WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le Règlement des conflits entre actionnaires dans les sociétés anonymes de l'espace OHADA : analyse et perspectives

( Télécharger le fichier original )
par Julien Hounkpe
Université d'Abomey Calavi (Bénin) - DESS Droit des Affaires et Fiscalité 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

GENERALE

L'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), à travers l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE (AUDSCGIE), a adopté le 17 avril 1997 un nouveau droit des sociétés en Afrique1(*). Aussi bien des innovations que des réaménagements de textes ont été faits à divers niveaux.

La société anonyme est l'objet des innovations les plus importantes et les plus modernes de l'Acte sur les sociétés. Des divers points du droit des sociétés où l'Acte a fait des apports intéressants, celui qui a surtout attiré notre attention est le règlement des conflits entre actionnaires.

Par définition, la société anonyme est une société commerciale dont le capital a donné lieu à l'émission de titres de propriété appelés actions, souscrites par des investisseurs et épargnants appelés actionnaires2(*). Chaque actionnaire est porteur d'au moins une action.

Comme en toute matière supposant le rapprochement d'intérêts patrimoniaux distincts, s'y pose, dès l'origine, la question de l'organisation du rapport ainsi créé. Si les questions préalables à l'union entre actionnaires sont, le plus souvent, résolues dans un climat de relative harmonie, les difficultés essentielles surgissent dès lors que la relation doit s'inscrire dans une certaine durée.

Les incidents de fonctionnement internes ont le plus souvent à leur origine un conflit plus ou moins aigu entre actionnaires. Les exemples ne manquent pas : deux groupes devenus antagonistes bloquent toute décision qui permettrait de reconstituer le conseil d'administration; les dirigeants refusent pendant de très nombreuses années toute distribution de dividendes; ou encore un actionnaire disposant d'une minorité de blocage en assemblée générale extraordinaire interdit toute modification statutaire, pourtant indispensable à la survie de la société, etc3(*).

La survenance d'un conflit entre actionnaires est un des avatars qui peut marquer la vie d'une société anonyme et se révéler particulièrement néfaste lorsqu'il affecte, voire paralyse, le fonctionnement des organes sociaux. A l'évidence, les implications économiques et sociales du rapprochement sociétaire imposent, une intervention extérieure par l'application d'une règle de droit et souvent une interruption du pouvoir judiciaire dans la vie sociétaire.

Sous l'empire de la loi française du 24 juillet 18674(*), le règlement des conflits entre actionnaires est une tâche à laquelle, curieusement, le législateur s'est longtemps attelé avec une carence manifeste. Dès lors, c'est le plus souvent le Tribunal, usant des ressources de la loi (et singulièrement des règles légales créées dans d'autres perspectives) et des moyens que lui donne la procédure (on songe à l'intervention du Président dans le cadre de la procédure de référé répondant aux conditions d'urgence et de provisoire) qui a dû faire oeuvre de créateur et tenter de suppléer les carences du législateur.

Il a fallu attendre l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE pour voir un panel de dispositions visant la protection des associés, dont l'application pratique permet de prévenir et de résoudre les conflits entre actionnaires au sein de la société anonyme.

Dans la réforme de l'OHADA, les rapports entre actionnaires sont fondés sur le principe d'égalité qui constitue lui-même un gage de prévention des conflits. C'est dans ce souci que le législateur a prévu de manière générale dans les articles 53 à 55 de l'Acte uniforme « les droits et obligations attachés aux titres » des sociétés commerciales.

Or, si le principe d'égalité entre les actionnaires confère à chacun d'eux des droits individuels totalement équivalents, il en va différemment en ce qui concerne la gestion. En effet, la gestion de la société est exclusivement assurée par les détenteurs de la majorité du capital social. En vue de prévenir les conflits d'intérêts qui naîtraient des rapports majorité-minorité, le législateur a affirmé la primauté de l'intérêt social sur les intérêts personnels des actionnaires5(*).

