CADRE CONCEPTUEL THEORIQUE
ET METhODOLOGIQUE
DE LA RECHERCHE
CHAPITRE I : CADRE
THEORIQUE
1. Cadre de la recherche et
critères du choix du sujet
Le choix de ce sujet de recherche intitulé
« Les Mères institutionnelles et la prise en charge des
enfants en détresse : cas des Mères SOS du Village d'Enfants
Lomé » nous a été dicté par nos
préoccupations au sujet de l'encadrement dont font objet les enfants en
situation difficile confiés aux mères institutionnelles. Comme on
peut le remarquer, ces enfants n'évoluent pas dans le cadre de leur
famille naturelle. Certes, c'est pour combler ce vide que les mères ont
été institutionnalisées au niveau des Villages d'enfants
SOS. Elles ont pour tâches de partager leur vie avec leurs enfants, de
les traiter avec affection et respect, et de leur offrir protection et
sécurité. Elles tentent aussi de mener une vie semblable à
celle d'une famille naturelle avec les enfants qui sont sous leur
responsabilité. Cette mission ne se réalise pas sans
difficulté. Entre la mère naturelle et l'enfant, il y a toujours
une complicité indicible. Alors on est tenté de croire que la
mère institutionnelle quoi qu'elle fasse ne pourra égaler la
mère naturelle dans son affection. Or, justement leur rôle, c'est
d'atteindre l'intégration et l'insertion des enfants sous leur
bienveillance. Il est à rappeler aussi que certaines mères SOS
ont leurs propres enfants, leurs enfants naturels. Il existe donc une
dualité de la conduite à tenir pour ces mères devant leurs
enfants naturels et leurs enfants institutionnels. La compréhension de
cette double vie de ces mères dans ce cadre institutionnel justifie le
choix de notre sujet de recherche.
2. Problématique
Mettre au monde un enfant est un processus biologique. Eduquer
un enfant, l'encourager, l'aider à devenir autonome et conscient de ses
responsabilités relève d'une mission sociale. Cette mission exige
amour, énergie et résistance, courage et confiance pour relever
les défis, la capacité à accepter les critiques et
à apprendre d'avantage encore. C'est un ensemble d'aptitudes et de
qualités que les femmes ainsi que les hommes peuvent acquérir et
développer. Ceci traduit le fait que l'homme et la femme peuvent et
doivent éduquer l'enfant.
Avec l'industrialisation, les conditions de vie
changèrent et la vie familiale telle une communauté
économique et consommatrice prirent un nouveau caractère qui se
traduisit par le fait que l'homme alla travailler à l'extérieur
du foyer familial et la mère accomplissa un travail de (re)production du
foyer. C'est ainsi qu'apparut le modèle précurseur de la famille
actuelle. Les exigences à l'égard de la mère, qui en
général demeura encore la principale responsable de
l'éducation et de l'encadrement des enfants, se multiplièrent
progressivement au cours du temps.
En résumé, ce qu'il faut retenir des
évolutions qui se sont produites à travers le monde, en Afrique
et au Togo en particulier est que la nécessité d'une division des
tâches au sein de la famille était liée à des
raisons sociales. Cette nécessité de diviser les tâches a
entraîné une attribution des rôles spécifiques
à chaque sexe que le « caractère naturel »
des femmes et les différentes idéologies maternelles ont
renforcée. On interpréta « l'amour maternel »
comme une qualité biologiquement conditionnée et en
déduisit la capacité biologique d'une femme à être
enceinte, sa responsabilité sociale à prendre en charge et
éduquer les enfants. Encore aujourd'hui, on inculque aux femmes
dès leur petite enfance, le rôle de femmes, c'est-à-dire
mère qu'elles joueront plus tard avec tous les attributs qui s'y
rattachent comme par exemple, « amour maternel » et
« instinct maternel ». Et on ne cesse d'entendre que seule
une femme, qui a elle-même donné la vie à un enfant, est
vraiment capable de bien s'occuper et d'éduquer des enfants. De tels
propos traduisent à quel point l'expression
« accoucher » (l'aspect biologique) est, pour beaucoup de
gens, associée à
l'expression « bonne-mère » (l'aspect
social).
