Soutenabilité de la dette publique des pays post PPTE de la Zone Franc( Télécharger le fichier original )par Guy Albert KENKOUO ISSEA - Ingénieur statisticien 2008 |
PREMIÈRE PARTIE :TENTATIVES DE COMPRÉHENSION DE LA DETTE PUBLIQUEL'augmentation rapide de la dette du tiers monde ces dernières décennies (la dette extérieure totale de l'Afrique a progressé de 11 milliards USD en 1970 à 120 milliards USD au début des années 80, pour atteindre un pic de 340 milliards USD en 19957(*)) a suscité de nombreux commentaires et a amené les économistes et observateurs politiques à s'interroger une nouvelle fois sur l'enjeu de la dette publique dans le développement d'un pays. Mais déjà, le financement des dépenses publiques et l'arbitrage entre l'impôt et la dette ont toujours nourri le débat entre économistes et décideurs politiques. En outre, l'endettement excessif du tiers monde reste d'actualité et la principale question que l'on se pose est celle de savoir ce qui peut expliquer cette crise d'endettement que les PVD connaissent de nos jours. Ainsi, cette partie vise essentiellement trois objectifs : comprendre la problématique de l'endettement d'un pays (i), retracer l'évolution de la crise d'endettement du tiers monde (ii) et examiner les méthodes d'évaluation de la soutenabilité de la dette publique (iii). Elle comporte deux chapitres. Le premier chapitre permet de comprendre les concepts relatifs à la dette publique et les développements des grandes écoles de pensée sur l'endettement d'un État. Le deuxième chapitre quant à lui présente l'émergence de la crise d'endettement des PVD et les méthodes d'analyse de la soutenabilité de la dette d'un pays. CHAPITRE I : CONCEPTS ET THEORIES D'ENDETTEMENTDans ce chapitre, nous nous attèlerons à préciser quelques concepts relatifs à la dette publique, à sa mesure et à l'évaluation de son impact sur le développement économique. Il s'agit précisément des notions de dette privée, publique, extérieure, intérieure, bilatérale, multilatérale, du stock et du service de la dette, de la solvabilité et de la soutenabilité. Ensuite, nous examinerons les débats théoriques sur la problématique de l'endettement, notamment la conception classique et keynésienne de l'endettement public. I- DÉFINITION DES CONCEPTSL'objectif de cette section est de définir le concept de dette publique, sa mesure ainsi que les notions de solvabilité et de soutenabilité. I.1- Dette publiqueL'État, dans sa mission régalienne d'offre des biens et services collectifs, élabore chaque année un budget (dépenses et recettes prévisionnelles). Le problème se posant généralement à la suite de l'élaboration du budget de l'État est celui de son financement. Les difficultés surviennent lorsque l'État dépense plus qu'il ne perçoit de recettes. Il naît alors un déficit budgétaire, et pour le financer, il peut effectuer un emprunt auprès du système bancaire (banque centrale et banques commerciales). Il peut également avoir recours à un emprunt public interne (avec l'émission des titres) ou encore effectuer un emprunt extérieur. On appelle dette de l'État, l'accumulation des emprunts passés de l'État. La dette publique quant à elle, est la somme de la dette explicite de l'État (dette directement contractée par l'État), de la dette implicite de l'État (dette contractée notamment par les entreprises publiques, parapubliques, organisations non gouvernementales, les collectivités décentralisées avec la garantie de l'État) et de la dette contractée sur l'État (par exemple, la dette endossée par l'État après la faillite d'une banque). Les appellations de la dette varient selon l'origine et le type de créditeurs. I.1.1-Dette selon l'origine et le type des créditeurs Selon l'origine des créditeurs, on parle de dette extérieure et de dette intérieure. La dette extérieure d'un État représente l'ensemble des emprunts contractés par les pouvoirs publics d'un pays auprès de créanciers (privés ou publics, bilatéraux ou multilatéraux) extérieurs et non résidents. Alors que la dette intérieure d'un État est l'ensemble des engagements contractés auprès d'acteurs résidents dans le pays et exprimés en monnaie locale. On parle de dette privée lorsque celle-ci est contractée par les agents économiques autres que l'État, elle peut être intérieure ou extérieure. Selon le type de créditeurs, on parle de dette bilatérale ou de dette multilatérale. La dette bilatérale est l'ensemble des engagements contractés