CHAPITRE 2 : LA LEGISLATION
FONCIERE REGLEMENTAIRE
La législation foncière règlementaire a
été introduite dans les colonies d'Afrique noire par le
colonisateur français. Après l'accession à
l'indépendance, les législations foncières
instituées par les régimes politiques post-coloniaux ont
été inspirées de celle coloniale. Ensuite, la
Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) a introduit une nouvelle
approche de la gestion foncière. Les différentes autorités
politiques qui ont présidé aux destinées du pays, de la
Haute Volta au Burkina Faso, ont ainsi institué à tour de
rôle, la législation foncière qui leur semblait la mieux
adaptée aux objectifs de la politique de développement qu'elles
mettaient en place.
Nous présenterons l'évolution (section 1) et les
caractéristiques (section 2) de la législation foncière
réglementaire. Ensuite nous relèverons quelques unes de ses
forces et faiblesses (section 3).
SECTION 1- L'EVOLUTION DE LA LEGISLATION FONCIERE
REGLEM ENTAI RE I - LE REGIME FONCIER COLONIAL
Le colonisateur français a introduit dans les colonies
de l'Afrique Occidentale Française (A.O.F), la notion de
propriété privée des terres. Il a institué un
régime foncier dont les principes proviennent du droit civil et des lois
françaises et administré les terres africaines sur la base de la
distinction « domaine public - domaine privé ».
I-1 - LA DISTINCTION DOMAINE PUBLIC - DOMAINE PRIVE
I-1-1- Le domaine public
C'est le décret du 23 octobre 1904 qui institue le domaine
public en énumérant les biens qui en font partie.
Le domaine public comprend des biens qui, en raison de leur
nature ou de leur destination, ne peuvent faire l'objet d'appropriation par des
personnes de droit privé.
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
Ils sont donc grevés d'indisponibilité du fait
de leur domanialité.1 Pour ce faire la législation
leur a conféré les caractères leur permettant
d'échapper aux différents modes d'appropriation privée des
biens : ils sont inaliénables, imprescriptibles et insaisissables.
I- I-2 : Le domaine privé
Il est constitué de biens pouvant faire l'objet
d'appropriation par des personnes physiques ou morales de droit privé.
Il comprend les « terres vacantes et sans maître » 2 , mais
aussi tous les autres biens pouvant faire l'objet d'appropriation
privée.
L'importance de la distinction domaine public - domaine
privé réside dans la nature des droits pouvant être acquis
sur les biens appartenant à l'un ou l'autre domaine. En effet le
colonisateur français a introduit avec ces notions, celle de
propriété privée. Ainsi, à l'inverse des biens du
domaine public qui ne peuvent faire l'objet d'appropriation par des
particuliers, ceux du domaine privé peuvent être acquis en pleine
propriété.
I-2- LES CARACTERISTIQUES DU REGIME FONCIER COLONIAL
Le régime foncier colonial est caractérisé
par la personne habilitée à gérer les terres et par la
nature des droits fonciers règlementaires.
I-2-1 - La personne habilitée à gérer
les droits fonciers : le conservateur de la propriété
foncière
Les bureaux de la conservation sont gérés par
des préposés qui portent le titre de « conservateur de la
propriété foncière » et qui sont
désignés par arrêté du Gouverneur
général3. Ils sont chargés :
- de la suite à donner aux demandes d'immatriculation et
de la formalité de l'immatriculation sur les livres fonciers ;
1 Décret du 23/1 0/1 904, article 1
2 Décret du 23/1 0/1 904, article 10
3 Décret du 26/07/1 932 modifiant le
décret du 24/07/1 906, article 9
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
- de l'inscription, à la suite des titres fonciers et des
copies de ces titres, des droits réels constitués sur les
immeubles immatriculés ;
- de la conservation des actes et plans relatifs aux immeubles
immatriculés et de la communication au public des renseignements
contenus dans leurs archives et relatifs aux propriétés
immatriculées.1
I-3 : LES DIFFERENTS DROITS DU REGIME FONCIER
COLONIAL
Le régime foncier colonial reconnaît :
- a) Les droits réels immobiliers suivants : la
propriété des biens immeubles, l'usufruit des mêmes biens,
les droits d'usage et d'habitation, l'emphytéose, le droit de
superficie, les servitudes et services fonciers, l'antichrèse, les
privilèges et hypothèques ;
- b) Toutes les actions qui tendent à revendiquer ces
mêmes droits. 2
I-4-LES MODES DE CONSTITUTION DES DROITS REELS IMMOBILIERS
DU
REGIME FONCIER COLONIAL
Dans le but d'imposer sa conception des droits devant
être exercés sur la terre, le colonisateur mettra en place le
régime de l'immatriculation qui reconnaît uniquement les droits
acquis selon le code civil, comme porteur d'effets juridiques et opposables aux
tiers. Mais qui reconnaît cependant l'existence de prérogatives
foncières aux autorités coutumières et l'existence de
droits détenus en vertu de la coutume. Devant le peu d'adhésion
des populations africaines à ce concept, il assouplira sa position en
instituant successivement les régimes du titre foncier indigène
et du livret foncier qui reconnaissaient les droits acquis selon le
régime foncier coutumier comme ressemblant au droit de
propriété civiliste et opposables aux tiers.
I-4-1 : Le régime de l'immatriculation
Il permet de désigner un terrain par un numéro au
registre foncier. Il comporte une procédure et une formalité
d'immatriculation.
1 Décret du 26/07/1 932 modifiant le
décret du 24/07/1 906, article 10
2 Décret du 26/07/1 932 modifiant le
décret du 24/07/1 906, article 20
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
La procédure d'immatriculation
Elle commence à l'initiative d'une personne
détenant un droit réel immobilier et est conduite par le
conservateur de la propriété foncière. Elle porte sur les
fonds de terre bâtis ou non bâtis et se déroule selon les
étapes suivantes :
1) La procédure d'immatriculation est
enclenchée par une demande spéciale du propriétaire de
l'immeuble. Après avoir clôturé l'immeuble, celui-ci
établit une déclaration en langue française, signée
et contenant :
- les informations sur son identité (nom,
prénoms, qualités, domicile, état civil) et une
élection de domicile dans une localité du ressort judiciaire
où se trouve l'immeuble à immatriculer ; domicile auquel seront
effectués, par la suite, toute notifications, significations et actes
divers de procédure ...1
-la description de l'immeuble et de tous les investissements qui
s'y trouvent ainsi que l'indication de sa valeur locative et vénale ;
- le détail des droits réels et des baux de plus de
trois années afférents à l'immeuble avec mention de
l'identité des ayants droits ;
- la réquisition au conservateur de la
propriété foncière de procéder à
l'immatriculation de l'immeuble décrit.2
A l'appui de sa déclaration (la réquisition), le
requérrant dépose :
- tous les contrats et actes publics ou privés
constitutifs des différents droits réels
énumérés ou un état des transcriptions et
inscriptions afférentes à l'immeuble ;
- un plan de l'immeuble à l'échelle, établi
conformément aux instructions du service topographique ;
- une provision égale au montant présumé
des frais de la procédure.3
2) Le conservateur vérifie la régularité
de la réquisition avant de l'accepter. Il s'assure pour cela que les
titres produits ou invoqués sont établis dans les formes
prescrites par la législation applicable au propriétaire et
à la propriété.
3) Le conservateur fait insérer un extrait de la
réquisition au Journal Officiel (J.O) de la colonie. Cet avis
d'insertion est affiché pendant trois (3) mois dans les
1 Décret du 26/07/1 932 modifiant le
décret du 24/07/1 906, article 90
2 Décret du 26/07/1 932 modifiant le
décret du 24/07/1 906, article 90
3 Décret du 26/07/1 932 modifiant le
décret du 24/07/1 906, article 93
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
lieux d'usage pour faire une large publicité afin de
permettre aux éventuels détenteurs de droits portant sur
l'immeuble à immatriculer de se faire connaître, et de
préciser la nature, la valeur et l'étendue desdits droits : soit
par voie d'opposition en cas de contestation sur l'existence ou
l'étendue du droit de propriété du requérant ; ou
par demande d'inscription en cas de prétentions à l'exercice d'un
droit réel susceptible de figurer au titre à établir et
non énumérés par le requérant dans sa
déclaration. Ces déclarations sont faites oralement ou par
écrit et reçues par le conservateur qui les transcrit dans un
registre spécial.1 Elles doivent être faites pendant le
délai d'affichage de l'avis d'insertion. Aucune opposition ou demande
d'inscription n'est recevable après l'expiration de ce délai,
sauf pour les cas de délais supplémentaires accordés
spécialement aux absents.