Une autre disposition préventive des conflits entre actionnaires est la possibilité que leur accorde désormais l'Acte uniforme de déclencher l'alerte et de demander en justice la désignation d'un expert de gestion6(*). Donc, outre les commissaires aux comptes, dans les sociétés anonymes de l'espace OHADA, l'alerte peut être déclenchée par tout actionnaire, quelle que soit la fraction du capital qu'il détient.

Enfin, les dispositions des articles 147 à 149 de l'Acte uniforme prévoient les modes de règlement des conflits entre actionnaires. L'article 147 dispose que : « tout litige entre associés (...) relève de la juridiction compétente ». Nous partons maintenant de l'hypothèse où la survenance d'un conflit entre différents actionnaires n'a malheureusement pas pu être évitée et qu'un actionnaire minoritaire ou majoritaire souhaite introduire une action en justice. Parmi les "solutions curatives" aux conflits entre actionnaires, on distinguera :

· la désignation, par le juge des référés, d'un administrateur provisoire ;

· l'introduction d'une action en justice en cas d'abus de majorité ou de minorité ;

· la dissolution judiciaire pour justes motifs.

Aux termes de l'article 148 de l'AUSCGIE : « Ce litige peut également être soumis à l'arbitrage, soit par une clause compromissoire, statutaire ou non, soit par compromis ». L'arbitrage consiste à faire trancher un litige par des particuliers, appelés arbitres, en dehors du système judiciaire7(*). Mais leur décision, appelée sentence, a la même autorité qu'un jugement rendu en première instance par une juridiction étatique.

Toutes ces dispositions démontrent clairement que le règlement des conflits entre actionnaires est une préoccupation constante dans l'Acte uniforme de l'OHADA sur les sociétés commerciales et le GIE. Les textes nouveaux, afin d'éviter les carences antérieures, sont très méticuleux et laissent trop peu de place à la volonté individuelle. L'une des caractéristiques essentielles de l'Acte uniforme, c'est que ses dispositions sont impératives (AU, art. 2). Les lois n'offrant pas des solutions à tout conflit pouvant survenir entre actionnaires, la question est de savoir si les actionnaires peuvent prévoir, par convention, leur propre solution de sortie de crise plutôt que de devoir recourir à une décision de justice à l'issue incertaine 8(*).

Cette souplesse est conforme à la récente évolution du droit des sociétés. Sensibles aux pressions de la pratique, le législateur et la jurisprudence modernes admettent de plus en plus libéralement la validité des pactes d'actionnaires. En effet, une analyse du droit positif en France et en Belgique laisse voir apparaître un véritable mode de gestion d'origine contractuelle des relations entre actionnaires dans la perspective de prévention et de résolution des conflits sociétaires. Les leçons tirées du droit comparé nous ont amené à apporter un autre éclairage sur cette problématique : la prévention des conflits par les pactes d'actionnaires, et la résolution des conflits par des mécanismes spécifiques.

La matière des pactes d'actionnaires englobe d'une part, les conventions qui restreignent la cessibilité des titres, et d'autre part, celles qui portent sur l'exercice du droit de vote. Les premières recouvrent les clauses d'inaliénabilité, d'agrément et de préemption, et les autres clauses issues de la pratique et dont on ne trouve guère mention dans aucun code9(*). Les conventions de vote varient de l'engagement ponctuel de concertation avant le vote à une assemblée générale, jusqu'à des obligations plus larges telles que celle de souscrire à une augmentation de capital10(*).

Lorsque ces conventions ne jouent pas leur rôle pacificateur, les dissensions et les situations de blocage qui en résultent peuvent conduire à la solution de l'exclusion d'un actionnaire (la cession forcée d'action) ou de son retrait (le rachat forcé d'actions)11(*). Ainsi la loi permet à tout actionnaire de demander en justice, pour justes motifs, que les autres actionnaires reprennent ses actions. Il s'agit de deux nouveaux mécanismes de règlement des litiges entre actionnaires, tous deux fondés sur la disparition de l'actionnariat, d'une des parties au conflit.

