DES DIFFERENTES LEGISLATIONS FONCIERES I - LES POINTS
DE DIVERGENCE
Le principal point de divergence des deux législations
est l'exercice du droit de propriété. L'ordonnance n°
84-050/CNR/PRES du 4 Août 1984 portant RAF au Burkina semble avoir voulu
trouver une solution alternative à cette divergence. En effet, en
retirant à la coutume et aux particuliers le droit de
propriété pour le conférer à l'Etat, le
législateur de la première version de la RAF a
opéré une véritable révolution foncière qui
atteint les deux régimes fonciers qui se côtoyaient
jusque-là.
Les législations foncières coutumières,
faibles de l'espace géographique sur lequel elles s'exercent, ne
garantissent pas la cohésion de tous les burkinabè puisque chaque
village dispose de règles propres.
Quant à la législation foncière
règlementaire, elle offre aux particuliers un droit dont l'absolutisme
et le caractère exclusif annihilent pour les non propriétaires,
toutes les possibilités de jouir un jour de la chose commune.
II- LES POINTS DE CONVERGENCE
La nécessité de protéger les terres
burkinabè en conférant à une autorité collective
des prérogatives lui permettant d'exercer un contrôle de
l'utilisation des droits accordés et d'annuler au besoin ces droits
constitue, le point de convergence le plus important des deux
législations. La véritable nature des droits accordés (le
droit d'usage pour la législation foncière coutumière,
l'usus et le fructus pour celle règlementaire) et leur ressemblance sont
la preuve de cette convergence des objectifs de ces deux législations
foncières.
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
Selon Etienne le Roy, la propriété
apparaît quand la chose qui en est l'objet devient un bien,
c'est-à-dire lorsqu'elle a une valeur pécuniaire.1 La
terre coutumière est sacrée. Sa vente, désignée
longtemps sous l'appellation de donation, peut paraître paradoxal. C'est
pourtant le processus mis en oeuvre pour rendre cette `'donation» possible
qui permet d'affirmer qu'il existe un point de convergence de la
législation foncière coutumière vers celle
règlementaire. En effet, avant de `'donner» la terre, les
responsables coutumiers la désacralisent par des rites destinés
à l'extraire du champ du sacré pour l'amener dans celui ou le
droit d'usage peut être monnayé.
Les points de divergence des deux législations semblent
avoir trouvé un repère commun depuis l'institution de la RAF. Des
difficultés d'institution d'un régime foncier unique applicable
à toutes les terres burkinabè subsistent cependant. Quelles
peuvent être les raisons qui expliquent une telle situation ?
III - QUELQUES RAISONS DES DIFFICULTES D'INSTITUTION
D'UNE
LEGISLATION FONCIERE UNIQUE
L'institution d'une législation foncière est un
acte d'abord politique car la législation constitue le support juridique
de la politique. Quant à la politique foncière, son choix est
déterminé par le projet de société que le politique
veut mettre en oeuvre.2
La décision d'institution d'une législation
foncière unique a été prise au Burkina, par les
autorités politiques qui ont institué la RAF. Les raisons qui
semblent avoir rendu cette initiative quasiment impossible pourraient provenir
à notre avis, de l'approche de la question foncière par le
pouvoir politique. Pour étayer nos assertions, nous rappellerons
l'approche des autorités coloniales afin d'établir un
parallèle entre elle et l'attitude de l'autorité politique qui a
institué la RAF.
a) - L'autorité politique
coloniale. Les premiers actes règlementaires institués
par l'autorité politique coloniale avaient pour conséquence
juridique, la non reconnaissance de droits fonciers détenus par la
coutume, comme ressemblant au droit de propriété français.
Pour ce faire, elle a commencé par instituer
1 `'L'appropriation de la terre en Afrique
noire», Editions karthala, Paris, 1991, page 30.
2 `'L'appropriation de la terre en Afrique
noire», éditions Karthala, Paris, 1991, page 19.
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adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
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l'immatriculation et la publicité comme seules
procédures permettant la naissance et la conservation des droits
détenus sur les immeubles et opposables aux tiers.1
L'anthropologue américain Paul BOHANNAN,2
abonde dans ce sens lorsqu'il explique que le colonisateur a approché le
droit foncier coutumier avec, a priori, les trois jugements suivants :
1) - le type de carte occidental peut être introduit dans
les régions africaines, où il existe d'ailleurs
déjà, même s'il est inconnu des peuples africains ;
2) - le concept de propriété est suffisant pour
exprimer tous les types d'unités homme - chose ;
3) - le contrat et la loi successorale sont des modes normaux
pour organiser les rapports sociaux dans un contexte spatial.
Pour rappel, après avoir constaté le manque
d'adhésion des populations africaines à ce concept, des
procédures intermédiaires ont été instituées
pour leur permettre de faire constater, exercer, conserver et convertir au
besoin leurs droits fonciers coutumiers.
b) - L'autorité politique de
la RAF : Son attitude semble être une reprise de celle de
l'autorité politique coloniale. Elle annule les droits fonciers
coutumiers en faisant entrer les terres détenues en vertu des coutumes
dans le DFN. Elle annule l'existence de ces droits en supprimant la
procédure prévue par le régime foncier colonial et reprise
par celui post colonial pour les purger.
Elle laisse cependant les populations `'se
débrouiller» avec les responsables coutumiers pour obtenir les
terres et n'intervient pour les gérer qu'après que ceux-ci aient
donné leur quitus.
Les régimes politiques de la Haute Volta colonie
française au Burkina Faso ont eu une approche similaire des droits
fonciers coutumiers dont la conséquence est la dualité des
législations, toute chose qu'ils ont voulu éviter. De notre point
de vue, deux raisons expliquent cela :
- Le choix politique. Les différentes
autorités politiques du Burkina ont fait le choix d'instituer une
législation foncière unique. Pour ce faire, la législation
foncière coutumière devait disparaître. Ce choix a
été opéré dans le but de disposer d'une
législation foncière efficace et véritablement au service
« du développement et du
1 Décret du 26/07/1 932 modifiant le
décret du 24/07/1 906, article 21.
2 « Land, Tenure and Land-Tenure », African
Agrarian systems, oxford, 1963, page 106.
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
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progrès1 ». Le choix alternatif aurait
pu être celui d'une législation foncière unifiée qui
rassemblerait les forces de celles qui étaient en présence en
s'appuyant sur leurs points convergents et en résolvant les divergences
par une action politique continue.
- La procédure mise en oeuvre pour instituer la
législation foncière unique. Elle a consisté
à user de la légalité législative pour annuler la
législation foncière coutumière. Une telle approche traite
le régime foncier coutumier en ignorant une partie de sa composante :
l'aspect religieux. En effet, en réfutant toute prérogatives au
régime coutumier, les autorités politiques essaient de combattre
le religieux avec le légal. L'histoire du Burkina démontre
éloquemment les faiblesses d'une telle approche, que M. OUEDRAOGO
Moussa, confirme dans son écrit décrivant l'attitude de ces
mêmes autorités lorsqu'elles doivent acquérir la terre
rurale2.
La mise en place d'une législation foncière
unifiée qui accorde à tous les acteurs une part de pouvoir et
partant de responsabilité aurait pu être une solution alternative
qui aurait permis d'opérer sur l'aspect juridique du régime
foncier coutumier, les modifications nécessaires en évitant les
contraintes de l'aspect religieux.
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