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L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun

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par Jean Marcel ILUNGA KATAMBA
Université de Kinshasa - Graduat 2004
  

Disponible en mode multipage

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Epigraphe

Il est à proscrire de l'humanité, à mon humble avis, une souveraineté qui servirait à martyriser son naturel et rationnel détenteur légitime : le peuple. La souveraineté doit être respectable en élevant sur un piédestal la dignité humaine dans un Etat démocratique de droit. L'attachement au pluralisme démocratique, le respect de l'Etat de droit et la déférence profonde aux droits de l'homme constituent des valeurs démocratiques qui devront faire partie du patrimoine commun de l'humanité.

Greg BASUE BABU-KAZADI

DEDICACE

A JEHOVAH notre DIEU, Sans l'aide et l'amour de qui nous ne serions jamais arrivé au point où nous en sommes.

A ses deux représentants pour nous, Honoré KATAMBA LUFULUABO et Anastasie NGALULA KANIKI.

REMERCIEMENTS

Le présent travail est l'aboutissement de trois années d'études à la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa. Les années qui ont mené à ce résultat furent très agréables, malgré quelques difficultés inhérentes à la nature humaine et à la crise multisectorielle que traverse notre patrie.

Au moment de clore ce travail, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont d'une façon ou d'une autre contribué à son élaboration.

A tout seigneur tout honneur, je pense spécialement au professeur Greg BASUE BABU-KAZADI, pour avoir accepté d'assumer avec une bienveillante rigueur le rôle de directeur scientifique de la présente dissertation et ce, malgré ses diverses occupations.

J'exprime aussi ma gratitude à l'assistant Samba MUKIRAMFI pour avoir lu ce travail en tant que rapporteur. La pertinence de ses observations nous a amené à un bon port.

Une reconnaissance particulière est due au professeur MAVUNGU, pour nous avoir prêté la nouvelle puissance américaine d'Henry KISSINGER, livre qui nous a été d `une grande utilité dans la rédaction d'une bonne partie de ce travail.

Je souhaite que mes parents, Honoré KATAMBA LUFULUABO et Anastasie NGALULA KANIKI trouvent dans ce travail l'expression de mon amour et de ma reconnaissance envers eux, pour tant de sacrifices consentis pour moi.

S'agissant de mes frères et soeurs, Laurette BABI, Cano TSHILEO, Didier KATAMBA, Aline NSEYA, Clément KANIKI, Yvette NGUELA, Alexandre MUKENDI, Benjamin KALALA et Nancy NTUMBA, je souhaite qu'ils lisent à travers ces lignes l'expression de mon attachement fraternel et de ma reconnaissance envers eux.

Titi TSHIYAMBA, Lyly TSHIJUKA, Mireille MUSHIYA, Nancy MPUNGA, Eddy ILUNGA et maman Eugénie LUMU méritent une chaleureuse mention pour cette hospitalité légendaire qu'ils m'ont toujours témoigné.

Mes remerciements vont également à mes charmantes nièces, Rachel NTUMBA et Déborah MBIYA, à leur maman Mimi KAMUANYA ainsi qu'à ma chère cousine Gina ODIA.

Reste l'agréable devoir d'exprimer ma gratitude à Yvette NGUELA et Serge NYEMBWE, qui n'ont ménagé aucun effort pour faire de leur expérience une lanterne accrochée à leur dos, éclairant ainsi le chemin par lequel je suis entrain de passer.

Ma gratitude va également à mes tantes Angèle MITONGO, BEYA, Marthe NANGA, Marie MPUNGA, Véronique NTANGA, Evelyne MACRY,à maman Véronique TSHIBAKAYI ainsi qu'à mon oncle Missak KASONGO.

Je ne puis terminer ce propos sans remercier mes amis et compagnons, Jerry KUEYIDIAKA, Gauthier KALALA, Joël MOKANDA, Crispin KAYEMBE, Patrick KABEYA et Christian TSHIAMALA.

C'est finalement à ma chère cousine, Lyly BALOJI TSHIJUKA, que vont mes pensées les plus émues. Par son amitié et sa compagnie, elle m'a apporté un soutien qu `elle ne soupçonne sans doute.

ILUNGA KATAMBA Jean Marcel

LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES

A.A.D.I  : Annuaire africain de droit international

A.I.D.I  : Annuaire de l'Institut de Droit International

Al. : Alinéa

A.P.D.  : Aide publique au développement

Art.  : Article

B.B.C.  : British broadcasting system

B.I.R.D. : Banque internationale pour la reconstruction et

le développement

C.E.D.E.A.O.  : Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest

C.E.E.  : Communauté économique européen

C.E.I.  : Commission électorale indépendante

C.E.M.A.C. : Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale

C.S.C.E. : Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe

C.I.AT. : Comité international d'accompagnement de la transition

C.D.I. : Commission du droit international

C.I.J. : Cour internationale de justice

C.P.J.I. : Cour permanente de justice internationale

D.U.D.H. : Déclaration universelle des droits de l'homme

F.A.S.R. : Facilité d'ajustement structurel renforcée

F.M.I. : Fonds monétaire international

I.D.I. : Institut de droit international

M.O.N.U.C. : Mission d'observation des Nations Unies au Congo

N.D.I. : National Democratic Institute for International Affairs

N.U. : Nations Unies

O.E.A. : Organisation des Etats américains

O.N.U. : Organisation des Nations Unies

Par. : Paragraphe

R.A.D.I.C. : Revue africaine de droit international et comparé

R.C.A.D.H. : Revue de la commission africaine des droits de l'homme

R.C.S.P. : Revue camerounaise de science politique

R.C.D. : Rassemblement congolais pour la démocratie

R.D.C. : République démocratique du Congo

R.D.P.C. : Rassemblement démocratique du peuple camerounais

R.F.I. : Radio France internationale

U.A. : Union africaine

U.D.C. : Union démocratique du Cameroun

U.E. : Union européenne

U.N.D.P. : Union nationale pour la démocratie et le progrès 

UNIKIN : Université de Kinshasa

U.P.C. : Union des populations du Cameroun

U.R.S.S. : Union des Républiques socialistes soviétiques

U.S.A.I.D. : Agence américaine pour le développement international

S.D.F. : Social Democratic Front

S.d.N. : Société des Nations

V.O.A. : Voice of america

INTRODUCTION

1. HISTORIQUE

L'environnement international offre depuis la dernière décennie du siècle passé, un cadre propice pour la démocratisation des régimes autoritaires, désormais aux abois((*)1). En effet, déterminé à faire disparaître de la surface du globe le communisme et profitant de l'effondrement du bloc socialiste, de la chute du mur de Berlin et de l'implosion de l'U.R.S.S., les pays et organisations occidentaux interviennent sur la scène politique africaine en établissant un lien conditionnel entre l'instauration d'une démocratie libérale et la coopération au développement.

Toutefois, l'introduction de la démocratie dans la genèse, l'organisation et le fonctionnement des Etats africains est essentiellement l'oeuvre des peuples, la démocratie étant définie comme le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple((*)2). Ce qui implique une action interne à l'intérieur des frontières étatiques, mais aussi une action internationale en faveur de la démocratie grâce à la solidarité entre les peuples. C'est sur base de cette « solidarité » entre le peuple français et les Africains que le président français François MITTERRAND portait à la connaissance des dirigeants africains, dans un discours prononcé au sommet franco-africain de la Baule, en juin 1990, que l'aide économique française et la coopération au développement étaient désormais conditionnées par la démocratisation((*)3). Ce discours pose en termes clairs la problématique « Démocratie africaine et influences extérieures  »((*)4).

Face aux multiples pressions et revendications internes et au remodelage des relations économiques internationales, le gouvernement camerounais procédera en 1990 à la libéralisation de la vie politique et à l'aménagement du cadre juridique devant accueillir la démocratisation. Le décret du 21 juillet 1990, créant une commission composée de 11 membres, dont la mission était de présenter au Président Paul BIYA un rapport assorti des propositions concrètes de réforme, s'inscrit dans cette dynamique. Ce rapport sera largement exploité par le gouvernement et permettra la réforme de la législation sur les libertés publiques et l'instauration du multipartisme intégral.

C'est dans ce contexte que différents acteurs extérieurs interviendront sur la scène politique camerounaise sous prétexte d'appuyer le processus démocratique.

2. DEFINITION

L'objet de notre étude est d'analyser par une approche juridique et sociologique, l'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Il importe donc d'expliciter les sens dans lesquels seront employés les concepts de « communauté internationale » et de « processus de démocratisation » dans cette dissertation.

La doctrine n'est pas unanime sur l'existence de la communauté internationale comme sujet du droit international. Toutefois, la tendance est de reconnaître aujourd'hui à la communauté internationale une certaine personnalité juridique((*)5). La question qui mérite d'être soulevée à ce niveau est celle de savoir l'étendue de cette dernière. Faut-il la limiter aux seuls Etats ou l'étendre à d'autres sujets du droit international ?

La réponse à cette question se trouve dans la définition de la communauté internationale. Celle-ci peut-être définie comme «  un ensemble très universel incluant en son sein les Etats, les organisations internationales à vocation universelle, les particuliers et l'opinion publique internationale »((*)6).

NGUYEN Quoc Dinh précise quant à lui que l'on ne peut faire partie de la communauté internationale que si l'on est sujet du droit international, c'est-à-dire destinataire des normes internationales et inversement((*)7). C'est donc dans le sens d'une communauté formée des Etats, des organisations internationales, des particuliers et de l'opinion publique internationale que le terme de communauté internationale sera employé tout au long de notre travail ((*)8).

Le second concept à élucider est celui de « processus de démocratisation ». Pour mieux le saisir, nous nous sommes référé à la définition proposée par Samuel HUNTIGTON. Ce dernier le définit comme une opération par laquelle « un gouvernement choisi selon les critères autres que démocratiques se trouve remplacé par un gouvernement adopté au cours d'élections libres, ouvertes et honnêtes »((*)9). Ce processus peut être long et complexe, mais doit aboutir à un régime démocratique, c'est-à-dire un régime où « les plus hauts dirigeants sont choisis dans le cadre d'élections honnêtes, ouvertes à tous et revenant à date fixe, au cours desquelles les candidats s'affrontent librement pour obtenir le suffrage populaire, et où la quasi-totalité de la population adulte détient le droit de vote »((*)10).

Le moment fort du processus de démocratisation est donc le remplacement d'un gouvernement choisi par des moyens autres que démocratiques par un gouvernement issu des élections libres, ouvertes et honnêtes. Le processus de démocratisation sera donc appréhendé sous cet angle.

En bref, notre travail portera sur l'implication de ce que nous avons convenu d'appeler « communauté internationale » dans le processus que nous venons de définir comme « processus de démocratisation ». 

3. INTERET DU SUJET

Le sujet sous examen présente un double intérêt, théorique et pratique.

· Sur le plan théorique, la coexistence des Etats sur la scène internationale sous-entend un réseau complexe de pressions exercées réciproquement et ce, dans les domaines les plus divers. Et face à l'ingérence des acteurs extérieurs, les Etats qualifient n'importe quel acte accompli dans n'importe quel domaine d'intervention illicite et pour protester se réfèrent au principe de « non-intervention dans les affaires intérieures d'un autre Etat »((*)11). Rechercher et identifier les actions permises par le droit international en matière d'intervention pour instaurer un régime démocratique dans un Etat tiers présente donc un intérêt théorique majeur vu l'importance quantitative des actions menées en Afrique par la communauté internationale.

· Sur le plan pratique, la connaissance du fondement juridique et des motivations politiques des actions de la communauté internationale dans le processus camerounais nous permettra de comprendre le but recherché par les intervenants, les causes voilées et le résultat escompté. A partir des données collectées, nous serons à même de lire entre les lignes le véritable sens de la dynamique internationale actuelle dans le processus de démocratie en cours en République démocratique du Congo.

4. DELIMITATION DU SUJET

Etudier l'action des acteurs extérieurs dans le processus démocratique africain paraît être un travail titanesque face à l'immensité de l'Afrique et à la variété des situations à analyser. D'où la nécessité d'une délimitation. Par souci de commodité et de concision, cette étude ne se limitera qu'au Cameroun. Cependant, chaque fois qu'il y aura nécessité, nous ne pourrons nous empêcher de citer à titre comparatif d'autres pays africains et surtout de tirer des leçons à appliquer à la transition en République Démocratique du Congo.

Cette étude ne se bornera qu'à développer le processus intervenu de 1989 à nos jours, car c'est à cette année qu'a débuté en Afrique le processus de démocratisation qui est encore un problème d'actualité jusqu'à ce jour.

Enfin, ne feront l'objet de notre travail que les interventions menées dans le seul cadre des opérations non armées, par le biais d'aides économiques, de coopération au développement, etc.

5. METHODOLOGIE DE RECHERCHE

La méthode peut être entendue comme étant la marche rationnelle de l'esprit pour arriver à la connaissance ou à la démonstration d'une vérité((*)12).

Pour parvenir à appréhender et à démontrer les divers aspects de notre étude, le recours à une certaine méthodologie s'avère indispensable. Ainsi, dans le cadre de ce travail, nous allons recourir à une double approche essentiellement juridique et subsidiairement socio-politique.

La méthode juridique consistera principalement en une interrogation des dispositions de la charte des Nations-Unies et des différents traités et conventions internationaux sur la licéité de l'action internationale en faveur de la démocratie en Afrique en général et au Cameroun en particulier. Mais elle consistera aussi en une exégèse des dispositions constitutionnelles internes du Cameroun en vue d'analyser le résultat de l'objectif assigné à l'action de la communauté internationale.

La méthode socio-politique, quant à elle, consistera en une analyse des forces sociales, politiques, économiques et culturelles afin de dégager la pratique faite par les Etats des principes du droit international, mais aussi la pratique faite par les acteurs socio-politiques camerounais de leurs normes constitutionnelles.

6. PROBLEMATIQUE

La disqualification de l'idéologie communiste suite à l'implosion de l'U.R.S.S. et l'effondrement du bloc socialiste a conduit les pays et les organisations occidentaux à exiger de leurs partenaires, entre autres africains, de s'aligner sur l'idéal démocratique considéré comme une sorte de modèle institutionnel d'organisation politique. Cependant, les rapports entre acteurs de la vie internationale tels que régis par le droit international requièrent un certain nombre de comportements. En grande place, figure le principe de l'égalité souveraine des Etats qui interdit aux autres Etats d'intervenir dans les affaires intérieures d'un autre Etat((*)13).

Quelles sont donc les bases juridiques qui autoriseraient ou justifieraient l'action des intervenants sur la scène politique africaine et quelles sont les motivations politiques de ces intervenants ? En d'autres termes, il sera question de s'interroger premièrement sur la licéité des interventions au regard des règles organisant la société internationale et, deuxièmement, sur les motivations politiques qui sous-tendent la politique étrangère des intervenants.

Il serait loisible de signaler que les résultats de ces interrogations devront être restitués sur la scène politique camerounaise.

A ce niveau, nous aurons l'occasion de dresser un tableau panoramique de l'état de la démocratie au Cameroun, à travers sa structure constitutionnelle et institutionnelle. Nous finirons cette étude par l'analyse de l'objectif assigné à l'intervention par la communauté internationale : Démocratiser le Cameroun.

Notons toutefois à ce stade que la licéité d'une intervention découle soit de l'usage des mesures non contraignantes, soit de l'usage des mesures contraignantes exercées en dehors du domaine réservé de l'Etat objet de l'intervention. De plus, comme il est de notoriété publique, entre Etats, il n'y a point de vertu, il n'y a que des intérêts. Les diverses interventions que nous analyserons ne se justifient que par la recherche d'un intérêt national de la part des intervenants.

Enfin, malgré quelques avancées significatives, ces interventions ne visent parfois qu'à installer une démocratie de façade.

7. ANNONCE DU PLAN

Notre travail est divisé en deux parties : la première porte sur l'intervention en faveur de la démocratie au regard des règles organisant la société internationale, tandis que la deuxième porte sur l'action internationale en faveur de la démocratie au Cameroun.

I ère PARTIE

L'INTERVENTION EN FAVEUR DE LA DEMOCRATIE AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL

La disparition de l'ordre communiste - aussi bien dans son bastion naturel que dans le reste du monde - libera les pays occidentaux du bloc de l'Ouest de la confrontation idéologique démocratie libérale/démocratie sociale. C'est dans ce contexte que les pays du bloc de l'Ouest, vainqueur de la guerre froide, s'activeront à imposer la démocratie comme modèle de régime politique par excellence. C'est l'idée d'expansion d'un modèle « homogénéisateur » incarné au plan politique par la démocratie représentative et les droits de l'homme et au plan économique par l'économie de marché. Ce mouvement d'uniformisation des valeurs culturelles occidentales justifierait l'intervention de ses principales composantes - étatiques ou non - dans les processus de démocratisation en Afrique.

Pourtant, les règles régissant les rapports interétatiques n'ont pas été pour autant modifiées, nonobstant l'apparition de la donne démocratique dans les relations internationales. Ainsi, l'égalité souveraine des Etats, un principe cardinal du droit international, interdisait et interdit toujours l'intervention dans les affaires intérieures et internationales d'un autre Etat.

Somme toute, quelle lecture devra être faite des principes du droit international à la dynamique actuelle de l'apparition de la démocratie dans les relations internationales ? Pour parvenir à répondre à cette interrogation, il nous a paru fondamental de rechercher les justifications de l'intervention en faveur de la démocratie (Premier chapitre) avant d'en décrire les modalités (Deuxième chapitre).

CHAPITRE I

A LA RECHERCHE DES JUSTIFICATIONS DE L'INTERVENTION

Rechercher les justifications de l'implication de la communauté internationale dans les processus démocratiques en Afrique reviendrait à définir les bases sur lesquelles se reposent ses différentes actions. Sur ce, le professeur Greg BASUE BABU-KAZADI note clairement que « les fondements de l'action internationale sont juridiques et se caractérisent par les motivations politiques qui déterminent et orientent la politique étrangère des intervenants »((*)14).

A la recherche des justifications de l'intervention, nous déterminerons dans une première section les motivations et les fondements de l'action internationale en faveur de la démocratie. A ce stade, les fondements seront appréhendés à travers les principes ayant une certaine incidence sur l'action des intervenants. Afin de pouvoir rendre compte de l'état actuel du droit international en matière d'interventions, nous clôturerons, dans une seconde section, l'analyse des fondements juridiques par l'étude du principe de non-intervention.

SECTION 1. MOTIVATIONS ET FONDEMENTS DE L'INTERVENTION

Il sera question d'identifier les motifs qui guident la politique étrangère des intervenants et les principes du droit international qui limitent ou permettent leurs actions.

§1. MOTIVATIONS POLITIQUES

La politique étrangère des intervenants en Afrique est motivée par le double désir d'imposer la démocratie comme modèle de régime politique par excellence et de promouvoir leur intérêt national.

A. La diffusion d'un modèle homogène de régime politique : la démocratie libérale

La démocratie libérale correspond au régime que nous avions tenté de définir dans les pages précédentes((*)15). Elle consiste dans le fait que les gouvernants sont désignés au cours des élections libres et sincères. Elle implique l'existence des libertés publiques, le respect le plus complet des personnalités d'opposition, etc. A l'opposé, la démocratie sociale vise à réaliser l'égalité plutôt qu'à faire régner la liberté, en mettant fin à l'asservissement économique de certains individus à d'autres((*)16).

La fin de la confrontation idéologique Est-Ouest sonna le glas de la démocratie sociale pour laisser champ libre à la démocratie libérale. Et depuis, l'idée d'une généralisation du modèle libéral de la démocratie s'est imposée. La multiplication des accords régionaux établissant un lien conditionnel entre l'instauration d'une démocratie libérale et l'adhésion à l'organisation s'inscrit dans cette dynamique.

Ainsi, l'adhésion au conseil de l'Europe ou à la C.E.E. était subordonnée à l'établissement d'un régime politique démocratique et libéral. C'est pourquoi, vers le milieu des années 1970, lorsque les nouveaux gouvernements démocratiques demandèrent leur admission au sein de la communauté, les membres ne pouvaient la leur refuser((*)17).

En Amérique, l'art. 5 de la charte de l'O.E.A. dispose que « la solidarité des Etats américains et les buts élevés qu'ils poursuivent, exigent de ces Etats une obligation politique basée sur le fonctionnement effectif de la démocratie représentative ». Un contenu plus concret est donné à ce principe général par une décision des ministres des affaires étrangères : « ...élections libres et périodiques auxquelles participe, au scrutin secret, la population adulte du pays »((*)18). De la même manière, les ministres des pays membres de la C.S.C.E. ont élaboré en novembre 1990 la « charte de Paris pour une nouvelle Europe » qui proclame entre autres « la démocratie comme seul système de gouvernement ». Cette notion est explicitée comme suit : « le gouvernement démocratique repose sur la volonté du peuple, exprimée à intervalles réguliers par des élections libres et loyales... ».

En Afrique enfin, l'Union Africaine a aussi inclus dans son texte constitutif la donne démocratique. Sur le plan des normes novatrices qui caractérisent l'Acte de Lomé, on peut citer la mise hors-la-loi des changements anticonstitutionnels trop fréquents en Afrique depuis la décolonisation. « La prescription a l'avantage d'être assortie d'une sanction minimale »((*)19), contenue dans l'art. 30 qui stipule : « Les gouvernements qui accèdent au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels ne sont pas admis à participer aux activités de l'union »((*)20).

Sur le plan des principes devant régir les activités de l'organisation, l'U.A. proclame fonctionner sur le principe du respect de la démocratie, des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance (voir article 4 litera m).

Eu égard à tout ce qui précède, il serait loisible de se demander si la multiplication d'instruments régionaux de ce genre ne témoigne pas de l'établissement progressif d'une « pratique générale acceptée comme étant le droit » (au sens de l'art. 38 du statut de la C.I.J)((*)21). L'idée d'une généralisation du modèle libéral de la démocratie se trouve affirmée par les événements qui se sont déroulés depuis 1989 un peu partout dans le monde.

Les Nations-Unies elles-mêmes ont emboîté le pas en consacrant, sur le plan universel, un droit à des élections libres, impliquant une forme de gouvernement fondée sur le consentement du peuple. C'est ce qui se dégage et de la lettre et de l'esprit de la résolution 45/150 de l'Assemblée Générale du 18 décembre 1990 intitulée : « Le renfoncement du principe des élections libres et honnêtes». Le texte de la résolution précise à cet égard les formules relativement larges de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Ce mouvement d'uniformisation des valeurs culturelles occidentales justifierait l'intervention de ses principales composantes dans l'introduction de la démocratie dans la genèse, l'organisation et le fonctionnement des Etats africains. Cependant, les pays occidentaux, sous prétexte de la diffusion d'un modèle homogène de régime politique, ne sont-ils pas entrain de se positionner en Afrique en général et au Cameroun en particulier, pour la préservation et l'expansion de leur intérêt national ?

B. L'intérêt national

Depuis la fin de la guerre froide, les pays occidentaux sont obnubilés par le souci d'influencer le cours de la dynamique politique africaine. Une observation scrupuleuse de cette obsession amène tout chercheur averti à se demander si telle démarche ne s'inscrit pas dans le registre du calcul égoïste dont la finalité serait la promotion et/ou la préservation de l'intérêt national des intervenants.

A en croire Marcel MERLE, la recherche des intérêts constitue l'un des principaux ressorts de l'activité des hommes pris individuellement, des classes sociales, des groupements professionnels ainsi que des Etats ou groupes d'Etats((*)22). Maurice DUVERGER est quant à lui d'avis que « l'idéalisme occidental n'est souvent qu'un moyen de dissimuler la défense des intérêts matériels très précis »((*)23). Hans MORGENTHAU va plus loin en affirmant que seul l'intérêt national, défini en terme de puissance, constitue le levain de la politique internationale((*)24).

Ces diverses affirmations sont confirmées par des déclarations de deux grandes personnalités occidentales. D'abord, le général Charles de GAULLE a par une formule restée légendaire, déclaré que «les Etats n'ont pas d'états d'âmes, ils n'ont que des intérêts ». Enfin, le président américain Bill CLINTON, se voulant plus éloquent et surtout plus direct que son prédécesseur français estime pour sa part que « la défense de la liberté et la promotion de la démocratie dans le monde entier ne sont pas seulement le reflet de nos valeurs les plus profondes, elles sont aussi d'une importance vitale pour nos intérêts nationaux»((*)25).

Par conséquent, on est en droit de conclure que l'implication de la communauté internationale dans le processus de démocratisation africain tend prioritairement à sauvegarder un intérêt national. Ce dernier peut-être défini comme un « ensemble des avantages matériels et/ou immatériels qui importent à un Etat dans le déploiement de son action au sein ou en dehors de ses frontières»((*)26).

Dans ce travail, il n'est question d'analyser que l'intérêt des acteurs étatiques dans le cadre d'une intervention unilatérale et non concertée. Sur ce, une constance demeure. Tout d'abord, il s'agit dans la plupart des cas envisagés de l'omniprésence de la puissance vainqueur de la guerre froide, les Etats-Unis, après la chute de l'hégémonie soviétique. Ensuite, selon que l'Etat envisagé est francophone ou anglophone, on retrouve respectivement la France ou la Grande-Bretagne. Enfin, il y a l'ancien colonisateur ou le principal partenaire économique de l'Etat en cause((*)27).

Sur base de cette constance, l'on peut noter qu'en RDC, la Belgique intervient en tant qu'ancienne puissance coloniale, la France en tant que puissance hégémonique en Afrique francophone et les Etats-Unis en tant que leader mondial. Au Cameroun, les Etats-Unis interviennent en tant que « leader mondial », et la France en tant que puissance hégémonique en Afrique francophone, ancienne métropole et le plus grand partenaire économique((*)28).

Signalons par ailleurs que la présence de ces deux Etats dans la politique camerounaise ne se fait pas sans certaines tensions perceptibles. En fait, tant bien que mal, la France cherche, par tous les moyens, à sauvegarder son « pré-carré » hérité de la conférence diplomatique de Berlin de 1885. Par un jeu obscur de clientélisme, par des calculs égoïstes dont seuls les diplomates du Quai d'Orsay maîtrisent l'inconnu, les données, la formule et la marche à suivre, la France cherche après ses déboires dans la région des Grands Lacs, de ne pas rejoindre le camp des grandes puissances de la conférence de Berlin reléguées depuis près de sept décennies dans un rôle de moindre importance, nous avons cité l'Allemagne et l'Italie.

De l'autre coté, en raison du leadership mondial qu'ils croient devoir assurer, les Etats-unis d'amerique dénient à la France la légitimité de parrain de ses ex-colonies. C'est dire que quatorze années après la chute du mur de Berlin, les deux anciennes puissances alliées de la guerre froide sont confrontées dans une sorte de paix froide((*)29). Derrière les sourires de façade, ces deux pays se livrent une féroce lutte d'influence autour du golfe de Guinée, de Dakar à Abidjan.

En conclusion, la politique étrangère des intervenants sur la scène politique africaine ne recouvre pas seulement l'idée de solidarité entre les peuples basée sur l'exportation du modèle libéral de la démocratie, mais recouvre aussi l'idée de recherche d'un intérêt national à caractère politique, économique, stratégique, militaire et autres. Toutefois, la motivation politique ne suffit pas pour justifier l'intervention, il faut en rechercher les fondements juridiques.

§2. LES PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL AYANT UNE INCIDENCE SUR L'ACTION INTERNATIONALE EN FAVEUR DE LA DEMOCRATIE

L'aspect formel de l'intervention en faveur de la démocratie est constitué des textes conclus dans un cadre multilatéral, tels que ceux édictés par la charte des Nations Unies et d'autres institutions internationales universelles, mais aussi ceux conclus dans un cadre régional tels que l'Acte de Lomé instituant l'Union africaine, et la charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Dans un cadre plus restreint, c'est-à-dire bilatéral, nous retrouvons les accords de coopération, voire certains textes unilatéraux à vocation universelle comme les aides, l'aval de prêt et l'effacement de la dette.

Afin de pouvoir rendre compte de leur évolution juridique, le professeur Greg BASUE BABU-KAZADI propose de les envisager du point de vue du fond. Cette démarche permet de lever le voile sur les principes fondamentaux qu'ils sous-entendent((*)30). La question qui se pose est dés lors la suivante : Peut-il y avoir contre un Etat indépendant une action internationale s'exerçant à l'encontre de ce qu'il considère comme sa souveraineté ? En d'autres termes, y -a-t-il possibilité offerte aux acteurs internationaux de mettre en cause le comportement ou l'action des pouvoirs publics vis-à-vis de ses nationaux ? Dans l'affirmative, quels fondements juridiques pourraient être évoqués pour justifier une telle action ?

Il s'agira donc de traiter des contradictions du droit international régissant une société internationale dont les acteurs principaux, les Etats, se prévalent de la souveraineté et de ses corollaires. Ce qui nous pousse à analyser deux principes du droit international ayant une incidence sur l'action internationale en faveur de la démocratie : L'égalité souveraine des Etats et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

A. L'égalité souveraine des Etats

Tous les Etats sont souverains et égaux sur la scène internationale. La souveraineté est le principe constitutionnel du droit international public. En effet, la plupart des normes internationales sont le fruit de la volonté et du consentement des Etats et sont exécutées par eux-mêmes.

L'expression « égalité souveraine » rend bien compte du lien qui existe entre la souveraineté et l'égalité : Tout Etat étant juridiquement souverain, est par conséquent juridiquement égal à tout autre((*)31). Tous les Etats étant donc souverains, aucun ne peut être assujetti à un autre ; souverainement égaux ou également souverains, les Etats sont mutuellement dans une situation de parité légale((*)32).

La souveraineté de l'Etat ne s'analyse pas seulement en termes positifs comme un ensemble de pouvoirs qu'il détiendrait sur ses sujets ou sur les autres Etats, elle est aussi un attribut négatif et signifie qu'aucun pouvoir légal ne peut s'exercer sur lui((*)33). C'est de cette souveraineté excluant en premier l'existence d'un super-Etat, que résulte en second lieu l'égalité des Etats, donc chacun est également dépourvu de pouvoir sur chacun des autres, dans toute la mesure où la détention d'un pouvoir sur un sujet est une négation de la souveraineté de celui-ci((*)34). C'est sur base de cette considération que la jurisprudence internationale assimile la souveraineté à l'indépendance. Ainsi, l'arbitre Max HUBERT, dans une sentence arbitrale devenue célèbre, déclare que « La souveraineté dans les relations entre Etats, signifie l'indépendance. L'indépendance relativement à une partie du globe est le droit d'y exercer, à l'exclusion de tout autre les fonctions étatiques »((*)35).

Le principe de la souveraineté est ancré dans le droit positif et est tenu pour un principe cardinal de l'organisation des Nations unies. Ce principe est par ailleurs consacré par la célèbre résolution 2625 (XXV) de son Assemblée générale intitulée « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la charte des Nations-Unies ». A titre général, cette déclaration proclame que les Etats jouissent de l'égalité souveraine, que l'indépendance politique de l'Etat est inviolable et surtout que « chaque Etat a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel ». Sur le plan régional, l'union africaine déclare fonctionner sur le principe de l' « Egalité souveraine de tous les Etats membres de l'union » (art 4 litera a de son acte constitutif).

La souveraineté est dans ce sens un attribut essentiel de l'Etat. Elle nous permet en effet de le différencier des autres personnes publiques((*)36). Le droit international serait, dans ce cas, insensible à la forme du régime politique d'un Etat, puisqu'il suffira que ce dernier ait une population, un territoire et un pouvoir effectif et soit doté de la souveraineté pour que la qualité d'entité étatique lui soit reconnue. Ce qui pousse Jean CHARPENTIER à dire que « jamais la pratique internationale n'a exigé qu'un Etat soit démocratique pour être considéré comme tel»((*)37). Le professeur Sayeman BULA-BULA affirme pour sa part que « l'existence d'une règle internationale prescrivant l'obligation de promouvoir ou de garantir la démocratie n'est pas encore prouvée »((*)38).

Toutefois, le professeur Greg BASUE BABU-KAZADI tire l'alarme en insistant sur le fait que ces genres d'affirmations extrêmes ne doivent « pas nous faire oublier que c'est sous couvert de ce prétexte que certains dirigeants ont pu former les régimes les plus abominables, indignes et de mauvais augure, responsables de la terreur et de la misère»((*)39). Sur un ton magistral, le professeur déclare qu' « il est à proscrire de l'humanité, [......], une souveraineté qui servirait à martyriser son naturel et rationnel détenteur légitime : le peuple. La souveraineté doit être respectable en élevant sur un piédestal la dignité humaine dans un Etat démocratique de droit»((*)40).

« Fort heureusement, écrit BASUE BABU-KAZADI sur un ton jovial, la légitimité nouvelle retrouvée est en train de mettre hors d'état de nuire ou sous veilleuse des régimes aussi ignobles que celui de l'apartheid, de Pol Pot ou de certains dictateurs sanguinaires contemporains»((*)41). Il est clair qu'actuellement les valeurs démocratiques ont érodé petit à petit le principe de la libre élection du système politique dans l'ordre international.

En définitive, le principe de l'égalité souveraine des Etats confère à chaque peuple organisé en Etat le droit de choisir librement la forme de son organisation politique, économique, sociale, ...Tous les peuples étant donc égaux, aucun peuple n'est irréductible dans sa composante ontologique à un autre peuple et ne peut se voir imposer une forme d'organisation politique, économique, sociale, ...contraire à sa volonté : c'est l'affirmation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

B. Le droit des peuples a disposer d'eux-mêmes

C'est la révolution française de 1789 qui, la première, affirme nettement le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Son héritage direct sera réalisé par l'affirmation du principe des nationalités dont on ne peut ignorer le rôle imminent qu'il joua dans la formation des nations européennes au XIXième siècle (unité de l'Italie et de l'Allemagne en particulier)((*)42). Les grandes puissances exclurent cependant à la fin du XIXème siècle que le droit des peuples puisse être doté d'une portée universelle, évitant de ce fait qu'il soit appliqué à leurs propres colonies((*)43). La proposition du Président WILSON de procéder à un « arrangement libre dans un esprit large et absolument impartial de toutes les revendications coloniales » fut rejetée lors de l'adoption du pacte de la SdN en 1919.

La charte des Nations Unies, quant à elle, proclame à l'échelle mondiale non sans ambiguïté, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes à l'article 1er par.2, ainsi qu'aux art. 55 et 73. Le principe, tel qu'il est formulé par la charte, renferme deux aspects, positif et négatif. L'aspect positif signifie qu'un Etat qui gouverne un territoire qui n'est pas le sien doit en permettre l'indépendance, tel qu'affirmé par la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. L'aspect négatif signifie qu'un Etat, une fois qu'il a obtenu l'indépendance, est libre de s'organiser comme il veut, suivant le régime politique qu'il préfère et conformément aux objectifs économiques, sociaux et culturels qu'il entend poursuivre((*)44).

L'aspect négatif - ou interne - du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes comporte deux composantes, économique et politique. La composante économique porte essentiellement sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles consacrée par la résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962. La composante politique exprime le droit qu'a chaque peuple de s'autodéterminer librement : C'est l'affirmation du droit à l'autodétermination et de ses différentes applications, explicitées par la résolution 2625.

En ce sens, tout peuple organisé en Etat a le droit de choisir librement la forme de son organisation politique, économique, sociale,...Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est en effet un principe de nature politique d'inspiration démocratique désignant la vocation des peuples à s'administrer librement((*)45), mieux, le self-government, c'est-à-dire le droit des peuples de choisir la forme du gouvernement et leurs gouvernants((*)46).

Ce principe politique a néanmoins acquis un caractère juridique et a donné naissance à des nombreuses dispositions incontestablement de droit positif, sinon même valables erga omnes((*)47). Jugé ainsi par la Cour Suprême du Canada que « les sources reconnues du droit international établissent que le droit d'un peuple à disposer de lui-même est normalement réalisé par voie d'autodétermination interne - à savoir la poursuite par ce peuple de son développement politique, économique, social et culturel - dans le cadre d'un Etat existant »((*)48).

La reconnaissance de ce principe entraîne comme conséquence la non-ingérence dans les affaires intérieures et l'interdiction pour un Etat tiers d'arbitrer une controverse intérieure relative à l'autorité gouvernementale d'un Etat ou plus clairement l'illicéité de toute intervention directe ou indirecte pour imposer à un peuple un régime contraire à sa volonté.

SECTION 2 : LE PRINCIPE DE NON-INTERVENTION

Il convient de rechercher la genèse du principe et de cerner son contenu avant d'en déterminer les exceptions.

§1. LA GENESE ET LE CONTENU DU PRINCIPE

Il est question, à ce niveau, de rechercher l'origine du principe de non-intervention dans les affaires intérieures et internationales d'un Etat par des moyens de pressions autres que la menace ou l'emploi de la force, et la portée du principe tel que formulée par l'art.2 par. 7de la charte des N.U.

A. La genèse du principe

Certains auteurs pensent que la propre histoire du droit international se confond avec le principe de non-intervention. Ce qui fait dire au professeur italien BENEDETTO CONFORTI que « le droit international pourrait pratiquement être inclus presque entièrement dans le principe de non-intervention, étant donné que toute violation de ses règles représente dans un certain sens une ingérence dans la sphère de liberté d'autrui »((*)49).

L'interdiction d'intervenir dans les affaires intérieures et extérieures d'un Etat par des moyens de pressions autres que la menace ou l'emploi de la force trouve son origine dans le continent américain. Tout d'abord, il convient de signaler le message de 1923 du président américain MONROE, qui interdisait aux puissances européennes d'intervenir dans les affaires américaines. Message fort ambigu car cette interdiction ne concernait que l'Europe et non les Etats-Unis eux-mêmes ! Ensuite, signalons les déclarations issues des différentes conférences américaines qui se sont succédées dans la période de l'entre-deux-guerres, et surtout dans le protocole additionnel sur la non-intervention, adopté à Buenos Aires en 1936 : le principe de non-intervention est énoncé en termes généraux, sans référence à l'emploi de la force. Enfin, l'art. 18 de la charte de l'O.E.A. établit cette interdiction en termes très larges, sans se référer à la menace ou à l'emploi de la force.

Déjà en 1919, le pacte de la SdN faisait allusion en son art. 15 par. 8 au principe de non-intervention. Après la seconde guerre mondiale, suite à la création des Nations Unies et au résultat du processus de décolonisation, il se produira une consécration du principe à l'article 2 paragraphe 7 de la charte des N.-U. Le principe sera formulé comme pilier des relations internationales en général et au sein de l'ONU en particulier à l'époque de la guerre froide.

La résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale du 24 octobre 1970, interprétant le principe de non intervention « conformément à la charte des Nations-Unies », déclare qu' « Aucun Etat ni groupe d'Etats n'a le droit d'intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre Etat. En conséquence, non seulement l'intervention armée, mais aussi toute autre forme d'ingérence ou toute menace [...] sont contraires au droit international »((*)50).

L'idée de société des Etats souverains et indépendants va avec ledit principe à tel point qu'il ne s'impose pas en faveur des collectivités qui ne sont pas reconnues comme telles. La souveraineté dans ce cas est considérée comme garante de l'indépendance, car une fois qu'elle est reconnue à un Etat, elle implique pour les autres Etats de s'abstenir de s'immiscer aussi bien dans la conduite des relations internationales que dans celles des affaires intérieures de ce nouveau souverain.

B. Le contenu du principe

Le principe de non-intervention traduit une réalité bien ancrée dans la société internationale : Aucun Etat ne peut-être soumis aux ordres, aux directives, aux injonctions provenant de l'extérieur. Sur le plan universel, le principe est consacré par l'article 2 paragraphe 7 de la charte, qui interdit l'intervention de l'ONU dans les « affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ». Donner le contenu du principe de non-intervention revient donc à déterminer le champ d'application du paragraphe 7 de l'article 2. Celui-ci met-il des obligations à la charge non seulement de l'organisation, mais encore des Etats membres ?

Une réponse négative à la question soulevée ne serait pas en contradiction avec le texte même de la charte. Nous pouvons en effet affirmer avec la C.I.J. que le « principe de non-intervention d'un Etat dans les affaires intérieures et extérieures d'un autre Etat [...] n'est pas à proprement parler énoncé par la charte »((*)51). Les travaux préparatoires montrent que ce texte avait été élaboré en vue de réglementer l'action de l'organisation elle-même et non celle de ses membres((*)52). Cette limitation dans la doctrine est consacrée par des auteurs tels que KELSEN((*)53).

Cependant, comme l'avait si pertinemment souligné le représentant de l'Uruguay à la 1204ème séance du Conseil de sécurité consacrée à la situation en République dominicaine le 11 mai 1965, le préambule de l'article 2 permet d'opter pour une interprétation différente((*)54) : « l'organisation des Nations-Unies et ses membres, dans la poursuite des buts énoncés à l'article 1, doivent agir conformément aux principes suivants... ».

La question des rapports entre l'article 2 paragraphe 7 et le principe général de non-intervention dans les relations interétatiques a été par ailleurs évoquée à l'Assemblée générale lors de la préparation de la résolution 2625 (XXV). Des divergences d'opinions soulevées, retenons que d'autres délégations ont soutenu que le principe de non-intervention est implicite dans la disposition en cause, compte tenu notamment du préambule de l'article 2((*)55). Olivier CORTEN et Pierre KLEIN ne voient pas d'ailleurs pourquoi il existerait une différence radicale entre l'interdiction d' « intervenir dans les affaires qui relèvent de la compétence nationale d'un Etat », prévue à l'art. 2 par. 7 et celle d' « intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre Etat », contenue dans la résolution 2625 (XXV)((*)56). En effet, la résolution 2625 définit les relations amicales et la coopération internationale conformément à la charte des Nations Unies. La résolution 36/103, en énonçant un certain nombre d'actions que les Etats ne peuvent prendre « en violation de la charte des Nations Unies », confirme ce point de vue. Qui plus est, la doctrine se réfère toujours - ou presque - à l'art.2 par.7 chaque fois qu'elle doit faire état de la règle de non-intervention dans les rapports entre Etats. Les Etats eux-mêmes se référent toujours à l'art. sous-examen chaque fois qu'ils protestent contre une ingérence dans leurs affaires intérieures par un autre Etat.

Ainsi, l'intervention prohibée par l'art.2 par.7 ne concerne pas seulement l'O.N.U, mais aussi les Etats membres. Les pays insuffisamment développés en tirent diverses conséquences et notamment :

· L'idée que la formulation traditionnelle et générale du principe exclut toute règle de légitimité ab initio concernant le régime interne d'un Etat. Cette idée est positivisée par la C.I.J dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci. Dans un cadre régional, ce principe est consacré par l'Acte de Lomé instituant l'U.A. (voir art. 4 litera g).

· L'idée que l'octroi d'une aide de la part des Etats occidentaux doit s'opérer sans condition qui porte atteinte à leur souveraineté et dans le respect rigoureux de l'égalité des Etats.

Pourtant, la pratique révèle une intervention continue des puissances occidentales sur la scène politique africaine en vue d'y influencer les processus de démocratisation en cours. Il convient donc d'analyser les exceptions au principe de non-intervention.

§2. LES EXCEPTIONS ADMISES PAR LE DROIT INTERNATIONAL AU PRINCIPE DE NON-INTERVENTION

Le principe de non-intervention n'est pas un principe absolu, car il admet des exceptions. Ces dernières sont clairement définies par le droit international. En matière d'intervention en faveur de la démocratie, il s'agit très précisément des limitations à la libre élection du système politique et de la protection universelle et régionale des droits de l'homme.

A. Les limitations à la libre élection du système politique

Depuis quelques années, on note une activité normative des Nations Unies tendant à limiter la liberté des Etats et de leurs peuples à choisir et déterminer librement leur type d'organisation politique.

Plus précisément, par la résolution 45/150 du 18 décembre 1990 intitulée « renforcement de l'efficacité du principe d'élections périodiques et honnêtes », l'Assemblée générale des Nations Unies « déclare que pour déterminer la volonté du peuple, il faut un processus électoral qui donne à tous les citoyens des chances égales de devenir candidats et de faire valoir leurs vues politiques, comme le prévoit la constitution et la législation nationales ».

Cette résolution ne fait que préciser l'affirmation contenue dans l'art.21 par.3 de la D.U.D.H : « La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics. Cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote»((*)57). Le pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que celui relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, donneront une dimension contraignante au principe énoncé à l'art. 21 par. 3 de la D.U.D.H((*)58).

Il apparaît clairement qu'une limitation est apportée par le droit international général à la libre élection du système politique. Pourtant, les critères libéraux de la tenue d'élections ne sont pas totalement sortis de la catégorie des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat. C'est dans cette optique que l'Assemblée générale des N.U. avait fait preuve d'une réticence instinctive en se montrant particulièrement attentive au « respect des principes de la souveraineté nationale et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats en ce qui concerne les processus électoraux », dans sa résolution 45/151 du 18 décembre 1990.

Plutôt que d'être contradictoires, fait remarquer le professeur Sayeman BULA-BULA, les résolutions 45/150 et 45/151 se complètent de manière théoriquement harmonieuse((*)59). Le professeur BULA-BULA conclut que c'est « dans le cadre des principes fondamentaux régissant les relations internationales, à savoir l'égalité souveraine des Etats et la non-ingérence dans les affaires intérieures, l'égalité des droits des peuples et leur droit à disposer d'eux-mêmes, y compris le libre choix du système politique, économique, social et culturel, ..., que doivent se réaliser des élections libres et authentiques »((*)60).

C'est dire que tout en veillant au respect des principes de l'égalité souveraine des Etats et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le droit international limite le droit à la libre élection du système politique, économique, social et culturel en « exigeant » que la volonté du peuple souverain soit à la source de tout pouvoir du gouvernement, c'est-à-dire que ce dernier soit issu des élections libres et honnêtes.

En effet, c'est par l'organisation des élections libres, honnêtes et ouvertes à tous que doivent se réaliser le droit des peuples constitués en Etat à disposer d'eux-mêmes. C'est grâce à cette légitimité fondée sur le droit international - et non sur le droit constitutionnel comme le prônait la doctrine Tobar - que la communauté internationale dans le cadre ou avec l'autorisation de l'O.N.U., mène certaines actions soit pour aider à asseoir la démocratie soit pour exiger qu'un Etat embrasse la démocratie((*)61). C'est dans ce cadre que les N.U. ont contrôlé à maintes reprises l'organisation d'élections à l'intérieur d'un Etat dont la situation pouvait laisser croire que celles-ci ne s'y dérouleraient pas régulièrement. Tel fut le cas du Nicaragua en 1989. L'implication de la MONUC dans la préparation des élections en RDC s'inscrirait aussi dans ce cadre.

Le type de régime prôné par la communauté internationale à travers l'O.N.U. doit répondre à un impératif : protéger les droits de l'homme.

B. La protection des droits de l'homme

La communauté internationale est liée par une règle coutumière qui impose le respect des droits de la personne humaine. Ces règles résultent de la charte des N.U., de la DUDH, de la convention de Genève sur le droit humanitaire et de la convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide. Force est de relever cependant que « l'instrument essentiel qui a posé les fondements du droit international dans le domaine des droits de l'homme est la charte des Nations Unies »((*)62).

La charte proclame dans son préambule la foi des peuples des N.U. « dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites». Dans l'art. 1er, elle déclare que pour réaliser la coopération internationale il faut en outre développer et encourager « le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». Dans l'art. 55, la charte répète : « En vue de créer les conditions de stabilité et de bien être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales », il faut favoriser « le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».

Ainsi donc, sur base et de la lettre et de l'esprit de la charte, l'on est en droit de déduire que le maintien de la paix et de la sécurité internationales et le développement des relations amicales sont conditionnés au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Et ces libertés sont celles acceptées par la conception démocratique de l'exercice du pouvoir clarifiées et précisées, au plan universel par les deux pactes internationaux de 1966 et au plan régional par la charte africaine des droits de l'homme et des peuples - dite charte de Banjul ainsi que par l'acte constitutif de l'union africaine((*)63).

Violer les libertés individuelles proclamées par la charte reviendrait à saper les fondements mêmes et la raison d'être de l'O.N.U., à savoir le développement de la coopération et le maintien de la paix et de la sécurité entre les nations.

Du point de vue politique, la protection des droits de l'homme dans la charte apparaît comme l'une des garanties de la paix et du point de vue juridique comme étroitement liée au respect de l'ordre international établi((*)64).

Puisque le respect des droits de l'homme est déclaré d'intérêt international, sa violation par un gouvernement doit-il entraîner la réaction licite des membres de l'O.N.U, sans que cela puisse être considéré comme une intervention ou immixtion dans « des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat» ? CALOGEROPOULOS soutient que doit être considéré comme transgressant les règles fondamentales de la société internationale organisée, tout gouvernement qui violerait ces droits((*)65).

Une conséquence logique doit être tirée des développements qui précédent : la communauté internationale, par le biais de l'O.N.U., ne peut rester insensible à la forme du gouvernement, lorsque les droits humains sont transgressés. Ce qui caractérise en principe les gouvernements non démocratiques. L'O.N.U. ne s'intéresse donc à ces derniers que s'ils posent des actes contraires au droit international.

A la lumière des exceptions admises par le droit international au principe de non-intervention, on peut affirmer que le droit des acteurs internationaux de réagir à la violation d'une obligation fondamentale pour la communauté internationale n'est plus sérieusement contesté, de sorte que le débat porte plus, aujourd'hui, sur les conditions d'adoption des mesures que sur leur contenu précis : « Loin du débat théorique sur la formulation du principe ou sa prohibition, la doctrine de l'intervention devrait se baser sur la fixation des conditions licites de l'intervention »((*)66).

CHAPITRE 2

LES MODALITES DE L'INTERVENTION

Il existe une possibilité pour les acteurs internationaux de réagir à la violation d'une obligation fondamentale pour la communauté internationale. Cependant, cette réaction doit se faire dans des conditions déterminées. C'est en considération de cet impératif que la C.I.J. précisait dans l'affaire des activités militaires que « ...l'intervention interdite doit porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des Etats permet à chacun d'entre eux de se décider librement ... l'intervention est illicite lorsque à propos de ces choix qui doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte »((*)67).

De l'avis des juges internationaux, pour conclure à une intervention licite, deux éléments doivent être tenus en compte, à défaut il ne saurait être question d'intervention permise par le droit international. Primo, il faut une utilisation des mesures non contraignantes (Section I). Secundo, en cas de recours aux mesures contraignantes, ces dernières doivent porter sur des matières où l'Etat n'a pas préservé des droits souverains (Section II).

SECTION 1. UNE REACTION NON CONTRAIGNANTE N'EST PAS CONSTITUTIVE D'INTERVENTION ILLICITE

Nous nous attèlerons à préciser la limite entre mesures non contraignantes et mesures contraignantes. Cette démarche se fera indépendamment de la notion de domaine réservé, pour la simple et bonne raison que si l'élément de contrainte confère à une intervention l'illicéité, qualifier une mesure de non contraignante revient à la faire échapper à la prohibition de l'intervention, ceci quel que soit le domaine sur lequel elle porte.

§1. DEFINITION DE LA CONTRAINTE

Afin de mieux saisir la signification des caractères essentiels et des qualités propres de la contrainte, il sied de faire largement usage de la méthode juridique.

A. Approche exégétique : L'article 2 paragraphe 7 de la charte

La dernière phrase de l'art. 2 par. 7 de la charte des N.U. permet de préciser l'intervention interdite au début de l'article et définit avec une exactitude assez satisfaisante, la notion de contrainte. Cet article in fine déclare en effet que « ...Ce principe [de non-intervention] ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au chapitre VII ». Il serait dans ce cas logique d'affirmer qu'un Etat membre des N.U. ne peut invoquer avec succès la règle de non-intervention si l'action visée est une action coercitive décidée par le conseil de sécurité dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Mais qu'en est-il des mesures non coercitives ? Le conseil de sécurité peut-il les prendre, sans violer la charte ? Une réponse négative à la présente interrogation serait illogique, absurde et déraisonnable. En effet, à titre d'exemple, le conseil de sécurité ne pourrait procéder à une discussion d'une question relevant des affaires internes, action non coercitive soumise à l'art. 2 par.7, mais serait habilité à ordonner une opération militaire contre cet Etat, action coercitive ne pouvant être entravée par cet article. Pourtant, la seconde mesure ne pourrait être prise qu'ultérieurement à la première : « L'effet utile de la règle de non-intervention au sens de la charte suppose donc que l'adoption des mesures non coercitives soit permise au conseil », concluent Olivier CORTEN et Pierre KLEIN((*)68). Ainsi, quand en vertu du principe contenu à l'art. 2 par. 7 de la charte, le conseil de sécurité discute d'une question relevant des affaires intérieures d'un Etat membre, puis prend une mesure coercitive prévue au chapitre VII, la discussion ne peut être considérée comme une intervention interdite, tandis que la mesure adoptée à son issue le serait normalement, mais est couverte par l'exception. Ce qui nous amène à conclure que les mesures non coercitives ne sont jamais des interventions. Ceci est parfaitement cohérent si on considère qu'il ne s'agit pas des mesures contraignantes, premier élément constitutif de l'intervention prohibée selon une décision de la C.I.J. (voir supra, p.31)((*)69).

L'article sous examen donne donc une définition implicite de la notion de contrainte en renvoyant aux mesures coercitives du chapitre VII de la charte. Mais dans la pratique, comment distinguer les mesures coercitives des mesures non coercitives ? Les enseignements de la C.I.J dans son avis consultatif du 20 juillet 1962 dans l'affaire de certaines dépenses des N.U. apportent une grande lumière. En effet, en vertu de l'art. 11 de la charte, l'Assemblée générale ne peut prendre aucune «  action », mesure qui reste l'apanage du conseil de sécurité. Dans cet avis, la cour précise que l' « action » qui est mentionnée dans cette disposition équivaut en réalité à toute mesure coercitive. Autrement dit, l'Assemblée générale peut uniquement adopter des mesures non coercitives, et doit transmettre au conseil de sécurité tout autre type d'actions.

En évoquant ensuite les actions qui peuvent être prises par l'Assemblée générale, la cour définit donc indirectement les mesures coercitives. La cour décide en tenant compte de la compétence octroyée à l'Assemblée générale par la charte de discuter de certaines questions et de faire des recommandations que l'obligation de transférer toute « action » prévue à l'art. 11 ne peut avoir trait à des recommandations que l'Assemblée générale pourrait faire, et que  « c'est donc au conseil de sécurité qu'est dévolu le pouvoir d'imposer l'obligation explicite de se conformer aux ordres qu'il peut émettre au titre du chapitre VII »((*)70).

Sur base de ces passages, et de l'avis de l'instance judiciaire internationale en général, on peut conclure que le critère qui permet de conclure au caractère coercitif d'une mesure est le passage d'une simple recommandation à un véritable ultimatum.

Finalement, une action est coercitive lorsque son auteur cesse de discuter, de s'informer, de demander, de prier ou de recommander pour commencer à exiger, en assortissant éventuellement son injonction de menaces. Peu importe le caractère politique, économique ou diplomatique de l'action envisagée.

Au terme de cet examen de l'art.2 par 7, on arrive donc à une définition de la contrainte, par l'intermédiaire de la notion de « mesures coercitives » qui y est contenue. A contrario, une mesure non contraignante peut être définie comme une mesure tendant à faire des recommandations, à discuter, à s'informer, à demander, à prier ou à recommander sans rien exiger et sans assortir ses démarches de menaces ou d'un ultimatum, peu importe le caractère politique, économique ou diplomatique de l'action envisagée. C'est cette définition que nous allons tenter de confronter à la jurisprudence.

