Epigraphe
Il est à proscrire de l'humanité, à mon
humble avis, une souveraineté qui servirait à martyriser son
naturel et rationnel détenteur légitime : le peuple. La
souveraineté doit être respectable en élevant sur un
piédestal la dignité humaine dans un Etat démocratique de
droit. L'attachement au pluralisme démocratique, le respect de l'Etat de
droit et la déférence profonde aux droits de l'homme constituent
des valeurs démocratiques qui devront faire partie du patrimoine commun
de l'humanité.
Greg BASUE BABU-KAZADI
DEDICACE
A JEHOVAH notre DIEU, Sans l'aide et l'amour de qui nous ne
serions jamais arrivé au point où nous en sommes.
A ses deux représentants pour nous, Honoré
KATAMBA LUFULUABO et Anastasie NGALULA KANIKI.
REMERCIEMENTS
Le présent travail est l'aboutissement de trois
années d'études à la Faculté de Droit de
l'Université de Kinshasa. Les années qui ont mené à
ce résultat furent très agréables, malgré quelques
difficultés inhérentes à la nature humaine et à la
crise multisectorielle que traverse notre patrie.
Au moment de clore ce travail, je tiens à
remercier toutes les personnes qui ont d'une façon ou d'une autre
contribué à son élaboration.
A tout seigneur tout honneur, je pense
spécialement au professeur Greg BASUE BABU-KAZADI, pour avoir
accepté d'assumer avec une bienveillante rigueur le rôle de
directeur scientifique de la présente dissertation et ce, malgré
ses diverses occupations.
J'exprime aussi ma gratitude à l'assistant Samba
MUKIRAMFI pour avoir lu ce travail en tant que rapporteur. La pertinence de ses
observations nous a amené à un bon port.
Une reconnaissance particulière est due au
professeur MAVUNGU, pour nous avoir prêté la nouvelle puissance
américaine d'Henry KISSINGER, livre qui nous a été
d `une grande utilité dans la rédaction d'une bonne partie
de ce travail.
Je souhaite que mes parents, Honoré KATAMBA
LUFULUABO et Anastasie NGALULA KANIKI trouvent dans ce travail l'expression de
mon amour et de ma reconnaissance envers eux, pour tant de sacrifices consentis
pour moi.
S'agissant de mes frères et soeurs, Laurette
BABI, Cano TSHILEO, Didier KATAMBA, Aline NSEYA, Clément KANIKI, Yvette
NGUELA, Alexandre MUKENDI, Benjamin KALALA et Nancy NTUMBA, je souhaite qu'ils
lisent à travers ces lignes l'expression de mon attachement fraternel et
de ma reconnaissance envers eux.
Titi TSHIYAMBA, Lyly TSHIJUKA, Mireille MUSHIYA, Nancy
MPUNGA, Eddy ILUNGA et maman Eugénie LUMU méritent une
chaleureuse mention pour cette hospitalité légendaire qu'ils
m'ont toujours témoigné.
Mes remerciements vont également à mes
charmantes nièces, Rachel NTUMBA et Déborah MBIYA, à leur
maman Mimi KAMUANYA ainsi qu'à ma chère cousine Gina ODIA.
Reste l'agréable devoir d'exprimer ma gratitude
à Yvette NGUELA et Serge NYEMBWE, qui n'ont ménagé aucun
effort pour faire de leur expérience une lanterne accrochée
à leur dos, éclairant ainsi le chemin par lequel je suis entrain
de passer.
Ma gratitude va également à mes tantes
Angèle MITONGO, BEYA, Marthe NANGA, Marie MPUNGA, Véronique
NTANGA, Evelyne MACRY,à maman Véronique TSHIBAKAYI ainsi
qu'à mon oncle Missak KASONGO.
Je ne puis terminer ce propos sans remercier mes amis
et compagnons, Jerry KUEYIDIAKA, Gauthier KALALA, Joël MOKANDA, Crispin
KAYEMBE, Patrick KABEYA et Christian TSHIAMALA.
C'est finalement à ma chère cousine,
Lyly BALOJI TSHIJUKA, que vont mes pensées les plus émues. Par
son amitié et sa compagnie, elle m'a apporté un soutien
qu `elle ne soupçonne sans doute.
ILUNGA KATAMBA Jean
Marcel
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES
A.A.D.I : Annuaire africain de droit international
A.I.D.I : Annuaire de l'Institut de Droit
International
Al. : Alinéa
A.P.D. : Aide publique au développement
Art. : Article
B.B.C. : British broadcasting system
B.I.R.D. : Banque internationale pour la reconstruction et
le développement
C.E.D.E.A.O. : Communauté économique des
Etats de l'Afrique de l'ouest
C.E.E. : Communauté économique
européen
C.E.I. : Commission électorale
indépendante
C.E.M.A.C. : Communauté économique et
monétaire de l'Afrique centrale
C.S.C.E. : Conférence sur la
sécurité et la coopération en Europe
C.I.AT. : Comité international d'accompagnement
de la transition
C.D.I. : Commission du droit international
C.I.J. : Cour internationale de justice
C.P.J.I. : Cour permanente de justice
internationale
D.U.D.H. : Déclaration universelle des droits de
l'homme
F.A.S.R. : Facilité d'ajustement structurel
renforcée
F.M.I. : Fonds monétaire international
I.D.I. : Institut de droit international
M.O.N.U.C. : Mission d'observation des Nations Unies au
Congo
N.D.I. : National Democratic Institute for
International Affairs
N.U. : Nations Unies
O.E.A. : Organisation des Etats américains
O.N.U. : Organisation des Nations Unies
Par. : Paragraphe
R.A.D.I.C. : Revue africaine de droit international et
comparé
R.C.A.D.H. : Revue de la commission africaine des droits
de l'homme
R.C.S.P. : Revue camerounaise de science politique
R.C.D. : Rassemblement congolais pour la
démocratie
R.D.C. : République démocratique du Congo
R.D.P.C. : Rassemblement démocratique du peuple
camerounais
R.F.I. : Radio France internationale
U.A. : Union africaine
U.D.C. : Union démocratique du Cameroun
U.E. : Union européenne
U.N.D.P. : Union nationale pour la démocratie et
le progrès
UNIKIN : Université de Kinshasa
U.P.C. : Union des populations du Cameroun
U.R.S.S. : Union des Républiques socialistes
soviétiques
U.S.A.I.D. : Agence américaine pour le
développement international
S.D.F. : Social Democratic Front
S.d.N. : Société des Nations
V.O.A. : Voice of america
INTRODUCTION
1. HISTORIQUE
L'environnement international offre depuis la dernière
décennie du siècle passé, un cadre propice pour la
démocratisation des régimes autoritaires, désormais aux
abois((*)1). En effet,
déterminé à faire disparaître de la surface du globe
le communisme et profitant de l'effondrement du bloc socialiste, de la chute du
mur de Berlin et de l'implosion de l'U.R.S.S., les pays et organisations
occidentaux interviennent sur la scène politique africaine en
établissant un lien conditionnel entre l'instauration d'une
démocratie libérale et la coopération au
développement.
Toutefois, l'introduction de la démocratie dans la
genèse, l'organisation et le fonctionnement des Etats africains est
essentiellement l'oeuvre des peuples, la démocratie étant
définie comme le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le
peuple((*)2). Ce qui
implique une action interne à l'intérieur des frontières
étatiques, mais aussi une action internationale en faveur de la
démocratie grâce à la solidarité entre les peuples.
C'est sur base de cette « solidarité » entre le
peuple français et les Africains que le président français
François MITTERRAND portait à la connaissance des dirigeants
africains, dans un discours prononcé au sommet franco-africain de la
Baule, en juin 1990, que l'aide économique française et la
coopération au développement étaient désormais
conditionnées par la démocratisation((*)3). Ce discours pose en termes
clairs la problématique « Démocratie africaine et
influences extérieures »((*)4).
Face aux multiples pressions et revendications internes et au
remodelage des relations économiques internationales, le gouvernement
camerounais procédera en 1990 à la libéralisation de la
vie politique et à l'aménagement du cadre juridique devant
accueillir la démocratisation. Le décret du 21 juillet 1990,
créant une commission composée de 11 membres, dont la mission
était de présenter au Président Paul BIYA un rapport
assorti des propositions concrètes de réforme, s'inscrit dans
cette dynamique. Ce rapport sera largement exploité par le gouvernement
et permettra la réforme de la législation sur les libertés
publiques et l'instauration du multipartisme intégral.
C'est dans ce contexte que différents acteurs
extérieurs interviendront sur la scène politique camerounaise
sous prétexte d'appuyer le processus démocratique.
2. DEFINITION
L'objet de notre étude est d'analyser
par une approche juridique et sociologique, l'implication de la
communauté internationale dans les processus de démocratisation
en Afrique. Il importe donc d'expliciter les sens dans lesquels seront
employés les concepts de « communauté
internationale » et de « processus de
démocratisation » dans cette dissertation.
La doctrine n'est pas unanime sur l'existence de la
communauté internationale comme sujet du droit international. Toutefois,
la tendance est de reconnaître aujourd'hui à la communauté
internationale une certaine personnalité juridique((*)5). La question qui mérite
d'être soulevée à ce niveau est celle de savoir
l'étendue de cette dernière. Faut-il la limiter aux seuls Etats
ou l'étendre à d'autres sujets du droit international ?
La réponse à cette question se trouve dans la
définition de la communauté internationale. Celle-ci
peut-être définie comme « un ensemble très
universel incluant en son sein les Etats, les organisations internationales
à vocation universelle, les particuliers et l'opinion publique
internationale »((*)6).
NGUYEN Quoc Dinh précise quant à lui que l'on ne
peut faire partie de la communauté internationale que si l'on est sujet
du droit international, c'est-à-dire destinataire des normes
internationales et inversement((*)7). C'est donc dans le sens d'une communauté
formée des Etats, des organisations internationales, des particuliers et
de l'opinion publique internationale que le terme de communauté
internationale sera employé tout au long de notre travail ((*)8).
Le second concept à élucider est celui de
« processus de démocratisation ». Pour mieux le
saisir, nous nous sommes référé à la
définition proposée par Samuel HUNTIGTON. Ce dernier le
définit comme une opération par laquelle « un
gouvernement choisi selon les critères autres que démocratiques
se trouve remplacé par un gouvernement adopté au cours
d'élections libres, ouvertes et honnêtes »((*)9). Ce processus peut être
long et complexe, mais doit aboutir à un régime
démocratique, c'est-à-dire un régime où
« les plus hauts dirigeants sont choisis dans le cadre
d'élections honnêtes, ouvertes à tous et revenant à
date fixe, au cours desquelles les candidats s'affrontent librement pour
obtenir le suffrage populaire, et où la quasi-totalité de la
population adulte détient le droit de vote »((*)10).
Le moment fort du processus de démocratisation est donc
le remplacement d'un gouvernement choisi par des moyens autres que
démocratiques par un gouvernement issu des élections libres,
ouvertes et honnêtes. Le processus de démocratisation sera donc
appréhendé sous cet angle.
En bref, notre travail portera sur l'implication de ce que
nous avons convenu d'appeler « communauté
internationale » dans le processus que nous venons de définir
comme « processus de démocratisation ».
3. INTERET DU SUJET
Le sujet sous examen présente un double
intérêt, théorique et pratique.
· Sur le plan théorique, la coexistence des Etats
sur la scène internationale sous-entend un réseau complexe de
pressions exercées réciproquement et ce, dans les domaines les
plus divers. Et face à l'ingérence des acteurs extérieurs,
les Etats qualifient n'importe quel acte accompli dans n'importe quel domaine
d'intervention illicite et pour protester se réfèrent au principe
de « non-intervention dans les affaires
intérieures d'un autre
Etat »((*)11). Rechercher et identifier les
actions permises par le droit international en matière d'intervention
pour instaurer un régime démocratique dans un Etat tiers
présente donc un intérêt théorique majeur vu
l'importance quantitative des actions menées en Afrique par la
communauté internationale.
· Sur le plan pratique, la connaissance du fondement
juridique et des motivations politiques des actions de la communauté
internationale dans le processus camerounais nous permettra de comprendre le
but recherché par les intervenants, les causes voilées et le
résultat escompté. A partir des données collectées,
nous serons à même de lire entre les lignes le véritable
sens de la dynamique internationale actuelle dans le processus de
démocratie en cours en République démocratique du
Congo.
4. DELIMITATION DU SUJET
Etudier l'action des acteurs extérieurs dans le
processus démocratique africain paraît être un travail
titanesque face à l'immensité de l'Afrique et à la
variété des situations à analyser. D'où la
nécessité d'une délimitation. Par souci de
commodité et de concision, cette étude ne se limitera qu'au
Cameroun. Cependant, chaque fois qu'il y aura nécessité, nous ne
pourrons nous empêcher de citer à titre comparatif d'autres pays
africains et surtout de tirer des leçons à appliquer à la
transition en République Démocratique du Congo.
Cette étude ne se bornera qu'à développer
le processus intervenu de 1989 à nos jours, car c'est à cette
année qu'a débuté en Afrique le processus de
démocratisation qui est encore un problème d'actualité
jusqu'à ce jour.
Enfin, ne feront l'objet de notre travail que les
interventions menées dans le seul cadre des opérations non
armées, par le biais d'aides économiques, de coopération
au développement, etc.
5. METHODOLOGIE DE
RECHERCHE
La méthode peut être entendue comme étant
la marche rationnelle de l'esprit pour arriver à la connaissance ou
à la démonstration d'une vérité((*)12).
Pour parvenir à appréhender et à
démontrer les divers aspects de notre étude, le recours à
une certaine méthodologie s'avère indispensable. Ainsi, dans le
cadre de ce travail, nous allons recourir à une double approche
essentiellement juridique et subsidiairement socio-politique.
La méthode juridique consistera principalement en une
interrogation des dispositions de la charte des Nations-Unies et des
différents traités et conventions internationaux sur la
licéité de l'action internationale en faveur de la
démocratie en Afrique en général et au Cameroun en
particulier. Mais elle consistera aussi en une exégèse des
dispositions constitutionnelles internes du Cameroun en vue d'analyser le
résultat de l'objectif assigné à l'action de la
communauté internationale.
La méthode socio-politique, quant à elle,
consistera en une analyse des forces sociales, politiques, économiques
et culturelles afin de dégager la pratique faite par les Etats des
principes du droit international, mais aussi la pratique faite par les acteurs
socio-politiques camerounais de leurs normes constitutionnelles.
6. PROBLEMATIQUE
La disqualification de l'idéologie communiste suite
à l'implosion de l'U.R.S.S. et l'effondrement du bloc socialiste a
conduit les pays et les organisations occidentaux à exiger de leurs
partenaires, entre autres africains, de s'aligner sur l'idéal
démocratique considéré comme une sorte de modèle
institutionnel d'organisation politique. Cependant, les rapports entre acteurs
de la vie internationale tels que régis par le droit international
requièrent un certain nombre de comportements. En grande place, figure
le principe de l'égalité souveraine des Etats qui interdit aux
autres Etats d'intervenir dans les affaires intérieures d'un autre
Etat((*)13).
Quelles sont donc les bases juridiques qui autoriseraient ou
justifieraient l'action des intervenants sur la scène politique
africaine et quelles sont les motivations politiques de ces intervenants ?
En d'autres termes, il sera question de s'interroger premièrement sur la
licéité des interventions au regard des règles organisant
la société internationale et, deuxièmement, sur les
motivations politiques qui sous-tendent la politique étrangère
des intervenants.
Il serait loisible de signaler que les résultats de ces
interrogations devront être restitués sur la scène
politique camerounaise.
A ce niveau, nous aurons l'occasion de dresser un tableau
panoramique de l'état de la démocratie au Cameroun, à
travers sa structure constitutionnelle et institutionnelle. Nous finirons cette
étude par l'analyse de l'objectif assigné à l'intervention
par la communauté internationale : Démocratiser le
Cameroun.
Notons toutefois à ce stade que la
licéité d'une intervention découle soit de l'usage des
mesures non contraignantes, soit de l'usage des mesures contraignantes
exercées en dehors du domaine réservé de l'Etat objet de
l'intervention. De plus, comme il est de notoriété publique,
entre Etats, il n'y a point de vertu, il n'y a que des intérêts.
Les diverses interventions que nous analyserons ne se justifient que par la
recherche d'un intérêt national de la part des intervenants.
Enfin, malgré quelques avancées significatives,
ces interventions ne visent parfois qu'à installer une démocratie
de façade.
7. ANNONCE DU PLAN
Notre travail est divisé en deux parties : la
première porte sur l'intervention en faveur de la démocratie au
regard des règles organisant la société internationale,
tandis que la deuxième porte sur l'action internationale en faveur de la
démocratie au Cameroun.
I ère PARTIE
L'INTERVENTION EN FAVEUR DE
LA DEMOCRATIE AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL
La disparition de l'ordre communiste - aussi bien dans son
bastion naturel que dans le reste du monde - libera les pays occidentaux du
bloc de l'Ouest de la confrontation idéologique démocratie
libérale/démocratie sociale. C'est dans ce contexte que les pays
du bloc de l'Ouest, vainqueur de la guerre froide, s'activeront à
imposer la démocratie comme modèle de régime politique par
excellence. C'est l'idée d'expansion d'un modèle
« homogénéisateur » incarné au plan
politique par la démocratie représentative et les droits de
l'homme et au plan économique par l'économie de marché. Ce
mouvement d'uniformisation des valeurs culturelles occidentales justifierait
l'intervention de ses principales composantes - étatiques ou non - dans
les processus de démocratisation en Afrique.
Pourtant, les règles régissant les rapports
interétatiques n'ont pas été pour autant modifiées,
nonobstant l'apparition de la donne démocratique dans les relations
internationales. Ainsi, l'égalité souveraine des Etats,
un principe cardinal du droit international, interdisait et interdit toujours
l'intervention dans les affaires intérieures et internationales d'un
autre Etat.
Somme toute, quelle lecture devra être faite des
principes du droit international à la dynamique actuelle de l'apparition
de la démocratie dans les relations internationales ? Pour parvenir
à répondre à cette interrogation, il nous a paru
fondamental de rechercher les justifications de l'intervention en faveur de la
démocratie (Premier chapitre) avant d'en décrire les
modalités (Deuxième chapitre).
CHAPITRE I
A LA RECHERCHE DES
JUSTIFICATIONS DE L'INTERVENTION
Rechercher les justifications de l'implication de la
communauté internationale dans les processus démocratiques en
Afrique reviendrait à définir les bases sur lesquelles se
reposent ses différentes actions. Sur ce, le professeur Greg BASUE
BABU-KAZADI note clairement que « les fondements de l'action
internationale sont juridiques et se caractérisent par les motivations
politiques qui déterminent et orientent la politique
étrangère des intervenants »((*)14).
A la recherche des justifications de l'intervention, nous
déterminerons dans une première section les motivations et les
fondements de l'action internationale en faveur de la démocratie. A ce
stade, les fondements seront appréhendés à travers les
principes ayant une certaine incidence sur l'action des intervenants. Afin de
pouvoir rendre compte de l'état actuel du droit international en
matière d'interventions, nous clôturerons, dans une seconde
section, l'analyse des fondements juridiques par l'étude du principe de
non-intervention.
SECTION 1. MOTIVATIONS ET
FONDEMENTS DE L'INTERVENTION
Il sera question d'identifier les motifs qui guident la
politique étrangère des intervenants et les principes du droit
international qui limitent ou permettent leurs actions.
§1. MOTIVATIONS
POLITIQUES
La politique étrangère des intervenants en
Afrique est motivée par le double désir d'imposer la
démocratie comme modèle de régime politique par excellence
et de promouvoir leur intérêt national.
A. La diffusion d'un
modèle homogène de régime politique : la
démocratie libérale
La démocratie libérale correspond au
régime que nous avions tenté de définir dans les pages
précédentes((*)15). Elle consiste dans le fait que les gouvernants
sont désignés au cours des élections libres et
sincères. Elle implique l'existence des libertés publiques, le
respect le plus complet des personnalités d'opposition, etc. A
l'opposé, la démocratie sociale vise à réaliser
l'égalité plutôt qu'à faire régner la
liberté, en mettant fin à l'asservissement économique de
certains individus à d'autres((*)16).
La fin de la confrontation
idéologique Est-Ouest sonna le glas de la démocratie sociale pour
laisser champ libre à la démocratie libérale. Et depuis,
l'idée d'une généralisation du modèle
libéral de la démocratie s'est imposée. La multiplication
des accords régionaux établissant un lien conditionnel entre
l'instauration d'une démocratie libérale et l'adhésion
à l'organisation s'inscrit dans cette dynamique.
Ainsi, l'adhésion au
conseil de l'Europe ou à la C.E.E. était subordonnée
à l'établissement d'un régime politique
démocratique et libéral. C'est pourquoi, vers le milieu des
années 1970, lorsque les nouveaux gouvernements démocratiques
demandèrent leur admission au sein de la communauté, les membres
ne pouvaient la leur refuser((*)17).
En Amérique, l'art. 5 de la charte de l'O.E.A. dispose
que « la solidarité des Etats américains et les buts
élevés qu'ils poursuivent, exigent de ces Etats une obligation
politique basée sur le fonctionnement effectif de la démocratie
représentative ». Un contenu plus concret est donné
à ce principe général par une décision des
ministres des affaires étrangères :
« ...élections libres et périodiques auxquelles
participe, au scrutin secret, la population adulte du pays »((*)18). De la même
manière, les ministres des pays membres de la C.S.C.E. ont
élaboré en novembre 1990 la « charte de Paris pour une
nouvelle Europe » qui proclame entre autres « la
démocratie comme seul système de gouvernement ». Cette
notion est explicitée comme suit : « le gouvernement
démocratique repose sur la volonté du peuple, exprimée
à intervalles réguliers par des élections libres et
loyales... ».
En Afrique enfin, l'Union Africaine a aussi inclus dans son
texte constitutif la donne démocratique. Sur le plan des normes
novatrices qui caractérisent l'Acte de Lomé, on peut citer la
mise hors-la-loi des changements anticonstitutionnels trop fréquents en
Afrique depuis la décolonisation. « La prescription a
l'avantage d'être assortie d'une sanction minimale »((*)19), contenue dans l'art. 30
qui stipule : « Les gouvernements qui accèdent au pouvoir
par des moyens anticonstitutionnels ne sont pas admis à participer aux
activités de l'union »((*)20).
Sur le plan des principes devant régir les
activités de l'organisation, l'U.A. proclame fonctionner sur le principe
du respect de la démocratie, des droits de l'homme, de l'Etat de droit
et de la bonne gouvernance (voir article 4 litera m).
Eu égard à tout ce qui précède,
il serait loisible de se demander si la multiplication d'instruments
régionaux de ce genre ne témoigne pas de l'établissement
progressif d'une « pratique générale acceptée
comme étant le droit » (au sens de l'art. 38 du statut de la
C.I.J)((*)21).
L'idée d'une généralisation du modèle
libéral de la démocratie se trouve affirmée par les
événements qui se sont déroulés depuis 1989 un peu
partout dans le monde.
Les Nations-Unies elles-mêmes ont emboîté
le pas en consacrant, sur le plan universel, un droit à des
élections libres, impliquant une forme de gouvernement fondée sur
le consentement du peuple. C'est ce qui se dégage et de la lettre et de
l'esprit de la résolution 45/150 de l'Assemblée
Générale du 18 décembre 1990 intitulée :
« Le renfoncement du principe des élections libres et
honnêtes». Le texte de la résolution précise à
cet égard les formules relativement larges de la Déclaration
universelle des droits de l'homme.
Ce mouvement d'uniformisation des valeurs culturelles
occidentales justifierait l'intervention de ses principales composantes dans
l'introduction de la démocratie dans la genèse, l'organisation et
le fonctionnement des Etats africains. Cependant, les pays occidentaux, sous
prétexte de la diffusion d'un modèle homogène de
régime politique, ne sont-ils pas entrain de se positionner en Afrique
en général et au Cameroun en particulier, pour la
préservation et l'expansion de leur intérêt
national ?
B. L'intérêt
national
Depuis la fin de la guerre froide, les pays
occidentaux sont obnubilés par le souci d'influencer le cours de la
dynamique politique africaine. Une observation scrupuleuse de cette obsession
amène tout chercheur averti à se demander si telle
démarche ne s'inscrit pas dans le registre du calcul égoïste
dont la finalité serait la promotion et/ou la préservation de
l'intérêt national des intervenants.
A en croire Marcel MERLE, la recherche des
intérêts constitue l'un des principaux ressorts de
l'activité des hommes pris individuellement, des classes sociales, des
groupements professionnels ainsi que des Etats ou groupes d'Etats((*)22). Maurice DUVERGER est quant
à lui d'avis que « l'idéalisme occidental n'est souvent
qu'un moyen de dissimuler la défense des intérêts
matériels très précis »((*)23). Hans MORGENTHAU va plus
loin en affirmant que seul l'intérêt national, défini en
terme de puissance, constitue le levain de la politique internationale((*)24).
Ces diverses affirmations sont
confirmées par des déclarations de deux grandes
personnalités occidentales. D'abord, le général Charles de
GAULLE a par une formule restée légendaire, déclaré
que «les Etats n'ont pas d'états d'âmes, ils n'ont que des
intérêts ». Enfin, le président américain
Bill CLINTON, se voulant plus éloquent et surtout plus direct que son
prédécesseur français estime pour sa part que
« la défense de la liberté et la promotion de la
démocratie dans le monde entier ne sont pas seulement le reflet de nos
valeurs les plus profondes, elles sont aussi d'une importance vitale pour nos
intérêts nationaux»((*)25).
Par conséquent, on est en droit de conclure que
l'implication de la communauté internationale dans le processus de
démocratisation africain tend prioritairement à sauvegarder un
intérêt national. Ce dernier peut-être défini comme
un « ensemble des avantages matériels et/ou immatériels
qui importent à un Etat dans le déploiement de son action au sein
ou en dehors de ses frontières»((*)26).
Dans ce travail, il n'est question d'analyser que
l'intérêt des acteurs étatiques dans le cadre d'une
intervention unilatérale et non concertée. Sur ce, une constance
demeure. Tout d'abord, il s'agit dans la plupart des cas envisagés de
l'omniprésence de la puissance vainqueur de la guerre froide, les
Etats-Unis, après la chute de l'hégémonie
soviétique. Ensuite, selon que l'Etat envisagé est francophone ou
anglophone, on retrouve respectivement la France ou la Grande-Bretagne. Enfin,
il y a l'ancien colonisateur ou le principal partenaire économique de
l'Etat en cause((*)27).
Sur base de cette constance, l'on peut noter qu'en RDC, la
Belgique intervient en tant qu'ancienne puissance coloniale, la France en tant
que puissance hégémonique en Afrique francophone et les
Etats-Unis en tant que leader mondial. Au Cameroun, les Etats-Unis
interviennent en tant que « leader mondial », et la France
en tant que puissance hégémonique en Afrique francophone,
ancienne métropole et le plus grand partenaire économique((*)28).
Signalons par ailleurs que la
présence de ces deux Etats dans la politique camerounaise ne se fait pas
sans certaines tensions perceptibles. En fait, tant bien que mal, la France
cherche, par tous les moyens, à sauvegarder son
« pré-carré » hérité de la
conférence diplomatique de Berlin de 1885. Par un jeu obscur de
clientélisme, par des calculs égoïstes dont seuls les
diplomates du Quai d'Orsay maîtrisent l'inconnu, les données, la
formule et la marche à suivre, la France cherche après ses
déboires dans la région des Grands Lacs, de ne pas rejoindre le
camp des grandes puissances de la conférence de Berlin
reléguées depuis près de sept décennies dans un
rôle de moindre importance, nous avons cité l'Allemagne et
l'Italie.
De l'autre coté, en raison du leadership mondial
qu'ils croient devoir assurer, les Etats-unis d'amerique dénient
à la France la légitimité de parrain de ses ex-colonies.
C'est dire que quatorze années après la chute du mur de Berlin,
les deux anciennes puissances alliées de la guerre froide sont
confrontées dans une sorte de paix froide((*)29). Derrière les sourires de façade,
ces deux pays se livrent une féroce lutte d'influence autour du golfe de
Guinée, de Dakar à Abidjan.
En conclusion, la politique étrangère des
intervenants sur la scène politique africaine ne recouvre pas seulement
l'idée de solidarité entre les peuples basée sur
l'exportation du modèle libéral de la démocratie, mais
recouvre aussi l'idée de recherche d'un intérêt national
à caractère politique, économique, stratégique,
militaire et autres. Toutefois, la motivation politique ne suffit pas pour
justifier l'intervention, il faut en rechercher les fondements juridiques.
§2. LES PRINCIPES DU DROIT
INTERNATIONAL AYANT UNE INCIDENCE SUR L'ACTION INTERNATIONALE EN FAVEUR DE LA
DEMOCRATIE
L'aspect formel de l'intervention en
faveur de la démocratie est constitué des textes conclus dans un
cadre multilatéral, tels que ceux édictés par la charte
des Nations Unies et d'autres institutions internationales universelles, mais
aussi ceux conclus dans un cadre régional tels que l'Acte de Lomé
instituant l'Union africaine, et la charte africaine des droits de l'homme et
des peuples. Dans un cadre plus restreint, c'est-à-dire
bilatéral, nous retrouvons les accords de coopération, voire
certains textes unilatéraux à vocation universelle comme les
aides, l'aval de prêt et l'effacement de la dette.
Afin de pouvoir rendre compte de leur évolution
juridique, le professeur Greg BASUE BABU-KAZADI propose de les envisager du
point de vue du fond. Cette démarche permet de lever le voile sur les
principes fondamentaux qu'ils sous-entendent((*)30). La question qui se pose est dés lors la
suivante : Peut-il y avoir contre un Etat indépendant une action
internationale s'exerçant à l'encontre de ce qu'il
considère comme sa souveraineté ? En d'autres termes, y
-a-t-il possibilité offerte aux acteurs internationaux de mettre en
cause le comportement ou l'action des pouvoirs publics vis-à-vis de ses
nationaux ? Dans l'affirmative, quels fondements juridiques pourraient
être évoqués pour justifier une telle action ?
Il s'agira donc de traiter des contradictions du droit
international régissant une société internationale dont
les acteurs principaux, les Etats, se prévalent de la
souveraineté et de ses corollaires. Ce qui nous pousse à analyser
deux principes du droit international ayant une incidence sur l'action
internationale en faveur de la démocratie :
L'égalité souveraine des Etats et le droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes.
A. L'égalité
souveraine des Etats
Tous les Etats sont souverains et
égaux sur la scène internationale. La souveraineté est le
principe constitutionnel du droit international public. En effet, la plupart
des normes internationales sont le fruit de la volonté et du
consentement des Etats et sont exécutées par eux-mêmes.
L'expression « égalité
souveraine » rend bien compte du lien qui existe entre la
souveraineté et l'égalité : Tout Etat étant
juridiquement souverain, est par conséquent juridiquement égal
à tout autre((*)31). Tous les Etats étant donc souverains,
aucun ne peut être assujetti à un autre ; souverainement
égaux ou également souverains, les Etats sont mutuellement dans
une situation de parité légale((*)32).
La souveraineté de l'Etat ne s'analyse pas seulement
en termes positifs comme un ensemble de pouvoirs qu'il détiendrait sur
ses sujets ou sur les autres Etats, elle est aussi un attribut négatif
et signifie qu'aucun pouvoir légal ne peut s'exercer sur lui((*)33). C'est de cette
souveraineté excluant en premier l'existence d'un super-Etat, que
résulte en second lieu l'égalité des Etats, donc chacun
est également dépourvu de pouvoir sur chacun des autres, dans
toute la mesure où la détention d'un pouvoir sur un sujet est une
négation de la souveraineté de celui-ci((*)34). C'est sur base de cette
considération que la jurisprudence internationale assimile la
souveraineté à l'indépendance. Ainsi, l'arbitre Max
HUBERT, dans une sentence arbitrale devenue célèbre,
déclare que « La souveraineté dans les relations entre
Etats, signifie l'indépendance. L'indépendance relativement
à une partie du globe est le droit d'y exercer, à l'exclusion de
tout autre les fonctions étatiques »((*)35).
Le principe de la souveraineté est ancré dans
le droit positif et est tenu pour un principe cardinal de l'organisation des
Nations unies. Ce principe est par ailleurs consacré par la
célèbre résolution 2625 (XXV) de son Assemblée
générale intitulée « Déclaration
relative aux principes du droit international touchant les relations amicales
et la coopération entre les Etats conformément à la charte
des Nations-Unies ». A titre général, cette
déclaration proclame que les Etats jouissent de l'égalité
souveraine, que l'indépendance politique de l'Etat est inviolable et
surtout que « chaque Etat a le droit de choisir et de
développer librement son système politique, social,
économique et culturel ». Sur le plan régional, l'union
africaine déclare fonctionner sur le principe de
l' « Egalité souveraine de tous les Etats membres de
l'union » (art 4 litera a de son acte constitutif).
La souveraineté est dans ce sens un attribut
essentiel de l'Etat. Elle nous permet en effet de le différencier des
autres personnes publiques((*)36). Le droit international serait, dans ce cas,
insensible à la forme du régime politique d'un Etat, puisqu'il
suffira que ce dernier ait une population, un territoire et un pouvoir effectif
et soit doté de la souveraineté pour que la qualité
d'entité étatique lui soit reconnue. Ce qui pousse Jean
CHARPENTIER à dire que « jamais la pratique
internationale n'a exigé qu'un Etat soit démocratique pour
être considéré comme tel»((*)37). Le professeur Sayeman
BULA-BULA affirme pour sa part que « l'existence d'une règle
internationale prescrivant l'obligation de promouvoir ou de garantir la
démocratie n'est pas encore prouvée »((*)38).
Toutefois, le professeur Greg BASUE BABU-KAZADI tire
l'alarme en insistant sur le fait que ces genres d'affirmations extrêmes
ne doivent « pas nous faire oublier que c'est sous couvert de ce
prétexte que certains dirigeants ont pu former les régimes les
plus abominables, indignes et de mauvais augure, responsables de la terreur et
de la misère»((*)39). Sur un ton magistral, le professeur
déclare qu' « il est à proscrire de
l'humanité, [......], une souveraineté qui servirait à
martyriser son naturel et rationnel détenteur légitime : le
peuple. La souveraineté doit être respectable en élevant
sur un piédestal la dignité humaine dans un Etat
démocratique de droit»((*)40).
« Fort heureusement, écrit BASUE
BABU-KAZADI sur un ton jovial, la légitimité nouvelle
retrouvée est en train de mettre hors d'état de nuire ou sous
veilleuse des régimes aussi ignobles que celui de l'apartheid, de Pol
Pot ou de certains dictateurs sanguinaires contemporains»((*)41). Il est clair
qu'actuellement les valeurs démocratiques ont érodé petit
à petit le principe de la libre élection du système
politique dans l'ordre international.
En définitive, le principe de l'égalité
souveraine des Etats confère à chaque peuple organisé en
Etat le droit de choisir librement la forme de son organisation politique,
économique, sociale, ...Tous les peuples étant donc égaux,
aucun peuple n'est irréductible dans sa composante ontologique à
un autre peuple et ne peut se voir imposer une forme d'organisation politique,
économique, sociale, ...contraire à sa volonté :
c'est l'affirmation du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes.
B. Le droit des peuples a
disposer d'eux-mêmes
C'est la révolution française
de 1789 qui, la première, affirme nettement le droit des peuples
à disposer d'eux-mêmes. Son héritage direct sera
réalisé par l'affirmation du principe des nationalités
dont on ne peut ignorer le rôle imminent qu'il joua dans la formation des
nations européennes au XIXième siècle (unité de
l'Italie et de l'Allemagne en particulier)((*)42). Les grandes puissances exclurent cependant
à la fin du XIXème siècle que le droit des peuples puisse
être doté d'une portée universelle, évitant de ce
fait qu'il soit appliqué à leurs propres colonies((*)43). La proposition du
Président WILSON de procéder à un « arrangement
libre dans un esprit large et absolument impartial de toutes les revendications
coloniales » fut rejetée lors de l'adoption du pacte de la SdN
en 1919.
La charte des Nations Unies, quant à elle, proclame
à l'échelle mondiale non sans ambiguïté, le droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes à l'article 1er par.2, ainsi
qu'aux art. 55 et 73. Le principe, tel qu'il est formulé par la charte,
renferme deux aspects, positif et négatif. L'aspect positif signifie
qu'un Etat qui gouverne un territoire qui n'est pas le sien doit en permettre
l'indépendance, tel qu'affirmé par la résolution 1514 (XV)
du 14 décembre 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux pays et
aux peuples coloniaux. L'aspect négatif signifie qu'un Etat, une fois
qu'il a obtenu l'indépendance, est libre de s'organiser comme il veut,
suivant le régime politique qu'il préfère et
conformément aux objectifs économiques, sociaux et culturels
qu'il entend poursuivre((*)44).
L'aspect négatif - ou interne - du principe du droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes comporte deux composantes,
économique et politique. La composante économique porte
essentiellement sur la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles consacrée par la résolution 1803 (XVII) du 14
décembre 1962. La composante politique exprime le droit qu'a chaque
peuple de s'autodéterminer librement : C'est l'affirmation du droit
à l'autodétermination et de ses différentes applications,
explicitées par la résolution 2625.
En ce sens, tout peuple organisé en Etat a le droit
de choisir librement la forme de son organisation politique, économique,
sociale,...Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est en
effet un principe de nature politique d'inspiration démocratique
désignant la vocation des peuples à s'administrer
librement((*)45), mieux,
le self-government, c'est-à-dire le droit des peuples de choisir la
forme du gouvernement et leurs gouvernants((*)46).
Ce principe politique a néanmoins acquis un
caractère juridique et a donné naissance à des nombreuses
dispositions incontestablement de droit positif, sinon même valables erga
omnes((*)47). Jugé
ainsi par la Cour Suprême du Canada que « les sources reconnues
du droit international établissent que le droit d'un peuple à
disposer de lui-même est normalement réalisé par voie
d'autodétermination interne - à savoir la poursuite par ce peuple
de son développement politique, économique, social et culturel -
dans le cadre d'un Etat existant »((*)48).
La reconnaissance de ce principe entraîne comme
conséquence la non-ingérence dans les affaires intérieures
et l'interdiction pour un Etat tiers d'arbitrer une controverse
intérieure relative à l'autorité gouvernementale d'un Etat
ou plus clairement l'illicéité de toute intervention directe ou
indirecte pour imposer à un peuple un régime contraire à
sa volonté.
SECTION 2 : LE PRINCIPE
DE NON-INTERVENTION
Il convient de rechercher la genèse du principe et de
cerner son contenu avant d'en déterminer les exceptions.
