SECTION II : ANALYSE GRAPHIQUE DES EFFETS DE LA PREFERENCE
TARIFAIRE DE L'UEMOA
Dans cette section, nous considérons le régime
préférentiel à son étape finale c'est-à-dire
que les échanges commerciaux communautaires se font en franchise totale
de droits et taxes d'entrée. Compte tenu du fait que les effets sur les
pays ne sont pas identiques, l'analyse se fera séparément pour
chaque groupe de pays distingué.
Paragraphe 1 : Importation de produits primaires par les
grands pays de l'UEMOA
Le graphique 2 illustre le cas du bien 1 (produits
primaires) dans le pays A (Côte d'Ivoire et Sénégal). Ce
bien est essentiellement importé du pays B (dont le Bénin).
Initialement, son prix est égal à P1B*
(1+tB). L'exportateur de B reçoit P1B*, la
différence étant versée comme droit de douane.
MA 1
Q1 Q2 Importations
Graphique 2
Avec l'instauration de la préférence tarifaire
communautaire, le droit de douane est éliminé, le prix passe donc
à P1B*. Cela se traduit pour les consommateurs, par une
augmentation de leur demande du bien 1. Et puisque toute la demande
d'importation du pays A est satisfaite par le pays B pour ce bien, les
exportations de celui-ci augmentent et passent de Q1 à Q2.
La hausse de la consommation compense la perte de recettes et
permet même de dégager un gain net de bien-être pour le pays
A, égal au triangle CDE. Le pays partenaire B quant à lui, du
fait des coûts constants ne gagne ni ne perd rien en terme de
bien-être.
Cela veut dire que pour les produits primaires (bien 1), il y
a un gain net pour l'Union dans son ensemble (triangle CDE) entièrement
au bénéfice des consommateurs du pays A.
Paragraphe 2 : Importation de produits industriels par les
autres pays de l'Union
Le graphique 3 illustre le marché du pays B.
Avant la formation de l'Union, le prix domestique était de
P2C*(1 +tC) aussi bien pour les importations en
provenance de C que pour celles en provenance de A.
P2C*(1+tC) K E H
Prix
P2C*
L F G
A'
E2 A E2
Importations
Graphique 3
La mise en place de la préférence tarifaire
laisse inchangé le prix domestique dans le pays B, mais permet le
déplacement de E2A à
E2A' de la courbe d'offre d'exportation adressée
aux résidents de B. Ceci permet aux exportateurs de A d'accroître
leurs ventes de KD à KE au détriment du reste du monde. L'Etat en
B perd le rectangle KEGL en recettes douanières dont une partie, la
surface KEFL, est récupérée comme gain par les producteurs
du pays A. Par contre le triangle EGF représente une perte sèche
(qui n'est récupérée par aucun des pays), perte due
à l'inefficacité de la production de A qui est incapable,
à ce prix (P2C*), de satisfaire toute la demande
d'importation exprimée par le pays B.
Si par contre, le niveau du droit initial et la
différence de coûts entre A et C sont tels que la suppression des
droits d'entrée sur les produits de A permet à celui-ci de vendre
à un prix inférieur au prix de C droits inclus, alors on a une
situation un peu plus intéressante pour l'Union. Le graphique 4
ci-après décrit ce cas :
MB
2
Importations
P2C*
P2C*(1+ tC)
P2A*
A' E2 A E2
D E F
G
M
L
K
N
I J
Graphique 4
Sous cette hypothèse, le prix d'acquisition
auprès de A devenant meilleur, le pays B importera la totalité du
bien 2 de ses partenaires de l'UEMOA au prix P2A*. Il achète
donc MG au lieu de la quantité DF préalablement achetée.
Il perd la surface DFJN en recettes douanières. Les consommateurs de ce
pays récupèrent la partie DFLM et obtiennent en plus le triangle
FGL qui constitue leur gain net de bien-être. Les producteurs de A
récupèrent la partie MLKIN et en plus, le triangle LGK. Au total,
sur les pertes de recettes douanières de B, seul la partie KJI est
véritablement perdue du fait de l'inefficacité de la production
du pays A. C'est la comparaison des aires (KJI) et (FGL+LGK) qui permettra de
savoir s'il y a perte ou gain de bien-être.
En résumé, la vente de produits industriels
par les "grands pays" de l'Union sur le marché des autres partenaires
accroît, à la fois, leurs exportations et le bien-être
qu'ils tirent du commerce. Les pays partenaires (pays B) des exportateurs de
produits industriels quant à eux perdent du bien- être compte tenu
de la baisse de leurs recettes douanières. L'Union dans son ensemble se
trouve alors confrontée à une perte sèche due à
l'inefficacité de la production dans le pays A par rapport à
celle du reste du monde.
Cette conclusion peut être relativisée si
l'institution de la préférence tarifaire communautaire
s'accompagne d'une baisse du prix des produits importés par le pays
partenaire car, plus la droite MG s'éloigne en dessous de DF, moins
l'aire KJI (c'est-àdire la perte sèche) est importante. Dans ce
cas, une amélioration du bien-être apparaît pour les "petits
pays" à travers une amélioration du surplus de leurs
consommateurs.
Mais au niveau de l'UEMOA prise globalement, la situation
reste mitigée puisque l'apparition de gain ou de perte dépend de
l'ampleur de l'inefficacité de la production dans les pays membres, par
rapport à celle du reste du monde.
Le modèle vient de montrer que l'instauration de la
préférence tarifaire au sein de l'UEMOA a deux (02) types
d'effets sur l'économie des pays membres de cette institution
sous-régionale. Le premier est l'opportunité qui s'offre pour une
augmentation des flux commerciaux intra-zones, pour les deux (02)
catégories de pays qui ont été distinguées au sein
de l'Union. Le deuxième effet est le remplacement des importations
venant des pays tiers par des productions communautaires bien que celles-ci
soient peu efficaces : c'est ce qui est dénommé "effet de
détournement de commerce".
En effet, profitant de la réduction de tarif dont elles
bénéficient, les entreprises de l'Union aux coûts de
production élevés donc ne survivant que grâce à une
forte protection, peuvent désormais écouler leur production sur
un marché beaucoup plus élargi : le marché communautaire.
Si l'on sait que l'inefficacité du système productif
communautaire est une source de baisse du bien-être, les pays membres
doivent procéder à une adaptation de leurs appareils productifs
respectifs afin de pouvoir répondre à moindre coût à
la demande nouvelle qui se présente à eux, du fait de la mise en
oeuvre de la préférence tarifaire.
Après cette analyse théorique de l'impact de
l'instauration de la préférence tarifaire de l'UEMOA sur le
commerce extérieur, la deuxième partie de ce document abordera
l'étude sous une approche beaucoup plus pratique.
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