu comparer ces entreprises en fonction de
plusieurs dimensions (structure organisationnelle, rapports
hiérarchiques...).
Ces entreprises ayant été certifiées la
même année, cela nous a également permis de comparer la
maturité de leur système de gestion de la qualité
(appropriation et utilisation).
L'analyse de la situation des entreprises C et D nous a permis
de compléter l'approche de cette dimension. En effet, l'entreprise C en
est cours de mise en place d'un système qualité, tandis que
l'entreprise D a perdu son accréditation.
Il faut préciser, à la vue de la composition de
notre échantillon, que la proportion d'opérateurs doit être
relativisée pour l'entreprise B.
En effet, si initialement nous souhaitions interviewer
principalement des travailleurs sans responsabilités
particulières, dans la pratique les PME délèguent
facilement ces responsabilités en raison du nombre réduit de
travailleurs. Aussi, les « responsables » sont en
général chargés à la fois de tâches
organisationnelles et productives. Ceci est sans doute également le fait
d'une direction absente du site et déléguant ses
responsabilités opérationnelles.
Nous avons également interrogé des travailleurs
n'ayant pas connu « l'avant ISO 9001 » dans ces entreprises
afin de voir comment eux ressentaient l'AQ. Certains avaient déjà
travaillé dans des entreprises certifiées et d'autres entrent sur
le marché du travail et n'ont connu que ce contexte. Cela nous a fourni
des informations très enrichissantes qui nous serviront dans la
conclusion de ce travail.
4.2 Analyse
Le but de ce chapitre est de confronter nos hypothèses
aux témoignages récoltés sur le terrain.
Comme mentionné dans le chapitre
précédent, les résultats sont déduits des
réponses aux groupes de questions correspondant aux différentes
hypothèses. La correspondance entre les questions et les
hypothèses est reprise dans l'annexe relative à la grille
d'entretien.
Nous proposons de baser notre analyse sur deux
dimensions principales et deux dimensions secondaires sous-jacentes :
o L'entreprise, car celle-ci se présente comme une
source majeure de contingence.
o La maturité du système qualité, afin de
voir comment évolue le rapport des travailleurs à la norme ISO
9001 en fonction de son niveau d'intégration. Cette dimension est
moins déterminante car elle répond plus directement à la
vie même de l'entreprise.
o La fonction, afin d'identifier d'éventuels points
communs entre les catégories de travailleurs des différentes
entreprises et leur rapport à la norme ISO 9001.
o Le niveau d'étude des travailleurs, afin de
vérifier si celui-ci peut être lié au rapport que peuvent
entretenir les travailleurs à la norme ISO 9001. Cette dimension nous
paraît également secondaire car elle est en principe liée
à la fonction occupée dans l'entreprise.
4.2.1 L'entreprise
comme facteur de contingence
Dans ce chapitre, nous proposons tout d'abord de
réaliser une brève présentation du profil de chaque
entreprise.
Ensuite nous confronterons nos hypothèses aux
résultats obtenus dans chacune d'elle.
Nous ajouterons un commentaire sur le niveau de
maturité du système qualité. Ceci nous semble être
en effet un facteur contingent lié à l'entreprise (environnement
et volonté de la direction).
Enfin nous proposerons une conclusion synthétique des
points communs ou des différences qui nous paraissent liés
à cette dimension.98(*)
4.2.1.1 L'entreprise A
Profil :
A est une TPE évoluant dans le domaine de l'assemblage
électronique. Elle compte une dizaine de personnes de la direction
à l'atelier et fournit principalement un gros client.
Etant donné sa taille, les rapports humains sont
très directs et cela permet de connaître tout le monde, de
maintenir une ambiance conviviale.
La gestion de l'entreprise peut être qualifiée de
familiale. Il existe d'ailleurs des liens de parenté entre des membres
du personnel.
Il est intéressant de constater l'organisation du
bâtiment qui sépare physiquement l'atelier des bureaux. Le tout se
trouve en ligne et suit le flux des informations : du bureau du patron on
passe au service administratif, ensuite au commercial et à la recherche,
viennent ensuite le stock, le réfectoire et le bureau du responsable
d'atelier pour enfin aboutir à l'atelier.
Cette séparation basée certainement sur un souci
pratique a été évoquée par un interlocuteur comme
marquant encore une séparation symbolique de l'activité
productive et de la conception.
Certains y qualifient l'autorité de symbolique tout en
reconnaissant une autorité incontestée car « les
décisions stratégiques doivent tout de même être
tranchées ».
La direction peut s'adresser directement aux travailleurs qui
peuvent à leur tour s'adresser directement au patron.
Les membres de l'atelier ajoutent qu'il persiste une
séparation de fait entre les ouvriers et le reste du personnel. Aussi si
la direction est accessible ils s'adresseront de préférence
à leur responsable.
Les décisions difficiles ou les situations
délicates sont abordées avec l'ensemble du personnel dans un
souci d'humanité.
A a été certifiée ISO 9001 en 2001 pour
satisfaire aux impératifs du marché99(*) et des contraintes
légales100(*). Un
employé avait été affecté la mise en place du
système qualité. L'entreprise a également fait appel
à de la consultance, mais le processus a pris plusieurs années
avant d'aboutir à une certification finalement obtenue sans
difficultés.
Le modèle original du système qualité
était inspiré du modèle de grandes entreprises et a
progressivement été simplifié.
Aujourd'hui le rôle de responsable qualité est
pris en charge en temps partagé avec une fonction administrative et
bénéficie de l'aide de l'asbl Interface Qualité.
Le système qualité est minimaliste et
réactif. Il doit être régulièrement relancé
par un acteur extérieur à l'entreprise.
La mise en place du système qualité n'a pas eu
d'impact sur la configuration organisationnelle de type entrepreneurial en
accord avec un modèle de GRH arbitraire.
Nous avons eu le privilège de rencontrer l'ensemble du
personnel à l'exception des commerciaux qui ne sont pas soumis aux
contraintes de cette norme.
Analyse :
Chez A la qualité est essentiellement perçue au
travers de la satisfaction des clients et de la qualité des produits.
Ceci correspond à une vision minimaliste et essentiellement pratique de
l'assurance qualité. Aussi, en accord avec la polyvalence attendue des
travailleurs dans les petites structures, le rôle du responsable
qualité est assez vaste et représente une certaine
autorité.
1. L'assurance qualité contribue en partie au
cloisonnement du travail. En effet, tout le monde n'est pas impliqué
dans la rédaction des procédures. L'atelier en particulier est
soumis à cette forme de prescription cependant sert essentiellement de
support au personnel en cas d'oubli.
Il est intéressant de noter que les ouvriers de
l'atelier ont été soumis à un mesurage des
opérations de montage. Ceci et la technique du montage en ligne rappelle
fort la méthode tayloriste, fordiste, dans son organisation. Cependant
ceci est antérieur à la certification et on ne peut manifestement
pas parler d'appauvrissement des tâches lié à l'ISO. Au
contraire, un témoignage va à l'encontre de cette
idée et renforce le sentiment d'un travail varié :
« Du fait maintenant que, bon, il y a toujours la transmission
verbale mais qui n'est pas des plus fiables bien sûr, mais la mise en
place, que ce soit des procédures de tests ou de contrôle, a
permis par exemple au personnel de l'atelier de ne pas rester cantonné
au montage, mais de s'occuper également du contrôle de
qualité de certains produits, enfin, du test final, d'avoir un travail
finalement plus diversifié et effectivement là le système
ISO, si à l'origine ça n'a pas l'air d'être ça, dans
les faits a permis cela. »101(*).
D'une manière générale, l'ISO ne permet
ni la mise en évidence du travail ni d'imposer un changement. Ceci est
à nouveau en concordance avec la taille de l'entreprise et la gestion
patriarcale. En effet, la visibilité sur le travail des
opérateurs est suffisante et les ajustements s'effectuent en direct.
La question de savoir si l'existence des procédures
permet ou non le remplacement d'un travailleur était d'actualité
et la réponse est négative. Cela peut constituer une aide mais
est parfaitement insuffisant.
