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Bis Repetita Placent : la collection comme mode de construction de la cinéphile

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par Stéphanie POURQUIER
Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse - Master Sciences de l'Information et de la Communication 2007
  

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2- Transmission(s)

« La consommation ne renvoie donc pas tant à une question de communication (...) Qu'à une question de transmission, c'est-à-dire de maintien dans le temps d'une sorte de dynamique de la mémoire collective29 »

La circulation qu'une oeuvre culturelle fait à travers les âges et, en l'occurrence, à travers les modes de réception est due en partie à la transmission de l'oeuvre, c'est-à- dire à l'action de la faire perdurer dans le temps. Comment cette oeuvre a t'elle été transmise, et à notre tour, quel rôle jouent les spectatrices dans ce mode de diffusion ? A l'instar de la recherche, Damien Malinas-Veux 30 qui insiste sur le rôle des « premières fois »,nous avons demandé aux jeunes femmes rencontrées les circonstances de leur premier visionnage du film, c'est-à-dire, implicitement, la manière dont leur avait transmis.

Caroline, 27 ans, en bravant l'interdit institué par sa mère, garde le souvenir de cette première fois :

Est-ce que tu peux nous raconter la première fois que tu l'as vu ?

J'avais 11 ou 12 ans... Et bah en fait... C'était une de mes amis... Qu'il me l'a fait découvrir... Et je n'avais pas le droit (rires)... En fait, ma mère ne voulait pas que je regarde, du coup, je le regardais en cachette chez Jenny... Elle., elle avait le droit de le regarder, et pas moi... Du coup, je suis allée le voir chez elle... Et avec elle, je l'ai vu plusieurs fois... Après, au fil des années, je l'ai regardé toute seule... En tout cas, je regardais sans elle (rires) ... Je le regardais des copines, dans des soirées, ou des trucs comme ça...

29 HELBURNN Benoit, l'ange ou le diable? L'individualisation de l'enfant dans les pratiques de consommation familiale, in SINGLY (de) François (sous la direction de), être soi d'un âge à l'autre, Famille et Individualisation (Tome II°, l'harmattan, Paris, 2001,p.77.

30 MALINAS-VEUX, Damien, Transmettre une fois ? Pour toujours ? Portraits des festivaliers d'Avignon en public, thèse dirigé par Jean Louis Fabiani et Emmanuel Ethis. Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse, Novembre 2006.

Est-ce que tu sais pourquoi ta maman t'avait interdit de regarder Dirty dancing ?

Oui, c'est parce qu'il y avait des scènes d'amour... même si c'était très sobre ... À 16 ans, je n'ai pas eu droit de regarder L'Amant ! Alors ! Mais ça me donnait forcément envie de regarder, pour moi, dans ce film, il n'y avait rien de quand... Alors je ne comprenais pas sa réaction...

De même, Hélène, 23 ans se rappelle de cette expérience qui a conditionné l'usage qu'elle en a fait ensuite :

Est-ce que tu te souviens la première fois que tu as vu Dirty Dancing ?

(Rires) la première fois que je l'ai vu, c'était la télé, parce qu'il passait... Enfin il était au programme de TF1 ou de M6... Et c'est comme ça que je l'ai vu pour la première fois que... Je devais avoir quoi, 12 ans, j'avais dû faire la guerre à mes parents parce que ça passait un vendredi soir, et que le lendemain je devais aller à l'école, en y repensant j'avais dû lui lire la critique de Télérama ou un truc dans le genre et j'avais vraiment dû faire la guerre... Mais j'avais convaincu mon papa de me laisser regarder ce film... Et après, les autres fois que je l'ai vu... C'était parce que ma mère m'avait offert la cassette, donc forcément, quand tu l'as sous la main, tu le regardes plus facilement... Et puis, je crois que tout le monde avait la cassette... Julie avait la cassette, Marie avait la cassette, tout le monde je crois... Donc c'est vrai qu'on allait chez les unes ou chez les autres, et quoi qu'il arrive, la cassette était là.

A travers ces premières fois racontées bien souvent à titre anecdotique, nous pouvons nous rendre compte de la dimension subjective et affective de la narration de ce « souvenir ». Bien souvent, l'affect qui accompagne le discours révèle aussi la dimension de l'objet par rapport à une période donnée, un contexte ou un bagage. Dans sa thèse, Damien Malinas-Veux cite Jean-Claude Passeron: « La transmission ne concerne pas simplement des manières de penser, des idées, des savoirs, ni même des objets. Le plus important, ce sont les manières d'éprouver, de sentir, c'est à dire des

manières d'être là, les passeurs indispensables sont des passeurs d'affects31. » En parlant du contexte et du ressenti, les jeunes femmes interviewées replacent notre objet d'étude dans une dimension subjective véhiculée à travers les années par l'importance du moment. La première fois conditionne également le souvenir global qu'on se fait de la manière dont on a reçu l'objet culturel et de fait, on peut penser que la manière dont on reçoit va de paire avec la manière dont on transmet à notre tour. Passage obligé certes, mais essentiel, « la première fois procède toujours pour qualifier le sens du commencement d'une histoire, d'une expérience ou d'une pratique » (D. Malinas-Veux, 2006). Aussi, la manière dont l'objet de recherche est évoqué par les jeunes femmes interviewées dans le cadre de cette transmission relève bien souvent de `anecdote, et de même il semble parfois être évoqué sur le ton de la confidence. Plus qu'une histoire de pratique avec ou autour d'un film, on a l'impression d'entendre parler d'une histoire d'amour32.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera