CHAPITRE 3 : QUELLE LEGISLATION FONCIERE, OUTIL DE
DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ?
Les ambitions de développement économique du
Burkina semblent être l'une, sinon la principale cause de la
difficulté d'institution d'une législation foncière
unifiée. La prise en compte de la corrélation entre gestion
foncière, paix et cohésion sociale apparaît presque comme
impossible tant les exigences de développement économique
semblent éloignées de celles de cohésion et de paix
sociale.
Pourtant la sécurité foncière, outil
fondamental du développement économique, ne peut se
réaliser sans la prise en compte des exigences de cohésion
sociale et de paix. La prise en compte de cette seconde corrélation
entre la sécurité des droits fonciers, la paix et la
cohésion sociale est la condition sine qua non de l'institution d'une
législation foncière au service du développement
économique.
Notre proposition d'une législation foncière qui
satisfait aux exigences de développement économique commencera
donc par la définition des éléments déterminants du
développement économique (section 1) sur la base desquels nous
essayerons de déterminer le type de législation dont les droits
peuvent être sécurisés parce que adaptés à
nos réalités socio - culturelles (section 2).
SECTION 1 : LES ELEMENTS DETERMINANTS DU
DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
Pour les cerner, nous définirons d'abord le rôle
de la loi dans le développement économique. Ensuite nous
rechercherons les acteurs du développement afin d'identifier les droits
adaptés à leurs ambitions.
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
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widap7@yahoo.fr
I - LE ROLE DE LA LEGISLATION DANS LE DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE
I- 1- LA LOI ET LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
Le développement économique peut être
défini comme l'amélioration qualitative durable d'une
économie et de son fonctionnement1.
Les autorités burkinabè associent cette
définition tantôt avec l'adjectif `'durable» ou
`'social».
Le développement économique durable peut être
défini comme une amélioration qualitative et pérenne d'une
économie.
Quant au développement économique et social, il
consiste à l'amélioration des conditions de vie de la
société, issue de celle de l'économie.
C'est dire qu'il existe un lien étroit entre
`'développement économique» et `'développement
social». C'est de notre point de vue cette corrélation qui
détermine le rôle de la loi. En effet, toute économie a
besoin de s'appuyer sur un dispositif juridique efficace pour
s'améliorer et se pérenniser.
Quant à la loi, elle ne peut offrir l'efficacité
requise à l'économie que si elle constitue un
phénomène social dont les individus se sont appropriés.
L'efficacité de la loi exige et impose même qu'elle soit le reflet
de la société. Les lois foncières burkinabè
d'aujourd'hui présentent quelques insuffisances car elles
intègrent insuffisamment les réalités socio - culturelles
du Burkina. La solution d'abroger des règles (coutumières ou
règlementaires) appliquées pendant une période, et
instituer de nouvelles règles n'est pas non plus la bonne. Une telle
attitude réduit davantage les chances d'applicabilité de la loi.
« L'abrogation juridique n'implique pas une abrogation dans la conscience
collective, car la règle connue demeure vivante dans la conscience de
l'individu2 ».
La loi doit donc consister en une construction juridique qui
part de l'existant, le modèle pour l'adapter à la
société. La législation foncière modelée
obtiendra la légitimité nécessaire lui permettant de
sécuriser vraiment les droits des individus. Quand peut-on donc
considérer que les droits fonciers sont sécurisés ?
1 Définition du dictionnaire « le
dictionnaire le petit Larousse illustré"
2 www.FAO.com/ Archives de la FAO : « les
besoins d'un droit pour une coviabilité à long terme des
écosystèmes et des modes d'exploitation », page 23
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I-2- LA SECURISATION FONCIERE
Plusieurs études soutiennent la nécessité
de sécuriser les droits fonciers et font de cela un préalable
à tout développement économique durable. Nous
paraphraserons le document de PNSFMR pour donner une définition de la
sécurisation foncière.
I-2-1 - Définition
La sécurisation foncière peut être
définie comme l'ensemble des processus, actions et mesures de toute
nature, visant à permettre à l'utilisateur de terre de mener
efficacement ses activités productives, en le protégeant contre
toute contestation ou trouble de jouissance.
Cette définition semble de notre point de vue, contenir
les différents éléments qui conditionnent la
sécurité des droits. Ces éléments proviennent des
termes processus, action, mesure, utilisateur, activité et
contestation.
