Avant-propos
«(Voix au téléphone) : Quel est le nom du
tueur dans Vendredi 13?
Casey Becker: Jason! Jason! Jason! Jason!
Voix : Navré, la réponse est fausse...
(...)
Casey : Le tueur s'appelle Jason dans le film! Je l'ai vu
plus de 20 fois ! Je sais bien de quoi je parle !3»
À l'instar de Casey (jouée par Drew Barrymore)
dans Scream, bon nombre de personnes dise avoir vu un film plusieurs
fois : 10,20, 30 fois... Et affichent ce nombre en justification de leur
connaissance du film.
Qu'est-ce qui pousse un individu à regarder plusieurs
fois le même film ? Est-ce seulement pour accroître la connaissance
qu'il en a ? Vraisemblablement, ce n'est pas toujours le cas si on s'en
réfère à la fin malheureuse4 de Casey dans le
film... Serait-ce alors pour se remémorer un moment, une circonstance
particulière d'un visionnage préalable ? Autant de questions que
nous pouvons nous poser : quels sont ces films qui semblent avoir une place
particulière dans notre patrimoine cinématographique ?
Autant de questions qui peuvent être abordées
dans un mémoire de recherche en Sciences de l'Information et de la
Communication et qui feront l'objet d'une étude exploratoire qualitative
microsociologique.
Nous5 nous sommes particulièrement
intéressée à l'acte de visionner plusieurs fois le
même film, ce qu'il pouvait apporter, et quelles valeurs il
conférait à l'oeuvre en termes de réception. Nous pouvons
poser l'hypothèse de l'importance de ces films circulent du
cinéma aux espaces domestiques et qui jalonnent la carrière
de spectateur de tout un chacun ainsi que le décrit Emmanuel Ethis
: « une carrière de spectateur
3 Extrait de Scream ( Wes Craven, USA,
1996).
4 En effet, la jeune femme va être
sauvagement assassinée sous prétexte qu'elle n'a pas su bien
répondre à la question. Il est à noter que les questions
de culture cinématographique sont le leitmotiv du serial killer et qu'il
s'agit de se sa manière d'aborder ses victimes.
5 Par nous, nous entendons l'étudiante en
Sciences de l'Information et de la Communication, il s'agit d'un nous
universitaire.
relève en effet du « faire avec » ces
oeuvres qui façonnent peu à peu une identité culturelle,
celle-là même que l'on parvient à vivre comme une expansion
de soi (...) »6. Plus qu'une construction de soi, nous
avons envisagé l'acte de collection comme vecteur de communication et
dérivatif de la carrière d'un film. Le film qui nous a
particulièrement intéressée est Dirty Dancing.
À la fois par intérêt personnel et pour éprouver une
analyse scientifique à cet objet film la, qui pourrait apparaître
comme petit sujet dans un travail de recherche. Cependant, de
même que l'affirmait Pierre Bourdieu « Il y a des profits
scientifiques à étudier scientifiquement des objets
indignes.7 ». L'étude de la réception de ce
film, de la même manière que le travail de David MorinUlmann sur
la réception de Matrix8 tend à analyser les
comportements sociaux qui découlent de la réception d'un film, et
a montré qu'un objet culturel peut s'inscrire dans une situation
communicationnelle particulière.
Il nous semblait intéressant de suivre à la fois
le trajet de l'oeuvre est celui du spectateur et de s'intéresser
spécifiquement à ces spectatrices qui analysaient ce film d'une
manière affective, entière. Personnifier la spectatrice en lui
donnant corps et parole étaient le moyen de s'approcher au plus
près de l'affect et du sentiment d'intimité entre une spectatrice
et son film fétiche, de même qu'il nous permettait de comprendre
l'articulation des différentes pratiques liées au
cinéma.
6 ETHIS, Emmanuel, Pour une Po(ï)etique du
questionnaire en sociologie de la culture, l'Harmattan, Paris, 2004, p.
14-15
7 BOURDIEU, Pierre, Questions de Sociologie, Les
éditions de Minuits, Paris, 1984, p. 196
8 MORIN-ULMANN, David, La richesse
déployée et détruite dans l'imagerie contemporaine,
Sociologie de l'image et de la réception des films à grand
spectacle, Thèse de sociologie, Université de Nantes,
Octobre 2004.
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