S'il ne faut pas systématiquement éviter les tribunaux, les actionnaires doivent garder à l'esprit qu'il existe des alternatives, applicables même en cours de procédure judiciaire : la conciliation et la médiation12(*). La solution ne passe pas nécessairement par les tribunaux et les parties restent libres d'avoir recours à une méthode alternative. Plutôt que de laisser le juge prendre une décision à leur place, les actionnaires peuvent solliciter l'intervention soit d'un conciliateur ou d'un médiateur.

En définitive, l'intérêt du thème : « LE REGLEMENT DES CONFLITS ENTRE ACTIONNAIRES DANS LES SOCIETES ANONYMES DE L'ESPACE OHADA » réside dans la mise en exergue des mécanismes juridiques institués par le législateur OHADA pour la prévention et la résolution des conflits entre actionnaires au sein des sociétés anonymes, avec les perspectives qui s'offrent en la matière dans d'autres systèmes juridiques.

Nous avons choisi le thème en raison des implications économiques et sociales des conflits dans la société anonyme, qui réalise des investissements tant recherchés pour le développement de l'Afrique. Il faudra tout mettre en oeuvre pour empêcher la naissance des conflits ou les solutionner au mieux des intérêts de l'entreprise lorsqu'ils surviennent. La bonne qualité des relations entre actionnaires est sans nul doute un élément essentiel dans la poursuite d'une entreprise commune.

Les données recueillies de nos investigations serviront à orienter le développement du thème en suivant deux axes. Dans une première partie intitulée «L'encadrement juridique des conflits entre actionnaires en droit OHADA », nous ferons ressortir de façon claire et simple les dispositions que comporte l'AUSCGIE par rapport au règlement des conflits entre actionnaires.

Une seconde partie intitulée «Les perspectives du règlement des conflits entre actionnaires», nous permettra d'appréhender les mécanismes de règlement des conflits tirés d'autres systèmes juridiques. Nous y verrons par exemple que l'on peut faire jouer la liberté contractuelle dans la perspective de prévention et de résolution des conflits sociétaires.

* 1 Avant la réforme OHADA, le droit des sociétés de la plupart des pays africains concernés portait la marque de l'héritage du droit français articulés essentiellement autour du Code civil (articles 1832 à 1873), du Code de commerce (articles 18 à 43), de la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés par actions et la loi du 7 mars 1925 sur les sociétés à responsabilité limitée.

* 2 GUILLEN R. et VINCENT J., Lexique des termes juridiques, 2003, Paris Dalloz, V° Société Anonyme.

* 3 Au Bénin, récemment, la crise des GSM a provoqué des conflits plus ou moins aigus entre actionnaires opérant dans ce secteur : différend entre Sarci et Atlantique Telecom, tous deux actionnaires dans la société Telecel Bénin SA (Moov), qui aboutit à la saisine d'un tribunal arbitral ad hoc. De même, Sogreci sarl détenant 35% du capital de Spacetel Bénin SA (Areeba) a assigné en justice Mtn pour achat frauduleux de 75 % des actions de ladite société.  

* 4 Applicable dans la plupart des pays africains. Voir supra, note 1.

* 5 Article 4 alinéa 2 de l'Acte uniforme.

* 6 Art. 157 et 158, Acte uniforme.

* 7 V° Arbitrage, in Lexique des termes juridique Dalloz.

* 8 Sur cette question, voir notamment l'interprétation du Professeur Dorothé SOSSA : « Avec l'article 6 C.civ. on est fondé à utiliser l'argument a contrario pour conclure qu'on peut déroger par des conventions particulières toutes les lois qui n'intéressent pas l'ordre public et les bonnes moeurs », in Introduction à l'Etude du Droit, Cotonou, Editions Tundé 2007, p. 68

* 9 Clause de sortie commune, clause de promesse d'achat, clause de promesse de vente, clause de blocage partiel, etc.

* 10 Paris 30 juin 1995, JCP éd. E 1996, II, 795, J-J Daigre.

* 11 Articles 636 à 643 Code Belge des Sociétés. Vr Extrait en Annexe.

* 12 Nouveau code de procédure civile français, art. 127 à 131 et 131-1 à 131-15 s. www.legifrance consulté le 12/02/08.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle