III.3. Évaluation
quantitative des risques biologiques générés par la
contamination de l'eau par les agents pathogènes.
Ce thème s'inscrit dans l'Axe 1 :
« Gestion de la ressource en eau et santé humaine »
du LAQUE. Il est coordonné par Madame Ketty Balthazard-Accou (doctorante
LPMM-UPJV et LAQUE-UniQ). C'est une activité de recherche très
importante pour le laboratoire et extrêmement pertinente pour le pays.
En effet, les villes haïtiennes sont
caractérisées, entre autres, par une faible couverture des
services de base, tels que l'approvisionnement en eau potable, la collecte et
le traitement des eaux usées, le drainage des eaux pluviales et la
collecte des déchets solides (Emmanuel et Lindskog (2002). Cette
situation environnementale crée un milieu épidémiologique
spécifique où l'eau joue un rôle majeur dans la circulation
des germes pathogènes (Tessier, 1992) et dans la transmission des
maladies infectieuses, particulièrement celles dues à des
bactéries et des protozoaires (Savioli 2006). Dans de telles conditions
environnementales, les femmes enceintes, les personnes âgées, les
nouveaux nés et les immunodéprimés comme les groupes
cibles les plus exposés à ces maladies (Haas et al. 1999).
En Haïti, le risque de contamination fécale de
l'environnement est particulièrement élevé. En effet,
Tractebel (1998) a dénombré des amas en coliformes totaux et
fécaux dans les sources exploitées par la Centrale Autonome
Métropolitaine d'Eau Potable (CAMEP) pour alimenter la population de la
Communauté Urbaine de Port-au-Prince. Emmanuel (2004) a
détecté un numéro plus probable (NPP) de 700 coliformes
fécaux pour 100 ml dans les eaux souterraines de la plaine du Cul-de-sac
exploitées pour alimenter la population. Des oocytes de cryptosporidies
ont été identifiés pour la consommation humaine et dans
les eaux distribuées à Port-au-prince par le réseau public
(Brasseur et al, 2002). Dans nos récents travaux, nous avons
dénombré des oocytes de Cryptosporidium sp et des kystes
Giardia sp dans les eaux de surface et les eaux souterraines de la
ville des Cayes.
L'enquête sur les helminthoses intestinales en milieu
scolaire haïtien (Champetier de Ribes et al, 2002) a
révélé que le taux de prévalence se situe entre
25,5% et 28,2% selon la région du pays. 3,4% à 28,6% des enfants
parasités sont porteurs au moins de deux helminthes intestinaux. Par
ailleurs, les études menées en Haïti depuis 25 ans ont
montré que Giardia duodenalis, agent de
gastro-entérites, et les protistes opportunistes de la classe des
coccidies (Cryptospridium sp, Isospora belli, Cyclospora cayetanensis)
sont fréquemment mis en cause dans les troubles digestifs des sujets VIH
positifs la cryptosporidiose représentant toujours la première
cause de diarrhée (Pape 1983, 1987, 1994 ; Dehovitz 1986 ;
Deschamps 2000). Chez ces derniers, la majorité des cas sont dus a des
espèces parasites d'animaux (C. parvum et C. felis),
identifiées par génotypage moléculaire (Raccurt 2006).
Les valeurs rapportées dans la littérature sur
la contamination de l'eau par les bactéries et les protozoaires risquent
d'augmenter sous l'effet des changements climatiques. En effet, la
région de l'Amérique latine et des Caraïbes a
été particulièrement affectée par des
événements climatiques extrêmes, notamment ceux liés
à El Niño. Les changements climatiques affectent le
bien-être humain directement, par les effets physiques des
phénomènes climatiques extrêmes, et indirectement, par la
pollution de l'air, l'agriculture, les ressources eau douce et la mer qui
fournissent de la nourriture et l'eau potable. Ils provoquent également
un accroissement des microorganismes pathogènes responsables des
maladies infectieuses (Githeko et Woodward, 2003).
La littérature rapporte que les agents
pathogènes contaminent le plus souvent les captages d'eau potable durant
les fortes averses provoquant ainsi
des épidémies de cryptosporidiose, de lambliase,
d'amibiase, typhoïdes et autre d'infections (Lisle et Rose,
1995 ; Atherholt et al., 1998; Rose et al.,
2000 ; Curriero et al. 2001). Par ailleurs, les changements dans
la qualité et la quantité des eaux de surface (cas de
décharge des eaux de ruissellement et effluents urbains) sont
susceptibles d'affecter l'incidence des maladies diarrhéiques d'origine
hydriques (Lipp et Rose, 1997).