4) Les droits fonciers coutumiers
révélés sont purgés par voie amiable ou par voie
d'exécution forcée. Si le registre spécial fait ressortir
l'existence d'oppositions ou de demandes d'inscription, l'immatriculation de
l'immeuble n'est accordée au requérant qu'après que
celui-ci ait apporté la mainlevée de toutes les oppositions et
demandes ou son acceptation des droits des personnes ayant formulé ces
requêtes. Pendant la période d'affichage, un bornage
contradictoire du terrain est fait avec établissement d'un
procès-verbal qui indique exactement les limites de l'immeuble et qui
est signé par le géomètre et tous les assistants
lettrés.
5) A l'expiration du délai d'affichage et à la
réception du procès verbal après le bornage, le
conservateur vérifie encore la régularité de la
réquisition et des titres, l'accomplissement de toutes les prescriptions
et l'absence ou la levée de toutes les oppositions. Il procède
ensuite à l'immatriculation de l'immeuble sur les livres fonciers.
La formalité d'immatriculation
Elle consiste à :
- l'inscription au registre des dépôts d'une mention
constatant l'achèvement de la procédure ;
- l'établissement du titre foncier sur les livres fonciers
;
- la rédaction de bordereaux analytiques pour chacun des
droits réels soumis à la publicité et reconnus au cours de
la procédure ;
1 Décret du 26/07/1 932 modifiant le
décret du 24/07/1 906, article 97
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
- la mention sommaire de ces divers droits à la suite du
titre foncier ;
- l'annulation des anciens titres de propriété
remplacés par le titre foncier ;
- l'établissement d'une copie du titre foncier à
remettre au propriétaire et de
certificats d'inscription à délivrer aux
titulaires de droits réels susceptibles de
cession .1
La procédure et la formalité d'immatriculation
aboutissent à la création du droit de propriété et
des autres droits accessoires. Le droit de propriété est le plus
absolu dont les personnes peuvent disposer sur un bien. Il est composé
de trois éléments : l'abusus, l'usus et le fructus.
- L'abusus : c'est la faculté
reconnue au propriétaire d'une chose, d'en `'abuser,»
c'est-à-dire de disposer de la chose tel qu'il l'entend. C'est le
caractère absolu du droit de propriété.
- L'usus : c'est la faculté reconnue au
propriétaire d'user de la chose, c'est-à- dire d'en tirer
utilité.
- Le fructus : c'est la faculté
reconnue au propriétaire d'user de la chose et d'en tirer profit. Il
englobe donc l'usus en ce sens qu'en plus d'user de la chose, la loi
reconnaît au propriétaire la faculté de faire fructifier la
chose.
Parmi ces trois éléments, l'usus est l'aspect
contrôlé du droit de propriété, qui peut affaiblir
ou anéantir ce droit. En effet la seule limite que la loi
reconnaît au droit de propriété, c'est l'usage contraire
à la loi.
LES CARACTERES DU DROIT DE PROPRIETE
Le droit de propriété comporte un caractère
exclusif, absolu et perpétuel. - Exclusif, parce qu'il
confère au propriétaire seul la faculté d'utiliser et de
jouir de la chose.
- Absolu, parce qu'il confère au
propriétaire la totalité de la faculté de faire de la
chose ce qu'il veut.
- Perpétuel, parce que le droit
reconnu au propriétaire ne s'éteint pas du fait de sa non
utilisation par celui-ci. La prescription extinctive n'atteint pas le droit du
propriétaire. En plus, le caractère perpétuel vient du
fait que le droit de propriété peut être transmis
intégralement à une autre personne.
1 Décret du 26/07/1 932, article 119.
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
La législation foncière coloniale confère
donc sur la terre un droit personnel, absolu et perpétuel.
I-4-2 : Le régime du titre foncier
indigène
C'est un décret du 8 octobre 1925 qui instaure le
régime du titre foncier indigène, encore appelé certificat
administratif. Il a été mis en place pour tenir compte des
raisons qui expliquaient le manque d'adhésion des populations africaines
au régime de l'immatriculation afin d'inciter celles-ci à
déclarer leurs droits immobiliers.
