I. L'offshore outsourcing et le métier de la
Bancassurance
1. Définition et contexte de l'offshore
outsourcing
Définition de l'offshore outsourcing
Avant tout, il me semble nécessaire de définir
précisément le terme d'offshore outsourcing.
L'offshore outsourcing, ou externalisation
délocalisée, consiste à confier à une
organisation extérieure, située dans une zone géographique
différente de celle du client, l'exécution d'une
prestation.
EXTERNALISATION
DELOCALISATION
Par organisation extérieure, j'entends toute
organisation ou entité qui n'aurait pas un lien hiérarchique
commun avec l'organisation ou entité demandeuse. Par zone
géographique différente, j'entends toute localisation qui ne
permet pas un contact physique facile avec le personnel de l'organisation
demandeuse. Par prestation, j'entends l'ensemble des activités,
intellectuelles ou physiques, dont peut avoir besoin une organisation ou
une entité.
OFFSHORE O UTSOURCING
Cette définition permet de constater qu'il existe deux
composantes différentes dans l'offshore outsourcing : une composante
externalisation et une composante délocalisation. Le fait de bien
séparer ces deux éléments dans l'analyse permet de bien
comprendre les impacts de chacun.
Quand, par exemple, une prestation est stratégique,
confidentielle ou à l'origine d'un avantage concurrentiel pour
l'organisation, le risque de l'offshore outsourcing ne vient pas du risque de
délocalisation mais d'externalisation. Ainsi, cette prestation doit
être exécutée par l'organisation elle-même, dans la
zone géographique la plus appropriée.
A l'inverse, Renault, par exemple, a rencontré des
problèmes quand il a confié son assistance informatique de
premier niveau à la société HP, en Tunisie. L'échec
vient principalement du retard dans le transfert de connaissance vers le centre
tunisien. Cette période de flottement pendant le démarrage de la
prestation, associée à des problèmes de communication et
de formation des équipes locales, a entraîné de nombreuses
difficultés. Dans ce cas, la délocalisation est à
l'origine du risque et non l'externalisation. Bien que la prestation soit
auparavant confiée sans problème majeur à un prestataire
extérieur, les critiques se sont portées sur
l'externalisation.
Parfois enfin, et il s'agit du cas le plus critique, les deux
phénomènes ont un impact négatif sur la prestation. Pour
des prestations complexes, nécessitant de nombreux échanges, la
communication est rendue difficile à la fois parce que la prestation est
réalisée par une société extérieure qui ne
connaît pas toujours bien le métier et les processus de son client
ainsi que le contexte de l'organisation cliente (problème lié
à l'externalisation), mais aussi parce que les prestataires ne sont pas
sur site et ne peuvent pas toujours communiquer facilement sur des sujets
complexes, parfois dans une langue différente (problème
lié à la délocalisation).
Le deuxième point que soulève cette
définition concerne les termes « organisation extérieure
» et « zone géographique différente ». Ces deux
expressions sont larges. En effet, les choix de délocalisation et
d'externalisation ne sont pas des choix binaires (oui/non). Il existe de
nombreuses alternatives formant un long continuum entre chacun des deux
extrêmes pour chacun de ces éléments. Je
présenterai, plus tard dans ce mémoire, les différentes
configurations possibles pour chacun, car il s'agit d'un levier majeur de ce
type de projet.
Le troisième point enfin que soulève cette
définition est le terme prestation. En effet, il s'agit de toutes les
activités dont peut avoir besoin une organisation. L'activité
peut être une tâche, un processus, un projet ou même un pan
entier d'activité. Ceci est valable pour la production d'un bien ou d'un
service. Historiquement, l'externalisation et la délocalisation se sont
développées des activités les plus simples aux plus
complexes.
Grande Distribution
BIENS SERVICES
Industrie FPO2 BPO2
KPO2
ITO2
< 80's 80's 90's 00's > 00's
La Grande Distribution a été le premier secteur
à externaliser (vendre des produits fabriqués par d'autres
sociétés) puis délocaliser la production (par exemple,
fabriquer ou faire fabriquer des produits textiles dans le sud-est asiatique).