§1. LA GENESE ET LE CONTENU
DU PRINCIPE
Il est question, à ce niveau, de
rechercher l'origine du principe de non-intervention dans les affaires
intérieures et internationales d'un Etat par des moyens de pressions
autres que la menace ou l'emploi de la force, et la portée du principe
tel que formulée par l'art.2 par. 7de la charte des N.U.
A. La genèse du principe
Certains auteurs pensent que la propre histoire du droit
international se confond avec le principe de non-intervention. Ce qui fait dire
au professeur italien BENEDETTO CONFORTI que « le droit international
pourrait pratiquement être inclus presque entièrement dans le
principe de non-intervention, étant donné que toute violation de
ses règles représente dans un certain sens une ingérence
dans la sphère de liberté d'autrui »((*)49).
L'interdiction d'intervenir dans les affaires
intérieures et extérieures d'un Etat par des moyens de pressions
autres que la menace ou l'emploi de la force trouve son origine dans le
continent américain. Tout d'abord, il convient de signaler le message de
1923 du président américain MONROE, qui interdisait aux
puissances européennes d'intervenir dans les affaires
américaines. Message fort ambigu car cette interdiction ne concernait
que l'Europe et non les Etats-Unis eux-mêmes ! Ensuite, signalons
les déclarations issues des différentes conférences
américaines qui se sont succédées dans la période
de l'entre-deux-guerres, et surtout dans le protocole additionnel sur la
non-intervention, adopté à Buenos Aires en 1936 : le
principe de non-intervention est énoncé en termes
généraux, sans référence à l'emploi de la
force. Enfin, l'art. 18 de la charte de l'O.E.A. établit cette
interdiction en termes très larges, sans se référer
à la menace ou à l'emploi de la force.
Déjà en 1919, le pacte de la SdN faisait
allusion en son art. 15 par. 8 au principe de non-intervention. Après
la seconde guerre mondiale, suite à la création des Nations Unies
et au résultat du processus de décolonisation, il se produira une
consécration du principe à l'article 2 paragraphe 7 de la charte
des N.-U. Le principe sera formulé comme pilier des relations
internationales en général et au sein de l'ONU en particulier
à l'époque de la guerre froide.
La résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée
générale du 24 octobre 1970, interprétant le principe de
non intervention « conformément à la charte des
Nations-Unies », déclare qu' « Aucun Etat ni
groupe d'Etats n'a le droit d'intervenir, directement ou indirectement, pour
quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou
extérieures d'un autre Etat. En conséquence, non seulement
l'intervention armée, mais aussi toute autre forme d'ingérence ou
toute menace [...] sont contraires au droit international »((*)50).
L'idée de société des Etats souverains
et indépendants va avec ledit principe à tel point qu'il ne
s'impose pas en faveur des collectivités qui ne sont pas reconnues comme
telles. La souveraineté dans ce cas est considérée comme
garante de l'indépendance, car une fois qu'elle est reconnue à un
Etat, elle implique pour les autres Etats de s'abstenir de s'immiscer aussi
bien dans la conduite des relations internationales que dans celles des
affaires intérieures de ce nouveau souverain.
B. Le contenu du
principe
Le principe de non-intervention traduit une
réalité bien ancrée dans la société
internationale : Aucun Etat ne peut-être soumis aux ordres, aux
directives, aux injonctions provenant de l'extérieur. Sur le plan
universel, le principe est consacré par l'article 2 paragraphe 7 de la
charte, qui interdit l'intervention de l'ONU dans les « affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un
Etat ». Donner le contenu du principe de non-intervention revient
donc à déterminer le champ d'application du paragraphe 7 de
l'article 2. Celui-ci met-il des obligations à la charge non seulement
de l'organisation, mais encore des Etats membres ?
Une réponse négative à la question
soulevée ne serait pas en contradiction avec le texte même de la
charte. Nous pouvons en effet affirmer avec la C.I.J. que le
« principe de non-intervention d'un Etat dans les affaires
intérieures et extérieures d'un autre Etat [...] n'est pas
à proprement parler énoncé par la
charte »((*)51).
Les travaux préparatoires montrent que ce texte avait été
élaboré en vue de réglementer l'action de l'organisation
elle-même et non celle de ses membres((*)52). Cette limitation dans la doctrine est
consacrée par des auteurs tels que KELSEN((*)53).
Cependant, comme l'avait si
pertinemment souligné le représentant de l'Uruguay à la
1204ème séance du Conseil de sécurité
consacrée à la situation en République dominicaine le 11
mai 1965, le préambule de l'article 2 permet d'opter pour une
interprétation différente((*)54) : « l'organisation des
Nations-Unies et ses membres, dans la poursuite des buts
énoncés à l'article 1, doivent agir
conformément aux principes suivants... ».
La question des rapports entre l'article 2 paragraphe 7 et
le principe général de non-intervention dans les relations
interétatiques a été par ailleurs évoquée
à l'Assemblée générale lors de la
préparation de la résolution 2625 (XXV). Des divergences
d'opinions soulevées, retenons que d'autres délégations
ont soutenu que le principe de non-intervention est implicite dans la
disposition en cause, compte tenu notamment du préambule de
l'article 2((*)55).
Olivier CORTEN et Pierre KLEIN ne voient pas d'ailleurs pourquoi il existerait
une différence radicale entre l'interdiction
d' « intervenir dans les affaires qui relèvent de la
compétence nationale d'un Etat », prévue à
l'art. 2 par. 7 et celle d' « intervenir, directement ou
indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires
intérieures ou extérieures d'un autre Etat », contenue
dans la résolution 2625 (XXV)((*)56). En effet, la résolution 2625
définit les relations amicales et la coopération internationale
conformément à la charte des Nations Unies. La résolution
36/103, en énonçant un certain nombre d'actions que les Etats ne
peuvent prendre « en violation de la charte des Nations
Unies », confirme ce point de vue. Qui plus est, la doctrine se
réfère toujours - ou presque - à l'art.2 par.7 chaque fois
qu'elle doit faire état de la règle de non-intervention dans les
rapports entre Etats. Les Etats eux-mêmes se référent
toujours à l'art. sous-examen chaque fois qu'ils protestent contre une
ingérence dans leurs affaires intérieures par un autre Etat.
Ainsi, l'intervention prohibée par l'art.2 par.7 ne
concerne pas seulement l'O.N.U, mais aussi les Etats membres. Les pays
insuffisamment développés en tirent diverses conséquences
et notamment :
· L'idée que la formulation traditionnelle et
générale du principe exclut toute règle de
légitimité ab initio concernant le régime interne
d'un Etat. Cette idée est positivisée par la C.I.J dans l'affaire
des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci. Dans un cadre régional, ce principe est consacré par
l'Acte de Lomé instituant l'U.A. (voir art. 4 litera g).
· L'idée que l'octroi d'une aide de la part des
Etats occidentaux doit s'opérer sans condition qui porte atteinte
à leur souveraineté et dans le respect rigoureux de
l'égalité des Etats.
Pourtant, la pratique révèle une intervention
continue des puissances occidentales sur la scène politique africaine en
vue d'y influencer les processus de démocratisation en cours. Il
convient donc d'analyser les exceptions au principe de non-intervention.
§2. LES EXCEPTIONS ADMISES
PAR LE DROIT INTERNATIONAL AU PRINCIPE DE NON-INTERVENTION
Le principe de non-intervention n'est pas un principe
absolu, car il admet des exceptions. Ces dernières sont clairement
définies par le droit international. En matière d'intervention en
faveur de la démocratie, il s'agit très précisément
des limitations à la libre élection du système politique
et de la protection universelle et régionale des droits de l'homme.
A. Les limitations à
la libre élection du système politique
Depuis quelques années, on note une
activité normative des Nations Unies tendant à limiter la
liberté des Etats et de leurs peuples à choisir et
déterminer librement leur type d'organisation politique.
Plus précisément, par la résolution
45/150 du 18 décembre 1990 intitulée « renforcement de
l'efficacité du principe d'élections périodiques et
honnêtes », l'Assemblée générale des
Nations Unies « déclare que pour
déterminer la volonté du peuple, il faut un processus
électoral qui donne à tous les citoyens des chances égales
de devenir candidats et de faire valoir leurs vues politiques, comme le
prévoit la constitution et la législation
nationales ».
Cette résolution ne fait que préciser
l'affirmation contenue dans l'art.21 par.3 de la D.U.D.H : « La
volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs
publics. Cette volonté doit s'exprimer par des élections
honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage
universel égal et au vote secret ou suivant une procédure
équivalente assurant la liberté du vote»((*)57). Le pacte international
relatif aux droits civils et politiques, ainsi que celui relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, donneront une dimension contraignante
au principe énoncé à l'art. 21 par. 3 de la
D.U.D.H((*)58).
Il apparaît clairement qu'une limitation est
apportée par le droit international général à la
libre élection du système politique. Pourtant, les
critères libéraux de la tenue d'élections ne sont pas
totalement sortis de la catégorie des affaires
qui relèvent essentiellement de la compétence
nationale d'un Etat. C'est dans cette optique que
l'Assemblée générale des N.U. avait fait preuve d'une
réticence instinctive en se montrant particulièrement attentive
au « respect des principes de la souveraineté nationale et de
la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats en ce
qui concerne les processus électoraux », dans sa
résolution 45/151 du 18 décembre 1990.
Plutôt que d'être contradictoires, fait
remarquer le professeur Sayeman BULA-BULA, les résolutions 45/150 et
45/151 se complètent de manière théoriquement
harmonieuse((*)59). Le
professeur BULA-BULA conclut que c'est « dans le cadre des principes
fondamentaux régissant les relations internationales, à savoir
l'égalité souveraine des Etats et la non-ingérence dans
les affaires intérieures, l'égalité des droits des peuples
et leur droit à disposer d'eux-mêmes, y compris le libre choix du
système politique, économique, social et culturel, ..., que
doivent se réaliser des élections libres et
authentiques »((*)60).
C'est dire que tout en veillant au respect des principes de
l'égalité souveraine des Etats et du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes, le droit international limite le droit à la
libre élection du système politique, économique, social et
culturel en « exigeant » que la volonté du peuple
souverain soit à la source de tout pouvoir du gouvernement,
c'est-à-dire que ce dernier soit issu des élections libres et
honnêtes.
En effet, c'est par l'organisation des élections
libres, honnêtes et ouvertes à tous que doivent se réaliser
le droit des peuples constitués en Etat à disposer
d'eux-mêmes. C'est grâce à cette légitimité
fondée sur le droit international - et non sur le droit constitutionnel
comme le prônait la doctrine Tobar - que la communauté
internationale dans le cadre ou avec l'autorisation de l'O.N.U., mène
certaines actions soit pour aider à asseoir la démocratie soit
pour exiger qu'un Etat embrasse la démocratie((*)61). C'est dans ce cadre que
les N.U. ont contrôlé à maintes reprises l'organisation
d'élections à l'intérieur d'un Etat dont la situation
pouvait laisser croire que celles-ci ne s'y dérouleraient pas
régulièrement. Tel fut le cas du Nicaragua en 1989. L'implication
de la MONUC dans la préparation des élections en RDC s'inscrirait
aussi dans ce cadre.
Le type de régime prôné par la
communauté internationale à travers l'O.N.U. doit répondre
à un impératif : protéger les droits de l'homme.
B. La protection des droits
de l'homme
La communauté internationale est liée par une
règle coutumière qui impose le respect des droits de la personne
humaine. Ces règles résultent de la charte des N.U., de la DUDH,
de la convention de Genève sur le droit humanitaire et de la convention
des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de
génocide. Force est de relever cependant que « l'instrument
essentiel qui a posé les fondements du droit international dans le
domaine des droits de l'homme est la charte des Nations
Unies »((*)62).
La charte proclame dans son préambule la foi des
peuples des N.U. « dans les droits fondamentaux de l'homme, dans
la dignité et la valeur de la personne humaine, dans
l'égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des
nations, grandes et petites». Dans l'art.
1er, elle déclare que pour
réaliser la coopération internationale il faut en outre
développer et encourager « le respect des droits de l'homme et
des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe,
de langue ou de religion ». Dans l'art. 55, la charte
répète : « En vue de créer les conditions
de stabilité et de bien être nécessaires pour assurer entre
les nations des relations pacifiques et amicales », il faut favoriser
« le respect universel et effectif des droits de l'homme et des
libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de
langue ou de religion ».
Ainsi donc, sur base et de la lettre et de l'esprit de la
charte, l'on est en droit de déduire que le maintien de la paix et de la
sécurité internationales et le développement des relations
amicales sont conditionnés au respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales. Et ces libertés sont celles
acceptées par la conception démocratique de l'exercice du pouvoir
clarifiées et précisées, au plan universel par les deux
pactes internationaux de 1966 et au plan régional par la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples - dite charte de Banjul ainsi
que par l'acte constitutif de l'union africaine((*)63).
Violer les libertés individuelles proclamées
par la charte reviendrait à saper les fondements mêmes et la
raison d'être de l'O.N.U., à savoir le développement de la
coopération et le maintien de la paix et de la sécurité
entre les nations.
Du point de vue politique, la protection des droits de
l'homme dans la charte apparaît comme l'une des garanties de la paix et
du point de vue juridique comme étroitement liée au respect de
l'ordre international établi((*)64).
Puisque le respect des droits de l'homme est
déclaré d'intérêt international, sa violation par un
gouvernement doit-il entraîner la réaction licite des membres de
l'O.N.U, sans que cela puisse être considéré comme une
intervention ou immixtion dans « des affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un Etat» ?
CALOGEROPOULOS soutient que doit être considéré comme
transgressant les règles fondamentales de la société
internationale organisée, tout gouvernement qui violerait ces
droits((*)65).
Une conséquence logique doit être tirée
des développements qui précédent : la
communauté internationale, par le biais de l'O.N.U., ne peut rester
insensible à la forme du gouvernement, lorsque les droits humains sont
transgressés. Ce qui caractérise en principe les gouvernements
non démocratiques. L'O.N.U. ne s'intéresse donc à ces
derniers que s'ils posent des actes contraires au droit international.
A la lumière des exceptions admises par le droit
international au principe de non-intervention, on peut affirmer que le droit
des acteurs internationaux de réagir à la violation d'une
obligation fondamentale pour la communauté internationale n'est plus
sérieusement contesté, de sorte que le débat porte plus,
aujourd'hui, sur les conditions d'adoption des mesures que sur leur contenu
précis : « Loin du débat théorique sur la
formulation du principe ou sa prohibition, la doctrine de l'intervention
devrait se baser sur la fixation des conditions licites de
l'intervention »((*)66).
CHAPITRE 2
LES MODALITES DE
L'INTERVENTION
Il existe une possibilité pour les
acteurs internationaux de réagir à la violation d'une obligation
fondamentale pour la communauté internationale. Cependant, cette
réaction doit se faire dans des conditions déterminées.
C'est en considération de cet impératif que la C.I.J.
précisait dans l'affaire des activités militaires que
« ...l'intervention interdite doit porter sur des matières
à propos desquelles le principe de souveraineté des
Etats permet à chacun d'entre eux de se décider librement
... l'intervention est illicite lorsque à propos de ces choix qui
doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte »((*)67).
De l'avis des juges internationaux, pour conclure à
une intervention licite, deux éléments doivent être tenus
en compte, à défaut il ne saurait être question
d'intervention permise par le droit international. Primo, il faut une
utilisation des mesures non contraignantes (Section I). Secundo, en cas de
recours aux mesures contraignantes, ces dernières doivent porter sur des
matières où l'Etat n'a pas préservé des droits
souverains (Section II).
SECTION 1. UNE REACTION NON
CONTRAIGNANTE N'EST PAS CONSTITUTIVE D'INTERVENTION ILLICITE
Nous nous attèlerons à
préciser la limite entre mesures non contraignantes et mesures
contraignantes. Cette démarche se fera indépendamment de la
notion de domaine réservé, pour la simple et bonne raison que si
l'élément de contrainte confère à une intervention
l'illicéité, qualifier une mesure de non contraignante revient
à la faire échapper à la prohibition de l'intervention,
ceci quel que soit le domaine sur lequel elle porte.
§1. DEFINITION DE LA
CONTRAINTE
Afin de mieux saisir la signification des
caractères essentiels et des qualités propres de la contrainte,
il sied de faire largement usage de la méthode juridique.
A. Approche
exégétique : L'article 2 paragraphe 7 de la charte
La dernière phrase de l'art. 2 par.
7 de la charte des N.U. permet de préciser l'intervention interdite au
début de l'article et définit avec une exactitude assez
satisfaisante, la notion de contrainte. Cet article in fine déclare en
effet que « ...Ce principe [de non-intervention] ne porte en rien
atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au
chapitre VII ». Il serait dans ce cas logique d'affirmer qu'un Etat membre
des N.U. ne peut invoquer avec succès la règle de
non-intervention si l'action visée est une action coercitive
décidée par le conseil de sécurité dans le cadre du
maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Mais qu'en est-il des mesures non coercitives ? Le
conseil de sécurité peut-il les prendre, sans violer la
charte ? Une réponse négative à la présente
interrogation serait illogique, absurde et déraisonnable. En effet,
à titre d'exemple, le conseil de sécurité ne pourrait
procéder à une discussion d'une question relevant des affaires
internes, action non coercitive soumise à l'art. 2 par.7, mais serait
habilité à ordonner une opération militaire contre cet
Etat, action coercitive ne pouvant être entravée par cet article.
Pourtant, la seconde mesure ne pourrait être prise
qu'ultérieurement à la première : « L'effet
utile de la règle de non-intervention au sens de la charte suppose donc
que l'adoption des mesures non coercitives soit permise au conseil »,
concluent Olivier CORTEN et Pierre KLEIN((*)68). Ainsi, quand en vertu du principe contenu
à l'art. 2 par. 7 de la charte, le conseil de sécurité
discute d'une question relevant des affaires intérieures d'un Etat
membre, puis prend une mesure coercitive prévue au chapitre VII, la
discussion ne peut être considérée comme une intervention
interdite, tandis que la mesure adoptée à son issue le serait
normalement, mais est couverte par l'exception. Ce qui nous amène
à conclure que les mesures non coercitives ne sont jamais des
interventions. Ceci est parfaitement cohérent si on considère
qu'il ne s'agit pas des mesures contraignantes, premier élément
constitutif de l'intervention prohibée selon une décision de la
C.I.J. (voir supra, p.31)((*)69).
L'article sous examen donne donc une définition
implicite de la notion de contrainte en renvoyant aux mesures coercitives du
chapitre VII de la charte. Mais dans la pratique, comment distinguer les
mesures coercitives des mesures non coercitives ? Les enseignements de la
C.I.J dans son avis consultatif du 20 juillet 1962 dans l'affaire de certaines
dépenses des N.U. apportent une grande lumière. En effet, en
vertu de l'art. 11 de la charte, l'Assemblée générale ne
peut prendre aucune « action », mesure qui reste l'apanage
du conseil de sécurité. Dans cet avis, la cour précise que
l' « action » qui est mentionnée dans cette
disposition équivaut en réalité à toute mesure
coercitive. Autrement dit, l'Assemblée générale peut
uniquement adopter des mesures non coercitives, et doit transmettre au conseil
de sécurité tout autre type d'actions.
En évoquant ensuite les
actions qui peuvent être prises par l'Assemblée
générale, la cour définit donc indirectement les mesures
coercitives. La cour décide en tenant compte de la compétence
octroyée à l'Assemblée générale par la
charte de discuter de certaines questions et de faire des recommandations que
l'obligation de transférer toute « action »
prévue à l'art. 11 ne peut avoir trait à des
recommandations que l'Assemblée générale pourrait faire,
et que « c'est donc au conseil de sécurité qu'est
dévolu le pouvoir d'imposer l'obligation explicite de se conformer aux
ordres qu'il peut émettre au titre du chapitre VII »((*)70).
Sur base de ces passages, et de l'avis de l'instance
judiciaire internationale en général, on peut conclure que le
critère qui permet de conclure au caractère coercitif d'une
mesure est le passage d'une simple recommandation à un véritable
ultimatum.
Finalement, une action est coercitive lorsque son auteur
cesse de discuter, de s'informer, de demander, de prier ou de recommander pour
commencer à exiger, en assortissant éventuellement son injonction
de menaces. Peu importe le caractère politique, économique ou
diplomatique de l'action envisagée.
Au terme de cet examen de l'art.2 par 7, on arrive donc
à une définition de la contrainte, par l'intermédiaire de
la notion de « mesures coercitives » qui y est contenue. A
contrario, une mesure non contraignante peut être définie comme
une mesure tendant à faire des recommandations, à discuter,
à s'informer, à demander, à prier ou à recommander
sans rien exiger et sans assortir ses démarches de menaces ou d'un
ultimatum, peu importe le caractère politique, économique ou
diplomatique de l'action envisagée. C'est cette définition que
nous allons tenter de confronter à la jurisprudence.
B. Approche
jurisprudentielle : l'affaire des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (C.I.J., arrêt du 27 juin
1986)((*)71)
L'affaire du Nicaragua constitue,
jusqu'à ces jours, le seul précédent décisif
où des mesures non assimilables à un recours à la force
ont été confrontées au principe de non-intervention devant
une instance judiciaire internationale.
En fait, dans le souci de faire pression sur le
régime sandiniste établi en 1979 au Nicaragua, les Etats-Unis ont
adopté certaines mesures de grande ampleur, dans le domaine
économique notamment. En somme, le premier mai 1985, le Président
REAGAN rendit public un executive order qui interdisait toute
importation ou exportation de marchandises en provenance ou à
destination du Nicaragua, ainsi qu'une interdiction pour les navires battant
pavillon nicaraguayen de se rendre dans un port des Etats-Unis et d'y
opérer des transactions((*)72).
Lorsque le Nicaragua avait porté l'affaire devant la
C.I.J., celle-ci devait donc se prononcer sur l'allégation du
gouvernement sandiniste portant sur l'illicéité des mesures
décrites ci-haut. Or la cour affirme dans son jugement qu'elle
«...ne peut considérer les mesures économiques mises en
cause comme des violations du principe coutumier de non-intervention ».
Fort malheureusement, aucun mot de motivation n'accompagne cette prise de
position de la cour universelle. Olivier CORTEN et Pierre KLEIN proposent de
recourir à des déductions pour interpréter ce passage de
l'arrêt((*)73).
De prime abord, il est fondamental de noter que le
caractère économique, diplomatique ou autre des mesures mises en
cause ne semble pas devoir exercer une influence sur leur
licéité, car la cour a bien accepté les accusations du
Nicaragua et le caractère économique de ces mesures avait
été examiné au fond. Ce qui, estiment les deux auteurs,
est parfaitement en accord avec les résolutions citées par la
cour, énonçant et définissant le principe de
non-intervention en y incluant les mesures non militaires((*)74).
La licéité des mesures objet du litige, au
regard de la cour, ressort de leur caractère non contraignant. Comme la
cour le note((*)75) et
comme il ressort de la note diplomatique annonçant l'embargo, un des
buts de ces mesures n'était que d'influencer la politique souveraine du
Nicaragua.
La politique souveraine étant du ressort du domaine
réservé, la licéité de ces mesures ne peut que
ressortir de leur caractère non contraignant. Or pour qu'elles soient
qualifiées de non contraignantes, on doit admettre qu'en les formulant
les Etats-Unis n' « exigeaient » rien du
Nicaragua, et que ces mesures n'étaient pas un véritable
ultimatum. D'ailleurs, dans sa note diplomatique, Washington ne fait
que porter son jugement et critique sévèrement la politique
sandiniste. Ensuite il en tire comme conséquence que ce comportement est
incompatible avec des relations commerciales normales avec eux et exprime leur
souhait de changer d'attitude vis-à-vis d'eux. En d'autres termes,
Washington laisse le Nicaragua libre d'adopter sa propre politique, mais leur
fait savoir que dans ce cas, il utiliserait son pouvoir discrétionnaire
de nouer ou de ne pas nouer les relations politiques ave eux((*)76). C'est pourquoi la cour
déclare les mesures mises en cause licites, l'embargo étant
déclaré illicite sur la base d'un traité d'amitié
liant les deux Etats((*)77).
L'examen de ce précédent confirme les
conclusions tirées à partir de l'analyse de l'art.2 par. 7. La
licéité des mesures contraignantes n'est donc pas remise en
cause. Mais de quelle façon les Etats appliquent-ils ce
principe ?
§2. LA PRATIQUE DU
PRINCIPE DE LA LICEITE DES MESURES NON CONTRAIGNANTES
Le droit international permet donc d'user
des mesures non contraignantes pour réagir à la violation
d'obligations internationales commises dans un autre Etat. Dans ce sens, les
acteurs internationaux peuvent porter des jugements, opérer des
constations et même formuler des recommandations ou des souhaits portant
sur des matières appartenant ou non au domaine réservé
d'un autre Etat.
Cette conclusion se vérifie aussi bien dans le
domaine des relations économiques internationales que dans celui des
positions officielles exprimées à propos des situations
internes.
A. Les relations
économiques internationales
L'argent est non seulement le nerf de la
guerre, mais aussi celui des relations politiques dans leur ensemble et
internationales en particulier. Ce qui fait dire au professeur Greg BASUE
BABU-KAZADI que la politique est la continuation de la guerre par d'autres
moyens, l'arme économique étant le recours quotidien de la
plupart des Etats dans leurs relations réciproques((*)78). Ainsi un sous
secrétaire d'Etat américain déclarait en 1981 que les
relations économiques devaient permettre et renforcer le but de la
politique américaine d'influencer le comportement des Etats
communistes((*)79).
Mais à partir de quand la pression économique
devient-elle une véritable contrainte constitutive d'intervention
prohibée ? La politique d'octroi de prêts du FMI apporte un
éclairage significatif dans ce domaine. On sait que cette politique
d'octroi est basée sur le principe de
« conditionnalité » de prêts
subordonnés à certaines mesures de politique économique et
de réforme politique que doit adopter l'Etat bénéficiaire.
Par exemple, l'accord FASR signé en 1997 entre le FMI et le Cameroun se
traduit par une obligation pour ce dernier de diminuer les dépenses
publiques (éducation, santé, transports ), de réduire les
emplois, de réduire les salaires et d'augmenter les taxes et
impôts ( recettes fiscales). Cet exemple démontre que l'octroi de
prêts n'est accordé qu'aux Etats qui acceptent librement les
conditions édictées.
Il y aurait donc une absence de contrainte, du moins sur le
plan formel. Cette absence de la contrainte dans son aspect juridique ne fait
pas disparaître son existence réelle. L'Etat en difficulté
est toujours presque obligé de recourir à ce type d'emprunt et
donc aux mesures d'accompagnement. Cela est d'autant plus évident que
l'ensemble des autres opérateurs n'accorde souvent de nouveaux
prêts à un Etat que sur base des accords conclus par ce dernier
avec le FMI. C'est ainsi que la France n'accorde son aide à l'ajustement
structurel qu'aux Etats de la zone franc conduisant un programme d'ajustement
soutenu et financé par le FMI.
Ce mécanisme de
conditionnalité n'est donc pas limité dans le seul cadre du FMI.
La résolution 36/103 du 09 décembre 1981 de l'Assemblée
générale sur l'inadmissibilité de
l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures
énonce « l'obligation pour un Etat de ne pas user de ses
programmes d'aides économiques extérieurs contre un autre Etat en
violation de la charte des N.U. » - formule vague car renvoie au
principe de non-intervention.
Pourtant, la pratique de la conditionnalité tant par
les Etats et le FMI que par les organismes régionaux, ne
révèle aucune exigence formellement exprimée. Sur ce,
SCHACHTER affirme que « refuser une aide ne représente ni une
contrainte, ni une ingérence ; tous les pays se sont toujours
estimés libres de ne pas accorder leur soutien aux pays pour lesquels
ils ne nourrissent pas de sympathie »((*)80).
Les Etats bénéficiaires de leur coté
acceptent ou subissent une pression s'exerçant sur leur politique
économique, pourvu qu'aucune exigence ne soit formulée à
leur encontre : « sans avoir le champ entièrement libre,
les Etats disposent d'une très large gamme de mesures leur permettant de
peser sur le destin économique d'autrui, sans pour autant enfreindre le
droit international »((*)81).
On peut donc conclure que nonobstant les contestations
d'usage - qui sont plus des déclarations politiques -, la
licéité et l'existence des mesures économiques sont
largement admises, étant donné qu'elles sont rarement
contestées devant les instances judiciaires ou arbitrales
internationales.
B. Les positions officielles
exprimées à propos des situations internes
Dans leurs relations quotidiennes, il arrive souvent que les
acteurs internationaux émettent des déclarations exprimant une
position officielle d'une situation interne dans un Etat étranger.
En visite à Kinshasa au mois d'Avril 2004, M. ALDO
AJELLO, représentant spécial de l'U.E. pour la sous-région
des Grands Lacs, exprimait l'inquiétude de l'U.E. sur le retard de la
mise en oeuvre de la territoriale par le gouvernement de transition en RDC. M.
ALDO AJELLO « a dû faire le déplacement de Kinshasa
pour sommer les protagonistes de s'entendre », commentait
la presse écrite((*)82). Ces déclarations sont parfois
prononcées bilatéralement ou par des organisations, lors des
périodes de véritable guerre civile. C'est ainsi que le
Secrétaire d'Etat américain COLIN POWELL affirmait le 09
septembre 2004, qu' « un génocide a eu lieu et pourrait
encore se poursuivre au Darfour », et que « le gouvernement
soudanais et les janjawid en portent la responsabilité ».
. Dans chacune de ces situations, les formules
utilisées ne sont pas impératives. Il ne s'agit que des jugements
de valeur en des propositions plus ou moins précises portant sur des
problèmes de politique interne. Certains événements
récents ont encore démontré que les Etats étaient
prompts à exprimer publiquement leur avis à propos des situations
comportant des aspects de politique interne.
C'est comme ça que, s'exprimant sur la décision
du RCD de se retirer des institutions de la transition pour évaluation,
le président sud-africain Thabo MBEKI, en visite à Kinshasa le 30
août 2004, a affirmé aux délégués du
Parlement congolais que « certains se donnent trop d'importance. Mais
le processus de transition ira jusqu'à la fin ». Mentionnons
aussi les propos du ministre belge des affaires étrangères,
M.Karel de GUCHT, de passage à Kinshasa et à Kigali en octobre
2004 : « J'ai rencontré au Congo peu de responsables
politiques qui m'ont laissé une impression convaincante »,
estimant qu'au Rwanda il y'avait au moins un Etat.
L'analyse de ces déclarations révèle
qu'elles ne traduisent qu'une volonté plus ferme de faire
prévaloir certains points de vue. Elles ne contiennent en tout cas aucun
ultimatum. La limite tracée entre ce qui est permis et interdit consiste
à ne pas imposer formellement à l'Etat visé tel ou tel
autre comportement. La défense américaine dans l'affaire du
Nicaragua ne consistait-elle pas à affirmer que « nous
n'avons pas cherché à renverser le gouvernement nicaraguayen ni
à imposer au Nicaragua un système particulier de gouvernement...
(mais seulement) provoquer des changements » ?
Mais qu'en est-il des mesures coercitives ?
SECTION 2. UNE REACTION
CONTRAIGNANTE EXERCEE EN DEHORS DU « DOMAINE RESERVE »
N'EST PAS CONSTITUTIVE D'INTERVENTION ILLICITE
La mesure coercitive a été définie dans
les pages précédentes comme une action par laquelle son auteur
cesse de discuter et de recommander et commence à s'imposer en
assortissant ses injonctions de menaces et d'un ultimatum (voir supra, p. 34).
Certains auteurs, sur base de l'article 53 de la Charte((*)83), limitent les mesures
coercitives aux seules actions militaires en se référant aux
mesures de grande envergure prises par l'O.E.A. à l'encontre de Cuba
sans l'autorisation du Conseil de sécurité((*)84). Cette assimilation des
mesures militaires et coercitives est d'ailleurs souvent opérée
d'une manière générale. Toutefois, dans le cadre de notre
dissertation, il nous a paru plus logique de considérer les
« mesures coercitives » dans le sens plus large de
« mesures de contrainte », sans les limiter à cette
interprétation particulière à l'art. 53((*)85). C'est d'ailleurs le point
de vue partagé par la RDC qui, dans l'affaire du mandat d'arrêt
du 11 avril 2000, affirmait que la Belgique avait porté atteinte au
principe de l'égalité souveraine entre les Etats en
émettant le mandat d'arrêt litigieux contre un ministre des
affaires étrangères, un mandat qui constitue comme tel un
« acte juridique coercitif » portant atteinte à
l'immunité et aux droits souverains du Congo, dans la mesure où
il vise à « soumettre à un pouvoir juridictionnel
répressif, un gouvernant étranger qui lui échappe en
principe... »((*)86), argument qui n'a jamais était
contesté par la partie défenderesse, la Belgique, ni
réfuté par la cour universelle elle-même.
La notion de mesures coercitives éclaircit, la
question que nous nous proposons d'analyser dans la présente section est
celle de leur licéité. Si l'élément de contrainte
confère à une intervention l'illicéité, la
considérer comme s'exerçant en dehors du domaine
réservé revient à la faire échapper à la
prohibition de l'intervention. Il convient donc de préciser la notion
d' « affaires qui relèvent essentiellement de la
compétence nationale d'un Etat » ou du « domaine
réservé » (§1) avant d'en déterminer le
cadre juridique (§2).
§1. NOTION DU DOMAINE
RESERVE
La notion du domaine réservé
renferme l'idée de la soumission de l'Etat au droit international et la
liberté de décision de l'Etat lorsque le droit international se
contente de fonder les compétences étatiques sans en
réglementer les modalités d'exercice((*)87). Elle aura donc un contenu
irréductible, aussi longtemps qu'il n'existera pas un « Etat
mondial » et que les Etats disposeront d'une compétence
« discrétionnaire » plus au moins étendue.
Discrétionnaire ne veut pas dire « arbitraire »,
car leur existence est soumise aux principes généraux du droit
international. Par conséquent, seul ce droit détermine, en
dernier ressort, l'étendue du domaine réservé((*)88).
Fondé donc sur le concept de la souveraineté
étatique, le domaine réservé est un concept juridique et
non pas politique. Son existence et sa reconnaissance sont tout à fait
compatibles avec la suprématie du droit international. Si donc la notion
du domaine réservé est juridique, il faut disposer d'un
critère de son champ d'application. Et ce critère doit être
recherché dans le droit international.
A. Le critère de
l'engagement international
Il est un fait évident en droit
international de nos jours : l'existence d'un engagement international
constitue le critère fondamental de la délimitation du domaine
réservé. Cette constatation n'est pas nouvelle. L'art. 2 § 7
de la charte ne fait que reprendre en termes extensifs l'interdiction que
faisait l'art. 15 § 8 du pacte de la SdN au conseil de ne
« recommander aucune solution » aux différends
portant « sur une question que le droit international laisse
à la compétence exclusive » des Etats qui y
étaient parties.
La C.P.J.I a précisé que ces termes
recouvraient
« Certaines matières qui, bien que pouvant toucher de
près aux intérêts de plus d'un Etat, ne sont pas, en
principe, réglées par le droit international »((*)89).
Et la cour précise par la
suite qu' « en
ce qui concerne ces matières, chaque Etat est seul maître de ses
décisions »((*)90).
Cette référence au droit
international sera constamment réaffirmée. C'est dans ce cadre
que s'inscrivent les résolutions 1514 (XV), 2131 (XX), 2625 (XXV) et
36/103 de l'Assemblée générale des NU. Ces
résolutions ne comportent aucune définition précise de la
notion du domaine réservé, mais précisent au moins que
cette notion recouvre en tout cas les « droits souverains de
l'Etat », droits qui, par définition, ne sont pas
limités par un engagement international.
La CIJ se veut beaucoup plus explicite dans l'affaire du
Nicaragua, puisque après avoir affirmé que
l'« intervention interdite doit donc porter sur des matières
à propos desquelles le principe de souveraineté des Etats permet
à chacun d'eux de se décider librement »((*)91), elle précise par la
suite que les domaines visés sont ceux « où chaque Etat
jouit d'une entière liberté de décision en vertu
du principe de souveraineté »((*)92).
Amenée à appliquer les
principes qu'elle a posés, la cour définit on ne peut plus
clairement le domaine réservé en énonçant que
« les orientations politiques internes d'un Etat relèvent de la
compétence exclusive de celui-ci, pour autant, bien entendu,
qu'elles ne violent aucune obligation de droit international
»((*)93).
La cour examine avec minutie si les matières qui ont
fait l'objet d'une intervention des Etats-Unis au Nicaragua étaient
conclues dans des engagements internationaux. C'est sur base d'une
réponse négative que l'intervention américaine est
qualifiée d'illicite ((*)94).
L'examen de la pratique interétatique confirme ce
point de vue jurisprudentiel. Par exemple, il est d'avis général
que le pouvoir de légiférer, au même titre que le pouvoir
d'exécuter les lois et les décisions judiciaires et le pouvoir de
rendre justice, font partie du domaine réservé d'un Etat,
c'est-à-dire des attributs de la souveraineté. Cependant, le
parlement congolais s'était vu prier par le CIAT de revoir une loi qu'il
avait votée dans les conditions fixées par la constitution de la
transition, le 19 avril 2004((*)95), loi portant organisation et fonctionnement de la
commission électorale indépendante (C.E.I), afin d'en assurer
l'indépendance et l'efficacité.
Pourtant, cette mesure ne peut être qualifiée
d'illicite, vu que les négociateurs congolais réunis à Sun
City avaient reconnu au CIAT le pouvoir d'accompagner les institutions de la
transition((*)96).
Toujours sur ce registre des faits, l'annexe IV dispositif 3
de l'Accord Global et Inclusif reconnaît au CIAT le rôle d'abriter
et de trancher « tout désaccord pouvant survenir entre les parties
au présent accord ». C'est ainsi que, par une lettre
adressée au gouvernement le 30 avril 2004, le CIAT faisait valoir son
intention de procéder à la répartition de la territoriale
entre les composantes et les entités, suite au désaccord
constaté entre elles((*)97).
Il ressort donc d'une jurisprudence constante des instances
judiciaires internationales et de la pratique interétatique que
l'existence d'une obligation internationale pour un Etat dans une
matière particulière fait sortir cette matière de ses
affaires intérieures.
La doctrine aussi adopte la même solution. Selon
BINDSCHEDLER, « le domaine réservé est celui des
activités étatiques où la compétence d'Etat n'est
pas liée par le droit international»((*)98). Le professeur BIN CHENG
affirme quant à lui que l'Etat « est libre d'agir comme il
l'entend dans toute affaire qui relève de sa compétence
nationale, autrement dit pour tout ce qui ressortit à sa
souveraineté juridique, pourvu qu'il ne soit pas limité en son
exercice par une règle du droit international ou une obligation qui lui
incombe, directement, ou indirectement, en vertu d'un
traité»((*)99).
L'idée d'un domaine réservé par nature
ne fait plus guère d'émules((*)100).
L'article 1er de la résolution
adoptée par l'I.D.I. en 1954 définit le domaine
réservé comme « celui des activités étatiques
où la compétence de l'Etat n'est pas liée par le droit
international », avec cette précision que
« l'étendue de ce domaine dépend du droit international
et varie suivant son développement »((*)101).
Par conséquent, « la conclusion d'un
engagement international dans une matière relevant du domaine
réservé exclut la possibilité pour une partie à cet
engagement d'opposer l'exception du domaine réservé pour toute
question se rapportant à l'interprétation ou à
l'application dudit engagement»((*)102).
Eu égard à ces considérations
jurisprudentielles, pragmatiques et doctrinales, il est tout à fait
fondé d'affirmer que toute action visant à contraindre un Etat
à respecter ses obligations internationales ne constitue pas une
intervention prohibée par le droit positif des Nations Unies.
Plusieurs questions concernant l'application de ce
critère de l'engagement international restent toutefois à
résoudre.
B. Les conséquences
de l'application du critère de l'engagement international
1° La première
conséquence de cette référence au droit international est
le caractère essentiellement variable du domaine réservé.
Cette conséquence découle du fondement même du domaine
réservé. Car, puisque c'est le droit international qui
détermine l'étendue des compétences
discrétionnaires des Etats, l'étendue du domaine
réservé dépend de la portée des engagements
internationaux de chaque Etat.
La C.P.J.I note fort à propos que
« la question de savoir si
une certaine matière rentre ou pas dans le domaine exclusif d'un Etat
est une question essentiellement relative, elle dépend du
développement des rapports internationaux... »((*)103).
Dans un cas d'espèce, la démonstration de
l'interprétation du juge se réalisera en deux temps :
à la date critique, le droit international exclut-il de façon
générale la matière du domaine
réservé ? Si non, l'Etat concerné peut-il opposer
l'exception du domaine réservé à son adversaire compte
tenu des engagements internationaux qui les lient ? La conclusion peut
porter à discussion.
Il ressort de ce qui précède que la
variabilité du domaine réservé n'est pas seulement
temporelle, mais elle est aussi spatiale. Il y a des matières que les
Etats ont soustrait à leur domaine réservé :
l'interdiction de l'agression, le droit à
l'autodétermination, l'interdiction de la discrimination
raciale ou de la politique d'apartheid et certains droits de la personne. Ces
droits ont acquis une valeur de coutume universelle et sortent donc du domaine
réservé de tous les Etats. Ces sont des droits
indérogables, mieux, des jus cogens, posés par
la charte des N.U., la DUDH, la convention de Genève sur le droit
humanitaire et la convention des N.U. pour la prévention et la
répression du crime de génocide.
Cependant, toute une série d'autres domaines ne font
l'objet d'engagements internationaux que de la part de certains Etats. Le
domaine réservé de ces derniers s'avère donc plus
restreint que celui des premiers. C'est le cas d'un Etat partie à un
instrument à vocation universelle mais ratifiés par une partie
seulement de la communauté internationale; par exemple le pacte
international relatif aux droits civils et politiques.
Mais il y a plus. Chaque Etat ne
s'engage pas de la même façon à l'égard de tous les
autres dans certains domaines, mais choisit restrictivement les destinataires
de ses obligations. En conséquence, une matière peut relever du
domaine réservé à l'égard de tel Etat mais pas
à l'égard de tel autre. Aussi, au sommet de l'U.A., du 6 au 8
juillet 2004, la RDC avait-elle opposé l'exception de la
souveraineté aux Etats qui désiraient à ce que soit
débattue la question de la nationalité congolaise. Cependant,
cette exception n'a jamais été opposée au CIAT.
Une intervention donc dans la matière objet du
domaine réservé sera interdite ou non selon son auteur. Ces
principes ont été appliqués par la CIJ dans l'affaire du
Nicaragua. En effet, après avoir constaté que ce dernier pays
n'avait souscrit qu'une simple promesse à l'égard de l'O.E.A.
dans le domaine qui avait fait l'objet de l'intervention américaine, la
cour affirme que même dans le cas où cette promesse politique
aurait eu une valeur d'engagement juridique, seule l'O.E.A. aurait pu exiger
l'exécution d'une obligation internationale dont elle était
l'unique destinataire((*)104). Ce passage démontre que le domaine
réservé varie selon les rapports internationaux
envisagés.
2° La deuxième conséquence
de l'application du critère de l'engagement international pour
déterminer l'étendue du domaine réservé est que
cette détermination n'est pas laissée au jugement de l'Etat
visé.
Les qualifications faites par les Etats doivent être
considérées comme des simples déclarations politiques ne
s'imposant à personne. Rien d'étonnant que le Etats qualifient
n'importe quel acte accompli dans n'importe quel domaine d'intervention
illicite. Seule une instance de règlement des différends est
susceptible de régler une divergence d'appréciation. Rien
n'empêche, cependant, un Etat de s'adonner le loisir de qualifier une
violation commise dans un autre Etat, moyennant un contrôle
ultérieur éventuel.
Les mesures coercitives donc, exercées en dehors du
domaine réservé, ne sont pas illicites. Il sera question, dans le
dernier paragraphe de cette première partie, de déterminer les
formes sous lesquelles les différentes mesures coercitives
exercées en dehors du domaine réservé sont coulées
en droit international.
§2. MODALITES D'EXERCICE
DES MESURES DE CONTRAINTE
Deux types de mesures doivent être
distingués dans cette matière : la rétorsion et les
représailles. Si les deux mesures doivent leur licéité du
fait qu'elles sont exercées en dehors du domaine réservé,
les représailles doivent encore remplir des conditions
particulières pour être considérées comme telles.
A. La rétorsion
Au sens strict, la rétorsion
s'entend du recours à une mesure identique à celle contre
laquelle elle entend protéger son auteur (rétorquer). C'est en
effet une mesure inamicale, licite en elle-même, prise par un sujet
de droit international, en général un Etat, en riposte à
un comportement inamical d'un autre sujet de droit international, que ce
comportement soit ou non licite((*)105).
La rétorsion se distingue donc
toujours des représailles puisqu'elle consiste en une mesure (ou une
série de mesures) licite(s). Ce sont des actions qui ne violent à
priori aucun principe du droit international : c'est le cas lorsqu' un
Etat en guise de protestation contre une violation alléguée des
droits de la personne dans un autre, décide de ne pas conclure de
nouveaux accords commerciaux avec lui, et exige comme préalable qu'il
cesse la violation.
La rétorsion se manifeste notamment
en matière de traitement des étrangers et des relations
diplomatiques. L'acte qui consiste à déclarer un diplomate
persona non grata ou la suspension ou encore la rupture des relations
diplomatiques constituent des exemples typiques de rétorsion.
La fermeture de la représentation
de l'Agence Américaine pour le Développement International
(USAID) au Cameroun à partir de l'année fiscale 1995 est une
mesure de rétorsion adoptée par les Etats-Unis pour protester
contre le résultat controversé des élections
présidentielles du 11 octobre 2004.
B. Les représailles
ou contre-mesures
Les représailles
consistent en des actions illicites, prises pour répondre à un
fait internationalement illicite. Etant donné que le fait illicite
initial constitue à la fois le motif et le fondement juridique des
représailles, elles se définissent, en droit international
contemporain, comme une circonstance excluant l'illicéité((*)106). Pour être
licites, elles doivent non seulement s'exercer en dehors du domaine
réservé, mais elles doivent aussi remplir un certain nombre de
conditions formelles et substantielles prévues par le droit
international.
Primo, elles doivent être
précédées d'un fait illicite. Secundo, les
représailles ne sont admissibles que contre l'Etat provocateur. Tertio,
seul l'Etat lésé peut prendre des mesures de représailles.
Néanmoins, une action collective est permise en ce qui concerne la
violation d'une obligation erga omnes.
Ainsi, un Etat peut réagir à la violation d'une
obligation fondamentale du droit international en adoptant des mesures de
représailles s'il cesse par exemple d'exécuter des conventions de
coopération en vigueur. C'est en considération de cette
possibilité de réaction que s'inscrit la décision de la
Belgique de suspendre les avantages accordés au Zaïre dans le cadre
de l'accord général du 27 Mars 1990 entre les deux Etats suite au
massacre du campus de l'Université de Lubumbashi. On peut encore citer
l'Uganda Embargo Act voté par le congrès
américain pour réagir contre le génocide
perpétré par le général IDI AMIN DADA, mesure
interdisant toute importation d'articles en provenance de l'Ouganda ou
exportation à sa destination de plusieurs produits, et ce, en
dépit des règles du GATT liant les deux Etats.
La question des motivations politiques et des
fondements juridiques élucidée, il convient d'appliquer les
résultats des investigations de la première partie à la
deuxième partie.
II ème PARTIE
L'ACTION INTERNATIONALE EN
FAVEUR DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN
L'action internationale en faveur de la démocratie au
Cameroun est un type de rapports qui s'instituent entre les différents
acteurs de la société internationale avec ce pays, et ce,
à des degrés très divers. Ces rapports peuvent être
de coopération ou d'aides dans le cadre des relations économiques
internationales et/ou de contrainte à la démocratisation.
Le cadre juridique dans lequel doit se dérouler
l'action internationale en faveur de la démocratie a été
défini au second chapitre de la première partie. La question donc
de la légitimité des acteurs extérieurs à disposer
du droit en tant qu'instrument de leur politique n'est plus à
démontrer. La question qui doit être résolue à ce
niveau est celle de la conformité de la politique de ces acteurs aux
objectifs assignés à leur action.
Pourtant, la pratique révèle que
l'implication de la communauté internationale dans le processus
démocratique africain en général et camerounais en
particulier demeure incertaine et sélective. Les motivations qui
caractérisent l'action des intervenants -la recherche d'un
intérêt politico-stratégique, économique et culturel
-soulèvent quelques doutes quant aux résultats escomptés
par ces derniers.
On peut dès lors se poser la question
suivante : les nations prospères de l'hémisphère
boréal cherchent - elles vraiment à démocratiser le
Cameroun ? L'allure tendancieuse de la question n'appelle pas de
réponse hâtive. La démarche se doit méthodique pour
répondre à cette préoccupation.
En effet, l'analytique institutionnelle du système
politique camerounais démontre à suffisance l'errance du Cameroun
sur ce qui semble être la transition démocratique.
Fabien EBOUSSI BOULAGA préfère parler de
la démocratie de transit au Cameroun((*)107). L'analyse de la
dynamique du changement institutionnel et constitutionnel du Cameroun depuis
1990 laisse apparaître quelques doutes sur son engagement dans la voie de
la démocratisation. Cette préoccupation fera l'objet du premier
chapitre.
Cependant, les textes juridiques ne sauraient à eux
seuls expliquer l'évolution de la vie politique camerounaise, car le
plus souvent dénaturés par les acteurs en présence qu'ils
sont censés régir. Et ces derniers trouvent la force de
résister contre ou d'appuyer le changement démocratique sur
l'action des acteurs extérieurs. Il s'avère donc indispensable,
dans un deuxième chapitre, de chercher à préciser la
dynamique de l'implication de la communauté internationale dans le
processus démocratique Camerounais. Cette démarche permet de
rendre compte - Pourquoi en est - il ainsi ? - de
l'évolution que connaît ce pays.
CHAPITRE 1
ANALYSE INSTITUTIONNELLE DU
SYSTEME POLITIQUE CAMEROUNAIS
Durant la période baptisée de
« transition démocratique au Cameroun », que se
passe-t-il effectivement ? Les faits et événements qui s'y
déroulent confortent-ils la thèse d'une transition vers la
démocratie ? Ou peut-on affirmer avec le philosophe camerounais
Fabien EBOUSSI BOULAGA que la démocratie n'a été que de
transit dans son pays ? Mieux, s'agit-il d'une démocratie
virtuelle, de façade, ou d'une démocratie
réelle ?
L'analytique institutionnelle du système politique
camerounais permet de trouver une réponse à ces diverses
préoccupations. En effet, notons avec Fabien EBOUSSI BOULAGA que
« c'est la lutte des groupes et des organisations pour maintenir de
vielles règles de vie commune ou pour y introduire de modifications ou
en imposer de nouvelles » qui donne un sens aux faits et
événements qui se déroulent durant la transition que l'on
baptise de démocratique((*)108). Un ensemble de règles compose un cadre
stable en fonction duquel se mesure ce qui arrive. Il est
précisément fait d'institutions. Par institutions, on peut
entendre « un système public de règles qui
définit des fonctions et des positions avec leurs droits et leurs
devoirs, leurs pouvoirs et leurs immunités. D'après ces
règles, certaines actions sont autorisées, d'autres sont
interdites ; en cas d'infraction, elles prévoient des peines, des
mesures de protection »((*)109).
L'analytique institutionnelle vise donc la construction des
institutions de base qui, sous la pression des différents groupes
organisés, déterminent la manière dont se
répartissent les droits et les devoirs, les charges et les avantages
tirés de la coopération sociale((*)110). Elles délimitent ainsi le
« lieu » stable où se déroule la
destinée des individus avec « leurs perspectives de vie, ce
qu'ils peuvent s'attendre à être, ainsi que leurs chances de
réussite((*)111).
Dans les démocraties, cette structure institutionnelle
comprend la constitution politique et les principales structures
sociales((*)112).
La période envisagée pour cette analytique
institutionnelle est celle qui va de l'année 1990 aux récentes
élections présidentielles du 11 octobre 2004. La dite analytique
exige que l'on commence avant tout par appréhender la dynamique de la
lutte des groupes et organisations autour da la question d'une tabula
rasa ou d'un statu quo institutionnel et constitutionnel ainsi
que l'issue de la lutte, avant d'évaluer le résultat du processus
en cours au Cameroun à la lumière du cadre théorique et
institutionnel universel que doit avoir tout Etat qui s'estime
démocratique.
SECTION 1. SITUATION
INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE DU CAMEROUN DEPUIS 1990
L'année 1990 correspond à la
délimitation temporelle que nous avons adoptée dans
l'introduction de notre travail. Elle coïncide avec la montée en
puissance d'une « « société
civile » qui, déçue de ses espérances
démocratiques, écoeurée par l'incurie de la bureaucratie
gouvernante, mais sans doute aussi galvanisée par les expériences
étrangères de rupture d'avec les régimes autoritaires,
entendait sortir de l'impasse politique et de l'ornière
économique dans lesquelles le pays s'enfonçait chaque jour un peu
plus »((*)113).
Et la réponse satisfaisante que ces demandes
sociales attendait du pouvoir était l'élaboration d'une nouvelle
constitution et non le ravalement de celle qui fut taillée sur mesure
par le Chef d'un parti unique. L'inadéquation de l'offre à la
demande de changement institutionnel et avant tout constitutionnel est la
clé de l'interprétation de la stagnation politique de la
période que nous envisageons.
De tous les faits et événements relatifs
à l'action des acteurs sociaux et à la réaction du
pouvoir, une date retient notre attention : le 18 janvier 1996.
Aboutissement ou détournement du processus démocratique ?
L'analyse de la situation institutionnelle et constitutionnelle du Cameroun se
fera en deux temps : avant et après cette date.
§1. SITUATION
INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE D'AVANT 1996
L'analyse de la situation institutionnelle et
constitutionnelle du Cameroun entre 1990 et 1996 nous amène à
répondre à deux questions : Le pourquoi - l'analyse
des causes- et le comment - l'analyse des processus,
c'est-à-dire des façons dont les leaders politiques et le peuple
camerounais cherchaient à mettre fin à l'autoritarisme du
régime hérité d'Ahmadou AHIDJO.
A. Contexte global de la
démocratisation au Cameroun
Il s'agit ici de rechercher les causes qui ont
été déterminantes dans la volonté des acteurs
sociaux et politiques camerounais d'introduire la démocratie dans
l'organisation et le fonctionnement de leurs institutions politiques. Une
distinction doit de ce fait être établi entre les causes
lointaines et les causes immédiates, les premières balisant le
terrain et les secondes mettant en branle le mouvement qui produit les effets
qui nous intéressent.
La remarque de Michelet selon lequel on ne peut
prétendre comprendre l'actuel si l'on ne s'en tient qu'au présent
a lieu d'être appliqué. Un petit saut en arrière,
au-delà même de la limite temporelle que nous nous sommes
assigné, s'avère indispensable dans la détermination des
causes lointaines.
En effet, dès son accession à la
Présidence de la République le 6 novembre 1982 suite à la
démission d'Ahmadou AHIDJO, on décèle une intention, dans
le chef de Paul BIYA, de rompre avec la continuité en
démocratisant le Cameroun, comme le témoignent ses discours. Le
président Paul BIYA voulait ainsi se présenter comme
« l'homme qui a apporté à son pays la
démocratie.... », ce qui ne faisait que confirmer sa tare
atavique héritée de l'autoritarisme de son
prédécesseur, où tout était donné, offert au
peuple par la seule volonté et la grâce d'un père
tutélaire. « Milla en coupe du monde (de football)
c'était une idée de moi », pouvait-on entendre
révélé avec jouissance Paul Biya((*)114). C'est ce que le
constitutionnaliste camerounais Maurice KAMTO qualifie de « complexe
de géniteur tendant à s'attribuer avec fatuité tout acte
porteur de fruit((*)115).
Force est de relever cependant que cette intention
démocratique n'était que discursive et n'avait été
concrétisée par aucune action claire. Toutefois, ce que le
président Paul BIYA ignorait, c'est que par ses idées et
discours, il venait de faire le lit de la démocratie et il ne suffisait
plus que la société civile, alors en voie de formation,
s'organisant principalement autour du barreau, de l'épiscopat catholique
et de l'intelligentsia , vienne s'endormir. Comme le constate Maurice KAMTO,
« l'oeuvre doctrinale du Président de la République a
fait le lit de la démocratie au Cameroun. Elle a préparé
et nourri la contestation politique. La société civile se l'est
appropriée et, prenant le président au mot, elle en a fait le
référentiel majeur de ses principales revendications
»((*)116).
Nous sommes donc à l'année 1990.
L'environnement international, suite à l'implosion de l'URSS, à
la dislocation du bloc socialiste et à la chute du mur de Berlin, offre
un cadre propice pour la démocratisation des régimes
autoritaires, désormais aux abois. Quant à l'environnement
interne, il est caractérisé par une construction
« néo-patrimoniale du pouvoir »((*)117) , ainsi que
« la politique du ventre »((*)118) le tout ayant créé une crise
économique sans précédent. Cette dernière s'analyse
en un déclin des capacités redistributives de l'Etat, affectant
au premier chef les couches moyennes menacées par la fermeture
d'entreprises publiques et les compressions du personnel dans la fonction
publique, mais aussi la paysannerie dont les cours des produits de rente sont
en chute libre. Incapable de juguler la crise économique ainsi
créée, le pouvoir va recourir à l'expertise des bailleurs
de fonds multilatéraux(BIRD,FMI) et/ou bilatéraux(Caisse
française de développement). Or, tel que préconisé
par le FMI et la BIRD, « grands prêtres » du rite
libéral((*)119),
l'ajustement apparaît comme une gestion d'une situation inextricable aux
effets sociaux néfastes, engendrant des tensions sociales qui seront
transposées sur le terrain politique.