B. Approche jurisprudentielle : l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (C.I.J., arrêt du 27 juin 1986)((*)71)

L'affaire du Nicaragua constitue, jusqu'à ces jours, le seul précédent décisif où des mesures non assimilables à un recours à la force ont été confrontées au principe de non-intervention devant une instance judiciaire internationale.

En fait, dans le souci de faire pression sur le régime sandiniste établi en 1979 au Nicaragua, les Etats-Unis ont adopté certaines mesures de grande ampleur, dans le domaine économique notamment. En somme, le premier mai 1985, le Président REAGAN rendit public un executive order qui interdisait toute importation ou exportation de marchandises en provenance ou à destination du Nicaragua, ainsi qu'une interdiction pour les navires battant pavillon nicaraguayen de se rendre dans un port des Etats-Unis et d'y opérer des transactions((*)72).

Lorsque le Nicaragua avait porté l'affaire devant la C.I.J., celle-ci devait donc se prononcer sur l'allégation du gouvernement sandiniste portant sur l'illicéité des mesures décrites ci-haut. Or la cour affirme dans son jugement qu'elle «...ne peut considérer les mesures économiques mises en cause comme des violations du principe coutumier de non-intervention ». Fort malheureusement, aucun mot de motivation n'accompagne cette prise de position de la cour universelle. Olivier CORTEN et Pierre KLEIN proposent de recourir à des déductions pour interpréter ce passage de l'arrêt((*)73).

De prime abord, il est fondamental de noter que le caractère économique, diplomatique ou autre des mesures mises en cause ne semble pas devoir exercer une influence sur leur licéité, car la cour a bien accepté les accusations du Nicaragua et le caractère économique de ces mesures avait été examiné au fond. Ce qui, estiment les deux auteurs, est parfaitement en accord avec les résolutions citées par la cour, énonçant et définissant le principe de non-intervention en y incluant les mesures non militaires((*)74).

La licéité des mesures objet du litige, au regard de la cour, ressort de leur caractère non contraignant. Comme la cour le note((*)75) et comme il ressort de la note diplomatique annonçant l'embargo, un des buts de ces mesures n'était que d'influencer la politique souveraine du Nicaragua.

La politique souveraine étant du ressort du domaine réservé, la licéité de ces mesures ne peut que ressortir de leur caractère non contraignant. Or pour qu'elles soient qualifiées de non contraignantes, on doit admettre qu'en les formulant les Etats-Unis n' « exigeaient »  rien du Nicaragua, et que ces mesures n'étaient pas un véritable ultimatum. D'ailleurs, dans sa note diplomatique, Washington ne fait que porter son jugement et critique sévèrement la politique sandiniste. Ensuite il en tire comme conséquence que ce comportement est incompatible avec des relations commerciales normales avec eux et exprime leur souhait de changer d'attitude vis-à-vis d'eux. En d'autres termes, Washington laisse le Nicaragua libre d'adopter sa propre politique, mais leur fait savoir que dans ce cas, il utiliserait son pouvoir discrétionnaire de nouer ou de ne pas nouer les relations politiques ave eux((*)76). C'est pourquoi la cour déclare les mesures mises en cause licites, l'embargo étant déclaré illicite sur la base d'un traité d'amitié liant les deux Etats((*)77).

L'examen de ce précédent confirme les conclusions tirées à partir de l'analyse de l'art.2 par. 7. La licéité des mesures contraignantes n'est donc pas remise en cause. Mais de quelle façon les Etats appliquent-ils ce principe ?

§2. LA PRATIQUE DU PRINCIPE DE LA LICEITE DES MESURES NON CONTRAIGNANTES

Le droit international permet donc d'user des mesures non contraignantes pour réagir à la violation d'obligations internationales commises dans un autre Etat. Dans ce sens, les acteurs internationaux peuvent porter des jugements, opérer des constations et même formuler des recommandations ou des souhaits portant sur des matières appartenant ou non au domaine réservé d'un autre Etat.

Cette conclusion se vérifie aussi bien dans le domaine des relations économiques internationales que dans celui des positions officielles exprimées à propos des situations internes.

A. Les relations économiques internationales

L'argent est non seulement le nerf de la guerre, mais aussi celui des relations politiques dans leur ensemble et internationales en particulier. Ce qui fait dire au professeur Greg BASUE BABU-KAZADI que la politique est la continuation de la guerre par d'autres moyens, l'arme économique étant le recours quotidien de la plupart des Etats dans leurs relations réciproques((*)78). Ainsi un sous secrétaire d'Etat américain déclarait en 1981 que les relations économiques devaient permettre et renforcer le but de la politique américaine d'influencer le comportement des Etats communistes((*)79).

Mais à partir de quand la pression économique devient-elle une véritable contrainte constitutive d'intervention prohibée ? La politique d'octroi de prêts du FMI apporte un éclairage significatif dans ce domaine. On sait que cette politique d'octroi est basée sur le principe de « conditionnalité » de prêts subordonnés à certaines mesures de politique économique et de réforme politique que doit adopter l'Etat bénéficiaire. Par exemple, l'accord FASR signé en 1997 entre le FMI et le Cameroun se traduit par une obligation pour ce dernier de diminuer les dépenses publiques (éducation, santé, transports ), de réduire les emplois, de réduire les salaires et d'augmenter les taxes et impôts ( recettes fiscales). Cet exemple démontre que l'octroi de prêts n'est accordé qu'aux Etats qui acceptent librement les conditions édictées.

Il y aurait donc une absence de contrainte, du moins sur le plan formel. Cette absence de la contrainte dans son aspect juridique ne fait pas disparaître son existence réelle. L'Etat en difficulté est toujours presque obligé de recourir à ce type d'emprunt et donc aux mesures d'accompagnement. Cela est d'autant plus évident que l'ensemble des autres opérateurs n'accorde souvent de nouveaux prêts à un Etat que sur base des accords conclus par ce dernier avec le FMI. C'est ainsi que la France n'accorde son aide à l'ajustement structurel qu'aux Etats de la zone franc conduisant un programme d'ajustement soutenu et financé par le FMI.

Ce mécanisme de conditionnalité n'est donc pas limité dans le seul cadre du FMI. La résolution 36/103 du 09 décembre 1981 de l'Assemblée générale sur  l'inadmissibilité  de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures énonce « l'obligation pour un Etat de ne pas user de ses programmes d'aides économiques extérieurs contre un autre Etat en violation de la charte des N.U. » - formule vague car renvoie au principe de non-intervention.

Pourtant, la pratique de la conditionnalité tant par les Etats et le FMI que par les organismes régionaux, ne révèle aucune exigence formellement exprimée. Sur ce, SCHACHTER affirme que « refuser une aide ne représente ni une contrainte, ni une ingérence ; tous les pays se sont toujours estimés libres de ne pas accorder leur soutien aux pays pour lesquels ils ne nourrissent pas de sympathie »((*)80).

Les Etats bénéficiaires de leur coté acceptent ou subissent une pression s'exerçant sur leur politique économique, pourvu qu'aucune exigence ne soit formulée à leur encontre : « sans avoir le champ entièrement libre, les Etats disposent d'une très large gamme de mesures leur permettant de peser sur le destin économique d'autrui, sans pour autant enfreindre le droit international »((*)81).

On peut donc conclure que nonobstant les contestations d'usage - qui sont plus des déclarations politiques -, la licéité et l'existence des mesures économiques sont largement admises, étant donné qu'elles sont rarement contestées devant les instances judiciaires ou arbitrales internationales.

B. Les positions officielles exprimées à propos des situations internes

Dans leurs relations quotidiennes, il arrive souvent que les acteurs internationaux émettent des déclarations exprimant une position officielle d'une situation interne dans un Etat étranger.

En visite à Kinshasa au mois d'Avril 2004, M. ALDO AJELLO, représentant spécial de l'U.E. pour la sous-région des Grands Lacs, exprimait l'inquiétude de l'U.E. sur le retard de la mise en oeuvre de la territoriale par le gouvernement de transition en RDC. M. ALDO AJELLO «  a dû faire le déplacement de Kinshasa pour sommer les protagonistes de s'entendre  », commentait la presse écrite((*)82). Ces déclarations sont parfois prononcées bilatéralement ou par des organisations, lors des périodes de véritable guerre civile. C'est ainsi que le Secrétaire d'Etat américain COLIN POWELL affirmait le 09 septembre 2004, qu' « un génocide a eu lieu et pourrait encore se poursuivre au Darfour », et que « le gouvernement soudanais et les janjawid en portent la responsabilité ».

. Dans chacune de ces situations, les formules utilisées ne sont pas impératives. Il ne s'agit que des jugements de valeur en des propositions plus ou moins précises portant sur des problèmes de politique interne. Certains événements récents ont encore démontré que les Etats étaient prompts à exprimer publiquement leur avis à propos des situations comportant des aspects de politique interne.

C'est comme ça que, s'exprimant sur la décision du RCD de se retirer des institutions de la transition pour évaluation, le président sud-africain Thabo MBEKI, en visite à Kinshasa le 30 août 2004, a affirmé aux délégués du Parlement congolais que « certains se donnent trop d'importance. Mais le processus de transition ira jusqu'à la fin ». Mentionnons aussi les propos du ministre belge des affaires étrangères, M.Karel de GUCHT, de passage à Kinshasa et à Kigali en octobre 2004 : « J'ai rencontré au Congo peu de responsables politiques qui m'ont laissé une impression convaincante », estimant qu'au Rwanda il y'avait au moins un Etat.

L'analyse de ces déclarations révèle qu'elles ne traduisent qu'une volonté plus ferme de faire prévaloir certains points de vue. Elles ne contiennent en tout cas aucun ultimatum. La limite tracée entre ce qui est permis et interdit consiste à ne pas imposer formellement à l'Etat visé tel ou tel autre comportement. La défense américaine dans l'affaire du Nicaragua ne consistait-elle pas à affirmer que  « nous n'avons pas cherché à renverser le gouvernement nicaraguayen ni à imposer au Nicaragua un système particulier de gouvernement... (mais seulement) provoquer des changements » ?

Mais qu'en est-il des mesures coercitives ?

SECTION 2. UNE REACTION CONTRAIGNANTE EXERCEE EN DEHORS DU « DOMAINE RESERVE » N'EST PAS CONSTITUTIVE D'INTERVENTION ILLICITE

La mesure coercitive a été définie dans les pages précédentes comme une action par laquelle son auteur cesse de discuter et de recommander et commence à s'imposer en assortissant ses injonctions de menaces et d'un ultimatum (voir supra, p. 34). Certains auteurs, sur base de l'article 53 de la Charte((*)83), limitent les mesures coercitives aux seules actions militaires en se référant aux mesures de grande envergure prises par l'O.E.A. à l'encontre de Cuba sans l'autorisation du Conseil de sécurité((*)84). Cette assimilation des mesures militaires et coercitives est d'ailleurs souvent opérée d'une manière générale. Toutefois, dans le cadre de notre dissertation, il nous a paru plus logique de considérer les « mesures coercitives » dans le sens plus large de « mesures de contrainte », sans les limiter à cette interprétation particulière à l'art. 53((*)85). C'est d'ailleurs le point de vue partagé par la RDC qui, dans l'affaire du mandat d'arrêt du 11 avril 2000, affirmait que la Belgique avait porté atteinte au principe de l'égalité souveraine entre les Etats en émettant le mandat d'arrêt litigieux contre un ministre des affaires étrangères, un mandat qui constitue comme tel un « acte juridique coercitif » portant atteinte à l'immunité et aux droits souverains du Congo, dans la mesure où il vise à « soumettre à un pouvoir juridictionnel répressif, un gouvernant étranger qui lui échappe en principe... »((*)86), argument qui n'a jamais était contesté par la partie défenderesse, la Belgique, ni réfuté par la cour universelle elle-même.

La notion de mesures coercitives éclaircit, la question que nous nous proposons d'analyser dans la présente section est celle de leur licéité. Si l'élément de contrainte confère à une intervention l'illicéité, la considérer comme s'exerçant en dehors du domaine réservé revient à la faire échapper à la prohibition de l'intervention. Il convient donc de préciser la notion d' « affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat » ou du « domaine réservé » (§1) avant d'en déterminer le cadre juridique (§2).

§1. NOTION DU DOMAINE RESERVE

La notion du domaine réservé renferme l'idée de la soumission de l'Etat au droit international et la liberté de décision de l'Etat lorsque le droit international se contente de fonder les compétences étatiques sans en réglementer les modalités d'exercice((*)87). Elle aura donc un contenu irréductible, aussi longtemps qu'il n'existera pas un « Etat mondial » et que les Etats disposeront d'une compétence « discrétionnaire » plus au moins étendue. Discrétionnaire ne veut pas dire «  arbitraire », car leur existence est soumise aux principes généraux du droit international. Par conséquent, seul ce droit détermine, en dernier ressort, l'étendue du domaine réservé((*)88).

Fondé donc sur le concept de la souveraineté étatique, le domaine réservé est un concept juridique et non pas politique. Son existence et sa reconnaissance sont tout à fait compatibles avec la suprématie du droit international. Si donc la notion du domaine réservé est juridique, il faut disposer d'un critère de son champ d'application. Et ce critère doit être recherché dans le droit international.

A. Le critère de l'engagement international

Il est un fait évident en droit international de nos jours : l'existence d'un engagement international constitue le critère fondamental de la délimitation du domaine réservé. Cette constatation n'est pas nouvelle. L'art. 2 § 7 de la charte ne fait que reprendre en termes extensifs l'interdiction que faisait l'art. 15 § 8 du pacte de la SdN au conseil de ne « recommander aucune solution » aux différends portant « sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive » des Etats qui y étaient parties.

La C.P.J.I a précisé que ces termes recouvraient « Certaines matières qui, bien que pouvant toucher de près aux intérêts de plus d'un Etat, ne sont pas, en principe, réglées par le droit international »((*)89).

Et la cour précise par la suite qu' « en ce qui concerne ces matières, chaque Etat est seul maître de ses décisions »((*)90).

Cette référence au droit international sera constamment réaffirmée. C'est dans ce cadre que s'inscrivent les résolutions 1514 (XV), 2131 (XX), 2625 (XXV) et 36/103 de l'Assemblée générale des NU. Ces résolutions ne comportent aucune définition précise de la notion du domaine réservé, mais précisent au moins que cette notion recouvre en tout cas les « droits souverains de l'Etat », droits qui, par définition, ne sont pas limités par un engagement international.

La CIJ se veut beaucoup plus explicite dans l'affaire du Nicaragua, puisque après avoir affirmé que l'« intervention interdite doit donc porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des Etats permet à chacun d'eux de se décider librement »((*)91), elle précise par la suite que les domaines visés sont ceux « où chaque Etat jouit d'une entière liberté de décision en vertu du principe de souveraineté »((*)92).

Amenée à appliquer les principes qu'elle a posés, la cour définit on ne peut plus clairement le domaine réservé en énonçant que « les orientations politiques internes d'un Etat relèvent de la compétence exclusive de celui-ci, pour autant, bien entendu, qu'elles ne violent aucune obligation de droit international »((*)93).

La cour examine avec minutie si les matières qui ont fait l'objet d'une intervention des Etats-Unis au Nicaragua étaient conclues dans des engagements internationaux. C'est sur base d'une réponse négative que l'intervention américaine est qualifiée d'illicite ((*)94).

L'examen de la pratique interétatique confirme ce point de vue jurisprudentiel. Par exemple, il est d'avis général que le pouvoir de légiférer, au même titre que le pouvoir d'exécuter les lois et les décisions judiciaires et le pouvoir de rendre justice, font partie du domaine réservé d'un Etat, c'est-à-dire des attributs de la souveraineté. Cependant, le parlement congolais s'était vu prier par le CIAT de revoir une loi qu'il avait votée dans les conditions fixées par la constitution de la transition, le 19 avril 2004((*)95), loi portant organisation et fonctionnement de la commission électorale indépendante (C.E.I), afin d'en assurer l'indépendance et l'efficacité.

Pourtant, cette mesure ne peut être qualifiée d'illicite, vu que les négociateurs congolais réunis à Sun City avaient reconnu au CIAT le pouvoir d'accompagner les institutions de la transition((*)96).

Toujours sur ce registre des faits, l'annexe IV dispositif 3 de l'Accord Global et Inclusif reconnaît au CIAT le rôle d'abriter et de trancher « tout désaccord pouvant survenir entre les parties au présent accord ». C'est ainsi que, par une lettre adressée au gouvernement le 30 avril 2004, le CIAT faisait valoir son intention de procéder à la répartition de la territoriale entre les composantes et les entités, suite au désaccord constaté entre elles((*)97).

Il ressort donc d'une jurisprudence constante des instances judiciaires internationales et de la pratique interétatique que l'existence d'une obligation internationale pour un Etat dans une matière particulière fait sortir cette matière de ses affaires intérieures.

La doctrine aussi adopte la même solution. Selon BINDSCHEDLER, « le domaine réservé est celui des activités étatiques où la compétence d'Etat n'est pas liée par le droit international»((*)98). Le professeur BIN CHENG affirme quant à lui que l'Etat « est libre d'agir comme il l'entend dans toute affaire qui relève de sa compétence nationale, autrement dit pour tout ce qui ressortit à sa souveraineté juridique, pourvu qu'il ne soit pas limité en son exercice par une règle du droit international ou une obligation qui lui incombe, directement, ou indirectement, en vertu d'un traité»((*)99).

L'idée d'un domaine réservé par nature ne fait plus guère d'émules((*)100).

L'article 1er de la résolution adoptée par l'I.D.I. en 1954 définit le domaine réservé comme « celui des activités étatiques où la compétence de l'Etat n'est pas liée par le droit international », avec cette précision que « l'étendue de ce domaine dépend du droit international et varie suivant son développement »((*)101).

Par conséquent, « la conclusion d'un engagement international dans une matière relevant du domaine réservé exclut la possibilité pour une partie à cet engagement d'opposer l'exception du domaine réservé pour toute question se rapportant à l'interprétation ou à l'application dudit engagement»((*)102).

Eu égard à ces considérations jurisprudentielles, pragmatiques et doctrinales, il est tout à fait fondé d'affirmer que toute action visant à contraindre un Etat à respecter ses obligations internationales ne constitue pas une intervention prohibée par le droit positif des Nations Unies.

Plusieurs questions concernant l'application de ce critère de l'engagement international restent toutefois à résoudre.

B. Les conséquences de l'application du critère de l'engagement international

La première conséquence de cette référence au droit international est le caractère essentiellement variable du domaine réservé. Cette conséquence découle du fondement même du domaine réservé. Car, puisque c'est le droit international qui détermine l'étendue des compétences discrétionnaires des Etats, l'étendue du domaine réservé dépend de la portée des engagements internationaux de chaque Etat.

La C.P.J.I note fort à propos que  « la question de savoir si une certaine matière rentre ou pas dans le domaine exclusif d'un Etat est une question essentiellement relative, elle dépend du développement des rapports internationaux... »((*)103).

Dans un cas d'espèce, la démonstration de l'interprétation du juge se réalisera en deux temps : à la date critique, le droit international exclut-il de façon générale la matière du domaine réservé ? Si non, l'Etat concerné peut-il opposer l'exception du domaine réservé à son adversaire compte tenu des engagements internationaux qui les lient ? La conclusion peut porter à discussion.

Il ressort de ce qui précède que la variabilité du domaine réservé n'est pas seulement temporelle, mais elle est aussi spatiale. Il y a des matières que les Etats ont soustrait à leur domaine réservé : l'interdiction de l'agression, le droit à l'autodétermination, l'interdiction de la discrimination raciale ou de la politique d'apartheid et certains droits de la personne. Ces droits ont acquis une valeur de coutume universelle et sortent donc du domaine réservé de tous les Etats. Ces sont des droits indérogables, mieux, des jus cogens, posés par la charte des N.U., la DUDH, la convention de Genève sur le droit humanitaire et la convention des N.U. pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Cependant, toute une série d'autres domaines ne font l'objet d'engagements internationaux que de la part de certains Etats. Le domaine réservé de ces derniers s'avère donc plus restreint que celui des premiers. C'est le cas d'un Etat partie à un instrument à vocation universelle mais ratifiés par une partie seulement de la communauté internationale; par exemple le pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Mais il y a plus. Chaque Etat ne s'engage pas de la même façon à l'égard de tous les autres dans certains domaines, mais choisit restrictivement les destinataires de ses obligations. En conséquence, une matière peut relever du domaine réservé à l'égard de tel Etat mais pas à l'égard de tel autre. Aussi, au sommet de l'U.A., du 6 au 8 juillet 2004, la RDC avait-elle opposé l'exception de la souveraineté aux Etats qui désiraient à ce que soit débattue la question de la nationalité congolaise. Cependant, cette exception n'a jamais été opposée au CIAT.

Une intervention donc dans la matière objet du domaine réservé sera interdite ou non selon son auteur. Ces principes ont été appliqués par la CIJ dans l'affaire du Nicaragua. En effet, après avoir constaté que ce dernier pays n'avait souscrit qu'une simple promesse à l'égard de l'O.E.A. dans le domaine qui avait fait l'objet de l'intervention américaine, la cour affirme que même dans le cas où cette promesse politique aurait eu une valeur d'engagement juridique, seule l'O.E.A. aurait pu exiger l'exécution d'une obligation internationale dont elle était l'unique destinataire((*)104). Ce passage démontre que le domaine réservé varie selon les rapports internationaux envisagés.

La deuxième conséquence de l'application du critère de l'engagement international pour déterminer l'étendue du domaine réservé est que cette détermination n'est pas laissée au jugement de l'Etat visé.

Les qualifications faites par les Etats doivent être considérées comme des simples déclarations politiques ne s'imposant à personne. Rien d'étonnant que le Etats qualifient n'importe quel acte accompli dans n'importe quel domaine d'intervention illicite. Seule une instance de règlement des différends est susceptible de régler une divergence d'appréciation. Rien n'empêche, cependant, un Etat de s'adonner le loisir de qualifier une violation commise dans un autre Etat, moyennant un contrôle ultérieur éventuel.

Les mesures coercitives donc, exercées en dehors du domaine réservé, ne sont pas illicites. Il sera question, dans le dernier paragraphe de cette première partie, de déterminer les formes sous lesquelles les différentes mesures coercitives exercées en dehors du domaine réservé sont coulées en droit international.

§2. MODALITES D'EXERCICE DES MESURES DE CONTRAINTE

Deux types de mesures doivent être distingués dans cette matière : la rétorsion et les représailles. Si les deux mesures doivent leur licéité du fait qu'elles sont exercées en dehors du domaine réservé, les représailles doivent encore remplir des conditions particulières pour être considérées comme telles.

A. La rétorsion

Au sens strict, la rétorsion s'entend du recours à une mesure identique à celle contre laquelle elle entend protéger son auteur (rétorquer). C'est en effet une mesure inamicale, licite en elle-même, prise par un sujet de droit international, en général un Etat, en riposte à un comportement inamical d'un autre sujet de droit international, que ce comportement soit ou non licite((*)105).

La rétorsion se distingue donc toujours des représailles puisqu'elle consiste en une mesure (ou une série de mesures) licite(s). Ce sont des actions qui ne violent à priori aucun principe du droit international : c'est le cas lorsqu' un Etat en guise de protestation contre une violation alléguée des droits de la personne dans un autre, décide de ne pas conclure de nouveaux accords commerciaux avec lui, et exige comme préalable qu'il cesse la violation.

La rétorsion se manifeste notamment en matière de traitement des étrangers et des relations diplomatiques. L'acte qui consiste à déclarer un diplomate persona non grata ou la suspension ou encore la rupture des relations diplomatiques constituent des exemples typiques de rétorsion.

La fermeture de la représentation de l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID) au Cameroun à partir de l'année fiscale 1995 est une mesure de rétorsion adoptée par les Etats-Unis pour protester contre le résultat controversé des élections présidentielles du 11 octobre 2004.

B. Les représailles ou contre-mesures

Les représailles consistent en des actions illicites, prises pour répondre à un fait internationalement illicite. Etant donné que le fait illicite initial constitue à la fois le motif et le fondement juridique des représailles, elles se définissent, en droit international contemporain, comme une circonstance excluant l'illicéité((*)106). Pour être licites, elles doivent non seulement s'exercer en dehors du domaine réservé, mais elles doivent aussi remplir un certain nombre de conditions formelles et substantielles prévues par le droit international.

Primo, elles doivent être précédées d'un fait illicite. Secundo, les représailles ne sont admissibles que contre l'Etat provocateur. Tertio, seul l'Etat lésé peut prendre des mesures de représailles. Néanmoins, une action collective est permise en ce qui concerne la violation d'une obligation erga omnes.

Ainsi, un Etat peut réagir à la violation d'une obligation fondamentale du droit international en adoptant des mesures de représailles s'il cesse par exemple d'exécuter des conventions de coopération en vigueur. C'est en considération de cette possibilité de réaction que s'inscrit la décision de la Belgique de suspendre les avantages accordés au Zaïre dans le cadre de l'accord général du 27 Mars 1990 entre les deux Etats suite au massacre du campus de l'Université de Lubumbashi. On peut encore citer l'Uganda Embargo Act voté par le congrès américain pour réagir contre le génocide perpétré par le général IDI AMIN DADA, mesure interdisant toute importation d'articles en provenance de l'Ouganda ou exportation à sa destination de plusieurs produits, et ce, en dépit des règles du GATT liant les deux Etats.

La question des motivations politiques et des fondements juridiques élucidée, il convient d'appliquer les résultats des investigations de la première partie à la deuxième partie.

II ème PARTIE

L'ACTION INTERNATIONALE EN FAVEUR DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN

L'action internationale en faveur de la démocratie au Cameroun est un type de rapports qui s'instituent entre les différents acteurs de la société internationale avec ce pays, et ce, à des degrés très divers. Ces rapports peuvent être de coopération ou d'aides dans le cadre des relations économiques internationales et/ou de contrainte à la démocratisation.

Le cadre juridique dans lequel doit se dérouler l'action internationale en faveur de la démocratie a été défini au second chapitre de la première partie. La question donc de la légitimité des acteurs extérieurs à disposer du droit en tant qu'instrument de leur politique n'est plus à démontrer. La question qui doit être résolue à ce niveau est celle de la conformité de la politique de ces acteurs aux objectifs assignés à leur action.

Pourtant, la pratique révèle que l'implication de la communauté internationale dans le processus démocratique africain en général et camerounais en particulier demeure incertaine et sélective. Les motivations qui caractérisent l'action des intervenants -la recherche d'un intérêt politico-stratégique, économique et culturel -soulèvent quelques doutes quant aux résultats escomptés par ces derniers.

On peut dès lors se poser la question suivante : les nations prospères de l'hémisphère boréal cherchent - elles vraiment à démocratiser le Cameroun ? L'allure tendancieuse de la question n'appelle pas de réponse hâtive. La démarche se doit méthodique pour répondre à cette préoccupation.

En effet, l'analytique institutionnelle du système politique camerounais démontre à suffisance l'errance du Cameroun sur ce qui semble être la transition démocratique.

Fabien EBOUSSI BOULAGA préfère parler de la démocratie de transit au Cameroun((*)107). L'analyse de la dynamique du changement institutionnel et constitutionnel du Cameroun depuis 1990 laisse apparaître quelques doutes sur son engagement dans la voie de la démocratisation. Cette préoccupation fera l'objet du premier chapitre.

Cependant, les textes juridiques ne sauraient à eux seuls expliquer l'évolution de la vie politique camerounaise, car le plus souvent dénaturés par les acteurs en présence qu'ils sont censés régir. Et ces derniers trouvent la force de résister contre ou d'appuyer le changement démocratique sur l'action des acteurs extérieurs. Il s'avère donc indispensable, dans un deuxième chapitre, de chercher à préciser la dynamique de l'implication de la communauté internationale dans le processus démocratique Camerounais. Cette démarche permet de rendre compte - Pourquoi en est - il ainsi ? - de l'évolution que connaît ce pays.

