Première partie :
Localisation des villages anciens
Chapitre 3. Déplacement des populations
Section 1 : Les villages anciens et Paul du Chaillu
En parlant des villages anciens et Paul du Chaillu,
l'idée essentielle qui guide notre réflexion ici est surtout de
faire ressortir les rapports étroits qui existent entre l'Europe et
l'Afrique, c'est-à-dire la civilisation occidentale et la notre par
l'entremise de notre explorateur dont nous allons présenter
brièvement.
En effet, Paul Bellonni du Chaillu (1831-1903) fut le premier
explorateur de l'intérieur du Gabon, qu'il parcouru huit années
durant, aussi bien en pirogue qu'à pied, au cours de deux voyages,
à la découverte des populations et de la faune. Il observa en
premier les populations pygmées et en donna les mensurations. Il
découvrit également nombreux sites et villages dont certains font
l'objet de notre étude, sur les itinéraires qu'il emprunta lors
des dits voyages.10
En effet, en prenant part aux travaux de recherche
menés sur les traces de du Chaillu, du 30 juillet au 6 août 2004,
dans l'équipe de Mouila, aux côtés de nos
maîtres11, alors que nous faisions encore nos premiers pas
dans la recherche, nous avions particulièrement été
flatté par la beauté des paysages et par la sauvegarde de nos
patrimoines culturels dont du Chaillu en faisait déjà état
dans cette région. Si pour cette première expérience - la
mission consistait à explorer l'avant dernière et dernière
partie du second voyage de du Chaillu en pays punu, tsogho et masango -,
l'itinéraire comprenait successivement la traversée des villages
Nièmbu ouest, Mongo, Nièmbu Oluba situé au pied du mont
Biroughou, Moubana, la traversée de la rivière Mbémbo
jusqu'au village Mouawou Komb' qui et la terre finale du voyage de du
Chaillu.
Pour notre part, il nous convient juste de vérifier
à notre manière et à notre niveau l'existence des village
près de 150 ans plus tard après le passage de notre explorateur,
ainsi que bien d'autres sites dont il en fait état dans L'Afrique
sauvage. Les explorations que nous avons menées dans notre zone
d'étude nous ont permis de reconnaître les paysages et villages
déjà existant du temps de du Chaillu (cf. photos 9, 10 et 11),
ainsi que de nouvelles implantations humaines. Les sites principaux que nous
souhaitions visiter était le mont Biroughou Bouangue (photo 10 du
présent travail et dessin de la page 276 de L'Afrique sauvage),
puis la rivière Wano. Il importe pour nous de restituer aux lecteurs
10 1855-1859 pour le premier voyage et 1863-1866 pour
le second voyage.
11 Les Professeurs Jean Marie Hombert et Raymond
Mayer.
l'appellation originelle du mont. Aussi de «
Birogou-Bouanga » de du Chaillu, entendons plutôt
Biroughu-Bouangu'. Nous avons atteint la rivière Wano dont le
cours baignait la plus part des villages délocalisés. Notre
exploration s'est focalisée sur l'axe routier Mbigou-Lébamba,
particulièrement à partir des villages Makongonio (Nzebi), Issala
et Marembo (Massango) (photos 7 et 8). Si la Wano elle-même a
conservé le même caractère, les modifications essentielles
sont liées aux implantations des populations loin des zones jadis
très fréquentées. De nos jours, le fleuve connaît
une fréquentation plus ou moins irrégulière des
populations, pour des activités essentiellement de pêche. Tous les
villages de du Chaillu ont complètement disparu. Ils avaient
été désertés par leurs occupants sous la pression
de l'administration coloniale, au profit du regroupement qui a acquis un
développement important.
Malgré la beauté des paysages et sites de cette
région décrite par du Chaillu, nous constatons qu'ils ont
conservé le même aspect que du temps de l'explorateur. Au regard
des informations et de données collectées, notre étude
nous a permis de réaliser un état des lieux instructifs. À
travers ces villages anciens, il n'existe aucun souvenir du passage de du
Chaillu.
Toutefois, dans le mont Biroughou, rares sont ceux qui ont
entendu parler de la «guerre de du Chaillu». Cela est dû
probablement à notre bref séjour au village même qui ne
nous a certainement pas permis d'approfondir les informations
collectées. Mais il est plausible que d'autres raisons soient en cause.
La principale serait liée à l'abandon des anciens villages
dû à un éloignement des populations, c'est-à-dire,
le regroupement a provoqué de grands mouvements au sein des mêmes
populations comme le pensait déjà Simon Barout qui affirme que
les migrations d'un peuple peuvent bouleverser le système des relations
sociales entre le membres d'un même espace, ainsi que celui qui les lie
à son espace. Si donc la tradition orale n'a pas gardé le
souvenir de du Chaillu, force est cependant de constater que les noms des sites
: villages et monts sont précieusement conservés et toujours
fréquentés. Dans la mesure où les témoignages
recueillis montrent clairement le maintien des croyances ancestrales.
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