L'Industrie a suivi cette tendance dans les années 80 et 90, pour des
raisons de compétitivité et de recentrage sur le coeur de
métier. La délocalisation de la production a notamment
été favorisée par la levée de nombreuses
barrières tarifaires, suite aux accords du GATT puis de l'OMC, ainsi que
l'ouverture de nouveaux marchés, notamment en Europe de l'Est suite
à la chute de l'URSS.
Les années 90 ont marqué le début de ce
que j'appelle le FPO2 (Functional Process Outsourcing and
Offshoring), c'est à dire l'externalisation et la délocalisation
des processus fonctionnels comme la comptabilité ou les ressources
humaines. Ce sont souvent des processus à faible valeur ajoutée,
ne touchant pas au coeur de métier du client et nécessitant
d'importantes capacités humaines.
Au début des années 2000, émerge le
BPO2 (Business Process Outsourcing and Offshoring) qui consiste
à externaliser et délocaliser certains processus métiers
de l'entreprise, souvent les plus répétitifs, comme la
construction d'un catalogue de vente par exemple. Le BPO2 touche aux
processus liés au coeur du métier de l'organisation, avec donc un
impact direct sur l'activité de l'entreprise. Ainsi, EDF, après
avoir externalisé ses centres d'appel client, a mené une
réflexion sur les possibilités de création de valeur lors
de ce contact privilégié avec le client. Suite aux conclusions de
l'étude, l'opérateur a dû évaluer l'impact de
l'externalisation sur ce processus, qui était considéré
comme pouvant apporter plus de valeur ajoutée.
Enfin, la dernière tendance est le KPO2
(Knowledge Process Outsourcing and Offshoring) consistant à externaliser
et délocaliser les activités liées à la
connaissance (Recherche et Développement, data mining, veille
technologique, analyse industrielle, modélisation financière). Il
s'agit du degré de complexité le plus important d'offshore
outsourcing car il touche à l'origine même de la création
de valeur. Des centres de recherche commencent à s'ouvrir en Inde, comme
celui d'Alcatel pour le développement d'équipement
télécom. Malgré tout, il s'agit des débuts de ce
type de prestation.
Enfin, l'ITO2 (Information Technology Outsourcing
and Offshoring) est un élément transversal aux
éléments cités plus haut. Il s'agit de l'externalisation
et la délocalisation des
activités informatiques. L'émergence de
l'ITO2 s'est faite dans les années 90 avec les projets de
maintenances liées au passage à l'an 2000, à
l'intégration de solutions ERP (Entreprise Ressource Planning ou
Progiciel de Gestion Intégré) dans les entreprises et au passage
à l'euro en Europe. Les technologies de l'information sont
présentes dans la plupart des activités d'une organisation.
Ainsi, l'externalisation et la délocalisation de activités
liés aux systèmes d'information des entreprises touchent les
trois éléments cités plus haut : le FPO2 (mise
en place d'un outil de e-sourcing par exemple), le BPO2 (maintenance
d'un site internet par exemple) et le KPO2 (développement
d'un progiciel pour un éditeur, par exemple).
Les concepts d'ITO (Information Technology Outsourcing), de
BPO (Business Process Outsourcing) et de KPO (Knowledge Process Outsourcing)
sont couramment utilisés. Malgré tout, ils se limitent à
l'externalisation. Or aujourd'hui, l'offshore outsourcing combine
l'externalisation et la délocalisation. Ainsi, je mets en avant les
concepts d'ITO2, de BPO2 et de KPO2, car ils
recouvrent une problématique plus complexe.
Enfin, le concept de FPO2, que j'ai
développé dans ce mémoire, aide selon moi à
délimiter le périmètre du BPO2. Le
BPO2, comme son nom l'indique, se limite à l'externalisation
et à la délocalisation de processus métier (business). Les
processus fonctionnels ne répondent ni à la même logique ni
aux mêmes contraintes d'Offshore Outsourcing que les processus
métier. Ceci justifie donc cette distinction.
Ce mémoire se limitera à la partie Services du
schéma ci-dessus. Bien que le développement de l'offshore
outsourcing soit important dans les activités liées aux biens ou
aux services, le niveau de maturité ainsi que les logiques
associées sont très différentes. Pour les activités
physiques liées à la production, on parle de sourcing LCC (Low
Cost Countries), ou sourçage en pays à bas coût, cette
démarche étant très développée dans les
organisations industrielles. Ainsi, l'équipementier automobile Valeo
s'est fixé comme objectif de monter sa part d'achat en pays à bas
coût à 70% d'ici à 2010. Les contraintes sont surtout des
contraintes de qualité, de logistiques et de commerce international
(douane, assurance,...).