2. Tous ne semblent pas soumis aux enregistrements liés
à l'AQ et en général on en évoque leur faible
nombre. Certains signalent aussi qu'il faut régulièrement des
rappels pour relancer le réflexe de remplir ses enregistrements.
Les travailleurs connaissent peu d'outils liés à
l'AQ et ne sont pas soumis à une évaluation de leur travail.
Certains le regrettent car cela pourrait selon eux contribuer à les
stimuler et les motiver. Ils y voient l'aspect de reconnaissance de leur
travail manquant à l'heure actuelle.
Cependant il y a une analyse des objectifs à l'occasion
de la revue annuelle de qualité et la productivité de l'atelier
est suivie de près.
Ainsi ce qui est évalué, c'est l'outil de
production et non les individus. L'idée que les données issues de
l'AQ puissent servir l'évaluation individuelle est aujourd'hui contraire
à « l'esprit de l'entreprise »102(*) et même
« grave »103(*) selon certains. Pourtant certains reconnaissent que
l'analyse du taux de rebuts entre autre puisse mener à une personne en
particulier, c'est le cas des nouveaux par exemple. Un autre évoquera la
mise en évidence de conflits par l'augmentation des temps de
production...
3. Tout le monde se sent concerné par l'AQ, ne
fût-ce que par la force des choses, mais en général de
moins en moins car c'est de plus en plus routinier, intégré
: « Je dirai, en théorie on devrait faire de
l'amélioration continue. De nouveau on le fait par la pression des
clients et de l'évolution des produits, mais l'ISO n'est plus un moteur
terrible dans l'entreprise. Je dirai que le système est
stabilisé. On fait ce qu'ont peut pour le respecter, mais on ne peut pas
dire que ce soit une force qui transforme
l'entreprise »104(*).
Aussi, si tout le monde ne rédige pas les
procédures, tout le monde peut les faire modifier si besoin et l'AQ est
considérée en général comme apportant une
amélioration au travail et à l'entreprise.
4. Même si l'AQ n'est pas une volonté de la
direction, elle est en général perçue comme un outil de
management potentiel. Certains l'espèrent au vu de l'énergie que
sa mise en place a demandée (« autant de papier, la
photocopieuse... »105(*)), le directeur précise :
« Il y a plus d'enregistrements donc plus de données
disponibles et celles-là tout de même on les exploite, la revue
annuelle de qualité est souvent l'occasion, mais parfois ça
arrive entre les coups aussi... En tout cas... Enfin l'entreprise a
existé un certain nombre d'années avant d'être
certifiée ou avant d'être ISO et il y avait un assez grand nombre
de choses qu'on enregistrait puis on n'utilisait pas les données qu'on
avait enregistré. On n'en faisait pas grand-chose. Il me semble que
l'ISO a changé ça ou a modifié
ça. »106(*).
Les travailleurs n'ont pas le sentiment que l'AQ puisse servir
à imposer un changement dans le travail.
La mise en place du système qualité a
donné lieu logiquement à quelques résistances face
à la lourdeur administrative du système. Selon le directeur, ce
fut même interminable (plusieurs années), mais dans l'ensemble le
système est aujourd'hui
« intégré »107(*) et a été
simplifié. Les travailleurs n'ont pas vraiment l'impression que le
système leur ait été imposé et comprennent
l'impératif économique. Certains ajoutent pourtant un effet de
« médiatisation »108(*) à l'origine du
mouvement de certification (c'était « en
vogue »109(*) dans les années 80) et s'interrogent
dès lors sur l'utilité aujourd'hui de ce label.
5. L'ensemble des travailleurs a le sentiment de ne pas
être soumis à des règles strictes, impératives et
rigides. Cela correspond à la taille de l'entreprise et son mode de
gestion. Naturellement le travail doit être fait et certaines
règles tiennent du bon sens. Lors de l'interview de l'atelier on ajouta
« à la longue de monter, forcément vous attrapez
des petits trucs, des petites choses... »110(*).
Ceci est certainement à rattacher à une
intériorisation des règles et des contraintes ainsi qu'à
une forme d'implication paradoxale.
Le système qualité :
Le système qualité est aujourd'hui abouti et
apparaît bien « intégré ». Il
a fait l'objet de simplifications et d'améliorations qui l'ont
adapté aux besoins de l'entreprise.
Son utilisation apparaît minimaliste et il
nécessite une aide extérieure pour le maintenir.
Ses données sont utilisées en cas de besoin
(demande du client, revue qualité).
L'entreprise ne s'inscrit pas spontanément dans une
optique d'amélioration continue.
4.2.1.2 L'entreprise B
Il convient de préciser que cette entreprise ne nous
est pas étrangère. En effet, j'ai commencé ma
carrière comme technicien de laboratoire chez B où j'ai
également occupé la fonction de responsable adjoint en assurance
qualité durant deux années et participé ainsi à la
certification ISO 9001 originale.
Profil :
L'entreprise B est une PME comptant une quarantaine de
personnes, pour la plupart techniciens qualifiés, travaillant dans le
domaine des biotechnologies. Sa taille encore modeste permet une ambiance
agréable où tout le monde se connaît.
Cette entreprise a fusionné il y a quelques
années et aujourd'hui la direction du groupe se trouve en France. La
direction n'est représentée en Belgique que par le passage
occasionnel d'un membre de la direction du groupe. En revanche, de nombreux
responsables techniques, dont un responsable qualité, ont
été choisis sur le site parmi les techniciens.
L'entreprise tente de diversifier ses produits. Ceci
s'avère une étape financière cruciale pour l'entreprise
qui se trouve dans une situation délicate. La clientèle est
multiple et internationale.
Le modèle organisationnel initialement entrepreneurial
(forte division verticale, faible division horizontale, supervision directe,
faible différenciation verticale...) tend fortement à se
bureaucratiser en allongeant la ligne hiérarchique et divisant davantage
le travail. Sur place le modèle de GRH passe progressivement de
l'arbitraire à l'objectivant : la ligne hiérarchique
s'allonge, la division du travail s'accroît, la direction se trouve
à l'étranger (le pilotage à distance doit reposer sur un
ensemble de règles formalisées).
L'entreprise a subit ces dernières années des
changements fondamentaux tant au niveau de son organigramme
(redéfinition de fonctions, licenciements économiques et
liés à des problèmes humains...) qu'au niveau des
standards auxquels elle est soumise (certification de groupe, obligation de
certification ISO 13485 en vue de vendre sur le marché
américain...). Il y règne un sentiment d'incertitude face
à l'avenir.
B a été certifiée ISO 9001 en 2000 suite
aux contraintes légales (directive européenne pour la vente de
dispositifs de diagnostic in vitro) et a depuis lors acquis la certification de
groupe ainsi que satisfait à la norme ISO 13478. Les contraintes
normatives se sont donc intensifiées, alourdissant un
référentiel ISO 9001 original qui avait pu être
simplifié.111(*)
Nous avons eu l'occasion de rencontrer la majorité du
personnel de production ainsi que quelques membres du département
recherche et développement.
Analyse :
Au-delà de la satisfaction du client et de la
« qualité produit », la qualité est
également perçue comme une source de traçabilité et
un effet label. Le rôle de l'AQ est perçu comme une contrainte
légale, mais aussi une source d'amélioration et d'explication.
L'autorité du responsable AQ est donc reconnue (« c'est un
service nécessaire puisqu'on n'a pas le choix si on veut continuer
à vendre nos produits. Donc on n'a pas de questions à se poser
sur le bien-fondé du service. »112(*)), mais ne se limite pas au
contrôle (« Il est perçu comme celui qui est un
élément moteur dans la communication puisqu'il est, finalement,
sensé expliquer tout le contexte fonctionnel de l'entreprise à
travers les normes qualité. Donc cela c'est un premier point. Le
deuxième point : il est quelque part ressenti comme quelqu'un qui
contrôle, à savoir si les procédures, les enregistrement
sont complétés, bien respectés et il est aussi
aperçu comme celui qui est susceptible de proposer des
améliorations qualité à travers les données qu'il a
récoltées sur les défauts produits et autres d'ailleurs et
donc il est quelque part quelqu'un dont beaucoup de gens attendent des
réponses ou des améliorations. »113(*)).
