A-2/ Organisation
Actuellement cette migration s'organise selon des logiques
bien établies. Dans la vallée elle est l'expression de
stratégies familiales plutôt que le résultat d'initiatives
individuelles. La migration s'inscrivait, au départ, dans le cadre de la
colonisation. Elle a d'abord était africaine avant de s`orienter vers
l'Hexagone. Apres les indépendances, les migrations internationales
semblent avoir pris des orientations géographiques nouvelles. En ce qui
concerne les Soninkés les premiers déplacements se
caractérisèrent par un accroissement des flux en destination de
la France. Chez les Hal Pulaars, les premiers mouvements ont renforcé
l'exode rural vers les centres urbains du pays et de la sous régions
(Mauritanie). Les activités exercées dans les centres urbains
visaient à trouver du numéraire nécessaire pour
l'entretien de la famille restée dans la vallée et secondairement
à chercher des moyens pour financer l'émigration internationale
en Afrique puis vers la France.
Cette émigration est devenue aujourd'hui importante
numériquement, lointaine dans ces destinations, longue dans sa
durée et diversifiée dans sa forme. Les espaces migratoires
connaissent un élargissement. L'occident ne se limite plus exclusivement
à la France mais intègre également l'Espagne, l'Italie,
l'Allemagne, voire les Etats-Unis.
D'autre part les réseaux migratoires se diversifient.
De la préparation du candidat à son insertion dans le pays
d'accueil, une panoplie de mécanisme et d'étapes s'imbrique dans
un réseau hiérarchisé dans une logique soit familiale,
soit ethnique ou religieuse qui concourre à faciliter l'insertion du
migrant. C'est ce qu'affirme Cheikh Oumar BA dans sa thèse « les
réseaux (...) créent des conditions favorables à une vie
communautaire basée souvent sur l'entraide. Ils constituent un ensemble
de structures sociales qui
servent à l'accueil et à l'insertion
résidentielle et/ou socio-professionnelle des migrants ».
A-3/ Impacts
Les migrants originaires de la vallée sont
essentiellement des paysans. C'est pourquoi « les conséquences de
la migration se répercutent principalement sur l'organisation agricole
» (Bâ, op. cit.). En effet, la migration entraîne la
diminution de la main d'oeuvre agricole (agriculture, élevage), la
régression et la désorganisation des activités
productrices. D'autre part comme le souligne Lavigne-Deleville (1991) « la
diffusion des comportements acquis à la suite des contacts avec
l'extérieur, ou à la simple migration d'une frange importante de
la population sont de nature à modifier les rapports sociaux ».
Cependant l'argent que les émigrés envoient sert à acheter
les vivres de premières nécessités qui se substituent aux
productions traditionnelles. Il servira également à
améliorer l'habitat, à thésauriser, comme moyen de
promotion, à investir dans le commerce à acheter des
véhicules ou investir dans l'immobilier à Dakar. Enfin cet argent
permet aussi de financer la migration.
Cependant, comme évoqué plus haut, le contexte
économique lié à la dégradation des conditions
écologiques était la cause principale de
l'accélération du mouvement migratoire dans la vallée. Ces
mêmes difficultés vont se retrouver dans la zone du bassin
arachidier. les mêmes causes vont produire les même effets, et les
populations vont à leurs tours s'orienter vers cette nouvelle solution
de sortie de crise. C'est alors l'apparition dans le champ migratoire
sénégalais de groupes qui s'expatriaient peu en l'occurrence les
mourides. Cette confrérie va constituer dans le contexte lougatois les
pionniers de la migration internationale qui fait suite à la crise du
monde urbain.
Le bassin de recrutement des candidats à
l'émigration vers les pays occidentaux, longtemps limité à
la vallée du Fleuve Sénégal et mobilisant essentiellement
des flux organisés selon des bases ethniques et familiales, s'est
étendu au centre ouest du pays et à la plupart des grandes
villes. L'Enquête sur les Migrations et l'Urbanisation au
Sénégal (EMUS) de 1993 révèle que «
crédités de 20% des migrants internationaux vers l'Europe dans
les années 60, les wolofs représentent 60% des migrants vers le
nord
(Europe et Amériques) au milieu des années 80.
De même, la participation des mourides à la dynamique migratoire
n'est plus à démontrer. Dans les années 60, les mourides
représentaient seulement 10 à 12% des migrants vers le nord,
depuis les années 80, ils constituent environ 40% des migrants
internationaux ». Selon Ali Tandian « en 1992, les régions de
Louga et Diourbel alimentent largement les flux migratoires des
sénégalais vers l'Italie. Le Sénégal serait le
premier pays immigrant de l'Afrique Noire et occuperait la huitième
place des pays représentés en Italie. Les chiffres officieux
dépassent 40 000 sénégalais présents en Italie,
dont 65% de marchands ambulants et plus de 85% originaires des régions
de Louga et Diourbel, domaine traditionnel des Wolofs » (Tandian A in
Gonin P et Charef M, 2005).
Depuis l'instauration de politique de fermeture des
frontières, les flux se sont inversés vers de nouvelles
destinations : Italie, Espagne, Etats-Unis. De nouveaux entrepreneurs sociaux
se sont professionnalisés dans l'organisation de la migration
internationale. On passe d'une émigration de travail à une
émigration d'installation, avec tous les problèmes d'insertion
professionnelle et d'intégration dans les pays d'accueil.
|