Les achats de prestations de service externalisées et
délocalisées sont à un niveau de maturité plus
faible, car il s'agit d'une tendance plus récente. De plus, elles
suscitent de nombreuses réticences de la part des populations
touchées dans l'organisation cliente ou chez le prestataire. Ces
populations ont souvent un niveau de formation plus élevé
(ingénieur,
comptable,...) et ont suivi l'impact des
délocalisations et des externalisations sur les métiers de
production (licenciement, baisse des salaires,...). A cela s'ajoute le fait que
les contraintes de l'offshore outsourcing de prestations de service sont
très différentes puisque les activités de service sont
basées sur des prestations intellectuelles, et non physiques. La
production n'est pas transportée physiquement mais de manière
numérique via les réseaux de télécommunication. Or,
avec les avancées technologiques et le déploiement mondial de ces
réseaux de télécommunication, ce transport est rendu plus
facile. L'enjeu est plus lié à la communication, à la
gestion de projet et au management d'équipe.
Enfin, il est important de distinguer l'offshore outsourcing
de projets ou d'activités récurrentes. Cette distinction permet
de bien comprendre les besoins et les enjeux pour chacun des deux cas. Pour un
projet, le risque sur les délais, les coûts et la qualité
sont très importants et ne peuvent pas, le plus souvent, être
rattrapés ensuite. A l'inverse, une activité récurrente
peut être améliorée au cours du temps mais les
investissements au démarrage de la prestation étant plus
importants, il est plus difficile de changer de stratégie ensuite
(changement de fournisseur, de localisation ou ré-internalisation par
exemple).
Le sourcing est différent dans les deux cas puisque
dans un projet, on cherche un savoir-faire déjà existant et
déjà appliqué dans des projets similaires. A l'inverse,
dans des prestations récurrentes, on cherche un partenaire durable dont
les prestations pourront s'améliorer avec le temps.
Contexte de l'offshore outsourcing
L'offshore outsourcing est une pratique en pleine croissance
qui s'appuie sur différents éléments. Sur le plan
macroéconomique, il s'inscrit dans la tendance de fond de la
mondialisation, qui a entrainé deux mouvements dans les économies
occidentales : les délocalisations dans les pays à bas coût
et le recentrage sur le coeur de métier de l'entreprise. Sur le plan
micro économique du marché de l'Offshore Outsourcing, la
pénurie de main d'oeuvre pour certaines prestations dans les pays
occidentaux, la nécessaire diminution des coûts, la
création d'une offre de prestation informatique en Inde (les grandes
sociétés de services informatiques indiennes ont
été crée au début des années 80 : Infosys en
1981, Wipro en 1980) et le développement des Technologies de
l'Information et de la Communication ont favorisé l'émergence de
l'offshore outsourcing.
Le marché de l'offshore outsourcing est en pleine
croissance et nombreuses sont les entreprises souhaitant y recourir dans les
années qui viennent. Ainsi, 50% des grandes entreprises
américaines (supérieur à 5 000 salariés) et 40% des
entreprises en Europe ont l'intention de délocaliser et/ou externaliser
une partie de leurs prestations d'ici 2010.
Que ce soit en terme d'offre ou de demande, il s'agit d'un
marché fortement polarisé. Selon une étude Gartner (Juin
2005), 80% de la demande sur ce marché est représentée par
les Etats- Unis. En Europe, 70% de la demande européenne est
représentée par le Royaume-Uni. A l'inverse, l'Inde
représente 80% des revenus de l'offshore outsourcing de service.
Généraliser les tendances de ce marché
est donc difficile car il est limité à quelques pays, aussi bien
en termes d'offre que de demande. Malgré tout, cette situation semble
évoluer. Ainsi, l'offshore outsourcing ne représente que 2% des
dépenses de prestations informatiques en France mais croit de 20% par
an. De même, le nombre de pays fournisseurs de prestation ne cesse
d'augmenter (Maroc, Ile Maurice, Roumanie).
L'offshore outsourcing est donc une réalité
complexe, qui mérite d'être étudié de manière
structurée.
|