CHAPITRE 1

ANALYSE INSTITUTIONNELLE DU SYSTEME POLITIQUE CAMEROUNAIS

Durant la période baptisée de « transition démocratique au Cameroun », que se passe-t-il effectivement ? Les faits et événements qui s'y déroulent confortent-ils la thèse d'une transition vers la démocratie ? Ou peut-on affirmer avec le philosophe camerounais Fabien EBOUSSI BOULAGA que la démocratie n'a été que de transit dans son pays ? Mieux, s'agit-il d'une démocratie virtuelle, de façade, ou d'une démocratie réelle ? 

L'analytique institutionnelle du système politique camerounais permet de trouver une réponse à ces diverses préoccupations. En effet, notons avec Fabien EBOUSSI BOULAGA que « c'est la lutte des groupes et des organisations pour maintenir de vielles règles de vie commune ou pour y introduire de modifications ou en imposer de nouvelles » qui donne un sens aux faits et événements qui se déroulent durant la transition que l'on baptise de démocratique((*)108). Un ensemble de règles compose un cadre stable en fonction duquel se mesure ce qui arrive. Il est précisément fait d'institutions. Par institutions, on peut entendre «  un système public de règles qui définit des fonctions et des positions avec leurs droits et leurs devoirs, leurs pouvoirs et leurs immunités. D'après ces règles, certaines actions sont autorisées, d'autres sont interdites ; en cas d'infraction, elles prévoient des peines, des mesures de protection »((*)109).

L'analytique institutionnelle vise donc la construction des institutions de base qui, sous la pression des différents groupes organisés, déterminent la manière dont se répartissent les droits et les devoirs, les charges et les avantages tirés de la coopération sociale((*)110). Elles délimitent ainsi le « lieu » stable où se déroule la destinée des individus avec « leurs perspectives de vie, ce qu'ils peuvent s'attendre à être, ainsi que leurs chances de réussite((*)111).

Dans les démocraties, cette structure institutionnelle comprend la constitution politique et les principales structures sociales((*)112).

La période envisagée pour cette analytique institutionnelle est celle qui va de l'année 1990 aux récentes élections présidentielles du 11 octobre 2004. La dite analytique exige que l'on commence avant tout par appréhender la dynamique de la lutte des groupes et organisations autour da la question d'une tabula rasa ou d'un statu quo institutionnel et constitutionnel ainsi que l'issue de la lutte, avant d'évaluer le résultat du processus en cours au Cameroun à la lumière du cadre théorique et institutionnel universel que doit avoir tout Etat qui s'estime démocratique.

SECTION 1. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE DU CAMEROUN DEPUIS 1990

L'année 1990 correspond à la délimitation temporelle que nous avons adoptée dans l'introduction de notre travail. Elle coïncide avec la montée en puissance d'une « « société civile » qui, déçue de ses espérances démocratiques, écoeurée par l'incurie de la bureaucratie gouvernante, mais sans doute aussi galvanisée par les expériences étrangères de rupture d'avec les régimes autoritaires, entendait sortir de l'impasse politique et de l'ornière économique dans lesquelles le pays s'enfonçait chaque jour un peu plus »((*)113).

Et la réponse satisfaisante que ces demandes sociales attendait du pouvoir était l'élaboration d'une nouvelle constitution et non le ravalement de celle qui fut taillée sur mesure par le Chef d'un parti unique. L'inadéquation de l'offre à la demande de changement institutionnel et avant tout constitutionnel est la clé de l'interprétation de la stagnation politique de la période que nous envisageons.

De tous les faits et événements relatifs à l'action des acteurs sociaux et à la réaction du pouvoir, une date retient notre attention : le 18 janvier 1996. Aboutissement ou détournement du processus démocratique ? L'analyse de la situation institutionnelle et constitutionnelle du Cameroun se fera en deux temps : avant et après cette date.

§1. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE D'AVANT 1996

L'analyse de la situation institutionnelle et constitutionnelle du Cameroun entre 1990 et 1996 nous amène à répondre à deux questions : Le pourquoi - l'analyse des causes- et le comment - l'analyse des processus, c'est-à-dire des façons dont les leaders politiques et le peuple camerounais cherchaient à mettre fin à l'autoritarisme du régime hérité d'Ahmadou AHIDJO.

A. Contexte global de la démocratisation au Cameroun

Il s'agit ici de rechercher les causes qui ont été déterminantes dans la volonté des acteurs sociaux et politiques camerounais d'introduire la démocratie dans l'organisation et le fonctionnement de leurs institutions politiques. Une distinction doit de ce fait être établi entre les causes lointaines et les causes immédiates, les premières balisant le terrain et les secondes mettant en branle le mouvement qui produit les effets qui nous intéressent.

La remarque de Michelet selon lequel on ne peut prétendre comprendre l'actuel si l'on ne s'en tient qu'au présent a lieu d'être appliqué. Un petit saut en arrière, au-delà même de la limite temporelle que nous nous sommes assigné, s'avère indispensable dans la détermination des causes lointaines.

En effet, dès son accession à la Présidence de la République le 6 novembre 1982 suite à la démission d'Ahmadou AHIDJO, on décèle une intention, dans le chef de Paul BIYA, de rompre avec la continuité en démocratisant le Cameroun, comme le témoignent ses discours. Le président Paul BIYA voulait ainsi se présenter comme « l'homme qui a apporté à son pays la démocratie.... », ce qui ne faisait que confirmer sa tare atavique héritée de l'autoritarisme de son prédécesseur, où tout était donné, offert au peuple par la seule volonté et la grâce d'un père tutélaire. « Milla en coupe du monde (de football) c'était une idée de moi », pouvait-on entendre révélé avec jouissance Paul Biya((*)114). C'est ce que le constitutionnaliste camerounais Maurice KAMTO qualifie de « complexe de géniteur tendant à s'attribuer avec fatuité tout acte porteur de fruit((*)115).

Force est de relever cependant que cette intention démocratique n'était que discursive et n'avait été concrétisée par aucune action claire. Toutefois, ce que le président Paul BIYA ignorait, c'est que par ses idées et discours, il venait de faire le lit de la démocratie et il ne suffisait plus que la société civile, alors en voie de formation, s'organisant principalement autour du barreau, de l'épiscopat catholique et de l'intelligentsia , vienne s'endormir. Comme le constate Maurice KAMTO, « l'oeuvre doctrinale du Président de la République a fait le lit de la démocratie au Cameroun. Elle a préparé et nourri la contestation politique. La société civile se l'est appropriée et, prenant le président au mot, elle en a fait le référentiel majeur de ses principales revendications »((*)116).

Nous sommes donc à l'année 1990. L'environnement international, suite à l'implosion de l'URSS, à la dislocation du bloc socialiste et à la chute du mur de Berlin, offre un cadre propice pour la démocratisation des régimes autoritaires, désormais aux abois. Quant à l'environnement interne, il est caractérisé par une construction « néo-patrimoniale du pouvoir »((*)117) , ainsi que « la politique du ventre »((*)118) le tout ayant créé une crise économique sans précédent. Cette dernière s'analyse en un déclin des capacités redistributives de l'Etat, affectant au premier chef les couches moyennes menacées par la fermeture d'entreprises publiques et les compressions du personnel dans la fonction publique, mais aussi la paysannerie dont les cours des produits de rente sont en chute libre. Incapable de juguler la crise économique ainsi créée, le pouvoir va recourir à l'expertise des bailleurs de fonds multilatéraux(BIRD,FMI) et/ou bilatéraux(Caisse française de développement). Or, tel que préconisé par le FMI et la BIRD, « grands prêtres » du rite libéral((*)119), l'ajustement apparaît comme une gestion d'une situation inextricable aux effets sociaux néfastes, engendrant des tensions sociales qui seront transposées sur le terrain politique.

« La subversion par le haut » du chef de l'Etat comme cause lointaine, l'environnement interne et international comme cause immédiate, voilà trois séries de faits qui vont concourir ensemble et qui seront déterminants dans la volonté subversive de la société civile d'arracher de force cette démocratie dont elle s'était lassé que le haut la leur octroie.

Au plan strictement politique, la poussée subversive de la société civile commence avec l'affaire YONDO Black. Ancien bâtonnier de l'ordre des avocats, Me YONDO MANDENGUE Black est arrêté, le 19 février 1990, avec neuf de ses acolytes pour « tenu des réunions clandestines, confection et diffusion des tracts hostiles au régime, outrageants à l'endroit du Président de le République et incitants à la révolte » ((*)120). Le 27 mars 1990, le bâtonnier, Me Bernard MUNA, convoque une session extraordinaire de l'ordre à Douala, où il y aura une grande affluence et au cours de laquelle une véritable plaidoirie en faveur de la démocratie et des droits de l'homme fut développé, signant de ce fait l'acte de divorce avec le pouvoir. Lorsque s'ouvre le procès le 30 mars 1990 au tribunal militaire de Yaoundé, on ne peut donc s'étonner que les plaidoiries de la défense soient en grande partie bâties sur les idées de Paul BIYA. Le 26 mai 1990, une manifestation en l'occasion du lancement du SDF est réprimée par les forces de l'ordre à Bamenda, causant six morts dont cinq tués par balles. Le même jour à l'université de Yaoundé, près de trois cents étudiants seront arrêtés au cours d'une rafle violente, accusés injustement d'avoir chanté l'hymne national du Nigeria voisin dont ils ignoraient le moindre couplet, lors d'une marche de soutien au nouveau parti du Chairman John FRU NDI, le SDF.

Face à cette poussée, le pouvoir légalisera le multipartisme au cours d'une session parlementaire - dite des libertés - en Novembre / Décembre 1990((*)121). Cet aménagement de l'espace juridico-politique permet à une opposition légale de se constituer. Aussitôt légalisée, elle réclame d'entrée de jeu la convocation d'une conférence nationale souveraine à la béninoise. C'est alors qu'apparaît la question du comment de la démocratisation.

B. Par quel chemin se démocratiser : révision constitutionnelle, élaboration d'une nouvelle constitution dans le cadre ou non d'une Conférence Nationale Souveraine ?

Les développements du point précédent démontrent à suffisance que la démocratisation au Cameroun est le résultat d'une dialectique entre deux pôles du système socio-politique camerounais : le pouvoir d'une part et la société civile d'autre part. Il est donc erroné d'attribuer la paternité de la démocratisation à un seul pôle dans ce pays, comme le font les tenants de la démocratisation par le haut et ceux de la démocratisation par le bas((*)122).

L'interaction entre les deux pôles ne s'était pas réalisée sans heurts, les rues s'étant transformées en champ de bataille entre deux blocs formés d'un coté par les manifestants, principaux victimes d'une gestion économique catastrophique et de l'autre par les rangs serrés des forces du maintien de l'ordre. La pomme de discorde entre les deux camps étant le choix du processus par lequel la démocratie devait être importée au Cameroun : une révision constitutionnelle ou l'élaboration d'une nouvelle constitution dans le cadre ou non d'une conférence nationale à la béninoise?

En effet, les formations politiques, après avoir tambouriné aux portes du multipartisme, piaffant d'impatience et sitôt légalisées, réclamaient presque unanimement la conférence nationale, l'amnistie générale et inconditionnelle et le départ du président BIYA du pouvoir. Pour faire pression sur ce dernier, l'opposition avait choisi comme mode d'expression le harcèlement, en déchaînant des manifestations violentes et en expérimentant une diabolique trouvaille : les villes mortes, c'est-à-dire un appel à la population d'observer certains mots d'ordres tels que fermer boutiques, ne pas sortir, ne pas aller au travail, et même l'appel à la désobéissance civique.

L'usage de la répression et le refus de toute discussion sera dans un premier moment la réponse que le gouvernement avait réservé aux revendications sociales. Mais il fallait à tout prix reprendre l'initiative politique afin de relâcher la tension, conseillent au président BIYA ses collaborateurs et ses mentors étrangers. Il ne trouvera pas mieux que la création ou plus exactement la restauration du poste du Premier ministre, par la loi constitutionnelle du 23 avril 1991 portant modification de la constitution du 02 juin 1972((*)123).

Cependant, la révision constitutionnelle ne répondra pas à la demande du changement institutionnel. En effet, la restauration du poste demandé ne remettait pas en cause la place centrale du Président de la République au sein de l'exécutif et du système politique camerounais. Il définit la politique de la nation, que le Premier ministre se contente d'appliquer. Dans ces conditions, le Premier ministre n'apparaît que comme un simple exécutant du chef de l'Etat qui se réserve le dernier mot, la décision ultime susceptible de renverser tout ce que le Premier ministre a promis ou engagé ultérieurement.

Quand on sait encore que le premier Premier ministre SADOU HAYATOU était de la famille présidentielle((*)124), l'opposition ne se retrouvait donc pas dans ce semblant d'ouverture, qui n'était en réalité q'une entrouverture. Pour cette dernière donc, plus qu'une simple modification de quelques articles de la constitution, c'est celle-ci toute entière qui est à revoir, dans le cadre institutionnel d'une conférence nationale souveraine. L'idée n'était pas encore enterrée.

Mais le président Paul BIYA se voulait aussi très ferme dans ses positions et n'entendait point marchander : « Je l'ai dit et je le maintiens, la conférence nationale est sans objet pour le Cameroun », martelait-il le 27 juin 1991 devant l'Assemblée nationale. Il venait ainsi de balayer les dernières illusions et les derniers espoirs auxquels s'accrochait l'opposition.

C'est le lieu et le moment d'appliquer ici la catégorie des processus de démocratisation que le politologue américain HUNTIGTON qualifie de transplacement: « Dans les transplacements, la démocratisation est le produit de l'action conjointe du gouvernement et de l'opposition » ((*)125).

HUNTIGTON note tout d'abord qu'avant qu'il y ait entente entre opposition et pouvoir sur la détermination de la nature de leur futur système politique, les formations politiques de l'opposition ont toujours cru qu'elles seraient « capables de provoquer la chute du gouvernement dans un avenir assez proche. Un tel espoir s'est souvent révélé parfaitement utopique , mais tant que les dirigeants de l'opposition s'y cramponnaient, toute négociation sérieuse avec le gouvernement était impossible »((*)126). C'est ce qui se passe exactement au Cameroun, dont la frange de l'opposition radicale boycotta toutes les consultations menées par le Premier ministre SADOU HAYATOU et n'entendait point marchander sur l'organisation d'une conférence nationale((*)127).

De son coté, « le gouvernement a cru qu'il pourrait contenir et supprimer l'opposition sans avoir à payer pour cela un prix trop élevé »((*)128). Le durcissement de ton du pouvoir et la fermeté de la répression procédait, au Cameroun, de cette rhétorique.

Ce qui n'était alors qu'un vent d'est parti de l'Europe de l'Est devint vite pour le Cameroun un cyclone((*)129), entretenu par des adolescentes désoeuvrés, sans carte de visite ni conviction politique. On comptait des victimes par centaines, à la suite des heurts désormais quotidiens entre les manifestants et les forces de l'ordre. La situation, pensait-on, ne pouvait perdurer, au risque d'entraîner des conséquences fortement préjudiciables pour l'économie du pays et d'effaroucher les investisseurs.

Mais quand est-ce que le transplacement devait avoir lieu ? C'était de toute évidence « lorsque les deux parties ont modifié leur perspective : l'opposition a été contrainte de reconnaître qu'elle n'était pas suffisamment forte pour renverser le gouvernement, lequel s'est avisé que ses adversaires étaient suffisamment puissants pour que le coût du refus de négocier devienne trop élevé : durcissement de la répression aboutissant à une désaffection accrue de certaines couches de la population envers le gouvernement », ayant comme conséquence la perte de la crédibilité du régime sur la scène internationale((*)130). La négociation demeurait donc la seule issue pour sortir de l'impasse, dans un contexte où les concernés faisaient sourde oreille aux nombreux appels au calme du gouvernement et où l'opposition commençait à perdre le contrôle de ses troupes.

En novembre 1991, le pouvoir et l'opposition vont accepter de négocier sur le principe d'élaboration d'une nouvelle constitution, dans le cadre d'une conférence tripartite réunissant les pouvoirs publics, les partis politiques de l'opposition et la société civile. Le 13 novembre, les parties à la conférence signeront un accord sur les modalités techniques de l'élaboration de la nouvelle constitution. L'accord portait déclaration de mise sur pied d'un comité technique chargé d'élaborer un avant-projet de constitution, qui devait revenir pour discussion et approbation dans sa version finale devant une nouvelle conférence tripartite, avant de passer par référendum.

Craignant sans doute l'effet du nouveau départ et de la mise à plat des structures existantes, le Président Paul BIYA, plus soucieux de préserver le pouvoir, délaissera ces accords en organisant des élections législatives et présidentielles anticipées respectivement en mars et octobre 1992, alors même que les accords du 13 novembre 1991 interdisait toute élection avant l'élaboration de la constitution. La décision du président BIYA peut être considérée comme un frein, sinon un détournement du processus démocratique. Mais elle aura au moins atteint le but escompté : conserver à tout prix le pouvoir.

Après sa réélection contestée, les relations du pouvoir avec le monde extérieur sont fortement dégradées. Les alliés du président BIYA lui demandent de faire un geste d'ouverture pour un plaidoyer en sa faveur auprès d'instances et d'organisations internationales, surtout auprès du Commonwealth aux portes de qui le Cameroun frappait : la promesse de l'élaboration d'une nouvelle constitution. C'est ce qu'il fera le 26 novembre 1992 à contrecoeur, en prêtant serment. Le cadre institutionnel de la conférence tripartite étant caduc, il faut de nouveau ouvrir le débat constitutionnel. Le porte-parole du président parle d'un « grand débat national », ce qui fait penser à l'organisation d'une conférence nationale. Il est aussitôt désavoué par son maître qui, le 30 mai 1993 parle plutôt d'un « large débat » dont il prescrit seul les modalités et le déroulement((*)131). Ce qui équivaut bien évidement à une série de manoeuvres tendant à maîtriser la dynamique du changement constitutionnel et institutionnel, de peur de connaître le même sort que MOUSSA TRAORE du Mali, HISSENE HABRE du Tchad qui tombèrent à la suite d'une conférence nationale ou encore DENIS SASSOU NGUESSO du Congo, GNASSINBE EYADEMA du Togo et ALI SEIBOU du Niger qui furent mis entre parenthèses.

Mais à quoi doit aboutir ce « large débat » ? A une révision ou à l'élaboration d'une nouvelle constitution ? Allait-on assister encore une fois à la continuité du présidentialisme du régime BIYA ?

§2. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE D'APRES 1996

La conférence nationale n'eut donc plus lieu au Cameroun. L'analyse du constitutionnaliste épris des textes pourrait se fonder sur le fait qu'à la différence du Bénin, du Gabon ou encore de l'ex Zaïre où ces conférences eurent lieu dans le but d'installer un cadre constitutionnel et institutionnel où devait s'ancrer la démocratie, la constitution du 2 juin 1972 du Cameroun, nonobstant ses divers amendements, reconnaissait le multipartisme((*)132). On peut en effet lire à l'article 3 de ladite constitution que « les partis et formations politiques concourent à l'expression du suffrage ». Mais reconnaissons du moins dans une perspective socio-politique que « le rapport de forces entre le pouvoir en place et la « société civile » n'imposait pas cette solution »((*)133).

La volonté de « pilotage » exclusif de la dynamique politique interne du gouvernement renforcée, on ne peut donc s'étonner de la détermination unilatérale des modalités techniques de l'élaboration de la constitution. Si cette considération nous permet de rendre compte de l'état de détournement du processus démocratique, ce qui a déjà été fait au point précédent, elle ne nous permet pas de définir la nature juridique de l'acte auquel a conduit la volonté de pilotage exclusif de la dynamique politique interne, ainsi que du régime politique institué par ledit acte. C'est ce que nous nous attèlerons à faire dans les pages qui suivent.

A. De la nature juridique de « la loi constitutionnelle n ° 96/06 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 »

La qualification du discours juridique officiel clase l'acte constituant du 18 janvier 1996 dans la catégorie de la révision constitutionnelle((*)134). Toutefois, la procédure suivie soulève quelques questions auxquelles il convient de répondre. En effet, l'acte que nous nous proposons d'analyser a été finalement adopté par un vote de l'Assemblée nationale et non par référendum.

Précisons tout d'abord que le pouvoir constituant dérivé ou institué est l'autorité désignée par la constitution elle-même pour modifier éventuellement le texte constitutionnel((*)135). Le recours au pouvoir constituant dérivé qu'est l'Assemblée nationale en lieu et place du référendum constituant ne poserait pas problème à ce niveau.

Ce qui est à noter cependant, c'est que l'Assemblée nationale, organe investi du pouvoir de réviser la constitution, à la différence du pouvoir constituant originaire, est un pouvoir limité par essence. Outre les limitations qui peuvent être expressément prévues dans la constitution et qui ne nous préoccupent guère dans le cas d'espèce, la nature même du pouvoir constituant dérivé implique d'autres restrictions plus générale et qui découlent plus de l'esprit que de la lettre des textes((*)136). La restriction qui nous intéresse dans le cas sous-examen est celle qui rend incompétent le pouvoir constituant dérivé pour toute révision totale de la constitution. Car, comme le souligne si pertinemment le professeur Edouard MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, « Créé par la constitution, le pouvoir de révision ne doit pas abroger la constitution, c'est-à-dire détruire le fondement de sa propre compétence ou si l'on préfère scier la branche sur laquelle il est assis »((*)137).

Pourtant, c'est ce qui s'est passé au Cameroun. Alors que la révision devait porter sur quelques articles, les députés sont allés au-delà du champ de la « révision » de la constitution symbolisé dans le texte à eux remis par l'écriture des nouveaux articles en des caractères italiques pour se prononcer sur toute la constitution du 2 juin 1972 ainsi que le témoignent le rapport de la commission des lois constitutionnelles présenté le 21 décembre 1995 à la chambre entière et le vote parlementaire du 23 décembre 1995 par 160 voix pour, 2 contre et 8 abstentions((*)138).

Sur le plan de l'analyse juridique positiviste, l'argument de la révision constitutionnelle est d'autant plus difficile à recevoir que la loi fondamentale est passée de 39 articles et X titres à 69 articles repartis en XII titres, que de nouvelles institutions telles le Sénat et le Conseil constitutionnel ont vu le jour, et contribuent à modifier l'économie générale du régime. Il va sans dire qu'il s'agit de toute évidence incontestablement d'une fraude à la constitution, c'est-à-dire d'un « procédé par lequel l'autorité de révision utilise ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés, c'est-à-dire dans le but d'établir un régime fondamentalement différent » ((*)139).

Il apparaît donc clairement, eu égard aux considérations d'une doctrine autorisée que ce que le discours juridique officiel qualifie de « Loi n°96/06 portant révision de la constitution du 2 juin 1972 » n'est pas une révision mais est en réalité l'élaboration d'une nouvelle constitution, relevant de la catégorie juridique des fraudes constitutionnelles. Seul donc un référendum constituant aurait donné à cet acte toute sa valeur, nonobstant les irrégularités relevées dans la phase d'élaboration et de discussion de l'Avant-projet. L'argument selon lequel le recours au parlement offrait plus d'opportunités de discussion et de remise en cause qu'un referendum ne tient pas debout, le pouvoir constituant originaire étant souverain et inconditionné. En effet, « une constitution ne tire pas sa valeur de l'élégance de son architecture et de ses équilibres au regard des constitutionnalistes. Elle tient à sa vérité, c'est-à-dire à l'adéquation d'un ordonnancement au vouloir être peuple d'une population »((*)140). Pour ce faire, le peuple doit être mis en état d' "insurrection constitutionnelle "((*)141). C'est plus qu'une question de mode, mais un impératif de la démocratie : « Avant d'être la capacité de se donner des dirigeants par des élections libres, justes et transparentes, la démocratie est le choix, par la libre discussion de sa constitution et de ses lois fondamentales. Le bon ordre exige qu'on satisfasse à ce réquisit avant de passer à un autre et il est tel qu'il ne se négocie pas ni par sa priorité ni pour la préséance »((*)142).

Mais au-delà de ces développements sur la nature juridique de l'acte constituant du 18 janvier 1996, l'aménagement institutionnel apporté par ce dernier dans l'espace politique camerounais soulève quelques questions auxquelles l'analytique institutionnelle nous permettra de répondre.

B. Du régime politique institué par l'acte constituant du 18 janvier 1996

Il importe de recourir à l'exégèse de la constitution du 18 janvier 1996 pour pouvoir qualifier le régime politique en place au Cameroun.

En effet, l'art.12 al. 1 de la constitution dispose que « le Premier ministre est le Chef du gouvernement et dirige l'action de celui-ci ». Le Premier ministre du Cameroun est donc une instance de décentralisation de l'exécutif en imitation de la constitution française de la Vème République. Et le régime en place est semi-présidentiel, c'est-à-dire muni d'un exécutif à deux pôles de pouvoir, celui du Président de la République et celui du Premier ministre.

Théoriquement donc, le régime politique en place au Cameroun répondrait à la typologie des régimes semi - présidentiels, où l'on retrouve un gouvernement collégial et solidaire, responsable devant l'Assemblée élue au suffrage universel direct et un président élu lui aussi, au suffrage universel direct et disposant non seulement de l'autorité que confère ce mode de désignation, mais aussi des pouvoirs considérables((*)143). Serait-ce, enfin, une rupture avec le présidentialisme hérité d'Ahmadou AHIDJO et que même la révision constitutionnelle du 23 avril 1991 n'était pas parvenue à annihiler ?

Une exégèse complète de la constitution ne se limitant pas seulement à l'article susmentionné ainsi que l'analyse de la pratique faite par les acteurs politiques permettent d'opter pour une qualification différente du discours officiel. On peut en effet lire à l'art. 11 al. 1 de la constitution que « le gouvernement est chargé de la mise en oeuvre de la politique de la nation telle que définie par le Président de la République ». Le Président de la République garde donc toujours une place centrale au sein de l'exécutif et du système politique camerounais. Il définit la politique de la nation que le Premier ministre se contente d'appliquer. Un tel système, obligeant le Premier ministre à appliquer la politique définie par le Président amènerait un Premier ministre issu d'une opposition dominant l'Assemblée nationale à léser les intérêts des siens. Mais le système ne prévoie que l'appartenance à la majorité présidentielle. Il a érigé un état de fait en une loi de convenance((*)144).

En clair, le Premier ministre n'est pas ce que l'art. 12 al. 1 déclare qu'il est : le Chef d'un gouvernement effectif. D'ailleurs, l'art. 10 al. 2 confirme ce point de vue. Cet article déclare en effet que « le Président de la République peut déléguer certains de ses pouvoirs au Premier ministre, aux autres membres du gouvernement et à certains hauts responsables de l'administration de l'Etat, dans le cadre de leurs attributions respectives »((*)145). Pour le constituant, une telle délégation des pouvoirs ne revêt qu'un caractère facultatif. Qui plus est, le Premier ministre est placé sur le même pied d'égalité avec les autres membres du gouvernement et certains hauts responsables de l'administration de l'Etat!

Pire encore, le Premier ministre est affligé d'une double dépendance vis-à-vis du Président et à l'égard de l'Assemblée nationale. Le président peut mettre fin discrétionnairement à ses fonctions, il peut le reconduire dans celles-ci en cas de démission ou de motion de censure de la part de l'Assemblée. Celle-ci peut en outre lui refuser sa confiance ou voter contre son gouvernement une motion de censure, dans l'un ou l'autre cas, à la majorité de deux tiers des membres la composant. Ainsi, le Premier ministre est obligé d'exécuter et de gérer des politiques pour lesquelles son accord n'est pas requis et de les défendre devant une Assemblée qu'il ne contrôle pas et qui ne saurait endosser des choix éventuellement contraires à ses intérêts.

Le régime politique institué par la constitution dont question ici n'est donc semi - présidentiel que théoriquement. L'analytique institutionnelle, sur base des développements ci-dessus, permet d'affirmer que l'on est en face d'un régime que la doctrine publiciste qualifie de présidentialisme, c'est-à-dire d'un régime dévié du système présidentiel mais qui n'en a pas respecté le mérite essentiel, à savoir le partage équitable des pouvoirs((*)146). « C'est la contrefaçon autoritaire du régime présidentiel »((*)147) qui « se traduit par l'attribution au Chef de l'Etat de prérogatives qu'il ne possède pas dans un véritable régime présidentiel »((*)148) : initiative législative, droit de dissolution, fixation de l'ordre du jour de l'assemblée « et qui, dans le cas de l'Afrique, lui sont reconnus par les textes »((*)149) (Sic!).

Tel est l'état des institutions politiques du Cameroun et des textes constitutionnels censés les régir, telle est surtout la culture antidémocratique que la période qualifiée de transition démocratique n'a pas annihilée. C'est elle qui explique les difficultés ou même les impossibilités du changement, s'il doit être conduit par des équipes dont le noyau « dur » est constitué par ceux qui sont au pouvoir depuis 35, 30 ou 25 ans. Il y a lieu d'affirmer avec le professeur Greg BASUE BABU-KAZADI que « les dirigeants des indépendances dont certains tiennent à gouverner, à ce jour, ne peuvent que refléter une conception despotique de l'Etat. Ce qu'ils ont intériorisé durant la colonisation »((*)150). C'est ainsi que Fabien EBOUSSI BOULAGA note qu'entre 1990 et 1996, on retrouvait aux mêmes postes clés les mêmes hommes, Paul Biya à la Présidence de la République, Jean FOCHIVE à la tête de toutes les polices, Joseph Charles DOUMBA au secrétariat général du RDPC, Robert MBELLA MBAPPE à l'Education nationale, le Général SEMENGUE à l'Etat major des armées, André TSOUNGUI au ministère de l'administration territoriale. Ils symbolisent, de l'avis de l'auteur, la continuité avec le régime Ahidjo, voire avec la période coloniale finissante((*)151). D'autres sont là et n'ont changé que des portefeuilles. Plus jeunes, ils incarnent cependant l'intransigeance et l'idéologie du pouvoir arbitraire dont ils sont les produits.

Mais quelle évaluation pouvons-nous faire du processus démocratique en cours au Cameroun, à travers sa structure institutionnelle et constitutionnelle ?

SECTION 2. APPROCHE EVALUATIVE DU CADRE THEORIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN

Définir la démocratie tel que nous l'avons fait au début de ce travail revient en effet à la définir comme étant le pouvoir par le peuple. Par conséquent, dans un régime démocratique, tous les mécanismes propres doivent être mis en place afin de permettre au peuple de participer au choix de ses dirigeants qui, ainsi, sont ses représentants dans l'exercice du pouvoir. Aussi, voit-on apparaître clairement la place des élections dans le processus de démocratisation.

Cependant, si l'organisation des élections est une condition nécessaire de la démocratie, ce n'est pas pour autant une condition suffisante. Sinon, ce serait donner de la notion de démocratie une définition minimale. On doit la compléter par une définition par le but, pouvoir pour le peuple, et par la source, pouvoir du peuple. La première implique un régime où les droits de l'individu fondés sur la liberté individuelle sont garantis, et la seconde un régime où le peuple est détenteur de la souveraineté.

Ces trois éléments de définition - par la procédure, par le but et par la source - forment l'esprit démocratique, contenu irréductible de la démocratie et sans lequel les Etats qui s'y revendiquent ne sont que parure, oripeaux, voire supercherie. Ils forment l'âme de la démocratie, exception faite des spécificités, des formes et des mécanismes de sa matérialisation. Sans lui, toute « démocratie » est vide de contenu et simple illusion((*)152).

Cet esprit démocratique doit être formalisé dans un cadre théorique (§1) et institutionnel (§2) qui lui est aujourd'hui presque universellement reconnu.

§1. EVALUATION DU CADRE THEORIQUE

Le cadre théorique de la démocratie est l'ensemble des notions fondamentales susceptibles de faciliter la réalisation des exigences démocratiques relatives à l'égalité, aux libertés politiques et au droit à la démocratie, la démocratie apparaissant elle-même ici comme le plus en vue des droits fondamentaux de l'homme.

La concision exige que l'on se limite à l'analyse des normes constitutionnelles contenues dans l'acte constitutionnel du 18 janvier 1996.

Afin d'approcher ce qui se passe réellement en ce domaine durant la période que nous considérons, on se pose une question simple : Quels sont les progrès et les améliorations survenus depuis le début de la « transition » ? Que reste-t-il à faire urgemment ?

A. L'adhésion du Cameroun au courant universel des droits de l'homme

L'esprit démocratique sous-tend un régime bâti autour de la valeur et des droits de l'individu, et qui propose d'aménager la société de manière à assurer et garantir la liberté individuelle. La construction de ce type de régime au Cameroun s'est fait autour d'un certain nombre de normes constitutionnelles. C'est ainsi que la constitution du 18 janvier 1996 manifeste l'attachement de l'Etat camerounais au courant universaliste des droits et libertés individuels. Sur ce, on peut relever :

· Primo, l'exposé des motifs du préambule renferme également une déclaration des droits suffisamment détaillée((*)153) venant après l'affirmation solennelle de l'attachement du peuple camerounais à la « Déclaration universelle des droits de l'homme, à la convention africaine des droits de l'homme et des peuples, et toutes les conventions internationales y relatives et dûment ratifiées »((*)154). Mais quid de sa valeur juridique ? Loin de nous l'idée de nous adonner à un exercice dont plus d'un constitutionnaliste se serait volontiers livrer, il importe de préciser que l'art. 65 de la constitution, en disposant que « le préambule fait partie intégrante de la constitution », met fin à toute initiative de débats entre spécialistes des questions constitutionnelles.

· Secundo, le préambule de la constitution stipule que « Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie au cours d'un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense ». C'est une innovation pour le constituant camerounais qui, après 35 ans de mutisme constitutionnel, constitutionnalise enfin le principe procédural « des droits de la défense » ((*)155). Cette formule du préambule constitutionnel confère donc la possibilité à tout prévenu dans quelque procédure que ce soit, d'être informé des griefs portés contre lui articulés dans le but de lui permettre de mieux organiser sa contradiction. Ce droit voudrait dire que l'opinion du prévenu dans le litige compte et doit précéder toute décision relative à son droit eu égard aux exigences de la manifestation de la vérité. Ce droit est donc une obligation pour toute instance juridictionnelle qui connaît une procédure contentieuse mettant aux prises un demandeur et un défendeur.

Malgré l'accueil positif quasi unanime dont a fait objet ce préambule, un point n'a pas pu faire l'objet de nos appréciations. On peut en effet lire dans le corps du préambule que « la liberté et la sécurité sont garanties à chaque individu dans le respect des droits d'autrui et de l'intérêt supérieur de l'Etat ». Le caractère discrétionnaire de l'appréciation de l'intérêt supérieur de l'Etat ne peut que faire craindre des abus éventuels.

Le Cameroun serait donc un Etat de droit, ou mieux, un « Etat des droits de l'homme ». En quel sens ? Sa constitution a inscrit les droits de l'homme dans son préambule. Il est partie prenante à la charte des Nations Unies du 26 juin 1945, à la DUDH de 1948, aux deux pactes internationaux datés du 16 décembre 1966 et portant respectivement sur les droits civils et politiques, et sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le Cameroun est par ailleurs membre de l'U.A. et a souscrit à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Cependant, l'effectivité sociale de la pratique de ces droits et leurs violations quotidiennes par ceux qui sont censés les garantir nous pousse à nous demander légitimement si ils ne seraient pas un corpus à usage externe, tendant à se faire une belle image auprès de la communauté internationale et plus particulièrement auprès des partenaires économiques et des instances monétaires internationales telles que la BIRD et/ou le FMI.Il ressort par exemple de la lecture du Rapport du Département d'Etat américain sur les droits de l'homme au Cameroun pour l'année 2003 que les forces de sécurité commettent de nombreux meurtres extrajudiciaires, que les conditions de détention sont rudes et dangereuses pour la vie, que les forces de sécurité continuent à pratiquer l'arrestation et la détention arbitraires et parfois au secret de diverses figures de l'opposition, de militants des droits de l'homme, ainsi que d'autres citoyens, souvent pendant des périodes prolongées, sans inculpation et sans que leur soit accordée la possibilité d'être jugé.

Dans ces conditions, ne serait-on pas en face de ce que les constitutionnalistes qualifient de Constitution-programme, dans laquelle «  les déclarations de droit, les garanties contre l'arbitraire...demeurent plus ou moins lettre morte » ?((*)156). Et même dans le cas d'une constitution-programme, notons à la suite du professeur Edouard MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA que « les citoyens courageux peuvent invoquer les principes posés par la constitution pour résister au pouvoir »((*)157). Mais devant quel juge? Quand on sait que la situation de l'appareil judiciaire camerounais est telle qu'elle dispose d'un moyen humain qui entretient le sentiment populaire d'une justice à double vitesse, une à la fois expéditive et rigoureuse lorsqu'il s'agit de censurer les agissements des particuliers et une autre plus bienveillante destinée à contourner le courroux des « grands » indexés, on peut bien s'imaginer la situation du simple justiciable camerounais.

Et que dire du contrôle de la constitutionalité des lois et des actes ayant force de lois, contrôle qui permet d'assurer la suprématie de la constitution ? Le législateur peut-il voter une loi qui violerait un droit garanti aux citoyens par la constitution, sans être inquiété ? Si la création de la cour constitutionnelle est une nouveauté apportée par l'acte constituant du 18 janvier 1996, notons que par voie d'action, il a prévalu une restriction du droit de saisine de cette cour, exclusivité accordée au Président de la République et, de façon moins perceptible, au Président de l'Assemblée nationale. Le caractère inopérant d'un tel droit ressort du fait que ces deux faiseurs de lois sont eux-mêmes des potentiels destructeurs de leur propre édifice juridique, ce qui est parfaitement réalisable dans une société où les dirigeants se remettent rarement en cause, « habitués qu'ils sont à se prévaloir de leur propre turpitude »((*)158). Par voie d'exception les juges se sont refusés à opérer pareil contrôle au motif qu'aucun texte juridique ne leur en attribuait la compétence.

B. La consécration du principe démocratique

Le reflet en droit international de la conception philosophique du XVIIIème siècle, contenue dans la Déclaration de l'indépendance dite de Virginie et celle des droits de l'homme et du citoyen selon laquelle la société et l'Etat sont nécessaires pour l'expansion de la liberté individuelle, valide le passage de la liberté de l'individu à la souveraineté du peuple dans le moule de l'Etat libéral.

Ce passage est le fruit de la garantie constitutionnelle, mais aussi internationale, des droits fondamentaux qui permettent de positiver la démocratie, c'est-à-dire que le peuple continue d'être souverain((*)159).

Ainsi posé, la notion de souveraineté est un problème fondamental dans toute entité étatique, car elle détermine la source du pouvoir. Le souverain, c'est le titulaire du pouvoir, à qui le pouvoir appartient par nature, toutes les autorités établies tiennent de lui le droit de gouverner. Et dans une démocratie représentative, le souverain , c'est la nation , c'est-à-dire «  une entité abstraite, composée de citoyens actuellement présents, de ceux qui vont venir ainsi que de ceux qui ont déjà existé »((*)160).

Ce principe de la souveraineté nationale exercée par le peuple qui figurait déjà en bonne place dans la constitution du 2 juin 1972 est confirmé par l'article 2 al. 1 de la constitution du 18 janvier 1996: « La souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l'exerce, soit par l'intermédiaire du Président de la République et les membres du Parlement, soit par voie de référendum ». Les autorités chargées de diriger l'Etat tiennent donc leurs pouvoirs du peuple par voie d'élection au suffrage universel direct ou indirect.

Ce point de vue du caractère pluraliste de la démocratie au Cameroun est encore confirmé par la multiplication des postes électifs au sein de l'Etat (Présidence de la République, Assemblée Nationale, Sénat, Régions, Communes). Force est de relever cependant qu'une limitation pour le moins regrettable est apportée audit caractère : certaines personnes appelées à exercer au plus haut niveau l'autorité de l'Etat peuvent ne pas tenir leurs pouvoirs du peuple((*)161). C'est notamment le cas de 30 % des membres du Sénat qui sont nommés par le Président de la République.

A un niveau plus bas, c'est-à-dire au niveau de la démocratie locale, l'organisation administrative de l'Etat connaît, depuis 1996, une décentralisation territoriale. A titre de nouveauté, la constitution de 1996 consacre aux collectivités territoriales décentralisées un statut constitutionnel((*)162). On distingue désormais deux types, à savoir les régions et les communes. Pour ces dernières, leur autonomie est renforcée par l'élection des Maires et des conseillers municipaux, ce qui constitue, en démocratie, le procédé de réalisation de la décentralisation administrative((*)163). Quant aux premières, l'exécutif régional a été retiré aux gouverneurs de province pour être confié au Président du conseil régional, personnalité autochtone de la région, élue en même temps que le bureau régional au sein du conseil pour 5 ans.

Ce renforcement de la démocratie au niveau local permet-il de déduire que la décentralisation territoriale au Cameroun est parvenue à l'aube d'une ère nouvelle et révolutionnaire ?

La réponse à cette question doit être nuancée. Tout d'abord, il est à noter que certaines villes sont soumises au régime des délégations du Gouvernement((*)164). La commune se trouve par ailleurs étranglée par une tutelle paralysante au plan organique, tracassière et démobilisatrice au plan fonctionnel. Bien plus, elle doit faire face à un accroissement des charges avec des ressources pourtant insignifiantes.

Quant à ce qui est de la région, il y a les dispositions combinées des art. 59 et 60 de la constitution qui confèrent au Président de la République le pouvoir de dissoudre le conseil régional s' il accomplit des actes contraires à la constitution ou des graves violations de la loi. Ce n'est tout autre chose qu'une tentative de fonder l'arbitraire en l'ancrant dans la loi fondamentale elle-même. Il planerait sur les régions comme une épée de Damoclès susceptible de fausser le jeu démocratique, d'autant plus que rien n'est dit concernant la procédure qui détermine en l'occurrence les violations de la constitution ou les graves atteintes à la loi. On s'en remet à l'intime conviction du chef. Ce qui nous pousse à nous demander si l'on est encore dans le cadre de la décentralisation.

§2. EVALUATION DU CADRE INSTITUTIONNEL

Le cadre institutionnel de la démocratie est constitué d'un certain nombre de mécanismes considérés comme les plus aptes à permettre ou faciliter la réalisation de l'exigence démocratique de la liberté participation, c'est-à-dire les libertés politiques conférées à un peuple de choisir ses représentants.

La mise en oeuvre de la liberté participation peut être affectée de diverses singularités. C'est comme ça que l'on parle par exemple de régime de séparation rigide des pouvoirs et de régime de collaboration des pouvoirs. Mais ce qui caractérise la conception dominante de la démocratie c'est, découlant des valeurs de libertés et droits individuels, d'abord le suffrage et ensuite la séparation des pouvoirs comme mécanisme de garantie de la liberté dans le fonctionnement de l'Etat ainsi que dans les rapports entre celui-ci et les citoyens.

A. Le suffrage

Force nous est de reprendre à nouveau frais la question de la place et de la fonction des élections dans le processus démocratique.

Le suffrage est en effet un droit reconnu aux citoyens de participer à la prise des décisions et à la gestion de la cité, soit en étant consultés sur des textes (constitution, lois....), soit en élisant les gouvernants. C'est ce dernier mode de participation qui nous intéresse, étant donné que nous avons longuement disserté sur la dynamique du changement constitutionnel au Cameroun dans les pages précédentes.

Dans la démocratie moderne, le suffrage est devenu le seul moyen par lequel se réalise le gouvernement par le peuple.

Dans un tel régime, « les plus hauts dirigeants sont choisis dans le cadre d'élections honnêtes ouvertes à tous et revenant à date fixe.... »((*)165). Si donc l'élément fondateur de la démocratie réside dans l'élection des dirigeants par le peuple, alors le moment crucial du processus de démocratisation est celui où un gouvernement choisi selon des critères autres que démocratiques se trouve remplacé par un nouveau gouvernement adopté au cours des joutes électorales.

Toutefois, cette exigence formelle d'élections multipartites n'est pas d'elle-même et en elle-même la condition à la fois nécessaire et suffisante de la démocratie, de la renonciation à l'autocratie. Elle doit être accompagnée d'un certain nombre de préalables. La résolution 45/150 du 18 décembre 1990 cite la condition de l'honnêteté et de la périodicité des scrutins, principes énoncés par ailleurs par la DUDH et le pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Eu égard à ces considérations, quel bilan pouvons - faire de l'institution électorale au Cameroun ?

Partant tout d'abord de la condition de l'honnêteté, le bilan camerounais nous enseigne que chaque étape de l'opération, depuis l'inscription sur les listes électorales jusqu'à la publication des résultats, est chargée de contestations, de fraudes et d'irrégularités. Lors des élections présidentielles de 1992 et de 1997, les observateurs internationaux ont eu à noter l'organisation, sous la bénédiction du pouvoir, des convois d'électeurs ambulants qui votaient plusieurs fois et dans des bureaux de vote différents, avec des cartes d'électeurs portant des noms autres que les leur. Certains bureaux de vote n'existaient que de nom, et les urnes qui devaient s'y trouver étaient bourrées.

L'élection du 11 octobre 2004 a- t-elle fait exception ? Il serait peut-être prématuré de se prononcer là-dessus à l'état actuel des sources disponibles pour ce faire. Mais nous pouvons au moins recourir au témoignage d'une bouche autorisée, Monseigneur Christian TUMI.

Le 20 octobre 2004, invité de Christophe BOISBOUVIER sur RFI, le prélat catholique, se fondant sur le rapport des observateurs catholiques agréés par l'Etat, qualifie ces élections de mascarade. La chanson a l'air du déjà connu : la pratique des inscriptions multiples, certains électeurs étaient porteurs de plusieurs cartes à la fois, l'encre étant indélébile. Des centaines et des milliers d'électeurs n'ont pas pu voter suite à l'absence de leurs noms sur les listes. Dans les villes et quartiers réputés de l'opposition, l'administration n'avait ménagé aucun effort pour empêcher les électeurs soupçonnés d'être de l'opposition de voter. Les élections n `étaient donc pas libres et ouvertes à tous. On ne peut que déplorer cette sorte d'apartheid basée non pas sur l'appartenance ethnique ou raciale, mais sur l'appartenance politique. Quelle est donc cette démocratie où seul les sympathisants du parti au pouvoir sont admis à voter, et ceux de l'opposition écartés de ces célébrations démocratiques ?

Ce témoignage de l'archevêque de Douala ne nous étonne point. Cette pratique antidémocratique s'étend d'ailleurs aux élections législatives et municipales. Sous la férule du ministre de l'Administration territoriale, les préfets et sous-préfets sont tenus par une espèce d'obligation de résultat, leur incompétence s'appréciant par la victoire d'un candidat de l'opposition dans leurs départements.

Quant à ce qui est de la périodicité, le Cameroun, certes, connaît des élections revenant à dates fixes : 11 octobre 1992, 11 octobre 1997 et 11 octobre 2004. « La démocratie comme procédure » - pour reprendre l'expression du politologue ZAKI LAIDI - y a fait des progrès. Il reste le problème fondamental de la démocratie comme culture.

Par le fait de prince, Paul Biya était arrivé au pouvoir en 1982. la démocratisation aurait voulu que ce régime qui a accédé au pouvoir par des moyens autres que démocratiques, soit remplacé par un régime issu d'élections libres, transparentes ,honnêtes et ouvertes à tous. Mais hélas ce grand rendez-vous avec la démocratisation est resté au niveau des voeux. Pour le président BIYA, « le principe prévaut selon lequel on n'organise pas des élections pour les perdre mais pour les gagner et tous les coups sont permis à cette fin »((*)166).

B. La séparation des pouvoirs

La séparation des pouvoirs est un des premiers moyens imaginés par les penseurs des XVIIème et XVIIIème siècles pour réduire l'impact du pouvoir sur l'individu. L'idée fondamentale chez ces penseurs universels de la séparation des pouvoirs (MONTESQUIEU et John LOCKE) est que si le pouvoir est morcelé et dispersé entre plusieurs détenteurs, aucun de ceux-ci ne pourra utiliser toute la puissance publique pour écraser les libertés et les droits des citoyens. Chaque organe étant limité, trouve dans chaque autre un rempart et un contrepoids, afin que, selon MONTESQUIEU, « le pouvoir arrête le pouvoir ». De cette manière nous pouvons considérer la séparation des pouvoirs comme étant une conséquence du libéralisme et un instrument de la démocratie.

La séparation des pouvoirs semble ne pas être inscrite sur le programme de la démocratisation au Cameroun. En effet, l'analytique institutionnelle nous permet de relever que le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire sont sous la houlette du pouvoir exécutif.

Tout d'abord, le parlement, outre l'absence de maîtrise sur son ordre du jour, subit la prédominance du Chef de l'Etat qui peut le dissoudre ou le proroger, et surtout qui nomme 30% des sénateurs. On a de la même sorte dans une même chambre la juxtaposition de mandats d'origine et d'inspiration différentes, le mandat représentatif et le mandat impératif. Si il survient un conflit entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur le rejet d'un texte en partie ou en totalité, c'est au chef de l'Etat qu'il revient de l'arbitrer.

Ensuite, pour ce qui est du pouvoir judiciaire, son indépendance ne se trouve proclamé qu'au plan des principes.

On peut en effet lire à l'article 37 alinéa 2 de la constitution que «  le pouvoir judiciaire ...est indépendant du pouvoir exécutif et législatif »((*)167).

Théoriquement donc, les magistrats sont dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles à l'abri de toute inféodation à l'égard de l'exécutif((*)168). Mais il est légitime de se poser des questions sur l'effectivité d'une telle indépendance, dès lors que l'on sait qu'aux termes de l'art. 37 al. 3 de la constitution , "le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire ", et qu'il est assisté par le conseil supérieur de la magistrature.

« N'est -ce pas là une curieuse manière d'allouer le gardiennage de l'indépendance d'un pouvoir d'Etat à un autre pouvoir d'Etat alors que les deux se valent constitutionnellement ? N'eût-il pas été juridiquement plus satisfaisant de laisser le judiciaire s'auto-protéger comme l'exécutif et le législatif se prémunissent par eux-mêmes de par la constitution ? » se demande Jean Calvin ABA'A OYONO((*)169).

Qui plus est, la présidence valable du conseil revient au seul président, qui le convoque quand il le veut bien. Ses avis ne sont pas conformes. On voit mal en quoi elle peut contribuer à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Plus qu'auparavant, les magistrats vivent sous la hantise des mutations disciplinaires, des retards dans les promotions, etc. Des mécanismes qui assurent l'indépendance manquent, tel que l'inamovibilité du juge de siège.

Au terme de ce chapitre, notons que la dynamique du changement institutionnel et avant tout constitutionnel ne suffit pas pour cerner l'évolution de la démocratie au Cameroun. S'il est vrai que la démocratisation dans ce pays est avant tout une action endogène, « l'oeuvre des peuples », il est tout aussi vrai que les acteurs internes trouvent la force de résister ou d'appuyer le processus démocratique dans la dynamique de l'action internationale.

CHAPITRE 2

LA DYNAMIQUE DE L'IMPLICATION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS

L'action internationale en faveur de la démocratie en Afrique est une action essentiellement étatique et interétatique. Celle-ci consiste également à la mise en oeuvre de certaines mesures((*)170). Dans le cas camerounais, ce rôle se distingue par la prééminence de la France et des Etats-Unis et l'insuffisance de celle des autres sujets du droit international((*)171).

Cette action renferme une dynamique qui permet d'expliquer l'évolution de la démocratie. Elle pourrait être appréhendée par l'entremise de deux canaux distincts mais non opposés : l'imposition de la démocratie comme seul système de régime politique légitime et la recherche de l'intérêt national.

SECTION 1. L'EXPORTATION DU MODELE LIBERAL DE LA DEMOCRATIE

L'offensive américaine et française dans le processus de démocratisation camerounais se justifie par la motivation d'introduire, ou mieux, de restaurer la démocratie dans la genèse, l'organisation et le fonctionnement des institutions politiques du Cameroun. Afin d'atteindre le but projeté, les deux Etats utilisent soit le canal de la coopération au développement (§1), soit s'impliquent directement dans l'univers socio-politique camerounais à travers des actes concrets (§2).

§1. L'IMPLICATION PAR LE BIAIS DE L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT

L'aide publique au développement est un octroi limité de flux financiers publics ou la mise en oeuvre de projets d'assistance((*)172). Elle peut prendre une forme multilatérale, en transitant par des organisations internationales, ou bien être bilatérale, en mettant les Etats directement en présence. C'est cette dernière forme qui nous intéresse. Pour ce faire, nous nous limiterons, comme souligné plus haut, à l'action française et américaine.

A. L'action américaine

De l'avis d'un ancien acteur de la politique étrangère américaine, « les Etats-Unis se considèrent tout à la fois comme la source et le garant des institutions démocratiques à travers le monde, s'érigeant de plus en plus fréquemment en juge de l'impartialité des scrutins étrangers et imposant des sanctions économiques [....] à ceux qui ne respectent pas leurs règles »((*)173). Et pour bien accomplir cette mission qu'ils se sont octroyée, les Etats-Unis recourent à la suspension de l'A.P.D. comme la sanction économique efficace prise contre les gouvernements considérés comme autoritaires.

Le vote du congrès américain portant suspension de l'aide bilatérale au Cameroun en réaction contre les résultats controversés des élections présidentielles du 11 octobre 1992 et contre la décision du gouvernement camerounais d'instaurer l'état d'urgence dans la province du Nord-Ouest s'inscrit sur la ligne de cette dynamique.

Sur le même registre des faits, la réaction la plus importante fut l'annonce le 19 novembre 1993 de la fermeture de la Représentation de l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID) au Cameroun à compter de l'année fiscale 1995. Lorsqu'on sait que depuis 1987, l'assistance fournie par l'USAID au Cameroun l'a été sous forme de subventions et de prêts, conformément à une décision du congrès qui étendait la mesure aux pays africains au sud du Sahara, on imagine l'efficacité d'une telle mesure de rétorsion sur le cours de la politique camerounaise.

En somme, pour les américains, puisque « ce sont les démocraties [et non les dictatures] qui offrent les meilleurs moyens de défendre les droits de l'homme et de placer les nations africaines sur la voie du progrès »((*)174),seules les démocraties peuvent bénéficier de leur aide. Tel est l'impératif de la politique étrangère américaine en matière de promotion des droits de l'homme et de la démocratie. Ainsi, l'A.P.D. apparaît comme un instrument au service de la politique étrangère américaine((*)175).

B. L'action française

L'action française reste marquée par l'ambiguïté. En fait, l'idée de la conditionnalité de l'aide française à la démocratisation a été pour la première fois lancée par le ministre français de la coopération, M. Jean Pierre COT, et reprise solennellement au sommet franco-africain de la Baule en juin 1990 : « Je conclurai, Mesdames et Messieurs, en disant que la France liera son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté »((*)176), déclarait avec ardeur François MITTERRAND.

Cependant, le manque ou l'absence de fermeté de la part de la France apporte quelques tempéraments à ces ardeurs de principe exprimés par le Chef de l'Etat français. Nombreux sont les observateurs avertis qui proposent une relecture du discours de la Baule par celui du sommet de Chaillot qui s'était tenu en 1991((*)177). Ici, la liberté est laissée aux dirigeants africains de choisir en toute indépendance leur rythme et leurs modalités du processus démocratique. C'est une remise par Chaillot de ce que Baule avait tenté de retirer aux Chefs d'Etats africains.

Avec le sommet de Libreville de 1992, la France va soutenir la création d'un fonds de remise des dettes dont les bénéficiaires seront le Cameroun, le Congo, la Côte-d'Ivoire et le Gabon. A l'exception du Congo, les autres Etats concernés traversent des étapes de blocages de leurs processus démocratiques. Néanmoins, ils sont aidés pour leur performance économique et leur qualité de membres de la zone CFA.