Au Togo comme partout ailleurs en Afrique, les femmes assument
le rôle qui leur est assignée par la société, le
rôle de la mère. C'est sur la maternité que s'alignent
presque tous les objectifs personnels. C'est pour cette raison que une femme
sans enfant a moins de valeur, même si dans d'autres domaines, elle a de
grands succès. Ainsi très peu de femmes renoncent à la
maternité pour faire carrière. Disons que c'est sur la femme que
repose la charge principale de la prise en charge, l'éducation des
enfants et si elle ne prend pas soin d'eux ou si elle les quitte, elle est
"exclue" de la société.
Le fait que la relation avec leurs propres enfants
n'évolue souvent qu'après leur naissance est confirmé par
de nombreuses mères qui, immédiatement après la naissance
de leurs enfants, n'éprouvaient pas encore de « sentiments
maternels » typiques d'un amour débordant de tendresse. Elles
racontent que ce n'était que dans la phase postérieure, où
elles s'occupaient et prenaient en charge leurs enfants qu'elles
commençaient à s'attacher à ces petits bébés
et parvenaient ainsi à consolider leur relation mère-enfant. De
même les aptitudes et habilités nécessaires à
l'éducation ne vont pas de pair avec la faculté d'allaiter un
enfant ; la femme a besoin de temps pour les développer. Il
apparaît ici clairement qu'il existe deux étapes essentielles dans
la maternité et le rôle de parents : Au cours de la
première étape, l'acte de la naissance, il s'agit de donner la
vie à l'enfant. Cet enfant qui commence à vivre va donc
manifester ouvertement des attentes telles que le fait que l'on prenne soin de
lui, qu'on le guide et le soutienne. En donnant naissance à l'enfant, on
lui promet de respecter ses attentes de la vie, de protéger sa
vulnérabilité et de lui apporter paix et espace pour lui
permettre de se développer. Cette promesse renferme la deuxième
étape importante de la maternité et le rôle de parent. Dans
cette étape, le père ou la mère surtout prennent
conscience de cette promesse et essaient de l'honorer au mieux.
Il est cependant fréquent de voir aujourd'hui que le
monde soit confronté au fait que les parents, seulement parce qu'ils ont
conçu ou donné naissance à un enfant, ne soient pas
nécessairement capables de suivre l'enfant dans sa vie en
l'encourageant.
Ils ne peuvent assumer la responsabilité sociale de
leur enfant pour des raisons diverses : mort, maladie, pauvreté,
surmenage, irresponsabilité etc.... et ne peuvent donc pas
répondre de façon adéquate aux besoins de l'enfant en lui
procurant paix, attention et un sentiment de sécurité.
A ce moment, il est nécessaire que d'autres personnes
assument cette responsabilité. C'est le cas précis des
mères SOS dont il est question dans notre recherche. C'est la
mère SOS qui assume la maternité sociale, qui remplace les
parents biologiques et se met à la disposition de l'enfant d'une
façon aussi large et comparable parfois même mieux à celle
des parents biologiques. Ce qui la sépare de la maternité
réelle est l'aspect biologique, le fait simplement qu'elle n'ait pas mis
au monde cet enfant. Et à voir le résultat de près, les
mères SOS arrivent à accomplir leur mission même parfois
plus que les mères naturelles elles-mêmes. Ce professionnalisme
maternel par lequel les mères SOS s'occupent affectivement des enfants
en détresse comme leurs propres enfants nous amène à nous
poser un certain nombre de questions.
Quel est ce savoir-faire dont disposent ces mères pour
accomplir leur tâche ? Existe-t-il des facteurs favorisant
l'accomplissement de la mission de la mère SOS ? Comment
arrivent-elles à atteindre les objectifs d'une intégration et
d'insertion sociale de ces enfants qui ne sont pas les leurs ?
C'est la réponse à toutes ces questions qui
constitue la cheville ouvrière de notre recherche.
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