L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA Université de Kinshasa - Graduat 2004 |
B. La consécration du principe démocratiqueLe reflet en droit international de la conception philosophique du XVIIIème siècle, contenue dans la Déclaration de l'indépendance dite de Virginie et celle des droits de l'homme et du citoyen selon laquelle la société et l'Etat sont nécessaires pour l'expansion de la liberté individuelle, valide le passage de la liberté de l'individu à la souveraineté du peuple dans le moule de l'Etat libéral. Ce passage est le fruit de la garantie constitutionnelle, mais aussi internationale, des droits fondamentaux qui permettent de positiver la démocratie, c'est-à-dire que le peuple continue d'être souverain((*)159). Ainsi posé, la notion de souveraineté est un problème fondamental dans toute entité étatique, car elle détermine la source du pouvoir. Le souverain, c'est le titulaire du pouvoir, à qui le pouvoir appartient par nature, toutes les autorités établies tiennent de lui le droit de gouverner. Et dans une démocratie représentative, le souverain , c'est la nation , c'est-à-dire « une entité abstraite, composée de citoyens actuellement présents, de ceux qui vont venir ainsi que de ceux qui ont déjà existé »((*)160). Ce principe de la souveraineté nationale exercée par le peuple qui figurait déjà en bonne place dans la constitution du 2 juin 1972 est confirmé par l'article 2 al. 1 de la constitution du 18 janvier 1996: « La souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l'exerce, soit par l'intermédiaire du Président de la République et les membres du Parlement, soit par voie de référendum ». Les autorités chargées de diriger l'Etat tiennent donc leurs pouvoirs du peuple par voie d'élection au suffrage universel direct ou indirect. Ce point de vue du caractère pluraliste de la démocratie au Cameroun est encore confirmé par la multiplication des postes électifs au sein de l'Etat (Présidence de la République, Assemblée Nationale, Sénat, Régions, Communes). Force est de relever cependant qu'une limitation pour le moins regrettable est apportée audit caractère : certaines personnes appelées à exercer au plus haut niveau l'autorité de l'Etat peuvent ne pas tenir leurs pouvoirs du peuple((*)161). C'est notamment le cas de 30 % des membres du Sénat qui sont nommés par le Président de la République. A un niveau plus bas, c'est-à-dire au niveau de la démocratie locale, l'organisation administrative de l'Etat connaît, depuis 1996, une décentralisation territoriale. A titre de nouveauté, la constitution de 1996 consacre aux collectivités territoriales décentralisées un statut constitutionnel((*)162). On distingue désormais deux types, à savoir les régions et les communes. Pour ces dernières, leur autonomie est renforcée par l'élection des Maires et des conseillers municipaux, ce qui constitue, en démocratie, le procédé de réalisation de la décentralisation administrative((*)163). Quant aux premières, l'exécutif régional a été retiré aux gouverneurs de province pour être confié au Président du conseil régional, personnalité autochtone de la région, élue en même temps que le bureau régional au sein du conseil pour 5 ans. Ce renforcement de la démocratie au niveau local permet-il de déduire que la décentralisation territoriale au Cameroun est parvenue à l'aube d'une ère nouvelle et révolutionnaire ? La réponse à cette question doit être nuancée. Tout d'abord, il est à noter que certaines villes sont soumises au régime des délégations du Gouvernement((*)164). La commune se trouve par ailleurs étranglée par une tutelle paralysante au plan organique, tracassière et démobilisatrice au plan fonctionnel. Bien plus, elle doit faire face à un accroissement des charges avec des ressources pourtant insignifiantes. Quant à ce qui est de la région, il y a les dispositions combinées des art. 59 et 60 de la constitution qui confèrent au Président de la République le pouvoir de dissoudre le conseil régional s' il accomplit des actes contraires à la constitution ou des graves violations de la loi. Ce n'est tout autre chose qu'une tentative de fonder l'arbitraire en l'ancrant dans la loi fondamentale elle-même. Il planerait sur les régions comme une épée de Damoclès susceptible de fausser le jeu démocratique, d'autant plus que rien n'est dit concernant la procédure qui détermine en l'occurrence les violations de la constitution ou les graves atteintes à la loi. On s'en remet à l'intime conviction du chef. Ce qui nous pousse à nous demander si l'on est encore dans le cadre de la décentralisation.
* (159) G.BASUE BABU-KAZADI, Vie internationale, cours polycopié, deuxième graduat, Faculté de Droit, UNIKIN, 2002-2003, p.82. * (160) E.MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, op.cit, p.167. * (161) Art. 2 de la constitution : " Les autorités chargées de diriger l'Etat tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d'élection au suffrage universel direct ou indirect, sauf dispositions contraires de la présente constitution ". * (162) Voir art. 20 al. 2. * (163) KEUTCHA TCHAPNGA, " Les mutations récentes du droit administratif camerounais", in Afilex n° 01,novembre 2000, p.6. * (164) Baffoussam, Bamenda, Ebolowa, Edéa, Garoua, Kumba, Limbe, Maroua et Nkogsamba. A ces villes, il faut ajouter les communautés urbaines de Yaoundé et de Douala, divisées en communes urbaines d'arrondissement , au nombre, respectivement, de 5 et 6. |
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