En effet, le coût élevé de
l'immatriculation, la complexité et la longueur de la procédure
et la méfiance des populations vis-à-vis de ces instances
étrangères chargées d'administrer leur terre, ont
été relevés comme raisons essentielles de l'échec
du régime de l'immatriculation après près de vingt (20)
ans d'application. Le colonisateur a alors institué le régime du
titre foncier indigène afin de permettre aux populations africaines de
faire connaître leurs droits fonciers à l'issue d'une
procédure courte, simple et peu coûteuse. Pour cela :
- le détenteur de terre régie par le
régime foncier coutumier qui désire faire reconnaître ses
droits afin de les rendre opposables à toute autre personne, adresse une
demande écrite au représentant de l'administration coloniale
comportant indication de son identité complète ainsi qu'une
description sommaire de son immeuble.
- à la réception de la demande, un
récépissé est délivré au requérant
qui peut dès lors délimiter son terrain par tout moyen de
repère. Le représentant de l'administration inscrit ensuite la
demande sur un registre ad hoc avec un numéro d'ordre.
- une palabre est ensuite organisée. Si dans les trois
mois suivant aucune opposition n'est formulée et si l'état ne
revendique pas le terrain, les pièces établies sont
numérotées et réunies pour former un livret auquel un plan
des lieux est joint.
- Les différentes inscriptions du livret sont transcrites
sur un registre spécial dont copie est délivrée au
requérant à sa demande.
Le titre ainsi obtenu par le requérant confirme
celui-ci dans ses droits. Il est opposable aux tiers qui se prévalent de
droits coutumiers et reste valable tant que celui-ci ou ses ayants droits
occupent effectivement l'immeuble.
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
I-4-3 : Le régime du livret foncier
L'un des objectifs de la politique coloniale était
l'exploitation des terres fertiles pour une bonne production agricole. Le
colonisateur a mis en place dans ce but, un important programme de production
agricole avec l'espoir que les agriculteurs africains en y adhérant,
produisent en grande quantité. Pour pérenniser ce programme en
intéressant vraiment les populations africaines et après avoir
constaté l'échec des régimes précédents, le
colonisateur entreprit une nouvelle organisation du régime foncier afin
de pouvoir introduire la notion de propriété privée dans
le régime foncier coutumier. Il espérait un meilleur
succès de ce nouveau régime pour les raisons suivantes :
- la profonde évolution des mentalités africaines
;
- le désir des populations africaines d'accéder
à la propriété privée afin de pouvoir utiliser la
terre à des fins économiques.
Il institua le livret foncier qui permettait de faire
constater les droits fonciers coutumiers et de les exercer librement, dans les
limites prévues par la loi. Les populations africaines avaient aussi la
possibilité de convertir leurs droits fonciers coutumiers en droit de
propriété, par la formalité de l'immatriculation.
Pour obtenir le livret foncier, le détenteur de droits
fonciers coutumiers qui avait réalisé une mise en valeur de la
terre avec emprise permanente sur le sol, devait la faire constater par
l'autorité compétente. A la suite d'une procédure
légère, le livret foncier lui était délivré.
Il lui permettait de disposer de son droit foncier coutumier de la même
manière qu'un détenteur de droits fonciers
règlementaires.
Pendant la période coloniale, le colonisateur
français a instauré plusieurs régimes fonciers afin de
faire entrer dans les colonies d'Afrique occidentale et équatoriale, la
notion de propriété privée. La législation
foncière coloniale a cependant reconnu l'existence de droits fonciers
coutumiers et essayé d'amener les populations africaines à
convertir ces droits en celui de propriété. Le décret
n°55- 580 du 20 mai 1955 qui institue le livret foncier constitue la
dernière tentative coloniale de convertir les droits fonciers des
populations africaines. L'accession à l'indépendance des
états de l'Afrique Occidentale Française marquera la fin du
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
régime foncier colonial et la mise en place, par les
nouvelles autorités des pays africains de nouveaux régimes
fonciers. La Haute Volta ne fera pas exception à cette nouvelle tendance
et instituera aussi son régime foncier.
II- LE REGIME FONCIER POST COLONIAL
Les autorités politiques qui ont administré la
Haute Volta indépendante ont reconduit l'essentiel des notions et
principes introduits par le colonisateur. Il s'agit de la domanialité
des terres et des différents modes de constitution ou d'acquisition des
droits fonciers, à travers la procédure de l'immatriculation. Il
s'agit également de la reconnaissance de prérogatives
foncières aux autorités coutumières et partant, de droits
fonciers coutumiers.