par un État auprès d'un autre État. Alors que la dette multilatérale est l'ensemble des dettes contractées par un État auprès d'un groupe d'États ou d'une Institution Financière Internationale (IFI). I.1.2- Caractéristiques du financement extérieur et les principaux créditeurs Le financement extérieur se présente sous plusieurs formes : les Aides Publiques au Développement (APD), les dons et les prêts. L'APD est une assistance financière fournie par une entité publique (État, organisme public, collectivité territoriale, etc.) à un pays en développement ou à des institutions multilatérales, sous forme de dons ou de prêts à faible taux d'intérêt, dans le but de contribuer au développement des pays concernés. Les créditeurs sont divers, parmi ceux-ci, nous pouvons citer : les membres du Club de Paris, du Club de Londres, les IFI et les pays non membres du Club de Paris. Le Club de Londres est un comité consultatif négociant la dette privée des PVD pour le compte des banques commerciales et qui ne se réunit pas forcement à Londres. Le Club de Paris quant à lui est un groupe informel (19 pays principaux créditeurs) des États créanciers les plus riches faisant partie de l'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE). Le Club de Paris se rencontre de manière ad hoc, pour négocier la dette contractée ou garantie de manière bilatérale par des débiteurs publics (États) auprès de créanciers publics. Créé en 1956, il compte actuellement 19 pays membres permanents, auxquels peuvent se joindre ponctuellement, en fonction du cas (du pays) traité, d'autres créanciers. Les IFI sont des institutions multilatérales auxquelles adhèrent des États dans le but d'harmoniser les relations financières internationales. Elles regroupent le FMI, la Banque Mondiale, ainsi que les banques et les fonds régionaux de développement (Banque Interaméricaine de Développement, Banque Africaine de Développement (BAD), Banque Asiatique de Développement, Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement, la Banque de Développement des États de l'Afrique Centrale...). La Banque Mondiale et le FMI forment le "noyau dur" des IFI; ces dernières avaient pour mission première de créer un environnement économique favorable à la reconstruction et au développement de leurs États membres, en particulier ceux qui avaient été affectés par la guerre. Parmi les pays créanciers non membres du Club de Paris, nous pouvons citer la Chine, l'Algérie, la Libye, le Koweït (avec le fonds koweitien de développement), l'Arabie saoudite (avec le fonds saoudien de développement), la Taiwan, ... I.1.3- Mesure du fardeau de la dette Il existe plusieurs façons de comptabiliser la dette d'un pays. Selon la valeur à laquelle on choisit de se rapporter, on peut avoir la valeur nominale, la valeur actualisée nette et la valeur de marché. La valeur nominale (faciale, contractuelle) est la valeur de la dette au moment où elle a été contractée. La Valeur Actualisée Nette (VAN) est la valeur actuelle des flux de remboursements espérés, actualisés au taux d'Intérêt Commercial de Référence (TICR)8(*) pour les différentes monnaies. Elle correspond au montant qu'il faudrait investir aujourd'hui en tenant compte des intérêts accumulés au taux d'intérêt actuel pour honorer toutes les échéances de l'emprunt. La valeur de marché est la valeur d'échange sur le marché de la dette. Cette valeur d'échange sur le marché est fonction du contexte économique, politique et financier dans lequel évolue le pays. Le fardeau de la dette peut aussi être appréhendé soit par le stock de la dette, soit par le service de la dette. Ainsi, le service de la dette publique est la somme versée annuellement par l'État pour le remboursement sa dette. Cette somme versée est composée du principal et des intérêts du capital emprunté. Le stock de la dette est le montant total des emprunts contractés par un État. Le plus souvent, c'est la VAN du stock de la dette qui est utilisée pour mesurer le fardeau de la dette d'un pays. Notons que la plupart des États ont une certaine dette, mais l'importance de celle-ci varie d'un pays à l'autre. L'évaluation du poids de la dette d'un pays devient alors importante. * 7 NAYLA A. (2007), dette odieuse : A qui a profité la dette des pays du sud ?, Plate-forme dette et développement, 24p. * 8 Rendement des obligations de l'État à cinq ans ou moins sur les marchés secondaires (marchés où s'échangent les titres déjà émis). |
|