Le Règlement des conflits entre actionnaires dans les sociétés anonymes de l'espace OHADA : analyse et perspectives( Télécharger le fichier original )par Julien Hounkpe Université d'Abomey Calavi (Bénin) - DESS Droit des Affaires et Fiscalité 2006 |
Paragraphe 2 : La conciliation dans les contentieux entre actionnaires.
Nous devons d'abord énoncer les principes généraux pour ensuite évoquer la procédure. A- Les principes générauxLa conciliation consiste dans l'intervention d'un tiers qui après avoir écouté les parties et analysé leur point de vue leur propose une solution pour régler leur différend, ce qui la distingue de la médiation106(*), laquelle reste un accompagnement et de l'arbitrage qui est contraignant. Les parties sont naturellement libres d'accepter ou de refuser. Le recours à un conciliateur est donc libre. Le conciliateur a pour mission de régler à l'amiable les différents portant sur les droits dont les intéressés ont la libre disposition. Il s'agit du règlement à l'amiable des conflits entre particuliers à l'exclusion des litiges concernant l'état des personnes, en dehors de toute procédure judiciaire. N'étant pas magistrat, le conciliateur ne prononce pas de jugement. Il recherche une solution amiable satisfaisante pour les parties en conflit afin d'éviter le recours au tribunal. Les éléments caractérisant la conciliation sont, outre la nécessité de respecter le principe du contradictoire, de rechercher un compromis dans le cadre de débats confidentiels dans lesquels le conciliateur devra adopter un comportement impartial. La réussite de la conciliation dépend évidemment de la volonté conjointe. Si par exemple une partie a entamé le procès dans le seul but de gagner du temps, elle refusera la conciliation et fera durer la procédure aussi longtemps que possible. De même, si ses calculs de probabilités lui font espérer un gain supérieur en cas de décision judiciaire, elle placera la barre haut pour mettre fin au litige. La conciliation est donc une « fenêtre » autorisant la prise en charge des aspects émotionnels du litige : donner à chaque partie la possibilité d'exprimer pourquoi elle fait des reproches à l'autre. Mais, faute d'accord des parties, le conciliateur reprendra le cours de sa mission qui se terminera par ses conclusions et le dépôt de son rapport. La procédure de conciliation obéît à des règles spécifiques. B- La procédure de conciliationLes parties peuvent se concilier spontanément ou à l'initiative du juge pendant toute la durée de l'instance (art. 127 NCPC). Ainsi, la saisine du conciliateur se fait directement par les parties, ou sur délégation du juge d'instance si les parties sont d'accord sur les principes de cette désignation. La conciliation peut être recherchée au moment que le juge estime le plus favorable. Les parties, même si elles se concilient en dehors du prétoire, peuvent toujours demander au juge de constater leur accord. Le conciliateur peut être privé ou être désigné par un juge dans le cadre d'une procédure judiciaire. Dans le cas d'une désignation par un juge, on parle de conciliateur de justice. Le conciliateur de justice peut être saisi soit directement par les parties, soit par le juge d'instance qui lui délègue alors son pouvoir de conciliation en application des lois des 8 février 1995 et 28 décembre 1998 en France107(*). Lorsque le conciliateur est saisi par le juge d'instance, l'accord des parties est nécessaire (art. 832 al.1 NCPC), recueilli le plus généralement à l'audience du juge. Dans ce cas, la mission de conciliation ne peut excéder un mois, renouvelable sur demande du conciliateur, une fois pour la même durée. Lorsque les intéressés se trouvent devant lui, hors la présence de tout public, le conciliateur les écoute successivement et tente par un dialogue approprié de les amener à dégager la solution qui paraîtra la meilleure. Il doit veiller à ce que le débat soit équitable et neutre. Il se doit d'être impartial et est tenu à l'obligation de réserve. A l'issue d'une conciliation réussie, le conciliateur rédige - obligatoirement s'il est saisi par le juge d'instance, facultativement en cas de saisine par les parties - un constat d'accord. Ce constat d'accord, établi en autant d'exemplaires que de parties, est signé par les parties et le conciliateur108(*). Le secrétariat-greffe peut délivrer des extraits de ce procès verbal. Un exemplaire est transmis au juge d'instance qui y appose la formule exécutoire (art. 131 NCPC). En cas d'échec, le conciliateur doit informer les parties qu'elles peuvent saisir, si elles l'estiment utile, la juridiction compétente selon les modalités de la présentation volontaire (art. 834 NCPC). Les fonctions de conciliateur sont bénévoles et gratuites en France. La médiation et la conciliation se ressemblent quant à l'esprit qui les anime et au but qu'elles poursuivent (éviter le procès) mais présentent des spécificités. Lors d'une conciliation et plus encore lors d'une médiation, tant la parole que le pouvoir de décision sont rendus aux parties. Les actionnaires en conflit ont recourent à cette justice plus rapide, dédramatisée, et à moindre frais. C'est probablement une des raisons de leurs taux de réussite élevés. Le goût actuel des actionnaires pour la médiation et la conciliation en France et dans le monde n'aurait pas pour seule justification de contribuer à alléger la charge des juridictions étatiques, il serait la traduction d'une tendance à la pérennité dans la vie des affaires et porterait la marque de besoins plus profonds, révélateurs d'une tendance économique et comportementale dans la vie des affaires. A la lumière des leçons tirées des systèmes législatifs français et belge, il est possible d'envisager une gestion d'origine contractuelle des relations entre actionnaires dans la perspective de prévention et de résolution des conflits dans les sociétés anonymes de l'espace OHADA. * 106 Il est parfois malaisé de distinguer la médiation de la conciliation, la jurisprudence considérant la médiation comme modalité d'application de la conciliation. La Cour de cassation française a ainsi jugé, dans un arrêt du 16 juin 1993 (Civ. 2è, Bruère c/ Caisse régionale de Garantie, D. 1993-inf.176) que la médiation, dont l'objet est de procéder à la confrontation des prétentions respectives des parties en vue de parvenir à un accord proposé par le médiateur, est une modalité d'application de la conciliation. Sur une comparaison entre les deux notions, cf. Julie Joly Hurard, Conciliation et médiation judiciaires, thèse Paris 2, PUAM, 2003, préface de S. Guinchard. * 107 Cf. Nouveau Code de Procédure Civile, Titre VI, articles 127 à 131. * 108 Cette formalité est requise à peine de nullité, Trib. Com. Châlons-sur-Marne, 1er juin 1978.2.555 ; note Decheix, RTD civ. 1979.198, obs. Perrot. |
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