Université de Lille II Faculté des sciences
juridiques, politiques et sociales Année universitaire 2004/2005
L'INSERTION ET LE MAINTIEN DES PERSONNES
HANDICAPEES EN MILIEU ORDINAIRE DE TRAVAIL
Sandie GRESSE
Mémoire pour l'obtention du MASTER 2 Professionnel de
droit social Spécialité droit de la santé en milieu du
travail
SOMMAIRE
INTRODUCTION - p. 3
PARTIE I : La préexistence du handicap : obstacle à
l'embauche ou simple
désavantage ? - p. 7
Chapitre I : Les organismes encadrant l'insertion professionnelle
des personnes handicapées - p. 8
I. Les organismes d'évaluation médico-sociale - p.
8
II. Les organismes d'intégration professionnelle - p.
16
Chapitre II : L'obligation d'emploi : mythe ou
réalité ? - p. 21
I. Une appréhension difficile de l'obligation :
perception et mise en oeuvre -p. 22
II. Un moyen d'exonération partielle à
l'obligation : le recours aux accords d'entreprise -p. 26
PARTIE II : La survenance du handicap au travail : l'inaptitude
partielle à
travailler - p. 33
Chapitre I : La détermination de l'inaptitude partielle -
p. 34
I. Le handicap entraînant une inaptitude - p. 34
II. La mobilisation des acteurs - p. 41
Chapitre II : Les solutions d'insertion et de maintien dans
l'emploi - p. 48
I. Les aides financières spécifiques - p. 49
II. Les actions mises en place - p. 58
PARTIE III : Note aux entreprises : Politique à tenir en
matière de handicap - p.63
Chapitre I : Le recours à l'AGEFIPH - p. 65
Chapitre II : L'indispensable respect des critères
d'aménagement des postes de travail - p. 68 Chapitre III : Les principes
d'amélioration des pratiques de maintien - p. 72
Chapitre IV : La collaboration interactive des acteurs - p. 74
Chapitre V : Exemple de situations handicapantes et
réactions à adopter - p. 75
CONCLUSION - p. 83 ANNEXES - p. 88
INTRODUCTION
La politique en direction des personnes handicapées s'est
construite progressivement au
cours du 20ème siècle. Il n'est plus
aujourd'hui question d'assistance charitable mais de solidarité
nationale. Après le droit à réparation, puis le droit
à la rééducation, le principe de non discrimination se
substitue à celui de réadaptation. Et aujourd'hui, le droit
à compensation des conséquences des handicaps devient
l'expression de l'égalité de droit pour l'exercice d'une
citoyenneté pleine et entière. Les personnes, dites ou reconnues
comme handicapées, forment un ensemble très
hétérogène. Il y a derrière cette
désignation une foule de cas particuliers. L'utilisation d'un terme
unificateur a permis de faire évoluer le regard porté par la
société sur le handicap et les personnes concernées, au
risque de masquer l'extrême diversité des conditions personnelles.
Les réponses apportées aux conséquences des
déficiences intellectuelles et physiques dans le débat
éthique et dans les mesures de protection juridique sont
révélatrices du regard porté par la société
sur les personnes en situation de handicap et de la capacité de celle-ci
à intégrer les différences.
La réforme sur le handicap du 11/02/2005 « pour
l'égalité des droits et des chances,
la participation et la citoyenneté des personnes
handicapée »1 est née de la
nécessité croissante de mettre en place de nouveaux
aménagements, concernant l'égalité des droits des
personnes handicapées. Ceci se confirme d'autant plus quand il s'agit
pour elles de travailler, afin de gagner leur vie et de pouvoir subvenir
à leurs besoins.
Qu'entendre par « personne handicapée » ?
Cette notion recouvre bon nombre d'individus, alors même que le handicap
ne saurait se voir. En effet, un handicap peut être sensoriel (visuel ou
auditif), physique (neurologique, musculaire par exemple) ou encore mental
(déficience intellectuelle lourde ou légère ou encore
trouble psychiatrique)2.
En outre, le code du travail délimite la notion de
handicap en considérant « comme travailleur handicapé
(..) toute personne dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un
emploi sont effectivement réduites par suite d'une insuffisance ou
d'une diminution de ses capacités physiques ou
1 Loi du 11 février 2005 n° 2005-102
« Pour l'égalité des droits et des chances, la participation
et la citoyenneté des handicapés ».