Par conséquent, le principe de soutien au régime en place reste fort nonobstant l'impulsion donnée à la Baule. Ainsi, au lendemain de la réélection contestée par l'opposition et les observateurs internationaux du Président Paul BIYA en 1992, la France est non seulement le seul Etat à reconnaître officiellement sa victoire, mais aussi ne s'est pas empêchée de lui accorder une aide économique de 650 millions de Franc Français.

Depuis l'avènement de Jacques Chirac à l'Elysée en mai 1995 et sa réélection en mai 2002, cette politique de la France ne semble pas beaucoup évolué. En tout état de cause, depuis 1990, la France ne semble fournir aucune preuve convaincante de la conditionnalité démocratique de son aide à l'Afrique en général et au Cameroun en particulier.

Il ressort de ces diverses analyses que l'APD est plus un instrument devant servir à protéger la chasse gardée de la France, le Cameroun, face aux appétits de l'Allemagne, des Etats-Unis et de la Grande Bretagne plutôt qu'à le démocratiser((*)178).

Force est de relever cependant qu'en dehors du levier de l'APD, les Etats-Unis et la France ont pu se déployer directement dans le processus de démocratisation camerounais.

§2. L'IMPLICATION DIRECTE DE LA FRANCE ET DES ETATS-UNIS PORTEUSE D'APPROCHES DIFFERENTES

Les deux puissances n'interviennent pas que par le rouage des acteurs officiels, mais aussi par celui des acteurs non officiels : les groupes de pression, les partis politiques, l'opinion publique, la presse privée,... Sur ce, on peut relever une congruence entre l'action des acteurs publics et celle des acteurs privés pour le cas américain et une certaine ambiguïté dans l'action française.

Il conviendra aussi de souligner la réponse réservée à cette implication par les acteurs du commerce politique camerounais.

A. L'implication des Etats-Unis en faveur de la démocratie au Cameroun : la congruence entre l'action officielle et l'activisme des acteurs privés

Trois faits importants prouvent le caractère non-équivoque de l'action américaine en faveur du changement démocratique au Cameroun :

· D'abord, les communiqués de presse et/ou les déclarations du Département d'Etat sur le processus de démocratisation camerounais. Ce sont en fait en même temps des leviers par excellence de la pression américaine sur le pouvoir et constituent un soutien psychologique indéniable aux organisations partisanes oppositionnelles et/ou à la société civile, forces qui soutiennent le changement démocratique;

· Ensuite, l'évaluation annuelle du degré de protection des droits de l'homme au Cameroun faite par le département d'Etat. Le contenu de ces rapports a désormais un impact sur la politique étrangère des Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide.

· Enfin, parallèlement à ces actions visant à infléchir la position du pouvoir, existe un Fonds pour la démocratie et les droits de l'homme destiné à soutenir la société civile et les institutions démocratiques((*)179).

Cet enthousiasme des milieux officiels en faveur de la démocratie est partagé par les acteurs privés. « Principal bastion du monde libre », la société américaine a secrété des acteurs sociaux collectifs et individuels qui, avec ou sans l'aval du pouvoir, se donnent pour mission l'enracinement des valeurs libérales dans le monde libre : les personnalités du monde des affaires, l'intelligentsia, le lobby noir, etc..((*)180).

Parmi les organisations les plus actives sur le sol africain, mentionnons le centre CARTER ( créé par Jimmy Carter en 1982), l'African American Institute (AAI) et le National Democratic Institute for International Affairs, créé en 1983 et ayant pour mission de promouvoir, maintenir et renforcer les institutions démocratiques dans les nouvelles démocraties et celles naissantes.

S'agissant particulièrement du NDI, le rapport établi par ses observateurs lors de l'élection présidentielle du 11 octobre 1992 avait fait écho des médias étrangers (VOA, BBC, RFI, DW) et fut déterminant dans la perception que la société américaine et la communauté internationale auront par la suite du pouvoir camerounais. Les orientations du département d'Etat à l'endroit du Cameroun en furent marquées.

Comme réponse à cette action des Etats-Unis, les acteurs officiels du système politique camerounais ont toujours dénoncé ce qu'ils considèrent comme étant une violation de la souveraineté et de l'indépendance nationale du Cameroun. C'est en tout cas la lecture qui avait été faite par les autorités camerounaises du rapport du NDI sur la dynamique des élections présidentielles du 11 octobre 1992 ou encore des nombreux communiqués de presse diffusés par les services d'informations de l'Ambassade américaine à Yaoundé((*)181). C'est aussi la lecture qui a toujours été faite par Yaoundé des différents rapports du Département d'Etat américain sur les droits de l'homme au Cameroun. Le rapport pour l'année 2003 avait même provoqué la colère des autorités camerounaises qui y répondirent par un contre-rapport.

Il va sans dire que l'attitude du pouvoir en place à Yaoundé à l'égard de l'action américaine s'explique en partie par le fait que Yaoundé entend piloter le processus démocratique dans une direction qui ne coïncide pas avec la formule proposée par les Américains.

Mais à l'opposé, les acteurs non officiels du commerce politique camerounais - principalement les associations et partis politiques de l'opposition radicale ainsi qu'une partie de la presse privée - ont toujours cautionné l'action américaine d'autant plus que leur activisme pour le changement démocratique coïncide avec ladite action. Le voyage en 1993 du « Chairman » de l'opposition radicale camerounaise, John FRU NDI, l'activisme de l'ambassadeur américain Madame Frances COOK lors de la campagne présidentielle de ce dernier  ainsi que les divers titres paraissant dans la presse privée et se montrant compréhensif en ce qui concerne l'action américaine sont autant d'indices qui appuient ce constat((*)182).

Autant la pression américaine apparaît avec plus de netteté, autant il semble difficile de spécifier l'action française.

B. L'ambiguïté de l'action française en faveur de la démocratie au Cameroun

La politique étrangère française en matière de soutien aux processus de démocratisation en Afrique reste à géométrie variable. Divers faits corroborent cette observation. Ainsi, afin de ne pas être accusé d'aider les dictateurs, en application des préceptes de la Baule, le Togo et le Zaïre avaient vu leur coopération militaire avec la France suspendue. Au même moment, la France n'a pas pris des mesures analogues à l'endroit du Cameroun, de la Côte-d'ivoire et du Gabon, pays considérés par Achille MBEMBE comme faisant partie du cercle restreint de « l'Afrique utile » et bénéficiant d'un traitement de faveur de la part de la France.

L'ambiguïté de l'action de la France résulte non seulement d'une absence de consensus de fait - contrairement à la stratégie américaine - entre les acteurs sociaux et politiques de ce pays sur la position à adopter mais aussi et surtout du double langage des autorités et personnalités publiques.

S'agissant de l'absence de consensus entre les acteurs sociaux et politiques, dans le domaine da la presse précisément, la presse française en général, et RFI en particulier ne montraient guère des bonnes dispositions à l'endroit du régime BIYA et semblaient manifester de la sympathie pour l'opposition camerounaise. A l'inverse, les milieux diplomatiques français se voulaient beaucoup plus rassurants, en expliquant que les positions de la presse étaient celles de la presse et n'engageaient pas les pouvoirs publics, et que ce n'est pas la presse française qui dictait la politique française à l'endroit du Cameroun((*)183).

La contradiction ainsi relevée ne fait pas pour autant de l'action des officiels une action claire et univoque. En effet, on peut relever une certaine ambiguïté dans cette action, ambiguïté résultant de leur double langage. Ainsi, face à la querelle entre le pouvoir et les acteurs sociaux camerounais de savoir si oui ou non le Cameroun devait passer par la formule de la conférence nationale souveraine afin de s'engager sur la voie de la démocratisation, les politiques français étaient divisés aussi en deux camps : ceux qui étaient favorables au président Paul BIYA, et ceux qui affichaient de la sympathie pour les partisans de la thèse de la conférence nationale souveraine. Dans le premier camp, on rangeait Jean Christophe MITTERRAND, conseiller du président François MITTERRAND pour les affaires africaines, et Yvon OMNES, ambassadeur de France au Cameroun. Dans le second, se classaient des africanistes du Quai d'Orsay, mais surtout Michel ROCARD qui, disait-on, animait une cellule des conférences nationales((*)184).

Le gouvernement camerounais s'est toujours montré de bonne disposition face à l'action de la France. En effet, il ressort des diverses analyses que l'action française est plus soucieuse de la préservation d'un maillon important du « pré-carré » africain plutôt qu' à le démocratiser. Démocratiser le Cameroun reviendrait à « donner » le pouvoir à une clase dirigeante qui menacerait les intérêts économiques français, tel que Pascal LISSOUBA s'était permis de le faire au Congo-Brazza, ou encore mettrait en péril sa zone d'influence stratégique et culturelle. D'où l'intérêt pour la France à garder le statu quo. Le gouvernement camerounais sous la conduite de Paul BIYA y trouvant son compte, on ne peut point s'étonner de la collusion de sa politique avec l'action française.

A l'opposé, les acteurs non gouvernementaux n'ont jamais montré de bonnes dispositions à l'égard de la France, la considérant comme un obstacle à l'instauration réelle d'un régime démocratique, à cause de son soutient indéniable au régime BIYA.

D'abord, signalons la frange de l'opposition dite radicale qui avait eu à défrayer la chronique au plus fort de la contestation politique en 1991 en lançant un mot d'ordre de boycotte des produits français((*)185). Ensuite, il convient de mentionner les personnalités de l'intelligentsia comme les professeurs Achille MBEMBE et Maurice KAMTO, le célèbre écrivain MONGO BETI et le philosophe Fabien EBOUSSI BOULAGA - pour ne citer que ceux-là, qui, dans leurs écrits, se sont toujours montrés critiques à l'égard d'une démocratisation en trompe l'oeil conduite sous la bénédiction du parrain français. Enfin, citons des journaux tels que Challenge Nouveau, la Nouvelle Expression, Le Messager, qui ont toujours critiqué avec véhémence l'ambiguïté de l'action française.

Eu égard à tout ce qui précède, il apparaît clairement que l'action américaine en faveur de la démocratie au Cameroun procède par la stratégie d'appui aux partenaires sociaux de ce pays, forces qui soutiennent le changement démocratique. A l'inverse, l'action française s'allie au gouvernement, force qui semble ne pas soutenir le changement démocratique, ou qui ne le fait pas en tout cas comme le voudrait son opposition.

Cette attitude ambivalente de la France semble être justifiée par le fait que ce pays mènerait sur le terrain camerounais un combat pour la défense d'une certaine civilisation face aux appétits des allemands, américains et britanniques. Les Etats-Unis dénient de leur coté à la France le rôle de parrain de ses ex-colonies et chercheraient par la voie de la démocratisation du Cameroun à installer au pouvoir une classe dirigeante qui protégerait au mieux ses intérêts((*)186).

Au-delà donc de la promotion de la démocratie, l'intérêt national semble avoir servi de fondement à l'implication de ces deux Etats.

SECTION 2. LA RECHERCHE DE L'INTERET NATIONAL

La recherche des avantages matériels et/ou immatériels par les puissances qui se déploient dans le processus démocratique africain en général et camerounais en particulier est un fait plus qu'évident. La recherche de l'intérêt national met même en exergue le fondement rationaliste de l'action française et américaine tendant à la diffusion d'un modèle homogénéisateur de régime politique. En effet, le déphasage manifeste des desseins des deux puissances est consubstantiel au contraste de leurs intérêts : le caractère notoire des intérêts français d'une part et la marginalité avérée des intérêts américains d'autre part.

Encore faudra-t-il rappeler que la première intervient en tant que puissance hégémonique en Afrique francophone, ancienne métropole et plus grand partenaire économique du Cameroun et la seconde en tant que leader mondial.

§1. LA FRANCE EN TANT QUE PUISSANCE HEGEMONIQUE EN AFRIQUE FRANCOPHONE , ANCIENNE METROPOLE ET PLUS GRAND PARTENAIRE ECONOMIQUE DU CAMEROUN

Ces trois qualités confèrent à la France des intérêts importants au Cameroun. L'importance de ces derniers combinée à l'ambiguïté de l'action française, est déterminante sur l'efficacité des mesures prises en vue de la démocratisation du Cameroun. Elle soulève d'ailleurs quelques doutes sur les résultats escomptés.

Un distinguo est à opérer entre les intérêts politico-stratégiques et ceux économiques et culturels.

A. Intérêts politico-stratégiques

Le Cameroun est d'un intérêt politique et stratégique indéniable pour la France. La situation géographique et culturelle fait que le Cameroun se situe à la charnière respectivement de l'Afrique francophone et anglophone, « pièce centrale de la zone UDEAC/CEMAC »((*)187). L'implantation militaire française autour du Cameroun en constitue un indice.

En effet, le Cameroun se situe à proximité de deux bases militaires d'Afrique centrale ( N'djamena et Libreville avec respectivement 950 et 680 soldats permanents )((*)188). L'accès terrestre à la base de N'Djamena étant conditionné par l'utilisation du territoire camerounais, il n'est pas exagéré d'affirmer que ce pays occupe l'une des positions centrales dans la stratégie française en Afrique.

Cette importance stratégique pourrait s'appréhender encore à la lumière de la Mission de Coopération Militaire et de Défense, la M.C.M.D. en sigle. Placée sous l'autorité de l'ambassadeur de France au Cameroun, la M.C.M.D. agit dans le cadre juridique d'accords de coopération militaire passés entre la France et le Cameroun. Elle a pour objectif d'aider les forces camerounaises (incluant la Gendarmerie) sous forme de projets par partenariat à :

· Participer à la construction et au développement de l'Etat de droit. Cette participation se réalise par la formation des militaires à la conception d'une aide à la stabilité et à la sécurité des institutions, avec comme finalité d'amener l'Etat camerounais d'exercer lui-même ses fonctions vitales.

· Défendre le territoire national, les personnes et les biens. Ainsi, l'accord (secret) de défense de février 1974 autorise le Cameroun, sous certaines conditions, à faire appel à l'intervention des forces françaises pour assurer sa défense ou pour maintenir l'ordre public interne. C'est pourquoi la France fit savoir au Nigeria lors du conflit armé qui l'avait opposé au Cameroun, en 1981, qu'elle respecterait ses accords de défense avec ce dernier.

· Développer leur aptitude aux opérations internationales de maintien de la paix.

L'accord d'assistance militaire et technique de Février 1974 permet en outre à la France d'assurer l'essentiel de la formation et de fourniture du matériel militaire au Cameroun par l'accueil en France ou dans les écoles d'autres pays africains de stagiaires camerounais. Ce « transfert » de technologies et la diffusion d'une culture militaire permettent à la France d'exercer dans une certaine mesure, pas de moindre, une influence sur l'organisation de la politique de défense au Cameroun.

La France forme par ailleurs les commandants de compagnie et de brigade à la direction d'enquêtes judiciaires ainsi qu'à la police scientifique et technique, dans le cadre du projet du Centre de Perfectionnement à la Police Judiciaire de Yaoundé (C.P.P.Y). Ces privilèges stratégiques sont pour la France une sorte de   parapluie protecteur  pour ses multiples intérêts économiques et culturels.

B. Intérêts économiques et culturels

1) . Sur le plan économique, la présence française au Cameroun est manifeste dans trois domaines clés : les liens monétaires, les échanges commerciaux ainsi que les investissements directs.

· Les liens monétaires se traduisent par une coopération franco-africaine dont le cadre de prédilection est la zone franc. Ainsi, nonobstant le blocage du processus démocratique, le Cameroun avait bénéficié en 1992 d'une remise de dette de la part de la France en sa qualité de membre de la zone CFA.

· Sur le plan des échanges commerciaux, la France occupe toujours la première place. En 2004, le Cameroun était le deuxième client de la France dans la zone franc, après la Côte-d'ivoire, devançant pour la première fois le Sénégal, et son troisième fournisseur de la zone. A l'échelle mondiale, le Cameroun est le 67ième fournisseur et 55ième client de la France. Cette dernière conserve sa place de premier fournisseur du Cameroun avec une part estimée à 30% et le 2ième client, après l'Italie ( le 1er hors pétrole)((*)189).

· Le Cameroun demeure une destination marginale de l'Investissement Direct Etranger(I.D.E) dans le monde, mais aussi en Afrique. La France, historiquement très présente dans le pays, renforce ses positions suite au retour de la croissance et du programme de privatisations en chaîne engagé par le pays depuis 1994. Après les travaux de construction de l'oléoduc Tchad-Cameroun achevés le 12 juin 2004, les grands chantiers d'infrastructures en cours constituent un substrat pour des nouvelles implantations françaises.

2) Sur le plan culturel, le double héritage du Cameroun fait que la francophonie affronte quotidiennement l'anglophonie. D'où l'impérieuse nécessité pour la France de maintenir son pré-carré à travers une diversité de canaux politico-stratégiques et économiques.

Les honneurs faits par Paris au président Paul BIYA à l'occasion de la première participation du Chef de l'Etat camerounais à un sommet de la francophonie(sommet de Chaillot) en 1991 n'est pas un fait du hasard. C'était un acte tendant à protéger un maillon important du pré-carré africain des appétits du monde anglophone. En effet, le Cameroun s'était vu refuser l'adhésion au Commonwealth la même année((*)190).

En clair, l'importance notoire des intérêts français et l'ambiguïté de leur action sont déterminantes dans l'évolution de la démocratie au Cameroun. Il va sans dire que les forces qui soutiennent le changement démocratique n'y trouvent pas leur compte.

§2. LES ETATS-UNIS EN TANT QUE LEADER MONDIAL

La doctrine de Monroe, l'Amérique aux américains, avait notamment eu comme conséquence la limitation de l'action des Etats-Unis en Afrique. Ainsi, l'on note une marginalité des intérêts américains en Afrique en général et au Cameroun en particulier et sur le plan politico-stratégique, et sur le plan économique et culturel.

A. Intérêts politico-stratégiques.

La marginalisation de l'Afrique ou mieux, sa totale absence du débat politique américain apparaît chaque fois qu'il y a campagne électorale aux Etats-Unis. La prudence incite la classe politique en herbe à éviter les débats de politique étrangère et à se faire l'écho de l'opinion publique du jour plutôt qu'à ouvrir des perspectives plus élevées à leur pays. L'élection présidentielle de l'an 2000 a été la troisième d'affilée où les candidats ont évité tout véritable débat de politique étrangère, note Henry KISSINGER((*)191). La récente élection présidentielle de novembre 2004, à l'issue duquel G.W. BUSH a été élu pour un second mandat, ne fait pas exception((*)192). En effet, l'opinion publique américaine est et reste hantée par les préoccupations sécuritaires. Et cette année, les américains étaient obnubilés par la guerre en Irak et la lutte contre le terrorisme, symbolisée par OUSSAMA BEN LADEN encore en liberté, SADDAM HUSSEIN en captivité et les autres pays de l'axe dit du mal.

Du point de vue de la sécurité américaine, l'Afrique n'a donc pas grande importance. Depuis l'implosion de l'U.R.S.S., l'argument de rigueur pendant la guerre froide selon lequel il fallait empêcher les ressources de l'Afrique de tomber entre les mains hostiles n'est plus valable dans un avenir prévisible. En fait, aucune puissance extérieure ne menace de dominer l'Afrique, et aucun pays africain n'est assez puissant militairement pour se lancer dans une telle entreprise. En l'absence d'adversaire stratégique menaçant le continent ou d'Etat africain inamical nourrissant des ambitions hégémoniques, les Etats-Unis semblent n'avoir pas besoin d'élaborer une nouvelle politique africaine et paraissent se satisfaire d'une réaction au coup pour coup face aux problèmes qui se posent((*)193).

Toutefois, obnubilés par le sentiment triomphaliste du rôle primordial qu'ils croient devoir jouer dans toutes les régions du monde - leader mondial, avions-nous dit, les Etats-Unis, en raison de leur incontestable capacité logistique d'intervention globale, opèrent dans toutes les régions du monde, si marginales soient-elles((*)194).

Cette considération nous amène à établir un distinguo entre les intérêts stratégiques américains : la stratégie mondiale et les activités militaires.

Tout d'abord, le rôle du Cameroun dans la stratégie mondiale des Etats-unis est très infime, lorsqu'il n'avoisine pas le néant. En revanche, dans le domaine des activités militaires, on peut signaler l'existence d'une assistance militaire américaine dans le cadre de l'International Military Education and Training (I.M.E.T.). Toutefois, aucun accord formel ne lie le Cameroun et les Etats-Unis dans le domaine de la coopération militaire.

B. Intérêts économiques et culturels

1° L'Afrique subsaharienne ne représente qu'à peine 1% du commerce extérieur des Etats-Unis et un égal pourcentage de ses investissements extérieurs directs. Pourtant, les intérêts économiques des Etats-Unis à l'échelle africaine ne sont pas si négligeables qu'ils ne les paraissent. Par exemple, dans le seul domaine pétrolier, l'Afrique fournit aux Etats-Unis 14% de leurs importations de brut (contre 18% provenant du Moyen-Orient)((*)195).

Toutefois, paradoxalement à leur poids économique, les intérêts américains en Afrique en général et au Cameroun en particulier sont d'une marginalité avérée.

Mais avec l'inauguration du pipeline Tchad-Cameroum((*)196) le 12 juin 2004, le Cameroun apparaît comme un partenaire non négligeable pour les américains. Surtout que des 1050 kilomètres destinés à évacuer le pétrole brut du sud Tchadien jusqu'à Kribi, 800 kilomètres traversent le Cameroun.

2° Sur le plan culturel, le Cameroun est un champ d'influences non négligeable pour les américains. Le soutien apporté aux organisations oppositionnelles et à la société civile n'est autre chose qu'une série de manoeuvres cherchant à arracher à la France sa chasse gardée et à placer au pouvoir une classe dirigeante incarnée par le Chairman John FRU NDI, qui protégerait au mieux ses intérêts politico-stratégiques, économiques et culturels.

En clair, par rapport à leur poids politique, économique et culturel dans le monde, les intérêts américains au Cameroun sont d'une marginalité avérée. Et l'efficacité des mesures prises en faveur de la démocratie en pâtit.

Au terme de ce chapitre, il apparaît donc clairement qu' « avec la démocratisation, la dynamique politique autour de l'Etat s'analyse en termes de forces de changement et de forces de résistance au processus de démocratisation »((*)197). Dans le premier cas, on relève une collusion entre l'action américaine et l'activisme des acteurs non gouvernementaux du commerce politique camerounais et dans le second, ce que l'on peut pudiquement qualifier de mariage d'intérêt entre l'action française et la stratégie du gouvernement camerounais.

De toute évidence, chacun essaie de tirer le drap de son coté afin de voir triompher ses intérêts. Les forces de changement internes y trouvant leur compte dans la conquête du pouvoir, et les forces de résistance interne dans le statu quo.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Tout observateur africain, qui ne se voile pas les yeux par pudeur ou par honte devant le phénomène de l'influence politique de l'ethnicité, reconnaît l'influence néfaste de ce paramètre sur les démocraties africaines. En effet, les élections contredisent rarement l'appartenance tribale et régionale de l'électeur. Dans des telles conditions, il n'est pas assez étonnant de constater que les principes démocratiques de mise en occident ne peuvent s'appliquer en Afrique que de manière extrêmement précaire. Par exemple, « la démocratie occidentale repose, sous une forme ou une autre sur la règle de la majorité. Or celle-ci présuppose que la majorité est susceptible de changer et que la minorité d'aujourd'hui a des chances d'être la majorité de demain. Mais quand les divisions suivent les lignes de clivage ethniques, tribales ou religieuses, l'équation ne vaut plus. Un groupe condamné à un statut minoritaire permanent ne peut pas admettre qu'il s'agit d'un arrangement politique équitable »((*)198).

Le phénomène ne touche pas que les Etats considérés comme étant très en retard sur la voie de la démocratisation. Ce phénomène peut en fait être décelé dans certains Etats lors des élections qui sont considérées à ce jour comme démocratiques et transparentes. Pour s'en convaincre, en Afrique du Sud, la composition « ethnique » des grands partis que sont le Parti National, l'ANC et l'INKHATA hypothèque lourdement l'avenir de la démocratie dans ce pays.

Négliger tout ceci, par ignorance ou par pudeur moderne, pourrait conduire à des solutions erronées, irréalistes ou contestables. Sur ce, certains auteurs trouvent impérieux, pour assoire efficacement la démocratie universelle, de l' « inculturer » en adaptant son apprentissage aux réalités des peuples, ce qui ne doit pas être perçu comme étant une tentative de rejeter ou même d'entraver le processus démocratique((*)199).

C'est donc poser en d'autres termes la problématique de la « spécificité africaine », ou mieux, de la « démocratie à l'africaine ».

Mais il nous faut refuser tout honneur à la spécificité africaine. En effet, la prise en compte des particularités a conduit certains à préconiser un « droit à la différence », un « droit à l'oppression » et un « droit à la mort ». Son exacerbation présente le risque d'un enfermement dans la glorification des particularités culturelles qui excluraient de s'intéresser à ce qui se passe au delà de la nation. Ces particularités culturelles, si elles sont révélatrices de l'identité culturelle africaine, n'apparaissent pas moins comme des limites à l'expression de la démocratie libérale et pluraliste.

Par exemple, l'exacerbation de la spécificité de la démocratie camerounaise((*)200) a poussé le constituant camerounais à se prononcer pour une protection des minorités et des « populations autochtones »((*)201). Cependant, une analyse scrupuleuse des dispositions susmentionnées révèle que l'exacerbation de cette spécificité de la démocratie camerounaise énerve le principe universel de la démocratie libérale auquel le constituant de 1996 semble pourtant accordé la primauté.

Commençons par la première disposition, qui peut s'interpréter comme garantissant la participation des groupes minoritaires à la gestion de la Région. Mais face à l'absence de définition constitutionnelle desdites minorités, on peut esquisser une définition se composant de plusieurs critères objectifs et d'un critère subjectif. Les éléments objectifs tiennent au caractère ethnique de la minorité et au fait que ce caractère la distingue de la majorité de la population du pays, étant entendu que les membres de la minorité possèdent la nationalité de l'Etat dans lequel ils se trouvent. L'élément subjectif réside à la fois dans la volonté du groupe de préserver son identité et dans le choix effectué par chaque individu d'appartenir ou non au groupe.

Partant de cette esquisse, au regard de quelques trois centaines de groupes ethniques peuplant le Cameroun, que seraient le ou les groupes qui doivent être considérés comme minoritaire ? Le risque est alors grand de voir, au regard du critère volontariste avancé dans la définition des minorités, tous les groupes ethniques du pays revendiquer le statut de minorité, dans le but de bénéficier des droits particuliers que la constitution déclare leur reconnaître((*)202).

Mais quels droits reconnaître à ces minorités ethniques, dans l'hypothèse où elles existeraient ? Peut être que le constituant camerounais a-t-il vu dans la garantie des droits des populations autochtones un moyen efficace de protection des minorités. Ce qui nous amène à analyser la seconde disposition.

En effet, la protection des minorités passe par l'octroi de la présidence du conseil régional aux seules personnalités autochtones. Cette disposition introduit donc une distinction d'un point de vue strictement juridique entre les populations autochtones et celles allochtones appelées encore allogènes. En effet, ces deux pôles ne jouissent pas des mêmes droits sur toute l'étendue du territoire, leur situation juridique étant fondée sur le lieu d'établissement. Ainsi, seuls les citoyens autochtones sont éligibles à la présidence du conseil. Sur le plan du droit, cette différentiation des droits politiques est une relativisation du principe démocratique régissant l'organisation de l'Etat, car elle introduit une discrimination portant sur un droit démocratique essentiel, à savoir l'éligibilité à une fonction publique. Cette disposition heurte de toute évidence l'interdiction de traiter de manière différente des personnes placées dans des situations analogues ou comparables en l'absence de justification objective et raisonnable de la différence de traitement, disposition contenue dans les différentes conventions internationales relatives à la non discrimination. Seul l'existence d'une minorité aurait légitimé cette discrimination. Or il n'est pas démontré que les populations autochtones sont minoritaires dans leurs régions, ou encore dans le sens où l'entend la théorie du droit, pour que soit légitimé un traitement discriminatoire en leur faveur.

