DISCUSSION/CONCLUSION
Les points de vue sur la nature, la
quantité, les effets pervers de l'aide alimentaire ou plutôt son
efficacité à combattre l'insécurité alimentaire
sont autant de question que soulève de façon sous jacente le
contenu de notre recherche.
Ainsi sur l'ensemble des hypothèses auxquelles nous avons
essayé de répondre, une seule a été validée.
Cela montre combien le sujet de l'aide alimentaire est loin de faire consensus
à la fois sur des approches idéologiques et pratiques, et sur des
approches purement économiques liées aux commerces des produits
alimentaires à l'échelon mondial. Il y a de façon
générale, d'un coté ceux qui soutiennent l'idée de
l'aide en tant que réponse à apporter aux problèmes
d'insécurité alimentaire et ceux qui défendent le
contraire.
En ce qui concerne le cas du Niger, de façon
générale, l'aide alimentaire a été - et est - un
moyen très efficace de redonner un souffle nouveau aux populations qui
souffraient de famine et de malnutrition et grâce à cette aide des
milliers d'enfants ont été sauvés. Ce qui corrobore la
pertinence de l'intervention des organisations humanitaires qui agissent au
Niger comme dans le reste des pays sous développés. Cependant, il
nous ait apparu que, même si le caractère chronique de
l'insécurité alimentaire justifierait une prise en charge dans le
temps avec des programmes d'aide continu, dans le cas du Niger, nous l'avons
vu, la passivité des gouvernants peut faire place à une
léthargie complaisante qui aboutirait à une dépendance
totale de l'aide alimentaire. Ce qui fragiliserait davantage l'économie
du pays qui est basée à plus de 80% sur l'agriculture.
Puisque la question que nous nous sommes posées au
départ était de comprendre et de peser l'impact de la
monétisation de l'aide alimentaire sur l'économie du Niger et la
population du pays, là encore il nous a semble très simpliste d'y
répondre de façon brute tellement les enjeux sociaux et
économiques sont importants, aussi bien sur le plan national
qu'international.
- Au niveau nation, l'hypothèses
posées sur la justification de la monétisation comme
réponse à apportée en situation d'insécurité
alimentaire temporaire ou permanente, nous a permis de confirmer la pertinence
de la monétisation en situation d'insécurité alimentaire
chronique et à infirmer sa pertinence en situation d'urgence.
De façon plus globale, la monétisation de l'aide
alimentaire est un danger économique pour le Niger dans la mesure
où les produits alimentaires qui transitent sur les marchés
locaux peuvent avoir pour effet la déstabilisation de ceux-ci. Les
agriculteurs locaux qui ont déjà du mal à écouler
leurs produits à prix raisonnables se trouvent en concurrence
(déloyale) avec des produits venant d'ailleurs transférés
dans les conditions exceptionnelles du marché. Cette pratique influence
d'autant plus l'économie du pays que le cultivateur qui
représente, symboliquement, le "premier agent" de l'économie
Nigérienne est mis en difficulté de produire. Les
conséquences de cette pratique ne sont pas seulement économiques
mais sociales ; nous citerons sans être exhaustif :
- l'exode rural, étant donné que l'activité
champêtre ne permet plus de survivre les habitants des villages se
délocalisent
- paupérisation des ménages vivant à la
compagne, lorsque les récoltes ne sont pas vendues à bon prix,
les cultivateurs n'ont plus de moyens de produire l'année qui suit,
- Changement des habitudes alimentaires, cela peut sources de
plusieurs mots, mais surtout crée une dépendance alimentaire
tacite...
Même s'il apparaît quelques points objectifs sur la
monétisation, notamment le fait de constituer des fonds de contrepartie
permettant de financer d'autres projets visant le même but, le danger
reste imminent dans le cas du Niger, puisque cela constitue une forte pression
pour l'épanouissement sociale et économique du pays.
C'est n'est donc pas si curieux d'entendre certaines ONG,
à l'image de CARE, prendre leurs responsabilités face à
une pratique qui devient monnaie courante au sein des pays
bénéficiaire de l'aide alimentaire, en refusant l'aide
accordée par le gouvernement des Etats-Unis en vue de vendre des
produits alimentaires américains dans les pays en voie de
développement.
Dans son rapport 2006 intitulé « situation
mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 2006 », la FAO pointe
du doigt sur la question de la monétisation en étant critique sur
la cette pratique, je cite :
« ...Si elle n'est pas gérée
correctement, l'aide alimentaire peut déstabiliser les marchés
locaux et mettre en danger les moyens d'existence des producteurs et des
commerçants locaux dont dépend la sécurité
alimentaire durable... ».
-Au niveau international, la
responsabilité des effets de la monétisation au niveau local doit
être partagé entre les gouvernements des pays
bénéficiaires et les gouvernements des pays donateurs qui
subventionnent le transport de l'aide alimentaire dans les pays en voie de
développement.
En fait le problème n'est pas tant le fait de
subventionner le transport de l'aide - même si cela ne répond pas
aux normes du marché mondial - mais bien le fait d'utiliser les
subventions obtenues pour transférer une aide alimentaire qui est
revendue sur les marchés locaux à vil prix. Là encore, le
fait pervers c'est la vente des produits d'aide alimentaire sur le
marché. S'il y a subvention à la base, les produits d'aide
devraient être gratuits.
Comme nous l'avons dit en réponse à
l'hypothèse 3, il y a une dimension plus perverse de la subvention au
transport de l'aide c'est le fait de lier l'aide à d'autres produits
revendus sur place dans le pays bénéficiaire. Cela à pour
conséquence d'annihiler l'aide qui est apportée au même
moment, puisque, entre la vente des produits destinés à l'aide et
ceux destinés à être commercialisés, les
commerçant locaux ne peuvent plus vivre de leurs activités
d'autant plus que les produits venant de l'extérieur sont vendus dix
fois moins chers.
Nos recherches sur la monétisation de l'aide alimentaire
nous ont conduit à nous positionner sur ce mode de fonctionnement et, il
nous a semblé que cette aide alimentaire monétisée ne
devrait être utilisée que, dans les cas que nous qualifieront pour
la circonstance de « crise alimentaire disparate ».
En effet, dans les situations de crise alimentaire d'urgence
dans un pays, il peut y avoir en même temps une urgence à deux
niveaux, lorsqu'une ou plusieurs régions du pays sont touchées de
façon inégalitaire. C'est-à-dire qu'il y aurait des
régions qui nécessiteraient une intervention d'urgence avec la
gratuité de l'aide alimentaire selon les critères d'insuffisance
sur les marchés de produits alimentaires ou leur inaccessibilité
du fait des moyens de survis limités, et du nombres d'enfants ou
d'adultes malnutris dans la même région. Et, il y aurait dans le
même pays et au même moment des région où l'urgence
se confond avec le caractère chronique de l'insécurité
alimentaire ne justifiant aucune distribution gratuite mais bien la vente de
l'aide sur les marché pour atténuer l'impact des prix très
élevés dans une telle situation.
A notre avis, cette description correspondrait le mieux à
l'utilisation de l'aide alimentaire monétisée, si bien sûr,
elle ne s'étant pas dans le temps au risque créer d'autres
problèmes.
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