Les services chargés des domaines et les chefs de
circonscriptions administratives ont été investis des missions de
gestion des terres et des droits fonciers.
Les autorités post-coloniales ont néanmoins
adapté la législation héritée du colonisateur en
introduisant la concession comme mode d'acquisition des droits fonciers.
LA CONCESSION
Elle a été le mode d'aliénation des terres
du domaine privé de l'Etat. Elle comporte deux étapes :
- la concession provisoire qui fixe les
conditions de jouissance et d'aliénation des terres du domaine
privé de l'Etat. Elle est accordée par un arrêté de
concession provisoire et un cahier de charge contenant les conditions à
remplir par le concessionnaire pour pouvoir demander l'aliénation
définitive des terres.
- la concession définitive, obtenue
après parfaite réalisation des obligations imposées par
celle provisoire et avis favorable de la commission de constat de mise en
valeur. Elle est octroyée par un arrêté de concession
définitive. Le titre foncier est obtenu ensuite, après paiement
du prix ainsi que des différents droits et taxes requis pour la
mutation, l'immatriculation et l'inscription du terrain.
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
III- LE REGIME FONCIER REVOLUTIONNAIRE ET POST-
REVOLUTIONNAIRE
La Révolution Démocratique et Populaire (RDP) et
les régimes politiques qui lui ont succédé ont introduit
une nouvelle conception de la gestion foncière basée sur la
notion de Domaine Foncier National (DFN).
Cette nouvelle approche de la gestion foncière est
différente des précédentes d'abord par la suppression de
la notion de domanialité des terres qui prévalait
jusque-là, l'institution d'un DFN unique et par la nature des droits
dont peuvent disposer les personnes de droit privé.
Elle est ensuite différente par la non reconnaissance
de prérogatives de gestion foncière aux autorités
coutumières et l'annulation des droits fonciers coutumiers.
III-I- LE DOMAINE FONCIER NATIONAL (DFN)
Il comprend « toutes les terres situées dans les
limites du territoire national, et celles acquises par l'Etat et les
collectivités publiques secondaires à
l'étranger.»1 Il s'agit :
- des terres précédemment définies ou
classées dans le domaine public de l'Etat et des collectivités
publiques secondaires ;
- des terres du domaine privé de l'Etat et des
collectivités publiques secondaires affectées ou non
affectées, concédées ou non concédées ;
- des terres faisant l'objet de titres de propriété
(titres fonciers) au nom des personnes physiques ou morales de droit
privé ;
- des terres détenues en vertu des coutumes ;
- des terres appartenant à l'Etat et aux
collectivités publiques secondaires à l'étranger.
Le DFN remplace ainsi les domaines public et privé
précédemment constitués.
1 Décret n° 85-404/CNR/PRES du 04
août 1984 portant RAF, article 1
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
III-1 -1- La constitution du DFN et la
propriété de l'Etat
La proclamation par la loi de la création du DFN et de son
appartenance à l'Etat, constitue le DFN et confère à
l'Etat sa propriété de plein droit, sans une autre
formalité. En effet, l'article 2 de la loi 014/96/APD du 23 mai 1996
portant RAF stipule : « il est crée un domaine foncier national du
Burkina Faso. » Quand à l'article 4 il affirme que « le
domaine foncier national est de plein droit propriété de l'Etat.
»
La propriété proclamée de plein droit de
l'Etat sur le DFN découlerait de sa souveraineté et de la
volonté du législateur d'affirmer cette souveraineté sur
les terres du territoire national et les biens immeubles ou assimilés
acquis à l'extérieur.1
III-I-2- Les caractéristiques des biens du DFN
Elles sont différentes selon que le bien est disponible ou
non.
- Les biens indisponibles : Il s'agit des
biens précédemment classés dans le domaine public de
l'Etat. Ils conservent leurs caractères d'inaliénabilité,
d'imprescriptibilité et d'insaisissabilité.
- Les biens disponibles : Il s'agit des
biens précédemment classés dans le domaine privé de
l'Etat, à l'exception des terres du domaine privé affecté.