Sur ce thème, M. C. Raccurt a travaillé sur
l'établissement d'un programme de recherche
intitulé : « Analyse des facteurs de risque de
contamination par les oocystes de cryptosporidies présents dans
l'environnement aux Cayes, Haïti ». Ce programme est soumis
à l'AFSSET, et il devra s'étendre sur 2 ans. Il associe les
Centres GHESKIO reconnus internationalement pour la qualité des travaux
scientifiques effectués depuis 25 ans sur le VIH en Haïti en
étroite collaboration avec Cornell University de New York, et les 3
meilleures universités haïtiennes (Laboratoire de la Qualité
de l'Eau et de l'Environnement, Université Quisqueya, Laboratoire de
Parasitologie animale de la Faculté d'Agronomie et de Médecine
vétérinaire, Université d'Etat d'Haïti et le
département de Santé Publique, Université Notre Dame
d'Haïti), 2 services hospitalo-universitaires de parasitologie
français (Amiens et Paris 6) et l'unité de recherche 077 de l'IRD
à Dakar, renforçant une coopération francophone Nord-Sud
très souhaitée de nos partenaires haïtiens, et un transfert
de connaissance.
Par ailleurs, je travaille sur un programme de
recherche qui regroupe l'Université Quisqueya (Haïti),
l'Institut Technologique de Santo Domingo (République Dominicaine),
l'Université de la Havane (Cuba) et l'Université de Picardie
Jules Verne. Un premier dépôt est effectué en septembre
2007 auprès d'Aide & Action, un nouveau est prévu pour
juillet 2008.
Nous comptons dans ce programme suivre la contamination
microbiologique de l'eau destinée à la consommation humaine, les
eaux de surface et souterraine des grandes villes de la Caraïbe. Les
marqueurs de contamination fécale des eaux qui sont
étudiés sont : les coliformes fécaux (E.
coli), les entérocoques fécaux (Streptocoques
fécaux), les clostridia sulfito-réductrices, les oocystes de
Cryptosporidium et d'helminthes, les kystes de Giardia et les
entérovirus.
Les résultats de la caractérisation
microbiologique de ces eaux devront conduire à l'évaluation
qualitative et quantitative des risques biologiques, pour la santé
humaine, liés à la présence des agents pathogènes.
Les niveaux de risque seront validés par des études
épidémiologies qui permettront de réduire
considérablement les incertitudes et orienter les prises de
décision en matière gestion des risques dans le domaine de la
santé publique.
Dans le cadre expérimental de sa thèse, Madame
K. Balthazard-Accou a proposé un plan d'échantillon qui comprend,
entre autres : des prélèvements sur 5 sources et 5 forages
exploités pour l'approvisionnement en eau de la CUPP et trois
réservoirs de distribution publique. 25 écoles publiques recevant
des enfants de 6 à 14 ans. 5 points d'eau (non aménagés
par les services publics) utilisés par les populations pour leurs
besoins, 5 forages alimentant les camions citernes et 5 points sur les
rivières froides et grises seront sélectionnés dans le
cadre de cette étude. Deux prélèvements seront faits en
saison sèche et deux autres en saison pluvieuse sur les points d'eau
sélectionnés. Un gradient de température et/ou d'altitude
sera retenu comme indicateur pour le choix des points retenus. Un GPS sera
utilisé pour l'enregistrement des coordonnées
géographiques des points qui seront étudiés.
Les principaux résultats attendus au niveau
régional sont : (i) Comparer les résultats obtenus à
Port-au-Prince avec ceux de la Havane et de Santo Domingo ; (ii)
évaluer les risques biologiques liées à la contamination
des ressources en eau utilisées pour la boisson et la baignade ;
(iii) créer une unité de recherche sur la microbiologie des
écosystèmes aquatiques en milieu tropical de l'Université
Quisqueya ; (iv) créer un observatoire sur la qualité
microbiologique des ressources en eau douce dans trois grandes villes de la
Caraïbe.
Pour permettre au cordonnateur de ce thème de mener
à bien ses travaux de caractérisation microbiologique sur les
ressources en eau, la direction du LAQUE a sollicité 2 stages de
formation en techniques analytiques : (i) la technique de
séparation immunomagnetique et par la détection et le comptage au
microscopique en épifluorescence des oocystes de Cryptosporidium
sp. et de Kystes de Giardia, ainsi qu'une formation aux
techniques de la «Polymerase Chain Reaction» ou PCR (ou encore ACP
pour Amplification en Chaîne par Polymérase), au laboratoire de M.
Raccurt, et (ii) et un stage en bactériologie de l'eau au laboratoire de
M. Rosillon. Avec la participation de ces 2 équipes du Nord, et
l'implication de 3 équipes de la Caraïbe (Cuba, République
Dominicaine et Haïti), je peux finalement miser sur ce programme pour
présenter à l'Agence Universitaire de la Francophonie un dossier
pour la Création d'un Pôle Excellence Régional en
microbiologie des écosystèmes aquatiques tropicaux. En effet,
depuis le mois de septembre 2004, le rectorat de l'Université Quisqueya
ne cesse de demander à l'équipe LAQUE de mettre tout en oeuvre
pour présenter un projet de recherche au programme
« Pôle d'excellence régional de l'AUF ».
En utilisant les agents pathogènes comme des
bio-indicateurs, l'observatoire sur la qualité microbiologique des
ressources en eau de ce thème pourra apporter des informations
intéressantes sur l'évolution des changements climatiques dans
les villes retenues pour ces recherches.
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