1. La plupart des travailleurs rédigent,
vérifient ou valident des procédures. La majorité admet
que certaines procédures ne sont pas claires et affirment parfois que
cela dépend de l'origine de la procédure.
L'AQ paraît également insuffisante pour permettre
le remplacement d'un travailleur.
Aussi, s'il ne permettrait pas de mettre en évidence le
travail, il permet selon certains d'objectiver différents aspects du
travail comme le temps nécessaire à l'accomplissement d'une
tâche ou l'évolution des compétences.
L'avis concernant la possibilité d'imposition d'un
changement par l'AQ est mitigé. En effet certains précisent que
c'est eux qui rédigent les procédures et que par
conséquent elles reflètent leur point de vue.
L'AQ n'apparaît donc pas comme étant à
l'origine d'un cloisonnement du travail ou d'un appauvrissement des
tâches.
2. Les travailleurs de B sont soumis à une
évaluation individuelle annuelle.
La plupart admettent que l'ISO pourrait fournir des
informations utilisables dans le cadre de cette évaluation et si
certains se posent la question de savoir si cela a déjà fait,
d'autres le confirment en rappelant que les enregistrements sont nominatifs. Le
témoignage suivant évoque deux aspects
intéressants, d'une part la mise en évidence de
caractéristiques psychologiques et d'autre part le fait que ceci soit
déjà connu : « Oui, je pense que la
manière de remplir les enregistrements révèle quelques
aspects psychologiques et comportementaux. Il y aura des gens qui sont
foncièrement très bureaucrates et qui vont faire des super
documents je parle en terme d'écriture, pas en terme de conception du
document proprement dit et puis d'autres qui sont beaucoup plus légers
ou moins rigoureux qui auront des documents d'enregistrements remplis d'une
manière un peu plus floue, brouillonne, vague ou illisible. Ça
oui mais pour moi c'est quelque chose qu'on savait déjà, ce ne
sont pas les enregistrements qui le
révèlent. »114(*)
La connaissance des outils est plus vaste. On y parle de MAQ,
audit, réunions, métrologie, enquête de satisfaction...
A l'inverse de la citation ci-après, la plupart des
travailleurs estiment pourtant que cela ne leur a pas permis de s'impliquer
davantage dans l'organisation de l'entreprise. « Oui, je pense
que les résultats dès lors qu'ils sont coulés dans un
rapport, dans un enregistrement doivent forcément s'ils interpellent en
tous cas un défaut quelque part, un processus ou organisationnel,
doivent amener une solution. Donc c'est sûr qu'on a un impact dès
lors qu'on transmet un document à une autorité supérieure,
quelle qu'elle soit d'ailleurs ou même subalterne hein, peu
importe. »115(*)
3. Presque tous se sentent concernés par l'ISO
individuellement et en tout cas au niveau de l'entreprise. La majorité
estime que cela n'a pas rendu leur travail plus routinier et que cela peut
améliorer la traçabilité ainsi que la qualité du
produit.
Le manque de temps est évoqué pour exploiter en
profondeur le système. Ceci contribue une limité à sa
réflexivité.
4. Tous s'accordent à dire que l'AQ est un outil de
management et la majorité connaît la contrainte légale
sous-jacente.
5. L'AQ ne peut être stricte et doit être
améliorable.
Le système qualité :
Le système qualité s'avère
également mature. L'entreprise a eu le temps d'effectuer les
simplifications et modifications nécessaires pour qu'il réponde
à ses besoins.
Dans un second temps le système a été
renforcé par une certification de groupe et l'alignement sur d'autres
référentiels. Ceci a contribué à une forme de
retour en arrière ramenant une certaine complexité
administrative.
La notion d'amélioration continue n'est pas
étrangère à cette entreprise.
Les données du système ont déjà
été instrumentalisées de manière opportuniste dans
le cadre de la gestion des ressources humaines. En effet, bien que cela ne soit
pas le but ultime de l'AQ cela a permis d'objectiver un licenciement.
4.2.1.3 L'entreprise C
Profil :
L'entreprise C est une PME active dans le domaine de
l'aérospatial. C a connu une croissance rapide et a quasiment
doublé son personnel en quelques années pour compter aujourd'hui
99 travailleurs répartis sur deux sites. Cette croissance a amené
une prise de conscience du besoin de règles (procédures).
Les travailleurs sont pour la plupart hautement
qualifiés et directement placés chez les clients dans le cadre de
projets. Les relations hiérarchiques quotidiennes se déroulent
donc hors de la structure de l'entreprise et ces travailleurs
« doivent se plier aux règles du client ». La
communication dans ce type d'organisation n'est pas aisée.
Nous n'avons pas analysé en détail cette
entreprise dont la structure organisationnelle nous apparaît davantage
adhocratique (opérateurs qualifiés et standardisation par les
qualifications, pouvoir opérationnel aux mains des opérateurs
qualifiés). Nous pouvons toutefois émettre l'hypothèse que
cette structure se bureaucratise au travers de la formalisation, notamment des
mécanismes de liaisons entre ses unités.
C fait partie d'un groupe et a été
rachetée par une entreprise nord-américaine il y a peu. La
société mère est elle-même certifiée ISO 9001
et travaille dans le domaine de la défense où la rigueur
dépasse de loin les recommandations de la norme ISO 9001. Elle souhaite
que C soit certifiée à son tour et c'est ainsi que les ressources
humaines ont pris « naturellement » en main cette
mission en attendant l'engagement d'un responsable qualité. La
certification y est assurément considérée comme un
impératif du marché à moyen terme.
Cela fait maintenant près de deux ans que les efforts
se poursuivent dans cette voie. Initialement la société
mère a tenté sans trop de succès d'y imposer ses propres
procédures, mais les changements répétés de
responsables freinent considérablement la définition d'une
politique en matière de qualité.
Les travailleurs sont pour la plupart « des
ingénieurs d'une formation assez élevée, donc ils sont
très critiques aussi et quand on doit mettre des procédures, un
changement dans la société, tout est
discuté »116(*). Chacun doit donc nécessairement être
impliqué.
Nous avons eu l'occasion de rencontrer deux responsables des
ressources humaines, les plus en contact avec l'ISO.
Analyse :
La qualité y est perçue comme une source
d'organisation (harmonisation, standardisation), mais également comme un
moyen d'objectivation du travail (visibilité, mémoire, preuve
écrite) ainsi que de communication.
Le rôle AQ est vu comme doté d'autorité
dans le cadre de la mise en place du système.
La distinction entre assurance qualité et
contrôle qualité semble encore floue.
1. Nos deux interlocuteurs ont des vues différentes sur
la possibilité de remplacer quelqu'un, la possibilité de mise en
évidence du travail et la possibilité d'imposer un changement
(malgré la vision d'un rôle de responsable qualité
chargé d'autorité). Ils s'interrogent sur le but que l'AQ
pourrait jouer en ce sens.
Tous doivent rédiger des procédures, non
seulement les ressources humaines actuellement en charge de l'AQ, mais
également les différents services.
A priori l'AQ ne devrait ni provoquer de cloisonnement du
travail ni d'appauvrissement des tâches, étant donnée la
qualification et l'indépendance des travailleurs.
2. Ils admettent que certaines procédures sont
difficiles à comprendre. Ceci peut s'expliquer par le fait qu'elles ont
été initialement imposées par la société
mère. Ils évoquent une simplification nécessaire et le
fait que certaines procédures ne sont de ce fait, simplement pas
utilisées.
Les ressources humaines (fonction de nos interlocuteurs) se
sentent naturellement plus impliqués puisqu'ils ont pris en charge l'AQ.
Cela permet également d'avoir une vue d'ensemble de l'entreprise et de
rencontrer les autres services.
Tous les travailleurs sont soumis à une
évaluation annuelle et à des enregistrements liés à
l'ISO.