La détention de la propriété de ces biens a connu des
évolutions qui ont déterminé des droits de natures
différentes pour les personnes.
III - 2- LE DFN ET LA PROPRIETE DE L'ETAT
III-2-1- Le D.F.N est de plein droit propriété
exclusive de l'Etat.2
En déclarant l'Etat propriétaire unique et
exclusif des terres burkinabè, le législateur de la RAF de 1984 a
conféré à l'ensemble des biens composant le DFN, les
caractères de ceux précédemment classés dans le
domaine public de l'Etat. Toutes les terres burkinabè sont ainsi
devenues inaliénables, imprescriptibles et
1 DARGA Basile, cours de 2em année du cycle B
de l'ENAREF, année scolaire 2006-2007-, page 33.
2 Ordonnance n° 84-050/CNR/PRES du 4 août
1984 portant RAF, article 3
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
insaisissables.1 Pour atteindre la totalité
des terres, il a annulé les titres de propriété (les
titres fonciers) jusque-là détenus par les particuliers et
décrété que « les terres détenues en vertu des
coutumes » devenaient elles aussi propriété exclusive de
l'Etat. Quand aux détenteurs de titres fonciers, il leur a offert la
possibilité d'obtenir des titres de jouissance en
remplacement.2
Pendant l'application de la première version de la RAF,
les personnes de droit privé ne pouvaient donc obtenir qu'un droit
d'usage sur les terres burkinabè. Le droit de propriété
était détenu par l'Etat.
III-2-2- Le D.F.N. est de plein droit
propriété de l'Etat.
En supprimant l'exclusivité de la
propriété de l'Etat, les législateurs des deux autres
versions de la RAF (1991 et 1996) ont enlevé à certains biens du
DFN les caractères d'inaliénabilité,
d'imprescriptibilité et d'insaisissabilité. En effet, la RAF de
1991 stipule à son article 3 que « les terres du Domaine Foncier
National peuvent être cédées à titre de
propriété privée aux personnes physiques ou morales...
» Quant à celle de 1996, elle précise que « certaines
terres du domaine foncier national peuvent être cédées
à des particuliers à titre de propriété
privée... »3
Sans revenir à la notion de domanialité, les
législateurs burkinabè de la deuxième et troisième
version de la RAF, ont conféré à nouveau aux biens
précédemment classés dans le domaine privé de
l'Etat leur caractère de biens économiques pouvant êtres
possédés en pleine propriété par des
particuliers.
Ils ont réintégré le titre foncier comme
titre de propriété et réhabilité les titres
annulés par la première version de la RAF.
III-3 - LE MODE DE CONSTITUTION DU DROIT DE PROPRIETE :
L'IMMATRICULATION
L'immatriculation selon la RAF consiste aussi à
désigner un terrain par un numéro au livre foncier. Ce
numéro permet de particulariser le terrain car à chaque
1 Ordonnance n° 84-050/CNR/PRES du 4 août
1984 portant RAF, article 5
2 Ordonnance n° 84-050/CNR/PRES du 4 août
1984 portant RAF, article 4
3 Loi 014/96/ADP du 23/05/1 996 portant RAF, article
5
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
Vos commentaires à l'auteur à l'adresse email suivante :
widap7@yahoo.fr
parcelle correspond un numéro unique qui n'est plus
attribué à une autre. Chaque numéro correspond aussi
à un feuillet du livre foncier, qui constitue le titre foncier.
Mais l'immatriculation telle que définie par la RAF
revêt une portée différente de celle qu'elle avait
jusque-là. En effet avant la RAF, elle permettait de
révéler les droits fonciers existants sur la parcelle et de
purger les droits fonciers coutumiers. Depuis l'institution de la RAF, les
terres détenues en vertu des coutumes faisant partie de la
propriété de l'Etat, l'immatriculation ne consiste plus à
la révélation et la purge des droits fonciers coutumiers. Elle
comporte néanmoins toujours deux étapes :
1) la procédure d'immatriculation qui
permet de borner le terrain.
2) La formalité d'immatriculation qui
consiste à inscrire l'immeuble dans le livre foncier en lui affectant un
feuillet dudit livre, à inscrire les différents droits
réels détenus sur l'immeuble à la suite de celui de
propriété.
- La publication des droits réels.
La publication des droits réels détenus sur l'immeuble permet de
les rendre opposables aux tiers.1
|