II.2-
Évaluation économétrique de la soutenabilité de la
dette publique
La crise de l'endettement du tiers monde a pleinement enrichi
les recherches des économistes et des analystes de la dette. Les
premières analyses économétriques ont été
effectuées en 1986. Ces analyses ont évolué au point qu'on
compte de nos jours plus de cinq modèles économétriques
d'analyse de la soutenabilité de la dette publique. Nous ferons ici une
brève littérature sur les modèles
économétriques d'analyse de la soutenabilité de la dette
publique utilisant comme séries la dette et le solde budgétaire
primaire. Ensuite, nous présenterons particulièrement les
conditionnalités de soutenabilité de la dette publique de P.FEVE
et P.Y. HENIN, qui ont été développées pour les PVD
singulièrement.
II.2.1- Une brève revue de littérature
sur les études utilisant la dette et le solde primaire pour tester la
soutenabilité de la dette publique
À la lumière des travaux de FELWIN (2005) et de
YOUMBI (2006), les modèles d'analyse de la soutenabilité de la
dette publique d'un pays sont apparus avec les travaux de HAMILTON et FLAVIN
(1986). En effet, ils sont les premiers à tester empiriquement le
respect de la contrainte budgétaire intertemporelle de l'État. De
nombreux autres chercheurs se sont ensuite intéressés à ce
domaine. C'est ainsi que les travaux de WILCOX (1989), TREHAN et WALSH (1988), TREHAN et
WALSH (1991) et HAKKIO et RUSH (1991) ont proposé les modèles
d'analyse de la soutenabilité de la dette publique d'un pays. Ces
modèles sont résumés dans le tableau 3.
Tableau 3: Récapitulatif des
techniques économétriques d'analyse de la soutenabilité de
la dette publique
Auteurs
|
Année
|
Méthode
|
Séries
|
Période
|
Résultat
|
Taux d'actualisation
|
HAMILTON et FLAVIN
|
1986
|
Test de stationnarité (ADF)
|
Dettes et solde primaire des USA
|
1960-1984
|
stationnarité
|
Taux réel
|
WILCOX
|
1989
|
Test de stationnarité (ADF)
|
Dettes et solde primaire des USA
|
1960-1984
|
rejet de la stationnarité
|
Taux constant
|
WALSH et TREHAN
|
1988
|
Test de cointégration
|
Dettes et solde primaire des
USA
|
1964-1984
|
rejet de la stationnarité
|
Taux constant
|
WALSH et TREHAN
|
1991
|
Test de cointégration
|
Dettes et solde primaire des USA
|
1964-1984
|
stationnarité
|
Taux du marché
|
HAKKIO et RUSH
|
1991
|
Test de cointégration
|
Recettes et dépenses gouvernementales (charges
d'intérêts inclues)
|
1964-1984
|
rejet de la stationnarité
|
|
Source : Auteur
Les modèles proposés se basent soit sur des
tests de stationnarité, soit sur des tests de cointégration. Les
tests de cointégration sont une généralisation des tests
de stationnarité des séries de dettes et de surplus primaire. Ils
supposent que la soutenabilité nécessite que recettes et
dépenses soient cointégrées, c'est-à-dire qu'il
existe une combinaison linéaire de ces deux variables qui soit
stationnaire. QUINTOS (1995) parle de soutenabilité forte lorsque le
coefficient de cointégration entre les deux variables est unitaire. Dans
ce cas, les recettes et les dépenses s'ajustent complètement, la
différence entre recettes et dépenses est stationnaire et la
condition de transversalité est respectée. Par contre lorsque le
coefficient de cointégration est compris entre 0 et 1, QUINTOS (1995)
parle de soutenabilité faible. L'évolution des dépenses
s'accompagne d'une évolution des recettes de même signe, mais de
moindre amplitude. Dans ce cas, la série des déficits n'est plus
nécessairement stationnaire.
Ces notions de soutenabilité forte et faible
soulèvent quelques questions. Elles n'empêchent pas le ratio dette
sur PIB d'atteindre des niveaux très élevés. Maintenir un
déficit stationnaire avec une dette constamment croissante suppose que
l`on doit dégager des excédents primaires eux aussi en croissance
continue, pour compenser la croissance de la charge de la dette, ce qui semble
peu réaliste. WICKENS et UCTUM (1993) et HENIN (1996) notent à
propos des tests de cointégration que leur principal
intérêt réside dans le fait d'apporter une estimation du
coefficient de couverture des dépenses par les recettes. L'intuition que
les tests de cointégration constituent une généralisation
plus flexible du test de stationnarité du solde global n'est cependant
pas vérifiée, elle n'est qu'un cas particulier de la
cointégration des recettes et des dépenses avec un coefficient
unitaire. L'exigence requise pour la stationnarité porte sur une
couverture suffisante de la charge de la dette par le solde primaire et non pas
directement sur la couverture des dépenses par les recettes. Si le
surplus primaire ne répond pas positivement à un choc de la dette
publique, la dette publique croîtra à un taux
d'intérêt supérieur au taux d'actualisation. La principale
critique adressée aux tests précités réside dans la
faiblesse du cadre théorique sous-jacent. Hormis les questions
liées aux taux d'actualisation pertinents de la dette, ils se fondent
(en testant le respect de la contrainte budgétaire intertemporelle) sur
une notion de solvabilité actuarielle qui ne prend pas en compte les
implications en termes de politique économique d'un ratio dette sur PIB
élevé.