« La subversion par le haut » du chef de
l'Etat comme cause lointaine, l'environnement interne et international comme
cause immédiate, voilà trois séries de faits qui vont
concourir ensemble et qui seront déterminants dans la volonté
subversive de la société civile d'arracher de force cette
démocratie dont elle s'était lassé que le haut la leur
octroie.
Au plan strictement politique, la poussée subversive
de la société civile commence avec l'affaire YONDO Black. Ancien
bâtonnier de l'ordre des avocats, Me YONDO MANDENGUE Black est
arrêté, le 19 février 1990, avec neuf de ses acolytes pour
« tenu des réunions clandestines, confection et diffusion des
tracts hostiles au régime, outrageants à l'endroit du
Président de le République et incitants à la
révolte » ((*)120). Le 27 mars 1990, le bâtonnier,
Me Bernard MUNA, convoque une session extraordinaire de l'ordre à
Douala, où il y aura une grande affluence et au cours de laquelle une
véritable plaidoirie en faveur de la démocratie et des droits de
l'homme fut développé, signant de ce fait l'acte de divorce avec
le pouvoir. Lorsque s'ouvre le procès le 30 mars 1990 au tribunal
militaire de Yaoundé, on ne peut donc s'étonner que les
plaidoiries de la défense soient en grande partie bâties sur les
idées de Paul BIYA. Le 26 mai 1990, une manifestation en l'occasion du
lancement du SDF est réprimée par les forces de l'ordre à
Bamenda, causant six morts dont cinq tués par balles. Le même jour
à l'université de Yaoundé, près de trois cents
étudiants seront arrêtés au cours d'une rafle violente,
accusés injustement d'avoir chanté l'hymne national du Nigeria
voisin dont ils ignoraient le moindre couplet, lors d'une marche de soutien au
nouveau parti du Chairman John FRU NDI, le SDF.
Face à cette poussée, le pouvoir
légalisera le multipartisme au cours d'une session parlementaire - dite
des libertés - en Novembre / Décembre 1990((*)121). Cet aménagement
de l'espace juridico-politique permet à une opposition légale de
se constituer. Aussitôt légalisée, elle réclame
d'entrée de jeu la convocation d'une conférence nationale
souveraine à la béninoise. C'est alors qu'apparaît la
question du comment de la démocratisation.
B. Par quel chemin se
démocratiser : révision constitutionnelle,
élaboration d'une nouvelle constitution dans le cadre ou non d'une
Conférence Nationale Souveraine ?
Les développements du point précédent
démontrent à suffisance que la démocratisation au Cameroun
est le résultat d'une dialectique entre deux pôles du
système socio-politique camerounais : le pouvoir d'une part et la
société civile d'autre part. Il est donc erroné
d'attribuer la paternité de la démocratisation à un seul
pôle dans ce pays, comme le font les tenants de la démocratisation
par le haut et ceux de la démocratisation par le bas((*)122).
L'interaction entre les deux pôles ne s'était pas
réalisée sans heurts, les rues s'étant transformées
en champ de bataille entre deux blocs formés d'un coté par les
manifestants, principaux victimes d'une gestion économique
catastrophique et de l'autre par les rangs serrés des forces du maintien
de l'ordre. La pomme de discorde entre les deux camps étant le choix du
processus par lequel la démocratie devait être importée au
Cameroun : une révision constitutionnelle ou l'élaboration
d'une nouvelle constitution dans le cadre ou non d'une conférence
nationale à la béninoise?
En effet, les formations politiques, après avoir
tambouriné aux portes du multipartisme, piaffant d'impatience et
sitôt légalisées, réclamaient presque unanimement la
conférence nationale, l'amnistie générale et
inconditionnelle et le départ du président BIYA du pouvoir. Pour
faire pression sur ce dernier, l'opposition avait choisi comme mode
d'expression le harcèlement, en déchaînant des
manifestations violentes et en expérimentant une diabolique
trouvaille : les villes mortes, c'est-à-dire un appel à la
population d'observer certains mots d'ordres tels que fermer boutiques, ne pas
sortir, ne pas aller au travail, et même l'appel à la
désobéissance civique.
L'usage de la répression et le refus de toute
discussion sera dans un premier moment la réponse que le gouvernement
avait réservé aux revendications sociales. Mais il fallait
à tout prix reprendre l'initiative politique afin de relâcher la
tension, conseillent au président BIYA ses collaborateurs et ses mentors
étrangers. Il ne trouvera pas mieux que la création ou plus
exactement la restauration du poste du Premier ministre, par la loi
constitutionnelle du 23 avril 1991 portant modification de la constitution du
02 juin 1972((*)123).
Cependant, la révision constitutionnelle ne
répondra pas à la demande du changement institutionnel. En effet,
la restauration du poste demandé ne remettait pas en cause la place
centrale du Président de la République au sein de
l'exécutif et du système politique camerounais. Il définit
la politique de la nation, que le Premier ministre se contente d'appliquer.
Dans ces conditions, le Premier ministre n'apparaît que comme un simple
exécutant du chef de l'Etat qui se réserve le dernier mot, la
décision ultime susceptible de renverser tout ce que le Premier ministre
a promis ou engagé ultérieurement.
Quand on sait encore que le premier Premier ministre SADOU
HAYATOU était de la famille présidentielle((*)124), l'opposition ne se
retrouvait donc pas dans ce semblant d'ouverture, qui n'était en
réalité q'une entrouverture. Pour cette dernière donc,
plus qu'une simple modification de quelques articles de la constitution, c'est
celle-ci toute entière qui est à revoir, dans le cadre
institutionnel d'une conférence nationale souveraine. L'idée
n'était pas encore enterrée.
Mais le président Paul BIYA se voulait aussi
très ferme dans ses positions et n'entendait point marchander :
« Je l'ai dit et je le maintiens, la conférence nationale est
sans objet pour le Cameroun », martelait-il le 27 juin 1991 devant
l'Assemblée nationale. Il venait ainsi de balayer les dernières
illusions et les derniers espoirs auxquels s'accrochait l'opposition.
C'est le lieu et le moment d'appliquer ici la catégorie
des processus de démocratisation que le politologue américain
HUNTIGTON qualifie de transplacement: « Dans les transplacements, la
démocratisation est le produit de l'action conjointe du gouvernement et
de l'opposition » ((*)125).
HUNTIGTON note tout d'abord qu'avant qu'il y ait entente entre
opposition et pouvoir sur la détermination de la nature de leur futur
système politique, les formations politiques de l'opposition ont
toujours cru qu'elles seraient « capables de provoquer la chute du
gouvernement dans un avenir assez proche. Un tel espoir s'est souvent
révélé parfaitement utopique , mais tant que les
dirigeants de l'opposition s'y cramponnaient, toute négociation
sérieuse avec le gouvernement était
impossible »((*)126). C'est ce qui se passe exactement au Cameroun,
dont la frange de l'opposition radicale boycotta toutes les consultations
menées par le Premier ministre SADOU HAYATOU et n'entendait point
marchander sur l'organisation d'une conférence nationale((*)127).
De son coté, « le gouvernement a cru qu'il
pourrait contenir et supprimer l'opposition sans avoir à payer pour
cela un prix trop élevé »((*)128). Le durcissement de ton
du pouvoir et la fermeté de la répression procédait, au
Cameroun, de cette rhétorique.
Ce qui n'était alors qu'un vent d'est parti de l'Europe
de l'Est devint vite pour le Cameroun un cyclone((*)129), entretenu par des
adolescentes désoeuvrés, sans carte de visite ni conviction
politique. On comptait des victimes par centaines, à la suite des heurts
désormais quotidiens entre les manifestants et les forces de l'ordre. La
situation, pensait-on, ne pouvait perdurer, au risque d'entraîner des
conséquences fortement préjudiciables pour l'économie du
pays et d'effaroucher les investisseurs.
Mais quand est-ce que le transplacement devait avoir
lieu ? C'était de toute évidence « lorsque les
deux parties ont modifié leur perspective : l'opposition a
été contrainte de reconnaître qu'elle n'était pas
suffisamment forte pour renverser le gouvernement, lequel s'est avisé
que ses adversaires étaient suffisamment puissants pour que le
coût du refus de négocier devienne trop élevé :
durcissement de la répression aboutissant à une
désaffection accrue de certaines couches de la population envers le
gouvernement », ayant comme conséquence la perte de la
crédibilité du régime sur la scène
internationale((*)130).
La négociation demeurait donc la seule issue pour sortir de l'impasse,
dans un contexte où les concernés faisaient sourde oreille aux
nombreux appels au calme du gouvernement et où l'opposition
commençait à perdre le contrôle de ses troupes.
En novembre 1991, le pouvoir et l'opposition vont accepter de
négocier sur le principe d'élaboration d'une nouvelle
constitution, dans le cadre d'une conférence tripartite
réunissant les pouvoirs publics, les partis politiques de l'opposition
et la société civile. Le 13 novembre, les parties à la
conférence signeront un accord sur les modalités techniques de
l'élaboration de la nouvelle constitution. L'accord portait
déclaration de mise sur pied d'un comité technique chargé
d'élaborer un avant-projet de constitution, qui devait revenir pour
discussion et approbation dans sa version finale devant une nouvelle
conférence tripartite, avant de passer par référendum.
Craignant sans doute l'effet du nouveau départ et de la
mise à plat des structures existantes, le Président Paul BIYA,
plus soucieux de préserver le pouvoir, délaissera ces accords en
organisant des élections législatives et présidentielles
anticipées respectivement en mars et octobre 1992, alors même que
les accords du 13 novembre 1991 interdisait toute élection avant
l'élaboration de la constitution. La décision du président
BIYA peut être considérée comme un frein, sinon un
détournement du processus démocratique. Mais elle aura au moins
atteint le but escompté : conserver à tout prix le
pouvoir.
Après sa réélection contestée,
les relations du pouvoir avec le monde extérieur sont fortement
dégradées. Les alliés du président BIYA lui
demandent de faire un geste d'ouverture pour un plaidoyer en sa faveur
auprès d'instances et d'organisations internationales, surtout
auprès du Commonwealth aux portes de qui le Cameroun frappait : la
promesse de l'élaboration d'une nouvelle constitution. C'est ce qu'il
fera le 26 novembre 1992 à contrecoeur, en prêtant serment. Le
cadre institutionnel de la conférence tripartite étant caduc, il
faut de nouveau ouvrir le débat constitutionnel. Le porte-parole du
président parle d'un « grand débat
national », ce qui fait penser à l'organisation d'une
conférence nationale. Il est aussitôt désavoué par
son maître qui, le 30 mai 1993 parle plutôt d'un « large
débat » dont il prescrit seul les modalités et le
déroulement((*)131). Ce qui équivaut bien évidement
à une série de manoeuvres tendant à maîtriser la
dynamique du changement constitutionnel et institutionnel, de peur de
connaître le même sort que MOUSSA TRAORE du Mali, HISSENE HABRE du
Tchad qui tombèrent à la suite d'une conférence nationale
ou encore DENIS SASSOU NGUESSO du Congo, GNASSINBE EYADEMA du Togo et ALI
SEIBOU du Niger qui furent mis entre parenthèses.
Mais à quoi doit aboutir ce « large
débat » ? A une révision ou à
l'élaboration d'une nouvelle constitution ? Allait-on assister
encore une fois à la continuité du présidentialisme du
régime BIYA ?
§2. SITUATION
INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE D'APRES 1996
La conférence nationale n'eut donc plus lieu au
Cameroun. L'analyse du constitutionnaliste épris des textes pourrait se
fonder sur le fait qu'à la différence du Bénin, du Gabon
ou encore de l'ex Zaïre où ces conférences eurent lieu dans
le but d'installer un cadre constitutionnel et institutionnel où devait
s'ancrer la démocratie, la constitution du 2 juin 1972 du Cameroun,
nonobstant ses divers amendements, reconnaissait le multipartisme((*)132). On peut en effet lire
à l'article 3 de ladite constitution que « les partis et
formations politiques concourent à l'expression du suffrage ».
Mais reconnaissons du moins dans une perspective socio-politique que
« le rapport de forces entre le pouvoir en place et la
« société civile » n'imposait pas cette
solution »((*)133).
La volonté de « pilotage » exclusif
de la dynamique politique interne du gouvernement renforcée, on ne peut
donc s'étonner de la détermination unilatérale des
modalités techniques de l'élaboration de la constitution. Si
cette considération nous permet de rendre compte de l'état de
détournement du processus démocratique, ce qui a
déjà été fait au point précédent,
elle ne nous permet pas de définir la nature juridique de l'acte auquel
a conduit la volonté de pilotage exclusif de la dynamique politique
interne, ainsi que du régime politique institué par ledit acte.
C'est ce que nous nous attèlerons à faire dans les pages qui
suivent.
A. De la nature juridique de
« la loi constitutionnelle n ° 96/06 portant révision de
la constitution du 02 juin 1972 »
La qualification du discours juridique officiel clase l'acte
constituant du 18 janvier 1996 dans la catégorie de la révision
constitutionnelle((*)134). Toutefois, la procédure suivie
soulève quelques questions auxquelles il convient de répondre. En
effet, l'acte que nous nous proposons d'analyser a été finalement
adopté par un vote de l'Assemblée nationale et non par
référendum.
Précisons tout d'abord que le pouvoir constituant
dérivé ou institué est l'autorité
désignée par la constitution elle-même pour modifier
éventuellement le texte constitutionnel((*)135). Le recours au pouvoir constituant
dérivé qu'est l'Assemblée nationale en lieu et place du
référendum constituant ne poserait pas problème à
ce niveau.
Ce qui est à noter cependant, c'est que
l'Assemblée nationale, organe investi du pouvoir de réviser la
constitution, à la différence du pouvoir constituant originaire,
est un pouvoir limité par essence. Outre les limitations qui peuvent
être expressément prévues dans la constitution et qui ne
nous préoccupent guère dans le cas d'espèce, la nature
même du pouvoir constituant dérivé implique d'autres
restrictions plus générale et qui découlent plus de
l'esprit que de la lettre des textes((*)136). La restriction qui nous intéresse dans
le cas sous-examen est celle qui rend incompétent le pouvoir constituant
dérivé pour toute révision totale de la constitution. Car,
comme le souligne si pertinemment le professeur Edouard MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA, « Créé par la constitution, le pouvoir
de révision ne doit pas abroger la constitution,
c'est-à-dire détruire le fondement de sa propre compétence
ou si l'on préfère scier la branche sur laquelle il est
assis »((*)137).
Pourtant, c'est ce qui s'est passé au Cameroun. Alors
que la révision devait porter sur quelques articles, les
députés sont allés au-delà du champ de la
« révision » de la constitution symbolisé
dans le texte à eux remis par l'écriture des nouveaux articles en
des caractères italiques pour se prononcer sur toute la constitution du
2 juin 1972 ainsi que le témoignent le rapport de la commission des lois
constitutionnelles présenté le 21 décembre 1995 à
la chambre entière et le vote parlementaire du 23 décembre 1995
par 160 voix pour, 2 contre et 8 abstentions((*)138).
Sur le plan de l'analyse juridique positiviste, l'argument de
la révision constitutionnelle est d'autant plus difficile à
recevoir que la loi fondamentale est passée de 39 articles et X titres
à 69 articles repartis en XII titres, que de nouvelles institutions
telles le Sénat et le Conseil constitutionnel ont vu le jour, et
contribuent à modifier l'économie générale du
régime. Il va sans dire qu'il s'agit de toute évidence
incontestablement d'une fraude à la constitution, c'est-à-dire
d'un « procédé par lequel l'autorité de
révision utilise ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel
ils lui ont été conférés, c'est-à-dire dans
le but d'établir un régime fondamentalement
différent » ((*)139).
Il apparaît donc clairement, eu égard aux
considérations d'une doctrine autorisée que ce que le discours
juridique officiel qualifie de « Loi n°96/06 portant
révision de la constitution du 2 juin 1972 » n'est pas une
révision mais est en réalité l'élaboration d'une
nouvelle constitution, relevant de la catégorie juridique des fraudes
constitutionnelles. Seul donc un référendum constituant aurait
donné à cet acte toute sa valeur, nonobstant les
irrégularités relevées dans la phase d'élaboration
et de discussion de l'Avant-projet. L'argument selon lequel le recours au
parlement offrait plus d'opportunités de discussion et de remise en
cause qu'un referendum ne tient pas debout, le pouvoir constituant originaire
étant souverain et inconditionné. En effet, « une
constitution ne tire pas sa valeur de l'élégance de son
architecture et de ses équilibres au regard des constitutionnalistes.
Elle tient à sa vérité, c'est-à-dire à
l'adéquation d'un ordonnancement au vouloir être peuple d'une
population »((*)140). Pour ce faire, le peuple doit être mis en
état d' "insurrection constitutionnelle "((*)141). C'est plus qu'une
question de mode, mais un impératif de la démocratie :
« Avant d'être la capacité de se donner des dirigeants
par des élections libres, justes et transparentes, la démocratie
est le choix, par la libre discussion de sa constitution et de ses lois
fondamentales. Le bon ordre exige qu'on satisfasse à ce réquisit
avant de passer à un autre et il est tel qu'il ne se négocie pas
ni par sa priorité ni pour la
préséance »((*)142).
Mais au-delà de ces développements sur la nature
juridique de l'acte constituant du 18 janvier 1996, l'aménagement
institutionnel apporté par ce dernier dans l'espace politique
camerounais soulève quelques questions auxquelles l'analytique
institutionnelle nous permettra de répondre.
B. Du régime
politique institué par l'acte constituant du 18 janvier 1996
Il importe de recourir à l'exégèse de la
constitution du 18 janvier 1996 pour pouvoir qualifier le régime
politique en place au Cameroun.
En effet, l'art.12 al. 1 de la constitution dispose que
« le Premier ministre est le Chef du gouvernement et dirige l'action
de celui-ci ». Le Premier ministre du Cameroun est donc une instance
de décentralisation de l'exécutif en imitation de la constitution
française de la Vème République. Et le
régime en place est semi-présidentiel, c'est-à-dire muni
d'un exécutif à deux pôles de pouvoir, celui du
Président de la République et celui du Premier ministre.
Théoriquement donc, le régime politique en place
au Cameroun répondrait à la typologie des régimes semi -
présidentiels, où l'on retrouve un gouvernement collégial
et solidaire, responsable devant l'Assemblée élue au suffrage
universel direct et un président élu lui aussi, au suffrage
universel direct et disposant non seulement de l'autorité que
confère ce mode de désignation, mais aussi des pouvoirs
considérables((*)143). Serait-ce, enfin, une rupture avec le
présidentialisme hérité d'Ahmadou AHIDJO et que même
la révision constitutionnelle du 23 avril 1991 n'était pas
parvenue à annihiler ?
Une exégèse complète de la constitution
ne se limitant pas seulement à l'article susmentionné ainsi que
l'analyse de la pratique faite par les acteurs politiques permettent d'opter
pour une qualification différente du discours officiel. On peut en effet
lire à l'art. 11 al. 1 de la constitution que « le
gouvernement est chargé de la mise en oeuvre de la politique de la
nation telle que définie par le Président de la
République ». Le Président de la République
garde donc toujours une place centrale au sein de l'exécutif et du
système politique camerounais. Il définit la politique de la
nation que le Premier ministre se contente d'appliquer. Un tel système,
obligeant le Premier ministre à appliquer la politique définie
par le Président amènerait un Premier ministre issu d'une
opposition dominant l'Assemblée nationale à léser les
intérêts des siens. Mais le système ne prévoie que
l'appartenance à la majorité présidentielle. Il a
érigé un état de fait en une loi de convenance((*)144).