Selon eux, les données issues de l'AQ ne sont pas
suffisantes pour évaluer le travail de quelqu'un. En effet, cela ne
permet pas de mettre en évidence le côté « savoir
être » qui revêt toute son importance dans une
évaluation individuelle.
L'outil principal visible à ce stade est la
documentation en cours de rédaction.
3. Tout le monde est impliqué dans l'ISO et la
rédaction des procédures.
C'est au niveau de la structuration de l'organisation que
l'ISO pourrait apporter des améliorations.
4. L'AQ n'est pas vraiment vue comme un outil de management.
Si elle permet une meilleure visibilité des activités,
l'information est à l'heure actuelle ascendante (remontée des
travailleurs vers la direction). En effet, à l'inverse de l'imposition
initiale des procédures de la société mère, les
procédures sont actuellement prises en charge sur le terrain et
proposées à la direction.
L'AQ est sentie comme un impératif commercial117(*) et imposé par la
direction.
5. Si l'AQ doit être améliorable, modifiable, ils
évoquent aussi la nécessité de fixer le système
pour le mettre en place et une volonté sous-jacente de réduire
les exceptions et par conséquent de rigidifier quelque peu les
procédures actuelles :
« Il faut qu'il soit révisable. Ca je
pense que tout le monde l'a compris comme ça au sein du management ou de
l'administration et des employés, mais ici il faudrait qu'on
s'arrête une fois et qu'on le mette en place. Ce qui n'est pas encore
fait. »118(*)
« Chaque fois qu'il y a un nouveau qui commence
c'est presque... quand même dans le passé c'était presque
un paquet préparé pour lui avec plein d'exceptions. Maintenant on
veut un peu stabiliser et harmoniser tout. »119(*)
Le système qualité :
Le système de cette entreprise en est aux
balbutiements. L'imposition du système de la société
mère n'a pas été efficace et des ajustements dans la
politique en matière d'assurance qualité sont nécessaires.
Ces premiers ajustements pourraient aboutir à un système
réaliste et éviter la nécessité d'une seconde
étape de simplification.
4.2.1.4 L'entreprise D
Profil :
D était une PME active dans le domaine du rayonnage
métallique. Cette entreprise faisait également partie d'un groupe
dont la direction se trouve en Grande-Bretagne et comptait environ 200
travailleurs. Aujourd'hui seul un bureau commercial subsiste en Belgique.
L'activité de production a été fermée.
Les relations entre collègues semblaient bonnes, mais
dans son ensemble l'entreprise était fortement divisée
(« clans » en usine et
« castes » par rapport aux fonctions)120(*). Ainsi l'ambiance
générale semblait assez tendue (privilèges pour certains,
décalage par rapport à la réalité pour d'autres,
pression syndicale) et la crainte de la fermeture de l'entreprise était
bien présente. Les rapports avec la hiérarchie étaient
difficiles, notamment suite aux nombreux changements survenus les
dernières années.
D avait été certifiée ISO 9001 en 2000 et
avait fini par perdre délibérément son
accréditation. La certification répondait à un
impératif du marché.
Nous avons pu interroger quelques anciens membres du personnel
pour compléter notre approche de ce travail.
Analyse :
L'assurance qualité est non seulement perçue
comme un facteur d'objectivation (visibilité, traçabilité)
mais aussi comme une valeur, une source d'amélioration, de
« connaissance de ce qu'on fait, avec quoi, pourquoi et pour
qui »121(*) et de « prise de conscience de
l'importance de la satisfaction du client »122(*). En résumé
« La qualité pour moi englobe plus que l'aspect
« procédures », il est clair qu'il faut pouvoir
prouver le fait de la reproductibilité du process, de ce fait la
même qualité quelle que soit l'époque de l'année et
la personne qui la produit, mais cela englobe également le style de
gestion de l'entreprise en passant par la sécurité, la formation,
le respect d'autrui. »123(*)
L'AQ est perçue comme une autorité
incontestée, non pour elle-même, mais pour la
délégation de pouvoirs de la direction.
1. Les avis sont partagés quant à la
possibilité de remplacer quelqu'un, d'imposer un changement ou de mettre
en évidence le travail. En revanche l'AQ est reconnue
intéressante pour introduire un nouveau travailleur et objectiver en
partie le travail.
La majorité devait rédiger des procédures
n'entraînant, dans la plupart des cas, pas de problèmes
d'interprétation (compréhension).
2. Presque tous les membres du personnel se sentaient plus
impliqués grâce à l'ISO.
Les travailleurs subissaient une évaluation
individuelle annuelle à laquelle l'ISO pourrait être reconnue
comme une source d'information : « pas directement ou
volontairement en tous cas mais certaines évidences furent
confirmées »124(*), « Oui, car la productivité
était le critère absolu
d'évaluation. »125(*).
L'outil dominant reste la documentation mais la communication
et le « tableau de bord » ont également
été évoqués.
3. Personne ne considère que son travail soit devenu
plus routinier à cause de l'ISO.
La majorité des travailleurs déclarent qu'ils
pouvaient modifier les procédures et se sentaient concernés par
l'AQ.
Les améliorations dues à l'AQ portent sur
l'organisation et la traçabilité. Une personne témoigne
que cela lui a permis d'apprendre rapidement les processus de fabrication
dès son arrivée, une autre que cela a permis de définir
les responsabilités de chacun.
4. A l'origine ce ne serait pas un impératif
économique. Beaucoup évoquent l'aspect
« label » : c'était de « bon
ton », « à la mode », dans
« l'air du temps »...
La mise en place a donné lieu à de nombreuses
réticences : « on veut tout savoir et écrire
les procédures équivaut à confier le know-how personnel
sur papier. On se croit retournés à l'école
! »126(*), « Nous avons dû mettre en place
pas mal de choses, ce qui a représenté un surcroît de
travail. De plus, ne jamais perdre de vue à D ces problèmes de
mauvaise communication et certains responsables de services qui ont
collaboré contraints et forcés, sans vraiment être
convaincus de l'utilité du projet »127(*)
L'ISO est considéré unanimement comme un outil
de management :
« AQ menée jusqu'au bout avec des
indicateurs fiables et correctement remplis ainsi qu'une analyse pertinente et
régulière, peut être un outil de
management. »128(*), « c'est une aide au contrôle de la
société »129(*), « donnent une vue sur la
qualité du management et donnent aussi les mesures a
prendre »130(*), « mais il faut l'adhésion
totale de l'ensemble du personnel de direction et l'aval de
l'actionnaire »131(*).
5. Tout le monde évoque l'existence de contrôles
impératifs que ce soit lié à l'ISO ou non
(règlement de travail, impératif du client).
Le système qualité :
Non seulement ce système paraît mature, mais il
semble être également fortement instrumentalisé par la
direction.
Le désintérêt progressif de la direction
à l'égard du système marquait manifestement le
déclin de l'entreprise.
Aujourd'hui, non seulement l'entreprise n'est plus
certifiée, mais l'activité productrice a également
fermé ses portes.
4.2.1.5 Conclusion :
L'entreprise apparaît clairement comme un facteur de
contingence dans la mise en place et l'utilisation du système
qualité. En effet la taille, l'historique, le modèle de GRH, la
structure organisationnelle, le niveau de qualification des travailleurs, sont
autant d'éléments qui vont modifier le système
qualité de l'entreprise.
1. Si l'AQ ne semble pas avoir contribué au
cloisonnement et à l'appauvrissement des tâches, il a tout de
même contribué à formaliser la prescription de ces
dernières.
Une attention particulière peut être
portée sur l'entreprise A où un responsable affirme que l'AQ peut
avoir contribué à enrichir les tâches de l'atelier.
Il est également intéressant de constater que la
majorité des personnes interviewées affirment que leur travail
est varié, ce qui les oblige à faire preuve de polyvalence et ce
y compris dans l'atelier.
2. Concernant une intensification du contrôle
individuel, les entreprises A et C, de par leur modèle de GRH
(patriarcal et individualisant), n'admettent pas le principe
d'instrumentalisation du système AQ contrairement aux entreprises B et D
qui l'ont déjà utilisé en ce sens.