Une approche alternative qui évite les limites
évoquées plus haut consiste à examiner la
propriété de retour à la moyenne de la dette. Celle-ci
revient-elle vers sa tendance déterministe après un choc ?
II. 2.2- Conditionnalité de
soutenabilité de FEVE et HENIN
FEVE et HENIN (1998) retiennent comme critère de
soutenabilité de la dette extérieure pour les PVD, la
stationnarité du ratio dette sur PIB. Ils proposent une approche qui
teste conjointement la stationnarité du ratio dette et du solde
extérieur. Ils estiment que les hypothèses
macroéconomiques relatives aux économies en développement
se heurtent souvent à la difficulté constituée par la
brièveté des séries statistiques disponibles, surtout
lorsqu'il s'agit de tester des implications à long terme comme les
conditions de stationnarité associées à la
soutenabilité de la dette. La procédure qu'ils proposent permet
de surmonter cette difficulté par le gain de la puissance qu'autorise
l'exploitation de l'information apportée par la dynamique jointe de la
dette et du solde extérieur ou courant. Selon eux, la
stationnarité du ratio dette/PIB est une condition nécessaire
mais pas suffisante de la soutenabilité. Une condition suffisante de la
soutenabilité impose des contraintes additionnelles à la moyenne
et à la variance de la dette publique. Les équations auxiliaires
associées à leur test ADF assurent que le solde primaire
réagit positivement en présence d'un choc de dette. Dans leur
application, la dette extérieure et le solde sont alternativement
normalisés par le PNB et par les recettes nettes d'exportations.
L'apport de cette approche bivariée réside dans le gain de
précision et de robustesse. D'autre part, elle résout le
problème lié à la brièveté de leur
échantillon (24 observations).
Dans le cadre de ce travail de recherche, nous allons utiliser
le modèle de la DSA pour confirmer la soutenabilité de la dette
publique au sens du FMI des pays post PPTE de la Zone Franc. Puis, nous nous
inspirerons du modèle de FEVE et HENIN pour examiner la
soutenabilité dynamique de la dette de ces pays. Pour ce faire, nous
appliquerons des tests de stationnarité sur le ratio dette/PIB.
La soutenabilité de la dette publique d'un pays et
l'IPPTE sont des concepts vastes et complexes qui requièrent plus de
précisions pour une meilleure compréhension. Pour mieux
comprendre le mécanisme de l'IPPTE, il est indispensable de comprendre
le concept de soutenabilité. Dans l'analyse de la soutenabilité
de la dette publique, plusieurs économistes et/ou chercheurs ont
été intéressés, avec des logiques plus ou moins
différentes. Nous distinguons ceux qui font une analyse statique
(basée sur les ratios et les indicateurs) et ceux qui font une analyse
dynamique (basée sur la contrainte budgétaire intertemporelle).
Pour vérifier la contrainte budgétaire intertemporelle, plusieurs
études ont été effectuées. La plupart de ces
études analysent soit la stationnarité de certains indicateurs
macroéconomiques (séries de dette et du solde primaire,
série dette/PIB, service de la dette/recettes nettes d'exportation),
soit les relations de cointégration entre certains indicateurs
macroéconomiques (séries de la dette et du solde primaire,
séries des recettes, des dépenses et de la dette). Cependant,
dans le cadre de notre travail, nous utiliserons le modèle de la DSA
pour confirmer la soutenabilité de la dette publique des pays post PPTE
de la Zone Franc au sens des IBW. Pour la soutenabilité dynamique, nous
appliquerons les tests de stationnarité sur le ratio dette/PIB et nous
utiliserons des projections.
L'IPPTE concerne les pays à faible revenu dont la dette
est jugée insoutenable. Après l'admission à cette
initiative, il faut passer par le point de décision avant d'atteindre le
point d'achèvement (point culminant où les pays
bénéficient d'un allégement substantiel de la dette).
Cette initiative très ambitieuse, lancée au sommet du G7 à
Lyon en 1996, malgré son évolution est largement critiquée
par certains spécialistes de la dette. En outre, l'IPPTE a
été même renforcée, les conditions de
soutenabilité ont même été allégées.
Ce constat signifie-t-il que l'IPPTE ne ramène que les ratios
d'endettement définis à un seuil, sans toutefois se soucier de
l'évolution future de la dette des pays
bénéficiaires ? Nous essayerons de comprendre davantage
cette initiative dans la deuxième partie de ce travail.
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