L'exemple du Cameroun démontre le piège de la perversion que le recours à la spécificité africaine peut porter aux principes libéraux et pluralistes de la démocratie. En effet, vouloir adapter la pratique de la démocratie en repensant des termes comme la majorité par l'utilisation du principe ethnique, outre le fait qu'elle porte atteinte à l'âme même de la démocratie, peut avoir comme conséquence un dressage des ethnies les unes contre les autres. La mémoire de l'humanité restera longtemps marqué par le génocide rwandais, la crise libérienne et yougoslave, nés de l'exacerbation des identités ethniques. La même mémoire de l'humanité est marquée au fer par les rivalités sanglantes au nord -est de la RDC, c'est-à-dire en Ituri, entre les Hema et les Lendu, deux populations qui après avoir vécu longtemps dans le calme, se sont vu dressés les uns aux autres par la politique d'accentuation de l'identité ethnique menée par l'occupant ougandais.

L'Etat démocratique moderne a déjà été inventé, il a évolué pour devenir la forme d'organisation la plus achevée dans le monde entier. Il convient ainsi d'appliquer strictement ses principes tels que théorisés en droit public.

Toutefois, cet Etat peut dans sa genèse, son organisation et son fonctionnement c'est-à-dire en dehors de son originalité ou de sa substance, être modelé à la société sur laquelle il va imposer sa puissance souveraine. Rechercher une spécificité pèche d'un subjectivisme car aucun peuple africain ne s'est jamais prononcé, ne fut-ce que par voie de referendum - et encore que cela serait honnête, transparent et ouvert à tous - en faveur d'une démocratie à la congolaise, à la camerounaise, etc. A la suite du professeur Greg BASUE BABU-KAZADI, notons que « l'exemple de l'application de la charia au Nigeria renseigne sur les tentatives forcées de faire table rase ou marche arrière alors que l'évolution du monde a atteint la vitesse cybernétique »((*)203).

Certes, il n'existe pas de théorie démocratique applicable sans une adaptation épousant les réalités de la société sur laquelle elle est appelée à être modelé. En effet, la démocratie n'est pas un « produit » à exporter sans réserve, avec un mimétisme à tout vent. La démocratie n'est pas une idéologie, mais le fruit capricieux d'une évolution historique. Mais elle a tout de même un théorème qui doit s'appliquer dans toutes les aires et les ères, sans le moindre marchandage et qui peut s'énoncer en ces termes : « Pour que l'humanité soit libre, mieux vaut que le peuple soit souverain, et cette souveraineté populaire implique l'égalité politique et sociale »((*)204).

Bien évidemment, le recours logique au fonds culturel africain par les dirigeants africains est plus orienté vers la recherche de solution pour se pérenniser au pouvoir, se fondant sur l'argumentaire d'une démocratisation graduelle menée sans l'intervention des acteurs extérieurs, ou pour disqualifier tout bonnement la nécessité d'une intervention de la communauté internationale.

Il est difficile de chercher à sous-estimer l'influence potentielle que pourrait exercer la communauté internationale dans la conduite ou l'aboutissement des processus internes de démocratisation en Afrique. Mais il est aussi évident que ces pressions ne sauraient, à elles seules, entraîner un changement démocratique.

En définitive, la démocratisation est un processus qui résulte avant tout d'un mouvement endogène, interne. C'est l'oeuvre des peuples : la démocratie est le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple. Même dans les pays occidentaux qui estiment être les plus avancés en matière de démocratie, celle-ci est avant tout l'oeuvre d'une maturation interne. « Ni la France, ni le Royaume-Uni ne sont devenus démocratiques parce qu'il y avait une ONG sur la planète mars qui était intervenue »((*)205). Cette remarque est légitime dès lors que nous acceptons que la démocratisation est un processus. Processus économique et social qui devient politique, qui se consolide en processus juridique et qui crée une culture, formant un ensemble cohérent. En d'autres termes, la démocratisation est le fruit d'une évolution historique.

L'erreur est de considérer la démocratisation comme une conversion. « La conversion, c'est Saul qui tombe de cheval sur la route de Damas ». La démocratie serait instantanée si elle équivalait à la vraie foi. L'action internationale n'aura donc pour but que de se greffer, par la solidarité entre les peuples, à la maturation de l'action interne.

Solidarité entre peuples, avons-nous dit ? « Les Etats n'ont pas d'états d'âme, ils n'ont que des intérêts », avait révélé Charles de GAULLE ce qui n'était qu'un secret de polichinelle. L'inscription de la donne démocratique dans la politique étrangère des nations occidentales vise prioritairement à rechercher et préserver un intérêt politique, économique, stratégique, militaire, consulaire et autres. Néanmoins, l'idée de solidarité et de coopération fondée sur la morale internationale, les traditions judéo-chrétiennes et la solidarité africaine atténue l'idée d'intérêt.

Les interventions externes n'auront donc beaucoup de chances de réussir que si elles sont couplées à des processus endogènes de démocratisation. C'est pourquoi, pensons-nous, l'usage des mesures de contrainte non armées, dont la contribution à l'implantation de la démocratie ne doit pas être sous-estimé, doit être privilégié. Présentées de manière rhétorique comme inefficaces, les mesures de contrainte non armées ont exercé une influence politique majeure sur les changements politiques en Europe de l'Est ou en Afrique du sud. Des régimes que l'on prenait pour des forteresses sont tombés comme des châteaux de cartes, à force de pressions économiques, politiques et diplomatiques.

L'intervention armée peut permettre de rétablir la paix, une condition préalable de la démocratie. C'est dans ce cadre que s'inscrit la présence de la MONUC en RDC. Mais elle ne peut pas décréter à coup de bombes la démocratie. Durant prés de sept ans, la RDC a connu une « guerre par procuration menée par des sous-traitants régionaux » ((*)206) qui n'a fait que causé des millions des morts. Les mandants et les mandataires ont plus tué, violé et pillé, mais ils n'ont jamais instauré la démocratie.

Depuis 2000 donc, on assiste à un « retour en force de la bannière bleu » afin de rétablir la paix, nécessaire à toute célébration des élections. Aussi, formulons-nous le voeu de voir la communauté internationale accompagner, par la solidarité entre les peuples, la maturation de l'action interne en faveur de la démocratie. Les marches du 03 juin 2004 et du 10 janvier 2005 prouvent la volonté du peuple d'en finir avec les armes et la négociation comme mode de conquête du pouvoir ((*)207). C'est l'éveil d'une dynamique interne qui exige la célébration urgente des élections pour le 30 juin, non pas 1960, mais 2005. Peut être que dans les années à venir, le 30 juin, le peuple ne commémorera plus que l'accession de la RDC à l'indépendance, mais aussi sa réhabilitation en tant que souverain. Désormais, dans leurs curriculums vitaes, les candidats aux fonctions publiques n'exhiberont plus les certificats de décès des congolais qu'ils ont envoyé sous la terre pour se faire nommer.

Puisse le processus actuel en RDC aboutir à la formule démocratique 1+ 60.000.000 des congolais !!!!!!!!!!!!

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27. NGNIMAN Zacharie, Cameroun. La démocratie emballée, Yaoundé, Ed. Clé,

1993.

28. NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick et PELLET Alain, Droit international

public, 7ième édition, Paris, L.G.D.J, 2002.

29. PACTET Pierre, Institutions politiques et Droit Constitutionnel, 12ième édition,

Paris, Masson, 1993.

30. RAWLS John, Théorie de la justice, Paris, Seuil, 1984.

31. SALMON Jean (S.D.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles,

Bruylant, 2001

32. SALMON Pierre (S.D.), Processus démocratique en Afrique : Impacts et

perspectives, Cotonou, Pierre Salmon, 1994.

33. SINDJOUN Luc, Comment peut-on être opposant au Cameroun ?, Dakar,

Codesria, 2004.

34. TAVERNIER Paul (S.D), Recueil juridique des droits de l'homme en Afrique,

Bruxelles, Bruylant, 2002.

35. VERHOEVEN Joe, Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000.

C. ARTICLES

1. ABA'A OYONO Jean Calvin, « Les mutations de la justice à la lumière

du développement constitutionnel de 1996 », in Afrilex n° 01, novembre 2000.

2. ABOYA ENDONG Manassé, « Des contestations multiformes contre le

régime. Menaces sécessionnistes sur l'Etat Camerounais », in Le monde diplomatique, Décembre 2002 ( www.monde-diplomatique.fr).

3. BATOUM BA NGOUE Samuel Théophile, « Démocratisation et processus

budgétaire dans les Etats de la communauté économique et monétaire de l'Afrique : le cas du Cameroun », in Afrilex n°04 décembre 2004, pp.7-26.

4. BAYART Jean-François, « Réflexions sur la politique africaine de la

France », in Politique africaine n° 58, juin 1995, pp.41-50.

5. BONI TEIGA Marcus, « En Côte - d'Ivoire, Comme jadis au Rwanda »,

Le Bénin aujourd'hui, in courrier international n° 701 du 08 au 14 avril 2004, pp.38-39.

6. BULA-BULA Sayeman, « Les fondements de l'union africaine », in Annuaire

africain de droit international, Volume9/2001,pp.39-74.

7. BULA-BULA Sayeman, « L'idée d'ingérence à la lumière du nouvel ordre

mondial » in Revue africaine de droit international et comparé, Tome 6/1994, pp.14-44.

8. BUSTIN Edouard, « Etats-Unis - Afrique. La politique africaine des Etats -

unis », in Universalia 2001, pp.173-176.

9. CONSTANTIN François et CONTAMIN Bernard, « Perspectives africaines et

bouleversements internationaux », in Politique africaine n° 39, pp.55-67.

10. DONFACK SOKENG Léopold, « Existe-t-il une identité démocratique

camerounaise ? La spécificité camerounaise à l'épreuve de l'universalité des droits fondamentaux », in Polis / Revue camerounaise de science politique, Volume 1 n° spécial Février 1996.

11. DUMOULIN André, « La redéfinition de la politique militaire française »,

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12. EBOLO Martin Dieudonné, « L'implication des puissances occidentales

dans les processus de démocratisation en Afrique : Analyse des actions américaine et française au Cameroun (1989-1997), in Polis / Revue camerounaise de science politique, Volume 6 n°2/1998.

13. EBOLO Martin Dieudonné, « Nationalisme gouvernemental et pressions

extérieures dans le contexte de démocratisation : le cas camerounais », in Polis / Revue camerounaise de science politique, Volume 1 n° spécial février 1996.

14. GUICHAOUA André, « Les nouvelles politiques africaines de la France et

des Etats-Unis vis-à-vis de l'Afrique centrale et orientale », in Polis/Revue camerounaise de science politique, Volume 4 n°2 Novembre 1997.

15. KEUTCHA TCHAPNGA, « Les mutations récentes du droit administratif

camerounais », in Afrilex n° 01 novembre 2000.

16. MEDARD Jean-françois, « L'Etat patrimonialisé », in politique africaine

n°39, pp.25-36.

16. MEVOUNGOU NSANA Roger, « la constitution du 18 janvier 1996 et

le droit pénal au Cameroun », in Revue de la commission africaine des droits de l'homme, Tome 7 n°2, pp.151-176.

18. SINDJOUN Luc, « Identité Nationale et « révision constitutionnelle » du

18 janvier 1996 : comment constitutionnalise-t-on le « nous » au Cameroun dans l'Etat post-unitaire ? », in Polis / Revue camerounaise de science politique, Volume 1 n° spécial février 1996.

19. SIPA Jean Baptiste, « Cameroun : Paul Biya bientôt président à vie » Le Messager, in courrier international n0 725 du 23 au 29 septembre 2004, p.44.

20. SOUDAN François, « L'après Biya a déjà commencé », in Jeune Afrique

l'intelligent n° 2284 du 17 au 23 octobre 2004, pp.70-71.

21. VEDRINE Hubert, « Quelles perspectives pour la démocratie en Afrique ? »,

Allocution à la Conférence mondiale des fondations démocratiques, Paris, le 21 mars 2003.

D. COURS

1. BASUE BABU - KAZADI Greg, Introduction à la science politique, Cours

polycopié 1er graduat A, Faculté de droit, UNIKIN, 2001-2002.

2. BASUE BABU - KAZADI Greg, Structures et institutions socio - politiques de

l'Afrique traditionnelle, Cours polycopié 2ème graduat A, Faculté de droit, UNIKIN, 2001-2002.

3. BASUE BABU - KAZADI Greg, Vie internationale, Cours polycopié 2ème

graduat B, Faculté de droit, UNIKIN, 2002-2003.

4. MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO Auguste, Droit international public, Cours

polycopié 3ème graduat A, Faculté de droit, UNIKIN, 1998-1999.

5. MAVUNGU, Politique étrangère de la RDC, Notes de cours, 3ème graduat

Droit public, Faculté de droit, UNIKIN, 2003-2004.

E. THESES, DIPLOME D'ETUDES APPROFONDIES ET TRAVAIL DE FIN DE CYCLE

1. BASUE BABU - KAZADI Greg, « L'action internationale en faveur de la

démocratie en Afrique. Le cas du Zaïre », Thèse de doctorat en droit, Université de Nancy 2, 1998-1999.

2. OBIANG Jean François, Aide française et processus de démocratisation.

Le cas du Bénin et du Gabon (1990-1994), D.E.A en Etudes africaines, Département de sciences politiques, Université de Paris 1 / Panthéon - Sorbonne, 1995-1996.

3. NGUELA KATAMBA Yvette, L'égalité Souveraine des ETAS et le droit de

veto au sein du Conseil de sécurité des Nations-Unies, TFC, Faculté de droit, UNIKIN, 2002-2003.

F. AUTRES SOURCES

1. www.ambafrance-cm.org (site de l'ambassade de France au Cameroun).

2. http://usembassy.state.gov (site de l'ambassade des Etats-Unis au Cameroun).

3. www.icj-cij.org (site de la Cour internationale de justice).

4. www.un.org (site de l'O.N.U.).

5. www.afrilex.u-bordeaux4.fr (site hébergeant la revue électronique afrilex).

6. www.politique-africaine.com (site de la revue politique africaine).

7. www.polis.sciencespobordeaux.fr (site de la Polis, Revue camerounaise de science politique).

TABLE DES MATIERES

EPIGRAPHE i

DEDICACE ii

REMERCIEMENTS iii

LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES v

INTRODUCTION 1

1. HISTORIQUE 1

2. DEFINITION 2

3. INTERET DU SUJET 4

4. DELIMITATION DU SUJET 5

5. METHODOLOGIE DE RECHERCHE 5

6. PROBLEMATIQUE 6

7. ANNONCE DU PLAN 7

I ère PARTIE

L'INTERVENTION EN FAVEUR DE LA DEMOCRATIE AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL 8

CHAPITRE I

A LA RECHERCHE DES JUSTIFICATIONS DE L'INTERVENTION 10

SECTION 1. MOTIVATIONS ET FONDEMENTS DE L'INTERVENTION 10

§1. MOTIVATIONS POLITIQUES 11

A. La diffusion d'un modèle homogène de régime politique : la démocratie libérale 11

B. L'intérêt national 13

§2. LES PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL AYANT UNE INCIDENCE SUR L'ACTION INTERNATIONALE EN FAVEUR DE LA DEMOCRATIE 16

A. L'égalité souveraine des Etats 17

B. Le droit des peuples a disposer d'eux-mêmes 20

SECTION 2 : LE PRINCIPE DE NON-INTERVENTION 22

§1. LA GENESE ET LE CONTENU DU PRINCIPE 22

A. La genèse du principe 22

B. Le contenu du principe 23

§2. LES EXCEPTIONS ADMISES PAR LE DROIT INTERNATIONAL AU PRINCIPE DE NON-INTERVENTION 26

A. Les limitations à la libre élection du système politique 26

B. La protection des droits de l'homme 28

CHAPITRE 2

LES MODALITES DE L'INTERVENTION 31

SECTION 1. UNE REACTION NON CONTRAIGNANTE N'EST PAS CONSTITUTIVE D'INTERVENTION ILLICITE 31

§1. DEFINITION DE LA CONTRAINTE 32

A. Approche exégétique : L'article 2 paragraphe 7 de la charte 32

B. Approche jurisprudentielle : l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (C.I.J., arrêt du 27 juin 1986) 34

§2. LA PRATIQUE DU PRINCIPE DE LA LICEITE DES MESURES NON CONTRAIGNANTES 36

A. Les relations économiques internationales 36

B. Les positions officielles exprimées à propos des situations internes 38

SECTION 2. UNE REACTION CONTRAIGNANTE EXERCEE EN DEHORS DU « DOMAINE RESERVE » N'EST PAS CONSTITUTIVE D'INTERVENTION ILLICITE 40

§1. NOTION DU DOMAINE RESERVE 41

A. Le critère de l'engagement international 42

B. Les conséquences de l'application du critère de l'engagement international 45

§2. MODALITES D'EXERCICE DES MESURES DE CONTRAINTE 47

A. La rétorsion 48

B. Les représailles ou contre-mesures 48

II ème PARTIE 50

L'ACTION INTERNATIONALE EN FAVEUR DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN 50

CHAPITRE 1 53

ANALYSE INSTITUTIONNELLE DU SYSTEME POLITIQUE CAMEROUNAIS 53

SECTION 1. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE DU CAMEROUN DEPUIS 1990 54

§1. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE D'AVANT 1996 55

A. Contexte global de la démocratisation au Cameroun 55

B. Par quel chemin se démocratiser : révision constitutionnelle, élaboration d'une nouvelle constitution dans le cadre ou non d'une Conférence Nationale Souveraine ? 58

§2. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE D'APRES 1996 63

A. De la nature juridique de « la loi constitutionnelle n ° 96/06 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 » 64

B. Du régime politique institué par l'acte constituant du 18 janvier 1996 67

SECTION 2. APPROCHE EVALUATIVE DU CADRE THEORIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN 70

§1. EVALUATION DU CADRE THEORIQUE 71

A. L'adhésion du Cameroun au courant universel des droits de l'homme 71

B. La consécration du principe démocratique 74

§2. EVALUATION DU CADRE INSTITUTIONNEL 77

A. Le suffrage 77

B. La séparation des pouvoirs 80

CHAPITRE 2 83

LA DYNAMIQUE DE L'IMPLICATION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS 83

SECTION 1. L'EXPORTATION DU MODELE LIBERAL DE LA DEMOCRATIE 83

§1. L'IMPLICATION PAR LE BIAIS DE L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT 84

A. L'action américaine 84

B. L'action française 85

§2. L'IMPLICATION DIRECTE DE LA FRANCE ET DES ETATS-UNIS PORTEUSE D'APPROCHES DIFFERENTES 87

A. L'implication des Etats-Unis en faveur de la démocratie au Cameroun : la congruence entre l'action officielle et l'activisme des acteurs privés 87

B. L'ambiguïté de l'action française en faveur de la démocratie au Cameroun 90

SECTION 2. LA RECHERCHE DE L'INTERET NATIONAL 93

§1. LA FRANCE EN TANT QUE PUISSANCE HEGEMONIQUE EN AFRIQUE FRANCOPHONE , ANCIENNE METROPOLE ET PLUS GRAND PARTENAIRE ECONOMIQUE DU CAMEROUN 93

A. Intérêts politico-stratégiques 93

B. Intérêts économiques et culturels 95

§2. LES ETATS-UNIS EN TANT QUE LEADER MONDIAL 97

A. Intérêts politico-stratégiques. 97

B. Intérêts économiques et culturels 98

CONCLUSION ET PERSPECTIVES 101

BIBLIOGRAPHIE 108

TABLE DES MATIERES 115

* (1) G.BASUE BABU-KAZADI, « l'action internationale en faveur de la démocratie en Afrique : le cas du Zaïre », Thèse de doctorat en droit, Université de Nancy 2, 1998-1999, p.2.

* (2) La définition est tirée de l'art.2 de la constitution française du 4 octobre 1958.

* (3) C'est sur base de cette même solidarité que l'on peut relever, depuis quelques décennies, un revirement de la politique étrangère américaine. Voir à cet égard S.P.HUNTIGTON, Troisième vague. Les démocratisations de la fin du XXième siècle, Paris, Nouveaux Horizons, p.90-98.

* (4) A.J.TOUDONOU, « influences extérieures et processus démocratique en Afrique » in P. SALMON (S.D.), Processus démocratique en Afrique : impact et perspectives, Cotonou, Pierre Salmon, 1994, p.76.

* (5) Voir Q.D.NGUYEN, P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international public, 7ème édition, Paris, L.G.D.J, 2002 p.401.

* (6) J.SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p.205.

* (7) Q.D.NGUYEN et alii, op.cit, p.403.

* (8) Certains auteurs réfutent l'idée de l'existence de la communauté internationale. Le déséquilibre croissant du niveau de vie entre pays riches et pays pauvres, les différences de race, de culture et de civilisation séparent les Etats au lieu de les assembler. Cependant, pensons-nous, l'existence de la communauté internationale ne doit pas être confondue avec le degré de sa cohésion. L'identité générale des conceptions morales, le sentiment général de justice, l'aspiration générale à la paix, l'interdépendance économique sont autant des éléments qui renforcent la volonté des Etats à vivre ensemble. Voir à cet égard Q.D.NGUYEN et alii, op.cit, p.38-39.

* (9) S.P.HUNTIGTON, op.cit, p.7.

* (10) Idem, p.5.

* (11) Voir l'article 2, paragraphe 7 de la charte des Nations Unies.

* (12) MBOKO DJ'ANDIMA, Principes et usages en matière de rédaction d'un travail universitaire, Kinshasa, Cadicec, 2004, p.21.

* (13) Y.NGUELA KATAMBA,  l'égalité souveraine des Etats et le droit de veto au sein du conseil de sécurité des Nations Unies, TFC, Faculté de Droit, UNIKIN, 2002-2003, p.8 et 11.

* (14) G. BASUE BABU-KAZADI, l'action internationale..., op.cit, p.248.

* (15) Voir supra, p.2.

* (16) M.DUVERGER, Les régimes politiques, collection que sais-je ? n° 289, Paris, PUF, p.20.

* (17) S.P.HUNTIGTON, op.cit, p.86.

* (18) C'est sur cette base que l'organisation a condamné la rébellion survenue en Haïti en septembre de 1991 et a « demandé le respect de la constitution et du gouvernement issu de la volonté du peuple librement exprimé lors des élections de décembre 1990 ». Voir O.CORTEN et P.KleIn, Droit d'ingérence ou obligation de réaction ? , 2ième édition, Bruxelles, Bruylant, 1996, p.97.

* (19) S.BULA-BULA, «les fondements de l'union africaine», in A.A.D.I, volume 9/2001, p.62.

* (20) On peut du moins se permettre de s'interroger sur l'efficacité d'une sanction pareille, dès lors que l'on sait que l'acte a été adopté à Lomé, l'une des capitales qui excelle dans cette pratique, et voté par une majorité des chefs d'Etats issus des changements non constitutionnels sinon inconstitutionnels ! Voir S.BULA-BULA, op.cit, p.63.

* (21) O.Corten et P.Klein op.cit, p.98 et G.Basue Babu-Kazadi, op.cit, p.216-217 s'interrogent aussi en ces termes.

* (22) M.MERLE, cité par M.D. EBOLO, « L'implication des puissances occidentales dans le processus de démocratisation en Afrique : analyse des actions américaine et française au Cameroun(1989-1997) », in polis/RCSP, Volume 6 Numéro 2/1998, p.31.

* (23) ) M.DUVERGER, Introduction à la politique, coll. Idées, Paris, Gallimard, 1964, p.127.

* (24) HANS MORGENTHAU, cité par M.D.EBOLO, op.cit, p.31.

* (25) Cité par M.D.EBOLO, op.cit, p.23.

* (26) M.D.EBOLO, op.cit, p.31.

* (27) G.BASUE BABU-KAZADI, op.cit, p.249.

* (28) Il convient de souligner la particularité du passé colonial camerounais. Colonie allemande au XIXiième siècle, le Cameroun sera partagé entre les britanniques et les français avant la fin de la première guerre mondiale. Les deux puissances se verront octroyées par la SdN la mission de préparer les camerounais à l'autonomie. En application de cette option, l'indépendance de la partie francophone est proclamée le 1ier janvier 1960. Cependant, aucun moyen d'accéder à la souveraineté internationale n'était ouvert à la partie du Cameroun sous administration britannique. En effet, par la résolution 1350(XIII) du 13 mars 1959, l'Assemblée générale des N.U. recommandait que des plébiscites séparés soient organisés dans les parties septentrionale et méridionale du Cameroun sous administration britannique. La question est la même dans les deux parties du territoire : une indépendance par rattachement au Nigeria ou à la République du Cameroun. Les plébiscites séparés sont organisés les 11 et 12 février 1961. Dans la partie septentrionale, les partisans du rattachement au Nigeria l'emportent, alors que le résultat inverse est obtenu dans la partie méridionale. Le rattachement de cette dernière à la République du Cameroun sera concrétisé par une constitution fédérale adoptée le 1ier septembre 1960. La dénomination du pays devint alors République unie du Cameroun. Pourtant, cette réunification n `apportera pas de modification significative aux relations privilégiées que le Cameroun avait déjà nouées avec la France. La faible autonomie des provinces prévue par la constitution a fini par disparaître totalement sous l'action centralisatrice du président Ahmadou AHIDJO, par ailleurs très lié aux intérêts français et à la firme ELF. Ce denier a notamment imposé le franc CFA comme monnaie nationale au détriment de la livre sterling. En février 1984, Paul BIYA, successeur d'Ahmadou AHIDJO à la présidence, supprima l'adjectif unie accolé au nom du pays qui devint, dès lors, la République du Cameroun. Pour les responsables des mouvements anglophones, cette modification constitua l'acte final du processus d'annihilation historique de leur identité particulière.

* (29) Froide pour l'occident, chaude pour l'Afrique au Darfour et à l'Est de la RDC.

* (30) G.BASUE BABU-KAZADI, op.cit, p.274.

* (31) Voir A.MAMPUYA K.T., Droit international public, cours polycopié, 3ème graduat, Faculté de Droit Unikin, 1998-1999, p.78.

* (32) J.COMBACAU et S.SUR, Droit international public, 5ème édition, Paris, Montchrestien, 2001, p.233.

* (33) Idem, p.23 et G. BASUE BABU-KAZADI, Introduction à la science politique, cours polycopié, 1ier graduat, Faculté de Droit, Unikin, 2001-2002, p.15-16.

* (34) J.Combacau et S.Sur, op.cit, p.23.

* (35) J.VERHOEVEN, Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p.126.

* (36) Voir Q.D.NGUYEN et alii, op.cit, p.422.

* (37) Cité par G. BASUE BABU-KAZADI, l'action..., op.cit, p.28.

* (38) S.BULA-BULA, « l'idée d'ingérence à la lumière du nouvel ordre mondial », in RADIC Tome 6/1994, p.28.

* (39) G. BASUE BABU-KAZADI, l'action.... op.cit, p.277.

* (40) G. BASUE BABU-KAZADI, introduction à la science...op.cit, p.14.

* (

41) G. BASUE BABU-KAZADI, op.cit., p. 14

* (42) P.-M.Dupuy, Droit international public, 6ème édition, Paris, Dalloz, 2002, p.133.

* (43) Idem, p.493 et 494.

* (44) Voir BENEDETTO CONFORTI, «le principe de non-intervention», in M.BEDJAOUI (S.D.), Droit international public. Bilan et perspectives, Tome 1, Paris, Unesco, Pedone, 1991, p.434.

* (45) J SALMON, op.cit, p.419.

* (46) S. CALOGEROPOULOS, Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Bruxelles, Bruylant, 1973, p.149.

* (47) Voir CIJ, affaire relative au Timor Oriental, arrêt du 30/06/1995, § 29 in www.icj-cij.org.

* (

48) Cour suprême du Canada, affaire de la sécession du Québec, 20 août 1998, cité par J.Verhoeven, op.cit, p.293.

* (49) BENEDETTO CONFORTI, op.cit, p. 489.

* (50) La résolution 2625 (XXV) reprend et précise le contenu de la résolution 2131(XX) du 21 décembre 1965. C'est nous qui soulignons.

* (51) CIJ, affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, § 202.

* (52) G. GUILLAUME, « commentaire de l'article 2 paragraphe 7 », in J.P. COT et A. PELLET, La charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Paris, Economica, Bruxelles, Bruylant, 1985, p.146.

* (53) Idem, p.146. Voir notamment CORTEN et KLEIN, op.cit, p. 42.

* (54) G.GUILLAUME, op.cit, p.147. C'est nous qui soulignons.

* (55) G.GUILLAUME, op.cit, p.147.

* (56) O. CORTEN et P. KLEIN, op.cit, p.43-44.

* (57) Le texte de la DUDH n'est pas un traité à caractère coercitif. Elle n'est qu'une déclaration ayant eu la forme d'une résolution de l'Assemblée générale des N.U. Elle exprime un idéal à atteindre et non un ensemble de règles qui s'imposent aux gouvernants. Cependant, à travers les années, elle a acquise, de par la force morale des principes qui la sous-tendent, la dignité d'un ensemble de règles du droit coutumier des droits de l'homme. Voir KEBA MBAYE, Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pedone, 1992, p.78.

* (58) Voir les articles 1, 19 al. 1 et 2, 21, 22, al. 1 et 25 litera a et b.

* (59) S. BULA-BULA, «l'idée d'ingérence... », op.cit, p.29.

* (60) Idem.

* (61) A.MAMPUYA K.T., op.cit, p.54-55.

* (62) KEBA MBAYE, op.cit, p.78.

* (63) Les droits proclamés par ces divers instruments n'ont pas seulement une portée négative en se contentant d'établir quelques barrières que l'Etat ne doit pas franchir au risque de s'attirer l'attention des autres membres de la communauté internationale ; Tout au contraire, certains des droits proclamés sont positivement indispensables pour que s'engagent les débats publics sans lesquels un groupe ne peut prétendre s'autodéterminer, ce qui est l'expression la plus plénière de la démocratie : liberté d'expression, de réunion, d'association, etc.

* (64) S. CALOGEROPOULOS, op.cit, p.152-163.

* (65) Idem, p.153.

* (66) G.Basue Babu-Kazadi, l'action... op.cit, p.293.

* (67) C.I.J., affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, § 205. C'est nous qui soulignons.

* (68) O.Corten et P.Klein, op.cit, p.18.

* (69) Ainsi, l'adoption des mesures non contraignantes permise au Conseil de sécurité l'est aussi aux Etats en vertu du principe contenu à l'article 2 § 7. Sur l'étendue de ce dernier, voir supra, pp.23-25.

* (70) C.I.J, Affaire de certaines dépenses, avis consultatif du 20 juillet 1962.

* (71) O. CORTEN et P. KLEIN, op.cit, p. 45 notent que l'affaire du droit d'asile ne permet pas de se prononcer sur les mesures à propos desquelles le problème de la non-intervention se pose: pressions économiques, injonctions verbales, prises de position, etc. car cet arrêt du 20 novembre 1950 ne concerne qu'une matière particulière, le droit d'asile. Il en va autrement de l'arrêt que nous nous proposons d'analyser.

* (72) Voir l'extrait de la note diplomatique des Etats-unis au Nicaragua, expliquant les raisons de l'embargo in O.CORTEN et P.KLEIN, op.cit, p.46.

* (73) O.CORTEN et P.KLEIN, op.cit, p.47.

* (74) Idem, p. 47-48. Voir résolution 2625 (XXV) et 2131 (XX).

* (75) Voir § 241 de l'arrêt.

* (76) O. CORTEN et P. KLEIN, op.cit, p.48.

* (77) Voir § 276 de l'arrêt.

* (78) G. BASUE BABU-KAZADI, l'action... op.cit, p.302.

* (79) Propos reproduit par O.CORTEN et P. KLEIN, op.cit, p.51. Le texte est en anglais, la traduction est nôtre.

* (80) SCHACHTER, cité par G. BASUE BABU-KAZADI, op.cit, p. 308.

* (81) G. BASUE BABU-KAZADI, op.cit, p.309.

* (82) Voir le Phare n° 2326 du 27 Avril 2004, p.2. C'est nous qui soulignons. La sommation dans cet article ne doit pas être pris dans le sens juridique d'un ultimatum.

.

* (83) Art. 53 : «...aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'accord du conseil de sécurité ».

* (84) Voir O.CORTEN et P.KLEIN, op.cit, p.19-20.

* (85) Avis partagés par O.CORTEN et P.KLEIN, op.cit, p.20.

* (86) C.I.J, affaire du mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (RDC/Belgique) Arrêt du 14 février 2000, §.62 et 63. C'est nous qui soulignons.

* (87) Voir Q.D. NGUYEN et alii, op.cit, p.438.

* (88) Quand on sait que ce sont les Etats qui sont maîtres des avancées du droit international, c'est-à-dire des restrictions progressives du domaine réservé!

* (89) C.P.J.I, affaire des décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, extrait cité par O.CORTEN et P.KLEIN, op.cit, p.84.

* (90) Idem, p.85.

* (91) C.I.J, affaire des activités militaires,... § 205.

* (92) Idem, § 241. C'est nous qui soulignons.

* (93) Ibidem, § 258. C'est nous qui soulignons.

* (94) Ibidem, § 259.

* (95) Aux termes de l'art. 160 de la constitution de la transition, la C.E.I. doit être régie par une loi organique. Or pour des telles lois, la majorité des membres des deux chambres du parlement est requise, condition qui a été respectée par le vote du 19 avril 2004 (voir art. 121 de la constitution de la transition). Qui plus est, c'est la cour suprême de justice qui

déclare à priori une loi organique conforme ou non à la constitution avant sa promulgation par le chef de l'Etat (voir art.121 al.2 de la constitution).

* (96) Voir Annexe IV de l'accord global et inclusif. L'art.1 al.2 de la constitution de transition stipule que « l'accord global et inclusif et la constitution constituent la seule source du pouvoir pendant la transition », la constitution étant élaborée sur base de l'accord global.

* (97) Même si M. KUDURA KASONGO, porte parole du Président de la République, déclarait le 7/05/2004 que le CIAT a pour rôle d'accompagner et non de gérer le pays à la place des congolais, en se substituant aux institutions de la transition. Toutefois, M. KUDURA devait se référer à la mise en place par le CIAT de l'Etat Major de l'armée suite au désaccord des parties à l'accord. Voir le journal Le potentiel n° 3116 du lundi 3 mai 2004.

* (98) Bindschedler, cité par O.CORTEN et P.KLEIN, op.cit, p.86.

* (99) Bin Cheng, cité par O.CORTEN et P.KLEIN, idem.

* (100) La doctrine du domaine réservé par nature est une filiation directe de l'idée inacceptable que l'Etat a « la compétence de la compétence », et réserve aux Etats la responsabilité de la définition de leur domaine réservé. Voir Q.D.Nguyen, op.cit., p.439.

* (101) Voir AIDI, 1984, p.292, reproduit par O.Corten et P.Klein, op.cit, p.86.

* (102) Idem.

* (103) C.P.J.I, Affaire des décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, extrait cité par Q.D. Nguyen et alii, op.cit, p.440.

* (104) Voir § 262 de l'arrêt précité.

* (105) J.Salmon, op.cit, p.1007 II.

* (106) J.Salmon, op.cit, p.979.

* (107) F.EBOUSSI BOULAGA, La démocratie de transit au Cameroun, Paris, Systèmes, 2000. Pour l'auteur il n' y a pas eu de transition démocratique, mais c'est la démocratie qui était de transit au Cameroun.

* (108) voir F.EBOUSSI BOULAGA, op.cit,p.7.

* (109) J.RAWLS, Théorie de la justice, Paris, Seuil, 1987, p.86.

* (110) F.EBOUSSI BOULAGA, op.cit,p.8.

* (111) J.RAWLS, op.cit, p.33.

* (112) F.EBOUSSI BOULAGA, op.cit, p.8.

* (113) M.Kamto, « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun »,in G.Conac,op.cit, p.209.

* (114) M. KAMTO, op.cit, p.214 note 2.

* (115) Idem, p.211.

* (116) Ibidem, p.214.

* (117) Sur la gestion néo-patrimoniale de l'Etat en Afrique, l'on consultera J.-F.MEDARD, « L'Etat patrimonialisé », in Politique africaine n°39, septembre 1990, pp.25-36.

* (118) Sur la politique du ventre, lire J.-F.BAYART, l'Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1989.

* (119) F.CONSTANTIN et B.CONTAMIN, « Perspectives africaines et bouleversements internationaux », in Politique africaine n° 39, septembre 1990, p.64.

* (120) Alors que le mis en cause n'aurait été trouvé qu'en possession d'un document intitulé « coordination nationale pour la démocratie et le multipartisme ». Voir M.D.EBOLO, « L'implication... », op.cit, p.25 note XLVII.

* (121) Parmi ces lois de décembre 1990 doit être mentionné la loi n°90/46 abrogeant l'ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962 portant répression de la subversion.

* (122) Sur cette question, voir M.KAMTO, op.cit, p.210-211.

* (123) Le 6 novembre 1982, lorsque Ahmadou AHIDJO démissionne de ses fonctions de Président de la République, c'est son Premier ministre Paul BIYA qui lui succède conformément aux dispositions de la constitution du 2 juin 1972. Par une révision intervenue en date du 4 février 1984, Paul BIYA fera supprimer la fonction de premier ministre, enlevant ainsi l'échelle qui l'avait amené au pouvoir.

* (124) Avant d'être nommé Premier ministre, M. SADOU HAYATOU exerçait la fonction de secrétaire général à la Présidence.

* (125) S.P. HUNTIGTON, op.cit, p.151.

* (126) Idem, p.152.

* (127) Il s'agit du SDF de John FRU NDI, l'UNDP de MAIGARI BELLO BOUBA, l'UPC de Frédérick KODOCK et l'UDC d'ADAMOU NDAM NJOYA.

* (128) S.P. HUNTIGTON, op.cit, p.152.

* (129) « Le vent d'est n'est pas une panacée...au contraire nos planteurs savent que le vent est destructeur, qu'il vienne de l'Est ou de l'Ouest",lançait M.Jean Jacques EKINDI, alors président de la section RDPC (parti présidentiel) du Wouri, lors d'une marche de soutien au régime et d'opposition au multipartisme organisés par le RDPC le 28 Mars 1991.

* (130) S.P. HUNTINGTON, op.cit, p.152.

* (131) Ce large débat comportait trois phases : la phase d'élaboration était confiée à un « comité » d'experts, assisté d'un secrétariat où se déroule le large débat. Les propositions parviennent au secrétariat du comité technique par voie de presse(journaux, télé), mémorandums, projets de constitution, par téléphone ou fax ; La phase de discussion se déroule dans un comité consultatif constitutionnel ouvert aux partis politiques, aux confessions religieuses, à la société civile. La phase d'adoption dépend du seul chef de l'Etat, qui pourra le faire adopter par vote de l'Assemblée nationale ou par référendum.

Les travaux du comité technique s'ouvrirent le 15 décembre 1994. Ils sont marqués par une grande précipitation que l'importance du sujet n'autorise pas. 42 membres sur 57 sont soit du RDPC, soit ses alliés, soit des « hommes du président ». Le président et le rapporteur du comité nommés appartiennent à ce groupe, comme le fort contingent de vieillards depuis longtemps retirés de la vie publique, aux forces physiques et aux facultés intellectuelles diminuées(Voir F.EBOUSSI BOULAGA,op.cit, p187). Le respect du calendrier deviendra la fin, et le contenu un simple moyen. Il est marqué par l'oubli des personnalités importantes, tel que le président de la commission épiscopale et l ` éminent constitutionnaliste Maurice KAMTO.

Mais fort malheuresement, les travaux sont marqués par une déconnexion des « débats » précédents, énervant de ce fait un processus qui devait être continu et dont on avait indiqué les étapes mutuellement liées les unes aux autres. Aussi, pouvait-on observer la disparition pure et simple de l `Avant-projet de 1993, produit de la phase d'élaboration et la proposition faite aux membres du comité consultatif constitutionnel de la constitution de 1972.

* (132) La constitution du Cameroun, adoptée par référendum le 20 mai 1972, a été modifié par les lois constitutionnelles du 9 mars 1975, du 29 juin 1979, du 21 juillet et 18 novembre 1983, du 4 février 1984 et du 23 avril et 16 décembre 1991.

* (133) voir P. MOUKOKO MBONDJO, op.cit, p.247. La position de force dans laquelle se trouvait le président BIYA était confortée par un début de positionnement claire des officiels français sur l'inopportunité d'organiser une conférence nationale au Cameroun. C'est dans ce cadre que s'inscrivaient les déclarations du sénateur Charles PASQUA et de l'ancien président et eurodéputé Giscard d'ESTAING, en visite au Cameroun respectivement le 9 novembre 1991 et le 28 janvier 1992, favorables à la solution électorale et opposés à l'organisation d'une conférence nationale souveraine.

* (134) Le discours du président Paul BIYA lors du dépôt du projet devant l'Assemblée nationale le 27 novembre 1995 et l'intitulé de la loi constitutionnelle consacrent le terme révision, de même que le communiqué du directeur du cabinet civil de la Présidence de la République du 19 janvier 1996.

* (135) Voir E. MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, Institutions politiques et droit constitutionnel, Kinshasa, E.U.A., 2001, p. 98.

* (136) E.MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, op.cit, p. 99-100.

* (137) Idem, p.101. C'est nous qui soulignons.

* (138) Voir L.Sindjoun, « Identité nationale et « révision constitutionnelle » du 18 janvier 1996 : Comment constitutionnalise-t-on le « nous » au Cameroun dans l'Etat post-unitaire ? », in Polis/RCSP, volume 1 numéro spécial février 1996, p.2.

* (139) Dans le même sens, Pierre PACTET, citant LIET-VAUX, note que si la révision porte sur un très grand nombre de dispositions, et à fortiori si elle est totale, on peut en venir à l'élaboration d'une nouvelle constitution, ce qui équivaut à une fraude à la constitution. Voir P. PACTET, Institutions politiques et Droit constitutionnel, 12ème édition, Paris, Masson,1993 p.76.

* (140) F. EBOUSSI BOULAGA, op.cit, p. 194.

* (141) Idem, p. 193.

* (142) Ibidem, p.197.

* (143) Voir P.PACTET, op.cit, p. 154.

* (144) Sur ce, nous signalons que ce constat que nous faisons notre est aussi celui fait par F. EBOUSSI BOULAGA, op.cit, p.181 sur la primature instaurée par la révision constitutionnelle du 23 avril 1991.

* (145) C'est nous qui soulignons.

* (146) E. MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, op.cit, p. 292.

* (147) Idem.

* (148) Ibidem.

* (149) Ibidem, p.293.

* (150) G. BASUE BABU-KAZADI, structures...,op.cit., p.40.

* (151) F. EBOUSSI BOULAGA, op.cit, p.172. Jean FOCHIVE , faucon du régime au plus fort de la contestation politique, a été relevé de ses fonctions le premier mars 1996 sur la pression de la France.

* (152) H.N'GBANDA ZAMBO-KO-ATUMBA, Afrique : Démocratie piégée, (Sl),Equilibres Aujourd'hui, 1994, p.27.

* (153) Il s'agit par exemple de la présomption d'innocence, du respect de l'intégrité physique et morale de tout individu, de l'interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant ainsi que le principe du droit à un environnement sain. On consultera avec beaucoup d'intérêts

R. MEVOUNGOU NSANA, « Constitution du 18 janvier 1996 et le droit pénal au Cameroun », in RCADH, tome 7, 1998, numéro 2, p.151-176. Voir notamment L.DONFACK SOKENG," Existe-t-il une identité démocratique camerounaise? La spécificité camerounaise à l'épreuve de l'universalité des droits fondamentaux",in Polis/RCSP, Volume 1 Numéro spécial février 1996, pp.8-9.

* (154) Cet arsenal de textes constitue pour le Cameroun ce que nous avions appelé l'engagement international. Voir supra, pp.41 à 47.

* (155) Il serait toutefois outré d'alléguer qu'aucune norme infra-constitutionnelle de tout l'ordre juridique n'en ait fait état auparavant. Voir J.-C ABA'A OYONO, «  les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », in Afrilex n° 01 novembre 2000, pp.7-8.

* (156) E. MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, op.cit,p.10.

* (157) Idem.

* (158) J. -C.ABA'A OYONO, op.cit, p.9.

* (159) G.BASUE BABU-KAZADI, Vie internationale, cours polycopié, deuxième graduat, Faculté de Droit, UNIKIN, 2002-2003, p.82.

* (160) E.MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, op.cit, p.167.

* (161) Art. 2 de la constitution : " Les autorités chargées de diriger l'Etat tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d'élection au suffrage universel direct ou indirect, sauf dispositions contraires de la présente constitution ".

* (162) Voir art. 20 al. 2.

* (163) KEUTCHA TCHAPNGA, " Les mutations récentes du droit administratif camerounais", in Afilex n° 01,novembre 2000, p.6.

* (164) Baffoussam, Bamenda, Ebolowa, Edéa, Garoua, Kumba, Limbe, Maroua et Nkogsamba. A ces villes, il faut ajouter les communautés urbaines de Yaoundé et de Douala, divisées en communes urbaines d'arrondissement , au nombre, respectivement, de 5 et 6.

* (165) S. P. HUNTIGTON, op.cit, p.5.

* (166) F. EBOUSSI BOULAGA, op.cit, p.235.

* (167) Notons que c'est la première fois que l'indépendance du pouvoir judiciaire soit ainsi libellé dans la loi fondamentale camerounaise. En effet, avant cette disposition, toutes les constitutions du Cameroun n'ont jamais fait grand cas de la justice, en se prononçant pour une "autorité de l'Etat exercée par le Président de la République et le Parlement ". La constitution du 18 janvier 1996, même si elle reprend cette disposition en son article 4, rompt avec la continuité en proclamant en son art. 37 al. 2 l'indépendance du pouvoir judiciaire.

* (168) Cette indépendance varie cependant selon que l'on relève de la magistrature assise ou debout. Dans le premier cas, le magistrat ne relève dans sa fonction juridictionnelle que de la loi et de sa conscience (art. 37 in fine). Dans le second, elle est relative puisque les Procureurs de la République et les Procureurs généraux peuvent recevoir, en raison du fait hiérarchique qui s'applique à leur cadre, des instructions des collègues plus gradés, du ministre de la justice et du Président de la République.

* (169) J.-C.ABA'A OYONO, op.cit, pp.14-15.

* (170) G. BASUE BABU-KAZADI, L'action... op.cit, p. 248

* (171) Nous n'avons point la prétention de réduire l'action internationale en faveur de la démocratie au Cameroun à ces deux puissances. La définition de la communauté internationale proposée au début de notre travail nous interdit d'adopter cette démarche(voir supra, pp.2-3). Cependant, sur base des considérations exposées plus haut (voir supra, pp.14-16), l'action des deux puissances précitées résume et illustre le mieux l'implication de la communauté internationale dans le processus démocratique camerounais.

* (172) L'aide est une forme récente de « coopération Nord/Sud »,car au cours de la période coloniale, les métropoles entretenaient avec leurs colonies des relations commerciales privilégiées qui s'inscrivaient dans une toute autre rationalité que l'A.P.D. A l'époque, il s'agissait moins de contribuer au « développement » des colonies que d'assurer la « mise en valeur » du patrimoine métropolitain par une politique d'investissements publics et l'établissement d'un marché protectionniste. Voir J.LAROCHE, Politique internationale, 2ème édition, Paris, L.G.D.J., 2000,p.385.

* (173) H.KISSINGER, La nouvelle puissance américaine, Paris, Fayard, 2003, p.13.

* (174) Allocution de Warren CHRISTOPHER le 21 mai 1993 à la session de clôture de l'Assemblée annuelle de l'African American Institute, extrait cité par M.D.EBOLO, op.cit,p.26.

* (175) Sur l'évolution de la politique étrangère américaine en matière de promotion et de protection des droits de l'homme voir S.P.HUNTIGTON, op.cit, pp. 90-93.

* (176) Extrait reproduit par M.D.EBOLO, op.cit, p.27.

* (177) Sur la question, lire J.F.OBIANG, « Aide française et processus de démocratisation. Le cas du Bénin et du Gabon(1990-1994) », D.E.A. en Etudes africaines, Département de Sciences politiques, Université de Paris 1 /Panthéon - Sorbonne, 1995-1996.

* (178) Le cas d'ELF AQUITAINE rentre dans la même visée politique. Celle-ci a abouti au renversement par les armes du président congolais élu démocratiquement par le peuple, Pascal LISSOUBA, au profit de Denis SASSOU NGUESSO, qu'il avait battu aux urnes. Et ce, avec la bénédiction de la France.

* (179) M.D. EBOLO, op.cit, p.28.

* (180) Idem, p.28 et 29.

* (181) Pour plus de détails, voir M.D.Ebolo, « Nationalisme gouvernemental et pressions extérieures dans le contexte de démocratisation : le cas camerounais », in Polis/RCSP, Volume 1 numéro spécial février 1996, pp. 5-7.

* (182) Voir M.D.Ebolo, « L'implication des puissances.... », op.cit, pp.37-38. Voir aussi le même auteur dans « Nationalisme gouvernemental », op.cit, pp.10-12.

* (183) Non loin de nous, c'est-à-dire en 2004, l'interview de Monseigneur Christian TUMI diffusé sur les antennes de RFI le 20 octobre, qualifiant le scrutin du 11 octobre 2004 de mascarade, avait provoqué l'ire du Ministre de la communication, M.Pierre MOUKOKO MBONDJO qui, par un communiqué virulent diffusé le même jour, qualifiât ladite interview de « violation flagrante des lois universelles de la déontologie journalistique » et accusait RFI « de traiter les événements majeurs du Cameroun avec un parti pris inadmissible ».Continuant toujours sur le même ton, le ministre de la communication s `étonnait du fait que RFI, pourtant placée sous la tutelle du Ministère français des affaires étrangères, n `avait même pas tenu compte du message de félicitation envoyé à Paul BIYA par son homologue français, Jacques CHIRAC, à l'issu dudit scrutin.

* (184) Voir Z..NGNIMAN, op.cit, p.214 et svt.

* (185)J.F.BAYART, « Réflexions sur la politique africaine de la France », in Politique africaine n° 58, Juin 1995, p.44.

* (186) On ne peut donc s'étonner dans ces conditions que l'ambassadeur américain Mme Frances COOK ait mené à visage découvert la campagne présidentielle de John FRU NDI

( l'opposant principal à Paul BIYA) lors des élections présidentielles de 1992.

* (187) M.D.EBOLO, «L'implication des...», op.cit, p.32.

* (188) Voir Courrier international n° 701 du 8 au 14 Avril 2004, p.39.

* (189) En 2001, la France était le 1ier fournisseur du Cameroun avec une part de 27%, suivi de l'Allemagne et du Nigeria avec 9% chacun et de la Belgique avec 5%. Voir J.-D.GESLIN, « Cameroun. Pourquoi ça redémarre », in Economia n° 8, juin 2001,p.32.

* (190) Signalons que le Cameroun a effectivement adhéré au Commonwealth le 16 octobre 1995.

* (191) H.KISSINGER, op.cit, p.14.

* (192) Même si Laurent GBAGBO, le Chef de l'Etat ivoirien, en visite aux Etats-Unis le 07 juin 2004, affirmait le contraire sur les ondes de RFI, alors que sa propre visite était passée inaperçue et que les problèmes internes de son pays n'ont pas été une préoccupation des candidats à la présidence, ni encore moins du président nouvellement réélu.

* (193) H.KISSINGER, op.cit, p.14-15 et 223.

* (194) E. BUSTIN, « Etats-Unis - Afrique. La politique africaine des Etats-Unis », in Universalia 2001, p.173 I.

* (195) Idem, 173 II.

* (196) OEuvre de la société américaine EXXON à la tête du consortium EXXON 34,6%, SHELL 34,6 %, ELF 17,3% avec une faible participation du Cameroun 8,5% et du Tchad 5%.

* (197) G. Basue Babu-Kazadi, Structures et institutions socio-politiques de l'Afrique traditionnelle, cours polycopié, 2ème graduat, Faculté de droit, UNIKIN, 2001-2002. L'auteur continue en disant qu'il convient «... pour la RDC que les enjeux politiques du moment militent en faveur du changement et permettent par le recours à l'institution du dialogue la naissance de la 3éme République qui, ce notre souhait (le notre aussi), sera réellement démocratique ».

* (198) H.KISSINGER, op.cit, p.225.

* (199) Voir H.N'GBANDA, op.cit, p.140.

* (200) « Le Cameroun c'est le Cameroun », lançait Paul BIYA le 27 juin 1991 à l'Assemblée nationale pour faire comprendre à ses opposants que les contingences inhérentes aux réalités camerounaises n'imposent pas forcément un mimétisme à tout vent. Mais paradoxalement à la revendication de la démocratie de son pays, en visite à Paris le 3 avril 1991, répondant à la question de la presse de savoir si en considération des préceptes de la Baule il était bon ou mauvais élève, Paul BIYA déclarait : « Eh bien, je ne crois pas déformer la pensée du président MITTERAND en disant qu'il estime que je suis parmi les meilleurs élèves » !

* (201) Voir préambule de la constitution : « L'Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ». Voir notamment l'art. 57 al .2 in fine et al.3 : Le conseil régional doit refléter les différentes composantes sociologiques de la région d'une part, et « être présidé par une personnalité autochtone de la Région élue en son sein pour la durée du mandat du conseil » d'autre part.

* (202) Le même problème transposé en RDC, il est légitime de s `interroger si quelle ethnie, dans un pays qui en compte plus de trois centaines, peut être considéré comme minoritaire : les « Banyamulenges » au Nord-Kivu, les Bateke et Bahumbu à Kinshasa, les Bashilele au Kasai-occidental, etc. ? En réalité et de prime abord, seuls les pygmées semblent présenter les caractéristiques qui permettent l'identification aisée d'une minorité nationale, vu leurs difficultés à s'intégrer dans la société moderne (l'affirmation vaut aussi pour le Cameroun). Aussi, déplorons- nous les tentatives menées de l'extérieur en vue de fragiliser l'unité nationale en RDC et de provoquer la désintégration du pays, en se targuant de certaines violations des droits humains à l'encontre d'un groupe ethnique privilégié que dans certaines capitales occidentales on qualifie avec une dose d'ignorance mêlée de mauvaise foi de « minorité ». Paraphrasons ainsi le professeur Sayeman BULA- BULA qui s'étonne du fait que le Conseil de sécurité des N.U. se soit transformé en «  Conseil des droits de l'homme, suivant la tête du plaideur, dissolvant ainsi l'humanité au Congo dans ses groupes ethniques, choisis sélectivement » sans avoir assumé sa responsabilité d'enrayer l'agression dont a été victime la RDC. Voir S.BULA-BULA, L'ambiguïté de l'humanité en droit international, Kinshasa, PUK, 1999, p.12

* (203) G.BASUE BABU-KAZADI, Structures...op.cit, p.43.

* (204) Jacques BARZUN, cité par L.DONFACK SOKENG, op.cit, p.26.

* (205) H.VEDRINE, « Quelles perspectives pour la démocratie en Afrique ? », allocution à la conférence mondiale des fondations démocratiques, Paris, le 21 mars 2003.

* (206) S.BULA-BULA, L'ambiguïté...op.cit, p.9.

* (207) Pauvre peuple, accusé chaque fois d'être manipulé quand il descend à la rue pour manifester et revendiquer ce qui lui revient de droit.






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