En clair, le Premier ministre n'est pas ce que l'art. 12 al. 1
déclare qu'il est : le Chef d'un gouvernement effectif. D'ailleurs,
l'art. 10 al. 2 confirme ce point de vue. Cet article déclare en effet
que « le Président de la République peut
déléguer certains de ses pouvoirs au Premier
ministre, aux autres membres du gouvernement et à certains hauts
responsables de l'administration de l'Etat, dans le cadre de leurs attributions
respectives »((*)145). Pour le constituant, une telle
délégation des pouvoirs ne revêt qu'un caractère
facultatif. Qui plus est, le Premier ministre est placé sur le
même pied d'égalité avec les autres membres du gouvernement
et certains hauts responsables de l'administration de l'Etat!
Pire encore, le Premier ministre est affligé d'une
double dépendance vis-à-vis du Président et à
l'égard de l'Assemblée nationale. Le président peut mettre
fin discrétionnairement à ses fonctions, il peut le reconduire
dans celles-ci en cas de démission ou de motion de censure de la part de
l'Assemblée. Celle-ci peut en outre lui refuser sa confiance ou voter
contre son gouvernement une motion de censure, dans l'un ou l'autre cas,
à la majorité de deux tiers des membres la composant. Ainsi, le
Premier ministre est obligé d'exécuter et de gérer des
politiques pour lesquelles son accord n'est pas requis et de les
défendre devant une Assemblée qu'il ne contrôle pas et qui
ne saurait endosser des choix éventuellement contraires à ses
intérêts.
Le régime politique institué par la
constitution dont question ici n'est donc semi - présidentiel que
théoriquement. L'analytique institutionnelle, sur base des
développements ci-dessus, permet d'affirmer que l'on est en face d'un
régime que la doctrine publiciste qualifie de
présidentialisme, c'est-à-dire d'un régime
dévié du système présidentiel mais qui n'en a pas
respecté le mérite essentiel, à savoir le partage
équitable des pouvoirs((*)146). « C'est la contrefaçon autoritaire
du régime présidentiel »((*)147) qui « se
traduit par l'attribution au Chef de l'Etat de prérogatives qu'il ne
possède pas dans un véritable régime
présidentiel »((*)148) : initiative législative, droit de
dissolution, fixation de l'ordre du jour de l'assemblée « et
qui, dans le cas de l'Afrique, lui sont reconnus par les
textes »((*)149) (Sic!).
Tel est l'état des institutions politiques du Cameroun
et des textes constitutionnels censés les régir, telle est
surtout la culture antidémocratique que la période
qualifiée de transition démocratique n'a pas annihilée.
C'est elle qui explique les difficultés ou même les
impossibilités du changement, s'il doit être conduit par des
équipes dont le noyau « dur » est constitué
par ceux qui sont au pouvoir depuis 35, 30 ou 25 ans. Il y a lieu d'affirmer
avec le professeur Greg BASUE BABU-KAZADI que « les dirigeants des
indépendances dont certains tiennent à gouverner, à ce
jour, ne peuvent que refléter une conception despotique de l'Etat. Ce
qu'ils ont intériorisé durant la colonisation »((*)150). C'est ainsi que Fabien
EBOUSSI BOULAGA note qu'entre 1990 et 1996, on retrouvait aux mêmes
postes clés les mêmes hommes, Paul Biya à la
Présidence de la République, Jean FOCHIVE à la tête
de toutes les polices, Joseph Charles DOUMBA au secrétariat
général du RDPC, Robert MBELLA MBAPPE à l'Education
nationale, le Général SEMENGUE à l'Etat major des
armées, André TSOUNGUI au ministère de l'administration
territoriale. Ils symbolisent, de l'avis de l'auteur, la continuité avec
le régime Ahidjo, voire avec la période coloniale
finissante((*)151).
D'autres sont là et n'ont changé que des portefeuilles. Plus
jeunes, ils incarnent cependant l'intransigeance et l'idéologie du
pouvoir arbitraire dont ils sont les produits.
Mais quelle évaluation pouvons-nous faire du
processus démocratique en cours au Cameroun, à travers sa
structure institutionnelle et constitutionnelle ?
SECTION 2. APPROCHE
EVALUATIVE DU CADRE THEORIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA DEMOCRATIE AU
CAMEROUN
Définir la démocratie tel que nous l'avons
fait au début de ce travail revient en effet à la définir
comme étant le pouvoir par le peuple. Par conséquent,
dans un régime démocratique, tous les mécanismes propres
doivent être mis en place afin de permettre au peuple de participer au
choix de ses dirigeants qui, ainsi, sont ses représentants dans
l'exercice du pouvoir. Aussi, voit-on apparaître clairement la place des
élections dans le processus de démocratisation.
Cependant, si l'organisation des élections est une
condition nécessaire de la démocratie, ce n'est pas pour autant
une condition suffisante. Sinon, ce serait donner de la notion de
démocratie une définition minimale. On doit la compléter
par une définition par le but, pouvoir pour le peuple, et par
la source, pouvoir du peuple. La première implique un
régime où les droits de l'individu fondés sur la
liberté individuelle sont garantis, et la seconde un régime
où le peuple est détenteur de la souveraineté.
Ces trois éléments de définition - par la
procédure, par le but et par la source - forment l'esprit
démocratique, contenu irréductible de la démocratie et
sans lequel les Etats qui s'y revendiquent ne sont que parure, oripeaux, voire
supercherie. Ils forment l'âme de la démocratie, exception faite
des spécificités, des formes et des mécanismes de sa
matérialisation. Sans lui, toute
« démocratie » est vide de contenu et simple
illusion((*)152).
Cet esprit démocratique doit être
formalisé dans un cadre théorique (§1) et institutionnel
(§2) qui lui est aujourd'hui presque universellement reconnu.
§1. EVALUATION DU CADRE
THEORIQUE
Le cadre théorique de la démocratie est
l'ensemble des notions fondamentales susceptibles de faciliter la
réalisation des exigences démocratiques relatives à
l'égalité, aux libertés politiques et au droit à la
démocratie, la démocratie apparaissant elle-même ici comme
le plus en vue des droits fondamentaux de l'homme.
La concision exige que l'on se limite à l'analyse des
normes constitutionnelles contenues dans l'acte constitutionnel du 18 janvier
1996.
Afin d'approcher ce qui se passe réellement en ce
domaine durant la période que nous considérons, on se pose une
question simple : Quels sont les progrès et les
améliorations survenus depuis le début de la
« transition » ? Que reste-t-il à faire
urgemment ?
A. L'adhésion du
Cameroun au courant universel des droits de l'homme
L'esprit démocratique sous-tend un régime
bâti autour de la valeur et des droits de l'individu, et qui propose
d'aménager la société de manière à assurer
et garantir la liberté individuelle. La construction de ce type de
régime au Cameroun s'est fait autour d'un certain nombre de normes
constitutionnelles. C'est ainsi que la constitution du 18 janvier 1996
manifeste l'attachement de l'Etat camerounais au courant universaliste des
droits et libertés individuels. Sur ce, on peut relever :
· Primo, l'exposé des motifs du préambule
renferme également une déclaration des droits suffisamment
détaillée((*)153) venant après l'affirmation solennelle de
l'attachement du peuple camerounais à la « Déclaration
universelle des droits de l'homme, à la convention africaine des droits
de l'homme et des peuples, et toutes les conventions internationales y
relatives et dûment ratifiées »((*)154). Mais quid de sa valeur
juridique ? Loin de nous l'idée de nous adonner à un
exercice dont plus d'un constitutionnaliste se serait volontiers livrer, il
importe de préciser que l'art. 65 de la constitution, en disposant que
« le préambule fait partie intégrante de la
constitution », met fin à toute initiative de débats
entre spécialistes des questions constitutionnelles.
· Secundo, le préambule de la constitution
stipule que « Tout prévenu est présumé innocent
jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie au cours d'un
procès conduit dans le strict respect des droits de la
défense ». C'est une innovation pour le constituant
camerounais qui, après 35 ans de mutisme constitutionnel,
constitutionnalise enfin le principe procédural « des
droits de la défense » ((*)155). Cette formule du préambule
constitutionnel confère donc la possibilité à tout
prévenu dans quelque procédure que ce soit, d'être
informé des griefs portés contre lui articulés dans le but
de lui permettre de mieux organiser sa contradiction. Ce droit voudrait dire
que l'opinion du prévenu dans le litige compte et doit
précéder toute décision relative à son droit eu
égard aux exigences de la manifestation de la vérité. Ce
droit est donc une obligation pour toute instance juridictionnelle qui
connaît une procédure contentieuse mettant aux prises un demandeur
et un défendeur.
Malgré l'accueil positif quasi unanime dont a fait
objet ce préambule, un point n'a pas pu faire l'objet de nos
appréciations. On peut en effet lire dans le corps du préambule
que « la liberté et la sécurité sont garanties
à chaque individu dans le respect des droits d'autrui et de
l'intérêt supérieur de l'Etat ». Le
caractère discrétionnaire de l'appréciation de
l'intérêt supérieur de l'Etat ne peut que faire craindre
des abus éventuels.
Le Cameroun serait donc un Etat de droit, ou mieux,
un « Etat des droits de l'homme ». En
quel sens ? Sa constitution a inscrit les droits de l'homme dans son
préambule. Il est partie prenante à la charte des Nations Unies
du 26 juin 1945, à la DUDH de 1948, aux deux pactes internationaux
datés du 16 décembre 1966 et portant respectivement sur les
droits civils et politiques, et sur les droits économiques, sociaux et
culturels. Le Cameroun est par ailleurs membre de l'U.A. et a souscrit à
la charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Cependant,
l'effectivité sociale de la pratique de ces droits et leurs violations
quotidiennes par ceux qui sont censés les garantir nous pousse à
nous demander légitimement si ils ne seraient pas un corpus
à usage externe, tendant à se faire une belle image auprès
de la communauté internationale et plus particulièrement
auprès des partenaires économiques et des instances
monétaires internationales telles que la BIRD et/ou le FMI.Il ressort
par exemple de la lecture du Rapport du Département d'Etat
américain sur les droits de l'homme au Cameroun pour l'année
2003 que les forces de sécurité commettent de nombreux
meurtres extrajudiciaires, que les conditions de détention sont rudes et
dangereuses pour la vie, que les forces de sécurité continuent
à pratiquer l'arrestation et la détention arbitraires et parfois
au secret de diverses figures de l'opposition, de militants des droits de
l'homme, ainsi que d'autres citoyens, souvent pendant des périodes
prolongées, sans inculpation et sans que leur soit accordée la
possibilité d'être jugé.
Dans ces conditions, ne serait-on pas en face de ce que les
constitutionnalistes qualifient de Constitution-programme, dans laquelle
« les déclarations de droit, les garanties contre
l'arbitraire...demeurent plus ou moins lettre morte » ?((*)156). Et même dans le
cas d'une constitution-programme, notons à la suite du professeur
Edouard MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA que « les citoyens courageux peuvent
invoquer les principes posés par la constitution pour résister au
pouvoir »((*)157). Mais devant quel juge? Quand on sait que la
situation de l'appareil judiciaire camerounais est telle qu'elle dispose d'un
moyen humain qui entretient le sentiment populaire d'une justice à
double vitesse, une à la fois expéditive et rigoureuse lorsqu'il
s'agit de censurer les agissements des particuliers et une autre plus
bienveillante destinée à contourner le courroux des
« grands » indexés, on peut bien s'imaginer la
situation du simple justiciable camerounais.
Et que dire du contrôle de la constitutionalité
des lois et des actes ayant force de lois, contrôle qui permet d'assurer
la suprématie de la constitution ? Le législateur peut-il
voter une loi qui violerait un droit garanti aux citoyens par la constitution,
sans être inquiété ? Si la création de la cour
constitutionnelle est une nouveauté apportée par l'acte
constituant du 18 janvier 1996, notons que par voie d'action, il a
prévalu une restriction du droit de saisine de cette cour,
exclusivité accordée au Président de la République
et, de façon moins perceptible, au Président de
l'Assemblée nationale. Le caractère inopérant d'un tel
droit ressort du fait que ces deux faiseurs de lois sont eux-mêmes des
potentiels destructeurs de leur propre édifice juridique, ce qui est
parfaitement réalisable dans une société où les
dirigeants se remettent rarement en cause, « habitués qu'ils sont
à se prévaloir de leur propre turpitude »((*)158). Par voie d'exception
les juges se sont refusés à opérer pareil contrôle
au motif qu'aucun texte juridique ne leur en attribuait la
compétence.
B. La consécration du
principe démocratique
Le reflet en droit international de la conception
philosophique du XVIIIème siècle, contenue dans la
Déclaration de l'indépendance dite de Virginie et celle des
droits de l'homme et du citoyen selon laquelle la société et
l'Etat sont nécessaires pour l'expansion de la liberté
individuelle, valide le passage de la liberté de l'individu à la
souveraineté du peuple dans le moule de l'Etat libéral.
Ce passage est le fruit de la garantie constitutionnelle, mais
aussi internationale, des droits fondamentaux qui permettent de
positiver la démocratie, c'est-à-dire que le peuple
continue d'être souverain((*)159).
Ainsi posé, la notion de souveraineté est un
problème fondamental dans toute entité étatique, car elle
détermine la source du pouvoir. Le souverain, c'est le titulaire du
pouvoir, à qui le pouvoir appartient par nature, toutes les
autorités établies tiennent de lui le droit de gouverner. Et dans
une démocratie représentative, le souverain , c'est la nation ,
c'est-à-dire « une entité abstraite, composée
de citoyens actuellement présents, de ceux qui vont venir ainsi que de
ceux qui ont déjà existé »((*)160).
Ce principe de la souveraineté nationale exercée
par le peuple qui figurait déjà en bonne place dans la
constitution du 2 juin 1972 est confirmé par l'article 2 al. 1 de la
constitution du 18 janvier 1996: « La souveraineté nationale
appartient au peuple camerounais qui l'exerce, soit par l'intermédiaire
du Président de la République et les membres du Parlement, soit
par voie de référendum ». Les autorités
chargées de diriger l'Etat tiennent donc leurs pouvoirs du peuple par
voie d'élection au suffrage universel direct ou indirect.
Ce point de vue du caractère pluraliste de la
démocratie au Cameroun est encore confirmé par la multiplication
des postes électifs au sein de l'Etat (Présidence de la
République, Assemblée Nationale, Sénat, Régions,
Communes). Force est de relever cependant qu'une limitation pour le moins
regrettable est apportée audit caractère : certaines personnes
appelées à exercer au plus haut niveau l'autorité de
l'Etat peuvent ne pas tenir leurs pouvoirs du peuple((*)161). C'est notamment le cas
de 30 % des membres du Sénat qui sont nommés par le
Président de la République.
A un niveau plus bas, c'est-à-dire au niveau de la
démocratie locale, l'organisation administrative de l'Etat
connaît, depuis 1996, une décentralisation territoriale. A titre
de nouveauté, la constitution de 1996 consacre aux collectivités
territoriales décentralisées un statut constitutionnel((*)162). On distingue
désormais deux types, à savoir les régions et les
communes. Pour ces dernières, leur autonomie est renforcée par
l'élection des Maires et des conseillers municipaux, ce qui constitue,
en démocratie, le procédé de réalisation de la
décentralisation administrative((*)163). Quant aux premières, l'exécutif
régional a été retiré aux gouverneurs de province
pour être confié au Président du conseil régional,
personnalité autochtone de la région, élue en
même temps que le bureau régional au sein du conseil pour 5 ans.
Ce renforcement de la démocratie au niveau local
permet-il de déduire que la décentralisation territoriale au
Cameroun est parvenue à l'aube d'une ère nouvelle et
révolutionnaire ?
La réponse à cette question doit être
nuancée. Tout d'abord, il est à noter que certaines villes sont
soumises au régime des délégations du Gouvernement((*)164). La commune se trouve
par ailleurs étranglée par une tutelle paralysante au plan
organique, tracassière et démobilisatrice au plan fonctionnel.
Bien plus, elle doit faire face à un accroissement des charges avec des
ressources pourtant insignifiantes.
Quant à ce qui est de la région, il y a les
dispositions combinées des art. 59 et 60 de la constitution qui
confèrent au Président de la République le pouvoir de
dissoudre le conseil régional s' il accomplit des actes contraires
à la constitution ou des graves violations de la loi. Ce n'est tout
autre chose qu'une tentative de fonder l'arbitraire en l'ancrant dans la loi
fondamentale elle-même. Il planerait sur les régions comme une
épée de Damoclès susceptible de fausser le jeu
démocratique, d'autant plus que rien n'est dit concernant la
procédure qui détermine en l'occurrence les violations de la
constitution ou les graves atteintes à la loi. On s'en remet à
l'intime conviction du chef. Ce qui nous pousse à nous demander si l'on
est encore dans le cadre de la décentralisation.
§2. EVALUATION DU CADRE
INSTITUTIONNEL
Le cadre institutionnel de la démocratie est
constitué d'un certain nombre de mécanismes
considérés comme les plus aptes à permettre ou faciliter
la réalisation de l'exigence démocratique de la liberté
participation, c'est-à-dire les libertés politiques
conférées à un peuple de choisir ses
représentants.
La mise en oeuvre de la liberté participation peut
être affectée de diverses singularités. C'est comme
ça que l'on parle par exemple de régime de séparation
rigide des pouvoirs et de régime de collaboration des pouvoirs. Mais ce
qui caractérise la conception dominante de la démocratie c'est,
découlant des valeurs de libertés et droits individuels, d'abord
le suffrage et ensuite la séparation des pouvoirs comme mécanisme
de garantie de la liberté dans le fonctionnement de l'Etat ainsi que
dans les rapports entre celui-ci et les citoyens.
A. Le suffrage
Force nous est de reprendre à nouveau frais la question
de la place et de la fonction des élections dans le processus
démocratique.
Le suffrage est en effet un droit reconnu aux citoyens de
participer à la prise des décisions et à la gestion de la
cité, soit en étant consultés sur des textes
(constitution, lois....), soit en élisant les gouvernants. C'est ce
dernier mode de participation qui nous intéresse, étant
donné que nous avons longuement disserté sur la dynamique du
changement constitutionnel au Cameroun dans les pages
précédentes.
Dans la démocratie moderne, le suffrage est devenu le
seul moyen par lequel se réalise le gouvernement par le peuple.
Dans un tel régime, « les plus hauts
dirigeants sont choisis dans le cadre d'élections honnêtes
ouvertes à tous et revenant à date fixe.... »((*)165). Si donc
l'élément fondateur de la démocratie réside dans
l'élection des dirigeants par le peuple, alors le moment crucial du
processus de démocratisation est celui où un gouvernement choisi
selon des critères autres que démocratiques se trouve
remplacé par un nouveau gouvernement adopté au cours des joutes
électorales.
Toutefois, cette exigence formelle d'élections
multipartites n'est pas d'elle-même et en elle-même la condition
à la fois nécessaire et suffisante de la démocratie, de la
renonciation à l'autocratie. Elle doit être accompagnée
d'un certain nombre de préalables. La résolution 45/150 du 18
décembre 1990 cite la condition de l'honnêteté et de la
périodicité des scrutins, principes énoncés par
ailleurs par la DUDH et le pacte international relatif aux droits civils et
politiques.
Eu égard à ces considérations, quel bilan
pouvons - faire de l'institution électorale au Cameroun ?
Partant tout d'abord de la condition de
l'honnêteté, le bilan camerounais nous enseigne que chaque
étape de l'opération, depuis l'inscription sur les listes
électorales jusqu'à la publication des résultats, est
chargée de contestations, de fraudes et d'irrégularités.