Loi qui sera applicable au 1er janvier 2006
2 Le Petit Larousse 2001 : Désavantage
quelconque ; infirmité ou déficience, congénitale ou
acquise. Les causes très variées en sont surtout les
traumatismes, les malformations, les anomalies génétiques, les
infections, les maladies cardio- vasculaires respiratoires ou rhumatismales.
mentales »3. Ainsi, la loi elle-même
dénonce les difficultés d'insertion et de maintien des
handicapés dans le monde du travail.
La Commission Technique d'Orientation et de Reclassement
Professionnel (COTOREP) qui détient le pouvoir de donner ou non le
statut de « travailleur handicapé » n'est à fortiori,
ni plus ni moins qu'une aide à l'insertion des personnes
handicapées au sein des entreprises, comme nous le verrons
ultérieurement.
Toutefois, elle ne peut qu'orienter le travailleur vers le
milieu ordinaire de travail (ou vers les CAT4, travail en milieu
protégé), elle n'a pas la possibilité de lui proposer un
emploi.
De ce fait, toute la difficulté réside dans la
rude accession aux emplois en milieu ordinaire de travail5. Et ce,
malgré la présence d'organismes comme l'AGEFIPH6 qui
contribue à faire du handicap un atout pour l'entreprise. D'autre part,
un grand nombre d'aides, de subventions et de mesures favorisant l'emploi de
ces personnes, sont mises en place, afin d'inciter fortement les employeurs
à embaucher des handicapés et de le faire sans risque pour leur
entreprise. Il est alors loisible de se demander pourquoi cet accès
à l'emploi ordinaire est si difficile et si compliqué pour ces
personnes.
En effet, le handicap est aujourd'hui une des causes majeures
d'exclusion. Il est au coeur des processus économiques d'une part, de
moeurs d'autre part, qui dégradent durablement le « lien social
» et ce, 29 ans après la loi d'orientation de 1975, 17 ans
après la loi du 10/07/877 sur l'emploi des travailleurs
handicapés et 15 ans après la loi du 13/01/89 visant le
traitement du handicap.
Si ce n'est pas par le travail qu'une personne
handicapée se réintègre dans la société,
comment peut- elle y arriver ?
Les revenus et aides auxquels elle peut prétendre
sont-ils suffisants pour accompagner son salaire? Ces personnes souvent en
marge de la société ont certes un revenu d'assistance mais ce
qu'elles veulent c'est un revenu d'existence8.
La loi relative à l'égalité des droits et
des chances, participation et citoyenneté des personnes
handicapées, nouvellement adoptée, va-t-elle élaborer un
terrain d'entente entre employeurs et handicapés et permettre à
ces derniers de prétendre à une vie sociale meilleure passant par
une meilleure intégration ? Peut-être, mais ce texte reste muet
sur la question des ressources, question qui
3 Article L-323-10 du Code du travail
4 Centres d'aide par le travail. Mais nous ne
traiterons pas le milieu protégé, cette étude concernant
exclusivement le milieu ordinaire de travail
5 Nous ne traiterons que l'insertion et le maintien
des personnes handicapées dans les entreprises du secteur
privé.
6 Association nationale de Gestion du Fonds pour
l'Insertion Professionnelle des Handicapés (issue de la loi du
10/07/1987) est une association de type loi 1901: elle a pour objet de
favoriser l'accès et le maintien dans l'emploi des personnes
handicapées en milieu ordinaire de travail.
7Loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de
l'emploi des travailleurs handicapés.
pourtant a toute son importance quand on sait que 60% des
personnes handicapées ont un revenu mensuel inférieur à
1000 Euros9.
Ne restent alors pour ces personnes que les mesures
d'intégration dans le monde du travail afin de percevoir une
rémunération suffisante digne d'un « travailleur ordinaire
» effectuant un « travail ordinaire ». Mais cela reste
difficilement envisageable pour les personnes handicapées au 2/3 qui
sont rémunérées « au prorata » de leur
handicap.
Une aide apportée en complément du salaire est
alors nécessaire et existe10, mais celle-ci comble-t-elle
toutes les carences relatives aux ressources ?
Ce qui est certain c'est que tant qu'un système
d'assistance sera en place, les personnes handicapées ne seront pas
intégrées. Ce problème est-t-il pris en compte dans la
nouvelle loi sur le handicap ?
Pourquoi ces personnes demandent-elles un revenu d'existence ?
