Résumé d'ouvrages et travaux suivi de: Evaluation des risques sanitaires liés aux mélanges chimiques contenus dans l'eau destinée à la consommation urbaine( Télécharger le fichier original )par Evens EMMANUEL INSA de Lyon - Habilitation à Diriger des Recherches 2008 |
II.4.2.2. Travaux réalisés et en coursDans le cadre des travaux de ma thèse de doctorat, la méthodologie élaborée pour l'évaluation des risques écotoxicologiques liés aux effluents hospitaliers, a donné lieu à la publication de 5 articles dans des revues, dont l'un a été classé, de janvier 2005 à mars 2006, parmi les 25 hottest articles de Journal of Hazardous Materials, d'un article de vulgarisation scientifique disponible sur www.recy.net, de 5 communications orales et de 3 posters. J'ai participé ensuite au comité de pilotage de la thèse de doctorat de Mademoiselle C. Boillot sur le même thème, qui a été soutenue le 28 avril 2008. Scientifiquement, cette thèse visait l'amélioration des connaissances sur les effets des effluents hospitaliers vis-à-vis des écosystèmes aquatiques, plus particulièrement les effets combinés des principaux polluants sur la Daphnia magna. Elle a donné lieu à plusieurs publications et communications dans des conférences internationales, dont je suis co-auteur d'un article et d'un poster. Par dérogation du Directeur de l'INSA de Lyon, je suis co-directeur de thèse de Mademoiselle R. Angerville, détentrice d'une bourse de formation par la recherche de l'Agence Universitaire de la Francophonie, avec M. Y. Perrodin. Cette thèse (spécialité « Sciences de l'Environnement Urbain et Industriel » porte sur l'évaluation des risques écotoxicologiques liée au rejet des eaux pluviales urbaines dans un cours d'eau. La méthodologie élaborée est appliquée sur les eaux pluviales d'une ville française ainsi que sur celles d'une ville haïtienne. Une communication orale à NOVATEC 2007 est, entre autres, tirée de ce travail, dont je suis co-auteur. J'ai ensuite travaillé sur l'évaluation des dangers environnementaux et écologiques des effluents industriels, notamment les eaux usées générées par les usines de peinture, et les effluents urbains sur les écosystèmes marins. Trois articles, 4 communications orales dans deux congrès internationaux, et deux posters sont tirés de ces études. a- Évaluation des dangers environnementaux des effluents urbains sur les écosystèmes marins Dans cette thématique, j'ai travaillé uniquement sur les effets des effluents urbains vis-à-vis des organismes aquatiques de la baie de Port-au-Prince. Notre démarche a été, dans un premier temps, de procéder à la caractérisation physicochimique des eaux usées de la ville. Ces travaux ont été financés par l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) et l'Unité Environnement du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Les résultats présentés dans ce mémoire sont donc issus des premiers travaux réalisés sur les effluents urbains en Haïti. C'est en quelque sorte une contribution de l'équipe du LAQUE et de ses partenaires scientifiques à la mise en oeuvre du « Plan directeur d'assainissement de la ville de Port-au-Prince » présenté par le Ministère des Travaux Publics à la société haïtienne en septembre 1998. Les écosystèmes aquatiques sont soumis, depuis plusieurs décennies, à des modifications physicochimiques générées par les activités humaines. Cette situation semble être plus dramatique dans des pays comme Haïti, où les effluents urbains, chargés en métaux lourds et en nutriments, sont rejetés directement dans les eaux de surface (douce et/ou salée) sans aucun traitement préliminaire. Dans ces écosystèmes, les organismes vivants sont le plus souvent soumis aux variations des facteurs physicochimiques (régime hydraulique, température, salinité, ...), aux changements d'habitat, à l'exposition aux polluants, et aux effets (eutrophisation) liés à l'augmentation des substances azotées et phosphatées (Adams et Greeley, 2000). En effet, La baie de Port-au-Prince représente une zone étroite de 15 Km de large et tous les sous bassins versants de la ville y aboutissent. Elle constitue donc le réceptacle naturel de l'ensemble des eaux de ruissellement de la ville. Ces eaux charrient des matières de vidange de latrines, divers effluents urbains et industriels non traités, ainsi que des déchets ménagers qui contribuent largement à la pollution de la baie (Emmanuel et Azaël, 1998). Cette situation fait courir plusieurs risques à la population et à l'environnement locaux : (i) un risque sanitaire pour la population lié