I-2-2- Les éléments déterminants de la
sécurisation foncière
-1) Les processus. Pour qu'il y ait
sécurisation foncière, la législation doit s'inscrire dans
le cadre d'un processus. Ce processus doit concerner les textes qui doivent
être modifiés au fur et à mesure pour être
adaptés à la réalité socio - culturelle du Burkina.
Il doit aussi concerner les populations que la sensibilisation peut convaincre
de la nécessité de la loi et dont la loi doit intégrer les
préoccupations.
-2) Les actions. Des actions doivent être
entreprises par tous les acteurs du foncier. Les acteurs politiques doivent
rendre la loi effective en veillant à ce qu'elle soit respectée.
Ils doivent donner aux gestionnaires du foncier les compétences
nécessaires et les appuyer dans l'exercice de ces compétences.
Des actions continuelles et quotidiennes doivent être menées sur
une période suffisamment longue pour que la loi soit effective dans son
application. Elles permettront aux détenteurs des droits de pouvoir en
jouir mais contrôleront aussi les abus.
-3) Les mesures. La législation foncière
doit prévoir les conséquences des actes des individus. Les
mesures doivent, par leur mise en oeuvre, encourager ou
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décourager certains comportements. Des dispositions
spécifiques doivent être prises pour faire respecter les droits
des couches spécifiques telles que les plus défavorisées
qui constituent la majorité de la population. Elles rendront la loi
pérenne et garantiront les droits acquis dans la durée, en les
protégeant des contestations futures.
-4) Les utilisateurs. La législation doit
protéger et encourager l'utilisateur de la terre à mener ses
activités productives. La notion d'utilisateur revêt une
importance capitale et doit être précisée. Car
l'utilisation constitue le seul aspect contrôlé de la
propriété civiliste. La non utilisation, la spéculation et
l'utilisation contraire à la loi doivent être interdites et
sanctionnées par des mesures vraiment appliquées.
-5) Les activités. La législation doit
disposer pour les activités et protéger leur exercice. Les droits
octroyés doivent correspondre aux activités entreprises. Leur
consistance doit tenir compte de la nature de l'activité et des
investissements réalisés par les utilisateurs. Les populations
burkinabè exercent principalement l'agriculture, l'élevage et la
pêche. L'agriculture est saisonnière tandis que l'élevage
est transhumant. Ces trois activités s'exercent sur les mêmes
espaces. L'agriculture occupe le sol surtout pendant la saison pluvieuse.
Ensuite, l'élevage occupe le même espace en saison sèche.
Agriculteurs, éleveurs et pêcheurs utilisent ensemble les cours
d'eau en toutes saisons, mais surtout en saison sèche. Si les terres
octroyées à l'agriculteur sont revêtues d'un droit absolu
qui interdit à l'éleveur d'y accéder en saison
sèche, la loi sera toujours source de conflits et donc
d'insécurité foncière. De même que si le
pêcheur dispose d'un droit absolu sur les abords des cours d'eau,
empêchant agriculteurs et éleveurs d'y accéder.
-6) Les contestations. Elles constituent le principal
facteur qui menace la sécurité foncière. C'est contre les
contestations que la loi doit protéger l'utilisateur de la terre. Les
contestations sont de deux ordres qui sont de notre point de vue, la
résultante des deux composantes de la sécurité
foncière. Il s'agit de la contestation légale et de celle
légitime.
*La contestation légale : il s'agit de
la remise en cause des droits par la loi. Elle est la plus facile à
prévenir et à résoudre. Il suffit d'être en
conformité avec la législation en vigueur pour protéger
ses droits contre la contestation légale. Le respect de la
législation confère la légalité des droits et
protège l'utilisateur contre la contestation légale.
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* La contestation légitime : Il s'agit
de la remise en cause des droits par la société. L'insuffisance
de la prise en compte de cette forme de contestation constitue la raison
fondamentale de l'insécurité foncière. Cette raison nous
paraît si importante que nous pensons qu'elle explique les échecs
de toutes les tentatives de résolution de la dualité des
régimes fonciers et de sécurisation des droits des acteurs
fonciers. Nous pensons qu'aucune sécurité foncière n'est
réellement envisageable tant que les droits des utilisateurs ne seront
pas protégés contre elle. Car la contestation légitime
détruit la légitimité de la loi qui constitue la source
des droits légaux et finit toujours par atteindre les droits acquis. La
sécurité foncière issue de la légalité
juridique ne peut être pérenne si elle ne provient pas aussi de la
légitimité sociale. Une législation foncière qui
octroie aux utilisateurs des droits légaux et légitimes parce que
adaptés aux réalités socio - culturelles du Burkina leur
offrira vraiment la sécurité foncière.