Certainement parce que, pour celles-ci, l'accès ou la
réintégration à l'emploi n'est pas si facile et que les
ressources issues de leur travail sont limitées. En effet, selon que le
handicap est antérieur ou postérieur à l'obtention du
poste dans l'entreprise, les difficultés rencontrées par ces
personnes sont autant différentes dans leur nature que similaires dans
leur intensité. Pourquoi une personne handicapée qui a suivi des
formations en vu de se réinsérer en milieu ordinaire de travail
rencontre-t-elle autant de refus voire d'indifférence ?
Si l'on regarde la loi pourtant, un travailleur
handicapé ne peut faire l'objet de mesures discriminatoires, l'employeur
en faute s'exposerait alors à des sanctions pénales du chef de
discrimination à l'emploi.
Au vu de cette problématique, l'interrogation qui se
pose et à laquelle nous allons tenter de répondre dans une
première partie est celle de savoir si la préexistence du
handicap est un obstacle à l'embauche ou un simple désavantage.
En effet, on trouve d'un coté l'existence d'organismes ayant pour but de
faciliter l'insertion professionnelle des personnes handicapées, et de
l'autre une obligation d'emploi soumise aux employeurs mais qui leur
échappe parfois et devient alors souvent un mythe.
Comment faire comprendre aux employeurs que handicap ne veut
pas nécessairement dire incapacité total à travailler ?
Car l'équation est très souvent celle-ci et cela effraie les
employeurs. Où se trouverait alors la productivité pour
l'entreprise si la personne ne peut fournir de prestation de travail
satisfaisante à leurs yeux ? Le handicap d'une personne survenant alors
qu'il
8 Michel GARET, délégué par
intérim de l'association des paralysés de France.
9 Enquête réalisée par L'AFP en
juillet 2004 auprès de 3200 personnes en situation de handicap
10 L'AGEFIPH apporte un financement à toutes
les étapes du parcours vers l'emploi (bilan d'évaluation, remise
à niveau, formation qualifiante, apprentissage, création
d'activité,...) et elle verse le complément de
rémunération attribuée dans le cadre de la garantie de
ressources aux personnes travaillant en milieu ordinaire.
travaille déjà au sein de l'entreprise n'est pas
non plus une situation facile à gérer pour l'employeur car
l'inaptitude du salarié reconnue comme partielle obligera de nombreux
acteurs à intervenir tant au niveau humain que logistique afin de
faciliter son maintien. Cette deuxième partie proposera, en outre, les
solutions d'insertion et de maintien dans l'emploi ouvertes à la
personne devenue handicapée.
Enfin, dans une troisième partie « bonus »,
quelques prospectives seront émises pour permettre aux employeurs de
réagir au mieux face à une situation de handicap se
présentant à eux, afin qu'ils ne soient pas démunis et
d'avantage informés pour y faire face, efficacement et de façon
bénéfique pour eux et la personne handicapée.
PARTIE I
LA PREEXISTENCE DU HANDICAP ~
BSTACLE A L'EMBAUCHE OU SIMPLE DESAVANTAGE ?
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A première vue, le handicap est considéré
comme un obstacle à l'embauche. Grâce à la création
d'organismes, mis en place pour faciliter l'insertion des personnes
handicapées au sein des entreprises, cet obstacle en est-il toujours
vraiment un ? Certes, en aval, ceux-ci font pencher la balance vers une
intégration plus aisée mais si l'employeur, en amont, ne poursuit
pas les initiatives prises et aides apportées par ces structures en
respectant son obligation d'emploi, toute la démarche de soutien et
d'aide à l'embauche est anéantie. C'est un travail de suivi qui
permet d'intégrer les personnes handicapées au sein des
entreprises. L'un sans l'autre, la démarche reste difficile, c'est comme
s'arrêter en cours de route et tout laisser tomber.
Aujourd'hui, la structure est là. En effet, les
organismes encadrant l'insertion de la personne handicapée (Chapitre I)
sont omniprésents dans son parcours professionnel et sa tentative de se
procurer un emploi.
Les entreprises existent aussi et ce n'est pas par manque de
poste, le plus souvent, qu'elles ne veulent embaucher de personnes
handicapées mais par peur du handicap et du rendement que cette personne
pourrait lui apporter. De ce fait, les employeurs ne remplissent pas leur
obligation d'emploi effectif de personnes handicapées (Chapitre II)
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