Paradoxalement, l'atelier de l'entreprise A serait
plutôt demandeur d'évaluation afin de trouver une reconnaissance
du travail presté par les ouvriers.
3. En ce qui concerne la séparation entre conception et
exécution des procédures, celle-ci ne se retrouve effectivement
pas dans les entreprises B, C et D. En revanche, elle s'observe dans
l'entreprise A où l'atelier ne rédige pas. Si l'atelier peut
faire modifier ses procédures on observe à nouveau cette
séparation de fait. Ceci est probablement dû au niveau de
qualification des travailleurs.
4. Enfin, si dans l'ensemble la certification fait suite
à des impératifs économiques, l'AQ est reconnue comme
outil de management dans les entreprises B et D. Ceci peut s'expliquer par la
maturité de ces systèmes et la politique de la direction. Un
travailleur de l'entreprise D évoque que « ce qui est
écrit dans une procédure définit les
responsabilités »132(*).
Les entreprises A et C, en accord avec leurs modèles de
GRH, privilégieront les contacts directs aux instruments liés
à l'ISO.
L'analyse de notre cinquième hypothèse sera
abordée dans la conclusion générale.
Ainsi on peut remarquer que l'entreprise A se distingue des
autres. L'impact de l'assurance qualité semble y être moins
marqué car la taille de l'entreprise maintient la prédominance
des relations directes entre les travailleurs s'opposant à la
formalisation du système qualité et au phénomène de
bureaucratisation en résultant.
L'entreprise C se rapproche sur certains points de vue de
l'entreprise A, mais pour une autre raison, le poids de ses travailleurs
hautement qualifiés dans le processus organisationnel (système de
GRH individualisant).
4.2.2 Le regard des
différentes fonctions
Analysons cette fois nos hypothèses non plus en
fonction des entreprises mais en relation avec les catégories
principales de fonctions qui les constituent.
Nous considérerons ainsi les fonctions de responsables,
employés et techniciens, ouvriers.
Nous ajouterons également à part une
catégorie recherche et développement qui sort du cadre de notre
travail car elle ne correspond pas à une activité productrice.
4.2.2.1 Les responsables
Les responsables voient principalement la qualité par
la satisfaction du client et l'objectivation (traçabilité,
visibilité) ainsi que la « qualité produit ».
Ils évoquent également un aspect lié au système de
valeur.
Le rôle AQ est surtout vu comme une
nécessité extérieure à l'entreprise pour le
maintien et le suivi du système, ainsi qu'un outil de contrôle.
Ils évoquent également le terme d'animateur, de garant, le
rôle d'amélioration et d'explication lié à l'AQ.
1. Ils estiment majoritairement que les documents
générés par l'ISO permettent de remplacer un travailleur
ou d'aider à prendre une fonction.
Ils évoquent aussi l'effet d'enrichissement des
tâches et de mémoire écrite.
Ils estiment en général que cela ne permet pas
de mettre en évidence la charge de travail mais l'un d'entre eux
évoque l'objectivation de l'évolution des compétences.
La plupart estiment que cela ne permet pas d'imposer un
changement car certains rappellent que c'est eux qui rédigent les
procédures. On pourrait opposer à cela que c'est en fait eux qui
les imposent aux autres (on pourrait donc distinguer la matière à
imposer entre stratégique et opérationnelle).
La majorité rédige, corrige ou valide les
procédures. Les réponses sont mitigées sur le
problème de compréhension des procédures, certains
affirment que des procédures ont dû être
simplifiées.
2. La majorité estime que cela ne leur a pas permis de
s'impliquer davantage.
Ils sont pour la plupart soumis à une évaluation
individuelle annuelle et aux enregistrements ISO.
La moitié estime que l'ISO pourrait intervenir dans
l'évaluation individuelle.
L'outil principal reste la documentation, mais ils connaissent
aussi les revues, réunions, communications, MAQ133(*) et « tableau de
bord ».
3. L'ISO n'a pas vraiment rendu leur travail plus routinier et
ils se sentent tous concernés et peuvent faire modifier les
procédures.
4. La majorité considère l'AQ comme un outil de
management et connaissent l'impératif économique et / ou la
contrainte légale.
Les réponses sont floues quand aux réticences
liées à la mise en place de l'AQ.
5. L'AQ n'est pas rigide mais ils rappellent qu'ils sont
soumis à des plannings, règlements et autres règles
extérieures (légales, clients...).
4.2.2.2 Les employés et les techniciens
Les employés et les techniciens voient la
qualité comme source d'organisation (harmonisation, standardisation) et
d'objectivation. Ils mettent également en avant l'aspect label.
Ils voient le rôle AQ dans la mise en place, le suivi et
l'amélioration du système ainsi que comme source
d'encouragement.
1. Ils ne pensent pas que cela soit suffisant pour remplacer
quelqu'un.
Ils sont mitigés sur la possibilité de mettre le
travail en évidence, sauf au niveau de l'objectivation du temps
nécessaire à l'exécution d'une tâche.
La majorité pense que cela permet d'imposer un
changement.
La moitié rédige des procédures et admet
que certaines sont difficiles à comprendre.
2. La majorité des employés et techniciens est
soumise à une évaluation individuelle annuelle et aux
enregistrements liés à l'ISO.
Ils se disent plus impliqués depuis la certification et
pensent que l'ISO, même si c'est insuffisant, pourrait servir à
l'évaluation personnelle.
Ils ont une vue assez complète des outils existants.
3. Ils ne trouvent pas leur travail plus routinier et peuvent
modifier les documents. La majorité se sent concernée et estime
que cela améliore globalement le travail tant au niveau de la
qualité du produit que des relations, mais surtout de l'organisation et
de la traçabilité.
4. Ils considèrent que cela peut être vu comme un
outil de management et la moitié seulement est consciente de
l'impératif économique et / ou de la contrainte légale.
Il y eu ainsi eu de nombreuses réticences et le
sentiment que l'AQ a été imposée.
5. Ils estiment que l'AQ n'est pas rigide, mais ils affirment
être soumis à des impératifs liés aux plannings,
règlements, clients....
4.2.2.3 Les ouvriers
Ils perçoivent la qualité comme une source de
standardisation et de qualité du produit.
Il est intéressant de relever qu'ils perçoivent le
rôle AQ comme une collaboration et un encouragement.
1. Pour eux l'AQ est insuffisante pour remplacer quelqu'un et
ne permet ni d'imposer un changement ni de mettre en évidence la charge
de travail.
Certains rédigent des procédures et d'autres
pas.
Il est intéressant aussi de voir qu'ils estiment que
les procédures doivent être rédigées pour être
comprises : « Je pense que c'est quelque chose qui est fait un
peu justement pour qu'on comprenne. »134(*)
2. Ils ne se sentent pas plus impliqués depuis la mise
en place de l'ISO.
Ils n'ont pas d'évaluation, mais sont soumis aux
enregistrements AQ et l'utilisation de l'ISO comme source de données
pour l'évaluation individuelle est discutée.
Il faut noter que l'évaluation leur manque et pourrait
selon eux apporter une forme de reconnaissance de leur travail.
3. Tous se sentent impliqués dans la qualité.
Cependant la notion de qualité qu'ils évoquent correspond
davantage à la qualité du produit (QC).
Ils peuvent modifier ou faire modifier les procédures
si nécessaire.
Certains trouvent leur travail plus routinier depuis l'ISO.
4. Ils voient dans l'ISO un outil de management potentiel.
5. L'AQ n'est pas à leurs yeux quelque chose de strict
et de rigide.
4.2.2.4 La recherche et le développement
Le département recherche et développement
(entreprise B, 2 personnes interrogées) est un peu en marge d'un tel
système. Les produits ne vont pas chez le client (bien qu'il puisse
être considéré comme un client interne) et il ne s'agit
d'ailleurs pas d'une activité productrice par définition.
Les aspects importants de la qualité sont la
qualité du produit, la traçabilité et la
reproductibilité.
Le rôle de l'AQ est vu comme une source
d'amélioration et d'explication.
