B- un vecteur d'ouverture
Pour les jeunes filles qui, ne possédaient pas la
cassette, mais qui désiraient néanmoins se la procurer, il y
avait un véritable sentiment d'attente. Le succès d'un film
à la télévision98, peut être un vecteur
pour les chaînes de télévision de diffuser d'autres films
ou de créer un événement. La récurrence d'un
film dans les grilles de programmation de chaînes de
télévision permet également à la chaîne
d'assurer le fonds d'audience et servent à fidéliser les
téléspectateurs99. De la même
manière, la spectatrice, sachant que ce film est en
général programmé sur cette chaîne, va
automatiquement fixer son attention jusqu'à la rediffusion tant
souhaitée.
Est-ce que tu te souviens de la première fois que
tu as vu Dirty dancing ?
Oui, c'était sur M6... C'était pour la
soirée Dirty dancing. Il y avait aussi Saturday night
Fever, mais celui-là, je ne l'ai pas aimé... J'ai
été très déçue... Ça devait
être au lycée... Je ne sais plus trop quand est-ce que
c'était... Mais je l'avais enregistré, et je l'ai revu
après et après, j'ai eu le DVD... Par ma grand-mère qu'il
l'avait eu gratuitement ! Donc, le DVD est chez moi ! Je l'ai regardé,
d'abord en français... Puis en version originale... Je trouve qu'il
manque quelque chose si qui ne regardent en version originale... Avec les voix
des acteurs...
Rachel, 24 ans
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Comme l'indique Rachel, la chaîne avait regroupé
deux films avec lesquels elle pensée touchait le même public. Bien
que Rachel ne semble pas avoir apprécié Saturday Night
Fever100, Très différents de Dirty dancing,
puisqu'il met en scène un jeune homme féru de disco, la situation
initiale ne paierait-t-il peut-être pas le même rapprochement
98 Il est important de signaler que la carrière d'un
film à la télévision peut apparaître
complètement indépendante de sa carrière au cinéma
: « Un certain nombre de film qui ont eu un succés confidentiel
en salles trouvent un public plus diversifié après leur passage
à la télé » (Guy, 2000). La programmation d'un
film à la télévision est donc un vecteur de diffusion.
99 DANARD Benoit, LE CHAMPION Rémy, Les
programmes audiovisuels, La Découverte, Paris, 2005, p.58.
100 Saturday Night Fever, ( Titre français :
La Fièvre du Samedi soir) film américain de John Badham, 1977,
avec John Travolta et Karen Lynn Gorney. Ce film raconte l'histoire de Tony,
jeune homme passionné de danse, qui exerce ses talents dans une
boîte de disco à New York. Pas
entre la vie du héros et celle des spectatrices. De fait,
le sentiment d'adresse était sans doute moins présent et la
spectatrice se sentait dès lors moins concernée.
. En effet, le fait de créer un événement
télévisuel autour d'une thématique, par
exemple la danse au cinéma, peut-être un moyen de
promouvoir des films différents, moins diffusée, et par la
même occasion de dynamiser l'audimat ciblé.
Au reste, cela nous pousse à considérer
l'importance de la télévision dans la culture
cinématographique et des lieux de discours qu'elle propose : «
Les chaînes, par leurs émissions qui parlent de cinéma,
mais aussi par la diffusion des films, ou d'autres lieux dans lesquels il est
question de cinéma, conduits à ériger le film en oeuvre
culte et à faire du film un objet de
désir.101"
De la même manière, bon nombre de jeunes filles
ont reçu par la suite le DVD. En effet, le DVD de Dirty Dancing
a été particulièrement diffusé : distribué
gratuitement par le catalogue de vente par correspondance, par certaines
revues, nous avons encore plus le voir cette année vendue avec un
programme de télévision distribué à grande
échelle. De plus, le DVD du film est resté pendant tout le mois
de février 2007 à la tête du classement des ventes
FNAC102. Même si le DVD de Dirty Dancing ne propose
pas de bonus ahurissants ou de making off, le DVD offre l'alternative du choix
de la langue, et contribuent ainsi la spectatrice Dirty Dancing
à avoir une action sur l'élargissement de sa connaissance du
film. En choisissant de le voir une fois de plus, et de surcroît en
version originale, le visionnage récurrent devient alors un réel
outil d'apprentissage cinématographique.
Il apparaît que la réception de Dirty
Dancing et son phénomène de collection n'aurait sans doute
pas pu avoir lieu sans les dispositifs techniques permettant la
récurrence, et sans les possibilités de diffusion telle que la
programmation télévisuelle ou la mise en location.
101 MALINAS-VEUX, Damien, SPIES, Virginie, «Mes jours et
mes nuits avec Brad Pitt : l'affiche de cinéma, une identité
énonce ses de la chambre d'étudiant à la
télévision » in ETHIS Emmanuel, FABIANI, Jean-Louis
(sous la direction de), Figures du corps au cinéma, Cultures et
Musées n°7, Actes Sud, Arles, 2006.
102 Il y a fort à parier que le prix vert
indiqué à l'époque, c'est-à-dire 4 euros 99, ait
contribué à l'achat de ce film, à cette période
là, au même titre que le prix proposé par les programmes
télé. De même, le fait de voir ce film diffusé dans
des lieux différents, par des prescripteurs différents, peut
avoir eu un réel impact sur la consommation du spectateur et du
collectionneur.
Il convient à présent de nous interroger sur
cette cinéphilie de salon, cette connaissance cinématographique
développée chez soi et de nous interroger sur le fait qu'il
s'agisse d'une cinéphilie parallèle tout aussi importante que la
pratique de sortie que nous connaissons.
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