à la morbidité piscicole et à la contamination bactériologique des coquillages et des plages, (ii) un risque environnemental lié à l'apport de molécules écotoxiques, à la modification des fonds marins, à l'augmentation de la turbidité par les matières en suspension et aux apports de nutriments, (iii) un risque de déséquilibre économique (MTPTC, 1998). En effet, dans les pays en voie de développement, le poisson peut représenter une source non négligeable de protéines pour les familles pauvres et la pêche constitue une importante source d'emploi (Pollard et Simanowitz, 1997). Nos travaux concernent uniquement la phase « évaluation des dangers intrinsèques » de l'évaluation des risques écotoxicologiques. Ces dangers sont la conséquence de la forte concentration en matières organiques des rejets urbains qui entraînent une augmentation de la consommation d'oxygène dissous et, potentiellement, la baisse de la concentration de celui-ci dans le milieu naturel. L'objectif de ce programme de recherche a été (i) d'élaborer une démarche simple et peu coûteuse d'évaluation des dangers environnementaux liés aux eaux usées urbaines en Haïti, (ii) et de l'appliquer aux effluents urbains de Port-au-Prince. Approche méthodologique de l'évaluation des dangers Nous avons tout d'abord choisi de suivre la DCO, paramètre permettant une évaluation globale des matières oxydables organiques et inorganiques. Nous avons ensuite décidé de doser un certain nombre de métaux lourds "traceurs" (Cd, Pb, As, Cr, Ni, Zn), la plupart d'entre eux étant présents dans les effluents urbains, et étant écotoxiques et bioaccumulatifs. Afin de comprendre la contribution des EUPAP à l'eutrophisation du compartiment, les concentrations en nitrates et en phosphates des effluents urbains ont été également déterminées. Enfin, nous avons retenu la mesure du taux d'oxygène dissous, paramètre permettant d'évaluer le caractère plus ou moins anoxique des effluents rejetés à la mer. Figure 7 : Démarche élaborée pour l'évaluation des dangers environnementaux des effluents rejetés au milieu naturel La démarche retenue pour l'évaluation des dangers environnementaux liés aux effluents urbains rejetés dans la baie (figure 7) consiste dans un premier temps à comparer les résultats obtenus pour la DCO, les métaux "traceurs", les nitrates et les phosphates avec des valeurs seuils établies sur la base de la directive européenne 98/15/EEC pour le rejet des eaux usées dans le milieu naturel (EC, 1998). Par ailleurs, pour des concentrations en oxygène dissous inférieures à 5 mgO2/L, elle conclue au rejet à la mer d'effluents peu oxygénés, ce qui, compte tenu des quantités concernées, présente un danger indéniable pour les écosystèmes aquatiques de la baie. Résultats Les premiers résultats montrent que les eaux usées urbaines représentent un danger important vis-à-vis de l'écosystème de la baie de Port-au-Prince. Dans ces conditions, nous avons pensé qu'il est important de poursuivre les travaux pour évaluer d'une part, l'exposition des organismes concernés (exposition qui sera notamment fonction de la dilution des eaux usées dans la baie), et d'autre part, les effets de ces eaux sur les organismes cibles concernés par le biais de la réalisation d'essais d'écotoxicité sur organismes marins, ceci pour in fine être capable d'évaluer les risques environnementaux présenté par le rejet des effluents dans la baie. Ces actions seront développées dans la prochaine phase du programme. b- Évaluation des risques écologiques des métaux lourds contenus dans les effluents des manufactures de peintures L'étude de l'impact de polluants métalliques d'origine industrielle est le champ d'investigation de plusieurs laboratoires de recherche spécialisés évoluant dans les pays industrialisés. L'expérience que j'ai acquise dans ce domaine, au cours de ma thèse sur les effluents hospitaliers, m'est toutefois très utile pour l'introduction et le développement de ce thème en Haïti. Cette expérience concerne le suivi physicochimique et écotoxicologique des effluents hospitaliers. En collaboration avec l'Unité de Chimie Analytique et Phytopharmacie de la Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux et le L.S.E. de l'ENTPE, j'ai initié en 2004 au LAQUE de l'Université Quisqueya les travaux relatifs à la caractérisation physicochimique des eaux usées générées par les usines de peinture de Port-au-Prince. Ce projet a pour objectifs : (i) la mise au point d'une méthodologie fiable d'évaluation des risques écotoxicologiques des métaux lourds contenus dans ces effluents vis-à-vis des écosystèmes marins et d'eau douce superficielle ; et (ii) l'étude de l'efficience de matériaux innovants, notamment la zéolithe naturelle, dans l'épuration de ces eaux usées (phase de la gestion des risques). Le travail réalisé, dans le cadre de l'objectif 1, a tout d'abord consisté à dresser un état de l'art des connaissances sur les effluents des usines de peinture. Sur cette base, une première approche de la méthodologie d'évaluation des risques liés à ces effluents a été élaborée (figure 8). Figure 8 : Démarche élaborée pour l'EDR liés aux effluents des usines de peinture Dans le souci de valider cette méthodologie, nous avons choisi de travailler, dans un deuxième temps, sur un scénario de rejet des effluents de peinture directement dans la baie de Port-au-Prince. Le scénario étudié décrivant les termes : source, transport et cibles est présenté dans la figure 9. Figure 9 : Scénario de rejet d'effluents de peinture dans la baie de Port-au-Prince Le scénario met en jeu l'écosystème marin qui est exposé aux polluants contenus dans les effluents des usines de peinture. Les organismes marins susceptibles d'être affectés sont : les producteurs primaires (phytoplancton), dont des algues vertes uni et pluricellulaires ; les consommateurs primaires (invertébrés), en particulier des crustacés; et les consommateurs secondaires, dont les poissons, etc. Dans ce scénario, les différents polluants contenus dans les effluents vont transiter dans les canalisations du réseau de drainage de l'usine, voie de transfert de ces substances vers la mer. Dans ces conditions, l'exposition des écosystèmes cibles se fera essentiellement par le biais de la dilution des polluants à leur arrivée dans le milieu naturel. Les voies d'exposition potentielles liées aux fuites du réseau vers le sol et/ou les eaux souterraines n'ont pas été prises en compte dans le cadre de cette étude. Pour la caractérisation des effets, une hypothèse de travail a été fixée : Hypothèse : « le rejet dans l'écosystème marin d'effluents chargés en métaux lourds, provenant des usines de peinture, ne devra pas perturber l'équilibre biologique de cet écosystème (absence d'effets sur organismes aquatiques) ». Pour l'évaluation des effets des polluants contenus dans ces effluents sur la croissance des algues et la survie des crustacés d'eau salée, il a été choisi de travailler avec des données de CE50 ou NOEC existant dans la littérature. Dans ces conditions, les espèces constituant les producteurs primaires (phytoplancton) sont représentées les algues (Asterionella glacialis et Asterionella japonica) et le crustacé d'eau marine (Cancer anthonyi) assure la représentation des consommateurs primaires. La figure 10 présente le modèle conceptuel résultant de ces choix d'application. Figure 10 : Modèle conceptuel du scénario étudié L'écosystème de la baie de Port-au-Prince et les espèces des deux premiers niveaux trophiques ont été les seules cibles retenues dans le cadre de la première phase de ce projet de recherche. L'étude réalisée, d'une durée de 9 mois, a consisté en un suivi trimestriel des effluents des 3 principales manufactures de peinture de Port-au-Prince. Les analyses physicochimiques ont porté plus particulièrement sur la détermination des métaux lourds. Aucune observation n'a effectuée sur les différentes communautés vivantes des milieux récepteurs naturels. Les premiers résultats ont montré la dégradation de la qualité physicochimique des eaux de la baie de Port-au-Prince, par les métaux lourds contenus dans les effluents des usines. En dépit des effets de la dilution des polluants, un risque élevé a été estimé pour les organismes marins exposés aux métaux contenus dans ces effluents. En ce qui concerne mes activités de recherche, la première phase de ce projet a été utile à trois niveaux : 1. la mise au point d'outils de laboratoire permettant l'évaluation des risques écologiques des principaux polluants contenus dans les effluents des industries de peintures sur les milieux aquatiques. 2. Elle m'a permis de renforcer, grâce aux subventions obtenues, la capacité analytique du LAQUE et de le rendre plus opérationnel. 3. Enfin, les différentes difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la méthodologie élaborée, plus particulièrement le choix des organismes aquatiques et leurs réponses au contact des polluants, m'ont conduit à initier en 2004 une réflexion sur la création d'une unité d'écotoxicologie tropicale au LAQUE. |
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