1. L'AQ ne permet pas selon eux de mettre en évidence
la charge de travail ni d'imposer un changement. C'est même plutôt
l'inverse car c'est eux qui rédigent les procédures. Cela permet
éventuellement de faire comprendre (rôle explicatif). Ils
rédigent et il arrive que des procédures ne leur paraissent pas
claires.
2. L'AQ leur aurait permis de se sentir plus impliqué
et leur avis diverge sur la possibilité d'utiliser les données
générées par l'ISO pour évaluer des
individus.
3. Ils se sentent concernés et peuvent modifier les
procédures.
Leur travail ne leur apparaît pas plus routinier depuis
la certification.
4. Ils voient l'AQ comme un outil de management et
appréhendent l'impératif de marché et / ou la contrainte
légale.
4.2.2.5 Conclusion :
Les responsables, de par leur vision gestionnaire, voient
logiquement le système AQ comme un outil de management
supplémentaire. Bien que l'AQ soit principalement perçue comme
une nécessité économique (impératif de
marché135(*) ou
contrainte légale136(*)) ils le lient également aux valeurs et lui
confèrent des aspects positifs tel l'enrichissement des tâches de
leurs subalternes. Quand à l'impact sur leur propre travail, il est
finalement limité dans la mesure où ils sont soumis à
d'autres contraintes.
Il faut noter la difficulté, dans l'entreprise B, de
différencier le statut des responsables, étant donné leur
nombre élevé, de celui des techniciens. Une distinction pourrait
être établie sur le fait de devoir gérer des subalternes.
Cependant, même cette distinction paraît incomplète car
certaines de ces relations apparaissent tenir davantage de la collaboration et
de l'ancienneté que du lien hiérarchique formel. Nous
maintiendrons donc notre distinction sur base du titre en gardant à
l'esprit que la majorité de ces responsables peuvent être
assimilés à des travailleurs dans leur témoignage. Il faut
également remarquer que le nombre de témoignages étant
plus important dans l'entreprise B, le résultat de l'analyse de cette
dimension (la fonction) est influencé par la dimension
« entreprise » analysée plus haut.
L'ISO a un impact plus fort sur les techniciens et les
employés qui ressentent davantage l'aspect contrôle (organisation
et traçabilité) et imposition du changement de cet outil de
management qu'ils subissent (« pas le choix »). Cela leur permet
de s'impliquer davantage, notamment par la rédaction des
procédures. Cet aspect outil de management est renforcé
partiellement par la méconnaissance de l'origine de la certification
comme un impératif du marché et non un choix de la direction, ce
qui contribue à survaloriser l'aspect label à la base de sa mise
en place.
L'impact sur les ouvriers est lié à la
standardisation. Leur notion de la qualité est étroitement
liée à la qualité du produit (QC). Pour eux
l'expérience de terrain ainsi que l'aspect relationnel ne sont pas
remplaçables par la formalisation.
Ils ont toujours été soumis à des
contrôles et perçoivent plutôt l'AQ comme une source de
collaboration et d'encouragement qu'une contrainte supplémentaire.
Si pour certains cela a eu pour conséquence de rendre
le travail plus routinier, ils espèrent une reconnaissance au travers
des contrôles de leur travail.
C'est à ce niveau que nous proposons un bref
commentaire sur la dimension du niveau d'études.
Nous avons émis l'hypothèse que le niveau
d'études était lié dans l'ensemble à la fonction,
la qualification étant en général un critère
lié à l'accès à une fonction. Cela nous
amène à la même catégorisation entre ouvriers et
employés / techniciens.
Ceci n'est pas tout à fait rigoureux car si les
techniciens qualifiés évoluent effectivement vers la prise de
responsabilités, on observe encore des responsables moins
qualifiés.
Il pourrait être intéressant de comparer les
réponses d'opérateurs qualifiés et non qualifiés
à celles des responsables qualifiés et non qualifiés, mais
cela ne fait pas partie de notre objectif initial.
Concrètement le niveau d'étude distinguant la
catégorie des ouvriers nous amène à conclure que leur
implication est moindre.
Cela est-il une volonté de la direction, un refus de
cette catégorie ou une reproduction inconsciente de la notion de classes
(logique des choses) ?
Le témoignage du responsable AQ de l'entreprise D (hors
formulaire) nous informe de sa volonté d'impliquer
précisément les ouvriers dans le processus ISO et notamment comme
auditeur interne. Les responsables reconnaissent en général
qu'ils sont les mieux placés car ils connaissent le terrain.
Malheureusement nous n'avons pas reçu de témoignages d'ouvriers
ayant été impliqué à ce niveau dans l'AQ.
5 Conclusion
générale
Dans ce chapitre nous synthétiserons les
résultats de notre travail. Nous répondrons à la question
de recherche initiale après avoir développé nos
hypothèses.
Ensuite nous poursuivrons en mettant en évidence
certains points sortant du cadre strict de notre étude et proposerons
quelques pistes de réflexion.
5.1 Analyse des hypothèses
Tout d'abord précisons que nos interprétations
sont liées aux entreprises que nous avons analysées. En effet,
nous pensons que les caractéristiques du système qualité
sont directement liées aux facteurs de contingences de l'entreprise et
qu'une généralisation ne peut être réalisée
pour l'ensemble des entreprises.
Reprenons nos cinq hypothèses :
1. L'ISO 9001137(*) provoque une prescription du travail menant à
un certain cloisonnement, à un appauvrissement des tâches.
Notre analyse nous montre que cette hypothèse n'est pas
vérifiée. Au contraire, l'ISO aurait plutôt tendance
à décloisonner le travail en améliorant la communication
et à enrichir les tâches, soit au travers de l'élaboration
des procédures, soit en permettant la redistribution de tâches
simples bien décrites.
L'aspect prescriptif est relatif. D'une part les travailleurs
participent à l'élaboration de leurs documents, d'autre part la
prescription des fonctions fortement contrôlées (atelier)
préexistait et n'a été que formalisée.
2. Si le contrôle induit par l'ISO 9001 porte sur les
processus, il permet une augmentation du contrôle du travail individuel
et in fine des individus eux-mêmes, ce contrôle
« masqué » étant susceptible de servir
à l'évaluation des performances des travailleurs.
Il est indéniable que l'AQ génère des
données exploitables en matière d'évaluation individuelle.
Les enregistrements sont nominatifs et cela répond au principe
fondamental de traçabilité.
Les travailleurs n'en sont pas tous conscients car cela ne
paraît pas lié à la gestion des ressources humaines.
Toutefois certains témoignent de l'utilisation opportuniste de ce
système pour objectiver des sanctions qui ont été
appliquées.
Actuellement cela semble inacceptable d'un point de vue
déontologique, toutefois un responsable qualité évoque
lui-même l'incomplétude des normes ISO qui devraient logiquement
recouvrir le domaine de la gestion des ressources humaines et des finances de
l'entreprise. Ceci correspond tout à fait à l'idée d'un
management intégré évoquée par ailleurs par un
certificateur. Comment ne pas envisager l'instrumentalisation de l'AQ dans un
tel contexte ?
Il faut sans doute nuancer cette réflexion en
précisant que l'AQ ne serait qu'un élément de ce
système de management (pilotage). Ainsi cet élément ne
ferait qu'ajouter une source de données dans le cadre de la GRH.
Certaines caractéristiques définissant la compétence ne
peuvent en effet être mesurées sur les seules données
issues de l'AQ.
L'AQ pourrait également permettre la reconnaissance du
travail, qui pourrait alors être valorisé.
3. Malgré les recommandations de la norme ISO 9001,
l'AQ peut donner lieu à une séparation entre la conception et
l'exécution des procédures en altérant le caractère
réflexif.
Ceci n'est en effet qu'une recommandation. Les entreprises
sont donc libres de mettre en place le système qualité sans
impliquer les travailleurs.
Dans notre analyse, les ouvriers de l'entreprise A ne
rédigent pas de procédures. En revanche tous les travailleurs
peuvent modifier ou faire modifier les documents qu'ils sont
généralement invités à valider.
Selon nous, il serait illusoire de penser que l'AQ
possède un caractère réflexif pour l'ensemble du personnel
des entreprises. Les caractères prescriptif et réflexif peuvent
en effet être différenciés dans l'espace et dans le temps.
D'une part l'élaboration et l'application des procédures se
déroule en des temps différents ainsi qu'en des lieux parfois
différents (la hiérarchie rédigeant des procédures
pour ses opérateurs). D'autre part les outils réflexifs ne sont
en général pas accessibles aux exécutants (ensemble des
réunions).
4. La certification est une volonté de la direction qui
voit l'ISO 9001 comme un pur outil de management.
Cette hypothèse semble particulièrement
contestable. En effet, généralement la certification est la
conséquence d'un impératif de marché. Les
spécialistes de la qualité sont souvent confrontés au
début à la réticence et l'incompréhension de la
direction face à cet outil. Le manque de moyens mis en oeuvre dans ce
domaine est une preuve que les directions ne considèrent pas l'AQ comme
un outil de management.
Toutefois avec l'expérience, les
bénéfices qu'apportent ce système éveillent en
général l'intérêt de la direction qui
l'instrumentalise progressivement.
5. Les individus n'ont pas conscience de la coexistence des
modèles de contrôle ; c'est la source de
l'ambiguïté de l'ISO 9001.
Les travailleurs sont conscients de la différence de
management existant entre une forme autoritaire et la confiance procurant de
l'autonomie. Cependant ils lient ces caractéristiques à la
personnalité des managers. Les concepts de norme substantielle et
procédurale sont trop théoriques.
Nous pouvons conclure qu'ils n'ont sans doute pas conscience
de cette ambiguïté.
A présent, répondons à notre question de
recherche initiale :
Existe-t-il un sentiment de contrôle hiérarchique
conséquent à la mise en place d'un système de gestion de
la qualité (ISO9000) chez les opérateurs d'une PME ?
Etant donné le but de l'AQ (ne portant pas sur le
contrôle individuel) et la vision qu'ont les travailleurs de l'AQ, nous
pouvons conclure que la mise en place d'un tel système n'induit pas le
sentiment (de l'augmentation) d'un contrôle hiérarchique.
D'un côté le contrôle hiérarchique
préexiste et n'est que formalisé au travers de documents tels que
les organigrammes.
D'un autre côté bon nombre de travailleurs vont
être activement impliqués dans le système qualité,
leur apportant un enrichissement de leurs tâches et par là une
certaine satisfaction.
5.2 Réflexions et pistes de
réflexions
Il n'est pas évident que l'assurance qualité
contribue au passage d'une structure organisationnelle entrepreneuriale
à une structure bureaucratique. L'AQ impose une formalisation qui peut
être raisonnée et ne pas consister en une montagne de papiers.
Cette formalisation décrit le fonctionnement de
l'entreprise et n'impose aucun modèle organisationnel.
Au travers des entreprises analysées, on constate
d'ailleurs que le système de GRH tend à demeurer de type
arbitraire ou professionnel et non à évoluer
inéluctablement vers un type objectivant.
En revanche, lors d'un entretien avec un consultant en
qualité, l'utilisation de l'AQ a été décrite dans
certains cas comme la possibilité d'organiser l'entreprise pour faire
face à sa croissance. Il s'agit plus particulièrement de toutes
petites structures employant des travailleurs peu qualifiés.
L'interview d'un jeune technicien nous permet également
d'imaginer l'évolution de ces systèmes de management
intégrés. Plus précisément il s'agit de
l'acceptation du contrôle posé par ces systèmes qui
aujourd'hui encore paraissent illégitimes. En effet, si l'éthique
de l'AQ à l'heure actuelle tend à bannir l'utilisation de ses
données à des fins d'évaluation individuelle des
performances, les jeunes débutant leur carrière dans un
environnement où cette instrumentalisation s'opère
progressivement, intériorisent ce qui nous paraît comme des
contraintes et trouvent ça normal.
Ainsi cette conception de management intégré,
utilisant l'ensemble des outils de pilotages, dont l'AQ, et apparaissant
aujourd'hui « délicat » à mettre en oeuvre,
pourra progressivement constituer une réalité sans ne plus
être dénoncée.
Pour conclure ce travail, je partage l'intérêt
d'un ancien condisciple pour l'analyse de ce problème sous l'aspect de
la culture d'entreprise.138(*) En effet, que l'entreprise prône un
réel effort pour la qualité ou non, c'est l'ensemble des
représentations que s'en font les travailleurs de l'entreprise qui fait
vivre ce système qualité. Ainsi, au-delà de l'aspect
organisationnel et comme le rappellent certains interlocuteurs, c'est le
système de valeurs de l'entreprise qui est en jeu.
6 Bibliographie
Ouvrages :
o COMPERE J.-M. (2000), « La qualité pour la
vie », Bruxelles, Luc Pire.
o DE MUNCK J. (1999), « L'institution sociale de
l'esprit », Paris, PUF.
o DE MUNCK J. et VERHOEVEN M. (1997) (dir.), « Les
mutations du rapport à la norme. Un changement dans la
modernité ? », Bruxelles, De Boeck université.
o DEJOURS C. (1993), « Travail, usure mentale. Essai
de psychopathologie du travail », (réédition), Paris,
Bayard, pp. 205-253.
o LEVY A. (1968), « Psychologie sociale :
textes fondamentaux anglais et américains / choisis,
présenté et traduits par A. Lévy », Paris,
Dunod.
o LEVY A. (1997), « Un univers de
règles », In Sciences cliniques et organisations
sociales, Paris, PUF, pp. 168-189.
o PICHAULT F. et NIZET J. (2000), « Les pratiques de
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o QUIVY R., VAN CAMPENHOUDT L. (1995), « Manuel de
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Dunod.
o VAN DEN HOVE D. (1993), « Pouvoir, autorité
et légitimation », Journée d'étude CECOM.
Revues et périodiques :
o COCHOY F., GAREL J.-P., DE TERSSAC G. (octobre -
décembre 1998), « Comment l'écrit travaille
l'organisation : le cas des normes ISO9000 », La revue de
sociologie française, Volume XXXIX, n°4, pp. 673-699.
o « Normes et compétitivité
internationale », Qualité - Revue pratique de
contrôle industriel, N° 228, Juin 2000, pp. 18-31.
o DIGNEFFE F., NACHI M., PERILLEUX T. (2002), « En
guise de conclusion. Des contrôles sans fin(s), ou le passage de la
vérification à l'autocontrôle permanent. »,
Recherches sociologiques, Volume XXXIII, n°1, pp. 109-126.
o SEGRESTIN D. (juillet - septembre
1997), « L'entreprise à l'épreuve des normes de
marché. Les paradoxes des nouveaux standards de gestion dans
l'entreprise », La revue française de
sociologie, Volume XXXVIII, n°3, pp. 553-585.
o DE MUNCK J. (mai 1994), « Du souci de soi
contemporain », Les carnets du centre de philosophie du
droit.
Thèses, mémoires, travaux :
o BEGUIN H. (2005), « Analyse prévisionnelle
des impacts structurels et humains engendrés par une recherche de
certification. Diagnostic au sein d'une entreprise industrielle dans le cadre
d'une recherche de certification ISO 9001 version 2000 »,
Louvain-la-Neuve, Mémoire de fin d'études.
o CLAEREBOUDT C., MOERENHOUDT V., SPROKKEL G., TRILLET E.
(2005), « Le cas d'Eric, vertige de l'amer »,
Louvain-la-Neuve, Travail de groupe pour le cours d'Analyse psychosociologique
des relations de travail.
o DELFOSSE C. (2003), « Impacts du
référentiel ISO 9000 sur l'organisation du travail »,
Louvain-la-Neuve, Mémoire de fin d'études.
o GOFFIENT M. (2001), « Les changements
organisationnels suite à la certification au référentiel
ISO 9000 dans une entreprise du secteur tertiaire »,
Louvain-la-Neuve, Mémoire de fin d'études.
o GOUDREAULT Y. (2001), « La norme d'assurance
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o GRONNIER M. (2002), « Cybersociologie :
Internet comme un outil d'enquêtes sociologiques », Bordeaux ,
Mémoire de D.E.A.
o VAN CAILLIE S. (2002), « L'impact de la norme ISO
9000 dans les PME, spécifiquement dans les TPE (très petites
entreprises) », Louvain-la-Neuve, Mémoire de fin
d'études.
Cours :
o BARRE P. (2005-2006), « Administration du
personnel », Cours TRAV21.
o MAROY C. (2005-2006), « Sociologie des
organisations et de l'action organisée », Cous TRAV21.
Sites web :
o http://www.wikipedia.be
o http://www.leforem.be
o http://www.cequal.be
o http://www.uwe.be
Autres :
o Encyclopaedia Universalis 96
o Le Petit Robert sur CD-ROM, version 2, janvier 2002
* 1 Notons de suite pour les
puristes, que nous parlerons d'ISO dans son « usage
populaire » et non littéral. Notre intérêt pour
l'ISO porte essentiellement sur son caractère normatif
général et non sur son contenu spécifique.
* 2 MAROY C. (2005-2006),
« Sociologie des organisations et de l'action
organisée », Cours TRAV21.
* 3 ISO 9000 s'entend comme la
série des normes ISO 9001, 9002, 9003. Dans la nouvelle version (2000)
de l'ISO 9000, les normes ISO 9002 et 9003 ont été
abandonnées.
* 4 GOUDREAULT Y. (2001),
Thèse de doctorat, Op. Cit., pp324.
* 5 MAROY C. (2005-2006),
« Sociologie des organisations et de l'action
organisée », Cours TRAV21.
* 6 CLAEREBOUDT C., MOERENHOUDT
V., SPROKKEL G., TRILLET E. (2005), « Le cas d'Eric, vertige de
l'amer », Louvain-la-Neuve, Travail de groupe pour le cours d'Analyse
psychosociologique des relations de travail.
* 7 COMPERE J.-M. (2000),
« La qualité pour la vie », Op. Cit., pp.28.
* 8 COMPERE J.-M. (2000),
« La qualité pour la vie ».
* 9 COCHOY F., GAREL J.-P., DE
TERSSAC G. (1998), « Comment l'écrit travaille l'organisation
? ».
* 10 COCHOY F., GAREL J.-P., DE
TERSSAC G. (1998), « Comment l'écrit travaille l'organisation
? ».
* 11 Interviews de
spécialistes (responsables qualité).
* 12 COMPERE J.-M. (2000),
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la norme et transformation des modes d'organisation de la production et du
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* 72 COCHOY F., GAREL J.-P., DE
TERSSAC G. (1998), « Comment l'écrit travaille l'organisation
? ».
* 73 BELLEY J.-G.,
« Justice pédagogique et ordre savant : la
résolution des conflits dans la nouvelle sous-traitance
industrielle », in DE MUNCK J. et VERHOEVEN M. (1997),
« Les mutations du rapport à la norme », pp 143-162,
(extrapolation de l'exemple de la sous-traitance aux services internes).
* 74 COCHOY F., GAREL J.-P., DE
TERSSAC G. (1998), « Comment l'écrit travaille l'organisation
? ».
* 75 COMPERE J.-M. (2000),
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* 76 MAROY C.,
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DE MUNCK J. et VERHOEVEN M. (1997), « Les mutations du rapport
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Scientifique du Travail, taylorisme (voir 3.1.1 Approche rationnelle).
* 78 GOUDREAULT Y. (2001),
Thèse de doctorat.
* 79 CLAEREBOUDT C.,
MOERENHOUDT V., SPROKKEL G., TRILLET E. (2005), « Le cas d'Eric,
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cours d'Analyse psychosociologique des relations de travail.
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* 81 COCHOY F., GAREL J.-P., DE
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? ».
* 82 COCHOY F., GAREL J.-P., DE
TERSSAC G. (1998), « Comment l'écrit travaille l'organisation
? ».
* 83 COCHOY F., GAREL J.-P., DE
TERSSAC G. (1998), « Comment l'écrit travaille l'organisation
? ».
* 84 COMPERE J.-M. (2000),
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* 85 BEGUIN H. (2005),
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* 86 BEGUIN H. (2005),
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* 87 BEGUIN H. (2005),
Mémoire de fin d'études.
* 88 COMPERE J.-M. (2000),
« La qualité pour la vie ».
* 89 COCHOY F., GAREL J.-P., DE
TERSSAC G. (1998), « Comment l'écrit travaille l'organisation
? ».
* 90 COMPERE J.-M. (2000),
« La qualité pour la vie ».
* 91 La mise en place d'un
système de gestion de la qualité (assurance qualité) en
concordance avec la norme ISO 9001.
* 92 T.P.E. : Très
Petite Entreprise, comptant moins de 20 travailleurs.
* 93 T.Q.M. : Total
Quality Management.
* 94 En italique,
les travailleurs n'ayant pas connu l'entreprise avant la certification ISO
9001.
* 95 Annexe « Guide
d'entretiens ».
* 96 Annexe
« Retranscription des interviews ».
* 97 Annexe « Grille
d'analyse ».
* 98 Pour rappel, nous
parlerons d'AQ ou d'ISO comme le l'activité d'assurance
qualité.
De même, nous parlerons de procédures ou de
documents AQ ( ou ISO) pour désigner l'ensemble des documents
liés à l'AQ, qu'ils soient des procédures, modes
opératoire, protocoles, instructions, enregistrements ou autres.
* 99 Maintien d'une relation de
sous-traitance.
* 100 Directive
européenne dans le cadre de la vente de matériel
médical.
* 101 Un responsable dans
l'entreprise A (e).
* 102 Un responsable dans
l'entreprise A (e).
* 103 Un ouvrier de
l'entreprise A (groupe I).
* 104 Un responsable dans
l'entreprise A (a).
* 105 Un ouvrier de
l'entreprise A (groupe I).
* 106 Un responsable dans
l'entreprise A (a).
* 107 Ce terme a
été employé par plusieurs interlocuteurs.
* 108 Un responsable dans
l'entreprise A (e).
* 109 Un responsable dans
l'entreprise A (b).
* 110 Un ouvrier de
l'entreprise A (groupe I).
* 111 CLAEREBOUDT C.,
MOERENHOUDT V., SPROKKEL G., TRILLET E. (2005), « Le cas d'Eric,
vertige de l'amer », Louvain-la-Neuve, Travail de groupe pour le
cours d'Analyse psychosociologique des relations de travail.
* 112 Un responsable de
l'entreprise B (b).
* 113 Un responsable de
l'entreprise B (h).
* 114 Un responsable de
l'entreprise B (h).
* 115 Un responsable de
l'entreprise B (h).
* 116 Un employé de
l'entreprise C (a).
* 117 Maintien de relations
commerciales avec certains clients certifiés.
* 118 Un employé de
l'entreprise C (a).
* 119 Un employé de
l'entreprise C (b).
* 120 Un responsable de
l'entreprise D (a).
* 121 Un responsable de
l'entreprise D (e).
* 122 Un employé de
l'entreprise D (d).
* 123 Un responsable de
l'entreprise D (b).
* 124 Un responsable de
l'entreprise D (a).
* 125 Un responsable de
l'entreprise D (e).
* 126 Un responsable de
l'entreprise D (e).
* 127 Un employé de
l'entreprise D (f).
* 128 Un employé de
l'entreprise D (c).
* 129 Un responsable de
l'entreprise D (b).
* 130 Un employé de
l'entreprise D (d).
* 131 Un responsable de
l'entreprise D (e).
* 132 Un responsable de
l'entreprise D (e).
* 133 M.A.Q. : Manuel
d'Assurance Qualité, document central du système
qualité.
* 134 Un ouvrier de
l'entreprise A (groupe I).
* 135 Avantage concurrentiel
garantissant par exemple une relation de sous-traitance.
* 136 Directive
européenne rendant obligatoire la certification ISO pour la vente de
certains produits.
* 137 La mise en place d'un
système de gestion de la qualité (assurance qualité) en
concordance avec la norme ISO 9001.
* 138 VAN CAILLIE S. (2002),
Mémoire de fin d'études
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