3.2.2 Mesure de l'effet de la croissance sur la
réduction de la pauvreté
Pour calculer l'allocation de l'aide qui maximise la
réduction de la pauvreté, des mesures du niveau de
pauvreté et de l'élasticité de la pauvreté par
rapport à la croissance du revenu sont nécessaires. Collier et
Dollar mesurent la pauvreté par la proportion de la population vivant
avec moins de 2$ par jour (headcount index). Ils font d'autre part
l'hypothèse d'une élasticité constante de la
pauvreté par rapport à la croissance, identique pour tous les
pays et égale à 2 (la valeur médiane de
l'élasticité obtenue par Ravallion et Chen (1997) pour les pays
de leur échantillon). Selon Beynon (2003) l'hypothèse
d'élasticité constante et égale à 2 pour tous les
pays est toutefois simplificatrice et tend à favoriser les pays
très inégalitaires dont les taux de pauvreté sont plus
élevés pour un niveau de revenu per capita donné. En
effet, Bourguignon (2000) et Heltberg (2001) ont mis en évidence que la
valeur absolue de cette élasticité dépend positivement du
revenu per capita et négativement de l'inégalité initiale
des revenus. Or, si l'élasticité de la pauvreté par
rapport à la croissance est plus faible dans les pays très
inégalitaires, ceux-ci devraient recevoir relativement
moins d'aide, puisque alors l'aide est moins efficace en matière de
réduction de la pauvreté. En outre, l'analyse de Collier et
Dollar fait l'hypothèse que l'élasticité de la
pauvreté par rapport à la croissance ne dépend pas de
l'aide elle-même et que l'aide n'a pas d'effet direct sur la
pauvreté c'est-à-dire que l'aide est neutre en terme de
distribution des revenus. Or, selon Guillaumont (1999,2000), même s'il
semble paradoxal de chercher à réduire la pauvreté en
allouant l'aide sur la base d'une méthode retenant l'hypothèse
que l'aide n'a pas d'effet propre sur la distribution des revenus et sur la
pauvreté autre que celle qui passe par la croissance des revenus.
Ainsi, comme nous l'avons déjà souligné,
l'analyse de Collier et Dollar repose sur des hypothèses lourdes (i)
l'efficacité de l'aide en termes de croissance est plus importante dans
les pays ayant mis en place des politiques économiques saines et (ii)
l'effet de l'aide sur la réduction de la pauvreté passe par la
croissance. Si ces hypothèses étaient levées ou
amendées, le modèle d'allocation optimale obtenu serait
très différent.
L'analyse de Collier et Dollar a été largement
critiquée par les économistes. Car il existe une vaste
littérature qui a permis d'étudier l'efficacité de l'aide
par d'autres moyens alternatif outre la croissance et la pauvreté. De
nombreux auteurs ont notamment défendu l'idée que d'autres
facteurs sont susceptibles d'influencer l'efficacité de l'aide : les
problèmes de capacité d'absorption des pays receveurs d'aide, la
volatilité des flux d'aide, la vulnérabilité des pays en
développement à des chocs externes et l'instabilité
socio-politique à laquelle ils sont confrontés.
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