INTRODUCTION
Notre étude porte sur la théorisation de la
dynamique villageoise au Gabon à travers l'analyse particulière
de 150 ans de transformations observables au village Issala dans la province de
la Ngounié. Ces changements ont pu être analysés depuis
l'arrivée des Européens. Paul Belloni du Chaillu, qui a
cartographié les lieux en juillet 1865, sera pour nous un personnage
central ; en ce sens que l'appréhension des changements socioculturels
se fera à partir des zones d'habitation et des centres
d'intérêt qu'il a explorés, particulièrement dans le
département actuel de la Boumi-Louétsi.
La question de la transformation des villages a
été ouverte sur le plan théorique par Georges Balandier et
Jean Claude Pauvert en 1952 dans « Villages gabonais ».
Georges Dupré reprend la question dans « Un ordre et sa
destruction » (1982) en dressant la synthèse des rapports de
force entre la culture nzèbi précoloniale et la modernité.
Annie Merlet, dans Autour du Loango (XIV-XIXè
siècles) : histoire des peuples du Sud-ouest du Gabon au temps du
royaume du Loango et du « Congo français », montre que
Paul Belloni du Chaillu a pu découvrir la question des initiations et
autres pratiques rituelles. Pour notre part, nous ne voyons pas seulement cet
aspect du problème. Ce qui nous importe, c'est de comprendre les
dynamiques de ces sociétés traditionnelles à partir des
changements observables, et entre autres de nous demander si le
déplacement des populations et la durée ont fait oublier les
origines des différentes communautés regroupées à
Issala. Le but de ce travail est donc de saisir les invariants et les variants
de ces sociétés. Pour ce faire, nous avons mené une
enquête en décembre 2006 aux villages Issala, Marembo et dans une
moindre mesure à Idoumi auprès de treize informateurs tous du
genre masculin.
Au terme de notre recherche, nous avons pu appréhender
les conditions dans lesquelles les transformations se sont
opérées. Les données recueillies nous ont permis d'aboutir
à la conclusion que le village Issala actuel est composé
essentiellement des véritables « descendants » de Paul du
Chaillu. Un siècle et demi, après son passage, notre explorateur
est à peine restitué dans la mémoire des peuples du
sud-Gabon , en particulier son épisode tragique qualifié par les
villageois de « guerre de Moubana ». Les changements culturels
observés sont certes inhérents à toute
société humaine mais la culture occidentale a constitué un
catalyseur non moins important dans cette zone.
L'analyse du rapport entre le peuple et son milieu naturel
révèle que celui-ci reste pour lui une attache presque
fondamentale.
|