II - LES DIFFERENTS ACTEURS DU DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE
Au regard de l'histoire foncière et des
réalités socio - culturelles du Burkina, on peut regrouper les
acteurs du développement économique en deux groupes : les acteurs
politiques et les utilisateurs de la terre. Nous avons choisi de
déterminer les acteurs avant de définir les droits afin que la
loi reflète le rôle, les devoirs et les droits des personnes dont
elle constitue l'instrument.
II-1- LES ACTEURS POLITIQUES
Il s'agit de l'Etat, du Ministre chargé des domaines, des
maires et des autorités coutumières.
- L'Etat : Il instaure la législation
foncière. Il est le garant du respect de la loi et constitue de ce fait
la seule autorité à mesure de sécuriser les droits
exercés par les personnes
-Le Ministre chargé des domaines : il
l'exerce en pratique la propriété de l'Etat et contrôle le
respect de la loi. Il est chargé d'octroyer le droit de
propriété tel que défini par la loi, aux personnes.
-Les maires : ils gèrent la terre et
octroient les droits de jouissance.
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-Les autorités coutumières : elles
gèrent la terre et octroient les droits d'usage prévus par la
coutume.
II-2- LES UTILISATEURS DE LA TERRE
Il s'agit de l'Etat pour le compte des structures publiques et
para - publiques centrales et déconcentrées, des services publics
décentralisés, des personnes physiques et morales de droit
privé, qui mènent des activités productives à
savoir les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs, les artisans,
les industriels, les commerçants... et les personnes qui utilisent la
terre pour y bâtir des maisons d'habitation ou pour y mener des
activités non lucratives (associatives, religieuses...) ...
II-3 - LES AUTRES PERSONNES PHYSIQUES ET MORALES
Il s'agit de toutes les personnes physiques et morales qui
accompagnent les différents acteurs de développement et qui
conditionnent l'octroi de leurs services par des garanties constituées
de droits fonciers sécurisés. On peut citer de manière non
exhaustive les institutions financières nationales et
internationales...
III - QUELQUES OBSERVATIONS SUR LES ROLES DES ACTEURS
DE
DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
Les observations suivantes peuvent être faites sur les
rôles des différents acteurs de développement
économique, par rapport à la nature et à la gestion des
droits fonciers.
III-1- LES INSTANCES CHARGEES DE LA GESTION DES
TERRES
La gestion du foncier est assurée par des autorités
politiques :
- l'Etat représenté par le Ministre chargé
des domaines (actuellement le Ministre des finances) pour l'exercice du droit
de propriété ;
- les autorités communales et coutumières pour la
gestion des terres et l'octroi des droits de jouissance.
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III-2- L'EXERCICE DU DROIT DE PROPRIETE
Le droit de propriété est détenu par
l'Etat, mais son exercice est confié au Ministre des finances. L'une des
raisons de la difficulté de la mise en oeuvre de la RAF provient de ces
dispositions.
En effet, la propriété de l'Etat a
été très peu perçue dans la réalité
en raison du fait qu'elle est confiée à une autorité
concentrée alors que celui-ci ne dispose pas de moyens humains
adaptés (c'est-à-dire revêtu de pouvoir politique) , pour
l'exercer effectivement sur le terrain. Parallèlement la loi
confère aux autorités communales qui sont des structures
décentralisées (et des autorités politiques), la gestion
des droits d'usage, issus du droit de propriété. On pourrait
caricaturer cette situation en disant que le droit de propriété
est à Ouagadougou (lieu de situation du Ministère des finances)
tandis que le droit d'usage est partout au Burkina (dans les lieux où
sont situées les autorités communales et coutumières).
La gestion du foncier étant de la compétence des
autorités politiques, les services déconcentrés du
Ministère des finances ne peuvent exercer un contrôle efficace de
leur gestion. Ces autorités étant de fait, hors du contrôle
des structures déconcentrées de l'Etat qui les accompagnent dans
leur gestion, le contrôle du respect des dispositions législatives
devient difficile.
En fonction des éléments déterminants du
développement économique que nous venons
d'énumérer, nous essayerons à présent de proposer
les éléments d'une législation foncière à
mesure de les satisfaire et de respecter les impératifs de paix et de
cohésion sociale.
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