Lors des élections présidentielles de 1992 et de 1997, les
observateurs internationaux ont eu à noter l'organisation, sous la
bénédiction du pouvoir, des convois d'électeurs ambulants
qui votaient plusieurs fois et dans des bureaux de vote différents, avec
des cartes d'électeurs portant des noms autres que les leur. Certains
bureaux de vote n'existaient que de nom, et les urnes qui devaient s'y trouver
étaient bourrées.
L'élection du 11 octobre 2004 a- t-elle fait
exception ? Il serait peut-être prématuré de se
prononcer là-dessus à l'état actuel des sources
disponibles pour ce faire. Mais nous pouvons au moins recourir au
témoignage d'une bouche autorisée, Monseigneur Christian TUMI.
Le 20 octobre 2004, invité de Christophe BOISBOUVIER
sur RFI, le prélat catholique, se fondant sur le rapport des
observateurs catholiques agréés par l'Etat, qualifie ces
élections de mascarade. La chanson a l'air du déjà
connu : la pratique des inscriptions multiples, certains électeurs
étaient porteurs de plusieurs cartes à la fois, l'encre
étant indélébile. Des centaines et des milliers
d'électeurs n'ont pas pu voter suite à l'absence de leurs noms
sur les listes. Dans les villes et quartiers réputés de
l'opposition, l'administration n'avait ménagé aucun effort pour
empêcher les électeurs soupçonnés d'être de
l'opposition de voter. Les élections n `étaient donc pas
libres et ouvertes à tous. On ne peut que déplorer cette sorte
d'apartheid basée non pas sur l'appartenance ethnique ou raciale, mais
sur l'appartenance politique. Quelle est donc cette démocratie où
seul les sympathisants du parti au pouvoir sont admis à voter, et ceux
de l'opposition écartés de ces célébrations
démocratiques ?
Ce témoignage de l'archevêque de Douala ne nous
étonne point. Cette pratique antidémocratique s'étend
d'ailleurs aux élections législatives et municipales. Sous la
férule du ministre de l'Administration territoriale, les préfets
et sous-préfets sont tenus par une espèce d'obligation de
résultat, leur incompétence s'appréciant par la victoire
d'un candidat de l'opposition dans leurs départements.
Quant à ce qui est de la périodicité, le
Cameroun, certes, connaît des élections revenant à dates
fixes : 11 octobre 1992, 11 octobre 1997 et 11 octobre 2004.
« La démocratie comme procédure » - pour
reprendre l'expression du politologue ZAKI LAIDI - y a fait des progrès.
Il reste le problème fondamental de la démocratie comme
culture.
Par le fait de prince, Paul Biya était arrivé au
pouvoir en 1982. la démocratisation aurait voulu que ce régime
qui a accédé au pouvoir par des moyens autres que
démocratiques, soit remplacé par un régime issu
d'élections libres, transparentes ,honnêtes et ouvertes
à tous. Mais hélas ce grand rendez-vous avec la
démocratisation est resté au niveau des voeux. Pour le
président BIYA, « le principe prévaut selon lequel on
n'organise pas des élections pour les perdre mais pour les gagner et
tous les coups sont permis à cette fin »((*)166).
B. La séparation des
pouvoirs
La séparation des pouvoirs est un des premiers moyens
imaginés par les penseurs des XVIIème et XVIIIème
siècles pour réduire l'impact du pouvoir sur l'individu.
L'idée fondamentale chez ces penseurs universels de la séparation
des pouvoirs (MONTESQUIEU et John LOCKE) est que si le pouvoir est
morcelé et dispersé entre plusieurs détenteurs, aucun de
ceux-ci ne pourra utiliser toute la puissance publique pour écraser les
libertés et les droits des citoyens. Chaque organe étant
limité, trouve dans chaque autre un rempart et un contrepoids, afin que,
selon MONTESQUIEU, « le pouvoir arrête le pouvoir ».
De cette manière nous pouvons considérer la séparation des
pouvoirs comme étant une conséquence du libéralisme et un
instrument de la démocratie.
La séparation des pouvoirs semble ne pas être
inscrite sur le programme de la démocratisation au Cameroun. En effet,
l'analytique institutionnelle nous permet de relever que le pouvoir
législatif et le pouvoir judiciaire sont sous la houlette du pouvoir
exécutif.
Tout d'abord, le parlement, outre l'absence de maîtrise
sur son ordre du jour, subit la prédominance du Chef de l'Etat qui peut
le dissoudre ou le proroger, et surtout qui nomme 30% des sénateurs. On
a de la même sorte dans une même chambre la juxtaposition de
mandats d'origine et d'inspiration différentes, le mandat
représentatif et le mandat impératif. Si il survient un conflit
entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur le rejet d'un texte
en partie ou en totalité, c'est au chef de l'Etat qu'il revient de
l'arbitrer.
Ensuite, pour ce qui est du pouvoir judiciaire, son
indépendance ne se trouve proclamé qu'au plan des principes.
On peut en effet lire à l'article 37 alinéa 2 de
la constitution que « le pouvoir judiciaire ...est
indépendant du pouvoir exécutif et
législatif »((*)167).
Théoriquement donc, les magistrats sont dans l'exercice
de leurs fonctions juridictionnelles à l'abri de toute
inféodation à l'égard de l'exécutif((*)168). Mais il est
légitime de se poser des questions sur l'effectivité d'une telle
indépendance, dès lors que l'on sait qu'aux termes de l'art. 37
al. 3 de la constitution , "le Président de la République est
garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire ", et qu'il est
assisté par le conseil supérieur de la magistrature.
« N'est -ce pas là une curieuse
manière d'allouer le gardiennage de l'indépendance d'un pouvoir
d'Etat à un autre pouvoir d'Etat alors que les deux se valent
constitutionnellement ? N'eût-il pas été juridiquement
plus satisfaisant de laisser le judiciaire s'auto-protéger comme
l'exécutif et le législatif se prémunissent par
eux-mêmes de par la constitution ? » se demande Jean
Calvin ABA'A OYONO((*)169).
Qui plus est, la présidence valable du conseil revient
au seul président, qui le convoque quand il le veut bien. Ses avis ne
sont pas conformes. On voit mal en quoi elle peut contribuer à
l'indépendance du pouvoir judiciaire. Plus qu'auparavant, les magistrats
vivent sous la hantise des mutations disciplinaires, des retards dans les
promotions, etc. Des mécanismes qui assurent l'indépendance
manquent, tel que l'inamovibilité du juge de siège.
Au terme de ce chapitre, notons que la dynamique du changement
institutionnel et avant tout constitutionnel ne suffit pas pour cerner
l'évolution de la démocratie au Cameroun. S'il est vrai que la
démocratisation dans ce pays est avant tout une action
endogène, « l'oeuvre des peuples », il est tout
aussi vrai que les acteurs internes trouvent la force de résister ou
d'appuyer le processus démocratique dans la dynamique de l'action
internationale.
CHAPITRE 2
LA DYNAMIQUE DE
L'IMPLICATION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE
CAMEROUNAIS
L'action internationale en faveur de la démocratie en
Afrique est une action essentiellement étatique et interétatique.
Celle-ci consiste également à la mise en oeuvre de certaines
mesures((*)170). Dans le
cas camerounais, ce rôle se distingue par la prééminence de
la France et des Etats-Unis et l'insuffisance de celle des autres sujets du
droit international((*)171).
Cette action renferme une dynamique qui permet d'expliquer
l'évolution de la démocratie. Elle pourrait être
appréhendée par l'entremise de deux canaux distincts mais non
opposés : l'imposition de la démocratie comme seul système
de régime politique légitime et la recherche de
l'intérêt national.
SECTION 1. L'EXPORTATION DU
MODELE LIBERAL DE LA DEMOCRATIE
L'offensive américaine et française dans le
processus de démocratisation camerounais se justifie par la motivation
d'introduire, ou mieux, de restaurer la démocratie dans la
genèse, l'organisation et le fonctionnement des institutions politiques
du Cameroun. Afin d'atteindre le but projeté, les deux Etats utilisent
soit le canal de la coopération au développement (§1), soit
s'impliquent directement dans l'univers socio-politique camerounais à
travers des actes concrets (§2).
§1. L'IMPLICATION PAR LE
BIAIS DE L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT
L'aide publique au
développement est un octroi limité de flux financiers publics ou
la mise en oeuvre de projets d'assistance((*)172). Elle peut prendre une forme
multilatérale, en transitant par des organisations internationales, ou
bien être bilatérale, en mettant les Etats directement en
présence. C'est cette dernière forme qui nous intéresse.
Pour ce faire, nous nous limiterons, comme souligné plus haut, à
l'action française et américaine.
A. L'action
américaine
De l'avis d'un ancien acteur de la politique
étrangère américaine, « les Etats-Unis se
considèrent tout à la fois comme la source et le garant des
institutions démocratiques à travers le monde, s'érigeant
de plus en plus fréquemment en juge de l'impartialité des
scrutins étrangers et imposant des sanctions économiques [....]
à ceux qui ne respectent pas leurs règles »((*)173). Et pour bien accomplir
cette mission qu'ils se sont octroyée, les Etats-Unis recourent
à la suspension de l'A.P.D. comme la sanction économique efficace
prise contre les gouvernements considérés comme autoritaires.
Le vote du congrès américain portant suspension
de l'aide bilatérale au Cameroun en réaction contre les
résultats controversés des élections
présidentielles du 11 octobre 1992 et contre la décision du
gouvernement camerounais d'instaurer l'état d'urgence dans la province
du Nord-Ouest s'inscrit sur la ligne de cette dynamique.
Sur le même registre des faits, la réaction la
plus importante fut l'annonce le 19 novembre 1993 de la fermeture de la
Représentation de l'Agence Américaine pour le
Développement International (USAID) au Cameroun à compter de
l'année fiscale 1995. Lorsqu'on sait que depuis 1987, l'assistance
fournie par l'USAID au Cameroun l'a été sous forme de subventions
et de prêts, conformément à une décision du
congrès qui étendait la mesure aux pays africains au sud du
Sahara, on imagine l'efficacité d'une telle mesure de rétorsion
sur le cours de la politique camerounaise.
En somme, pour les américains, puisque « ce
sont les démocraties [et non les dictatures] qui offrent les meilleurs
moyens de défendre les droits de l'homme et de placer les nations
africaines sur la voie du progrès »((*)174),seules les
démocraties peuvent bénéficier de leur aide. Tel est
l'impératif de la politique étrangère américaine en
matière de promotion des droits de l'homme et de la démocratie.
Ainsi, l'A.P.D. apparaît comme un instrument au service de la politique
étrangère américaine((*)175).
B. L'action
française
L'action française reste
marquée par l'ambiguïté. En fait, l'idée de la
conditionnalité de l'aide française à la
démocratisation a été pour la première fois
lancée par le ministre français de la coopération, M. Jean
Pierre COT, et reprise solennellement au sommet franco-africain de la Baule en
juin 1990 : « Je conclurai, Mesdames et Messieurs, en disant que
la France liera son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis
pour aller vers plus de liberté »((*)176), déclarait avec
ardeur François MITTERRAND.
Cependant, le manque ou l'absence de fermeté de la
part de la France apporte quelques tempéraments à ces ardeurs de
principe exprimés par le Chef de l'Etat français. Nombreux sont
les observateurs avertis qui proposent une relecture du discours de la Baule
par celui du sommet de Chaillot qui s'était tenu en 1991((*)177). Ici, la liberté
est laissée aux dirigeants africains de choisir en toute
indépendance leur rythme et leurs modalités du processus
démocratique. C'est une remise par Chaillot de ce que Baule avait
tenté de retirer aux Chefs d'Etats africains.
Avec le sommet de Libreville de 1992, la France va soutenir
la création d'un fonds de remise des dettes dont les
bénéficiaires seront le Cameroun, le Congo, la
Côte-d'Ivoire et le Gabon. A l'exception du Congo, les autres Etats
concernés traversent des étapes de blocages de leurs processus
démocratiques. Néanmoins, ils sont aidés pour leur
performance économique et leur qualité de membres de la zone
CFA.
Par conséquent, le principe de soutien au
régime en place reste fort nonobstant l'impulsion donnée à
la Baule. Ainsi, au lendemain de la réélection contestée
par l'opposition et les observateurs internationaux du Président Paul
BIYA en 1992, la France est non seulement le seul Etat à
reconnaître officiellement sa victoire, mais aussi ne s'est pas
empêchée de lui accorder une aide économique de 650
millions de Franc Français.
Depuis l'avènement de Jacques Chirac à
l'Elysée en mai 1995 et sa réélection en mai 2002, cette
politique de la France ne semble pas beaucoup évolué. En tout
état de cause, depuis 1990, la France ne semble fournir aucune preuve
convaincante de la conditionnalité démocratique de son aide
à l'Afrique en général et au Cameroun en particulier.
Il ressort de ces diverses analyses que l'APD est plus un
instrument devant servir à protéger la chasse gardée de la
France, le Cameroun, face aux appétits de l'Allemagne, des Etats-Unis et
de la Grande Bretagne plutôt qu'à le démocratiser((*)178).
Force est de relever
cependant qu'en dehors du levier de l'APD, les Etats-Unis et la France ont pu
se déployer directement dans le processus de démocratisation
camerounais.
§2. L'IMPLICATION DIRECTE
DE LA FRANCE ET DES ETATS-UNIS PORTEUSE D'APPROCHES DIFFERENTES
Les deux puissances n'interviennent pas que par le rouage
des acteurs officiels, mais aussi par celui des acteurs non officiels :
les groupes de pression, les partis politiques, l'opinion publique, la presse
privée,... Sur ce, on peut relever une congruence entre l'action des
acteurs publics et celle des acteurs privés pour le cas américain
et une certaine ambiguïté dans l'action française.
Il conviendra aussi de souligner la réponse
réservée à cette implication par les acteurs du commerce
politique camerounais.
A. L'implication des
Etats-Unis en faveur de la démocratie au Cameroun : la congruence
entre l'action officielle et l'activisme des acteurs privés
Trois faits importants prouvent le caractère
non-équivoque de l'action américaine en faveur du changement
démocratique au Cameroun :
· D'abord, les communiqués de presse et/ou les
déclarations du Département d'Etat sur le processus de
démocratisation camerounais. Ce sont en fait en même temps des
leviers par excellence de la pression américaine sur le pouvoir et
constituent un soutien psychologique indéniable aux organisations
partisanes oppositionnelles et/ou à la société civile,
forces qui soutiennent le changement démocratique;
· Ensuite, l'évaluation annuelle du degré
de protection des droits de l'homme au Cameroun faite par le département
d'Etat. Le contenu de ces rapports a désormais un impact sur la
politique étrangère des Etats-Unis depuis la fin de la guerre
froide.
· Enfin, parallèlement à ces actions
visant à infléchir la position du pouvoir, existe un Fonds pour
la démocratie et les droits de l'homme destiné à soutenir
la société civile et les institutions
démocratiques((*)179).
Cet enthousiasme des milieux officiels en faveur de la
démocratie est partagé par les acteurs privés.
« Principal bastion du monde libre », la
société américaine a secrété des acteurs
sociaux collectifs et individuels qui, avec ou sans l'aval du pouvoir, se
donnent pour mission l'enracinement des valeurs libérales dans le monde
libre : les personnalités du monde des affaires, l'intelligentsia,
le lobby noir, etc..((*)180).
Parmi les organisations les plus actives sur le sol africain,
mentionnons le centre CARTER ( créé par Jimmy Carter en 1982),
l'African American Institute (AAI) et le National Democratic Institute for
International Affairs, créé en 1983 et ayant pour mission de
promouvoir, maintenir et renforcer les institutions démocratiques dans
les nouvelles démocraties et celles naissantes.
S'agissant particulièrement du NDI, le rapport
établi par ses observateurs lors de l'élection
présidentielle du 11 octobre 1992 avait fait écho des
médias étrangers (VOA, BBC, RFI, DW) et fut déterminant
dans la perception que la société américaine et la
communauté internationale auront par la suite du pouvoir camerounais.
Les orientations du département d'Etat à l'endroit du Cameroun en
furent marquées.
Comme réponse à cette action des Etats-Unis,
les acteurs officiels du système politique camerounais ont toujours
dénoncé ce qu'ils considèrent comme étant une
violation de la souveraineté et de l'indépendance nationale du
Cameroun. C'est en tout cas la lecture qui avait été faite par
les autorités camerounaises du rapport du NDI sur la dynamique des
élections présidentielles du 11 octobre 1992 ou encore des
nombreux communiqués de presse diffusés par les services
d'informations de l'Ambassade américaine à Yaoundé((*)181). C'est aussi la lecture
qui a toujours été faite par Yaoundé des différents
rapports du Département d'Etat américain sur les droits de
l'homme au Cameroun. Le rapport pour l'année 2003 avait même
provoqué la colère des autorités camerounaises qui y
répondirent par un contre-rapport.
Il va sans dire que l'attitude du pouvoir en place à
Yaoundé à l'égard de l'action américaine s'explique
en partie par le fait que Yaoundé entend piloter le processus
démocratique dans une direction qui ne coïncide pas avec la formule
proposée par les Américains.
Mais à l'opposé, les acteurs non officiels du
commerce politique camerounais - principalement les associations et partis
politiques de l'opposition radicale ainsi qu'une partie de la presse
privée - ont toujours cautionné l'action américaine
d'autant plus que leur activisme pour le changement démocratique
coïncide avec ladite action. Le voyage en 1993 du «
Chairman » de l'opposition radicale camerounaise, John FRU NDI,
l'activisme de l'ambassadeur américain Madame Frances COOK lors de la
campagne présidentielle de ce dernier ainsi que les divers titres
paraissant dans la presse privée et se montrant compréhensif en
ce qui concerne l'action américaine sont autant d'indices qui appuient
ce constat((*)182).
Autant la pression américaine apparaît avec plus
de netteté, autant il semble difficile de spécifier l'action
française.
B. L'ambiguïté
de l'action française en faveur de la démocratie au Cameroun
La politique étrangère française en
matière de soutien aux processus de démocratisation en Afrique
reste à géométrie variable. Divers faits corroborent cette
observation. Ainsi, afin de ne pas être accusé d'aider les
dictateurs, en application des préceptes de la Baule, le Togo et le
Zaïre avaient vu leur coopération militaire avec la France
suspendue. Au même moment, la France n'a pas pris des mesures analogues
à l'endroit du Cameroun, de la Côte-d'ivoire et du Gabon, pays
considérés par Achille MBEMBE comme faisant partie du cercle
restreint de « l'Afrique utile » et
bénéficiant d'un traitement de faveur de la part de la France.
L'ambiguïté de l'action de la France
résulte non seulement d'une absence de consensus de fait - contrairement
à la stratégie américaine - entre les acteurs sociaux et
politiques de ce pays sur la position à adopter mais aussi et surtout du
double langage des autorités et personnalités publiques.
S'agissant de l'absence de consensus entre les acteurs sociaux
et politiques, dans le domaine da la presse précisément, la
presse française en général, et RFI en particulier ne
montraient guère des bonnes dispositions à l'endroit du
régime BIYA et semblaient manifester de la sympathie pour l'opposition
camerounaise. A l'inverse, les milieux diplomatiques français se
voulaient beaucoup plus rassurants, en expliquant que les positions de la
presse étaient celles de la presse et n'engageaient pas les pouvoirs
publics, et que ce n'est pas la presse française qui dictait la
politique française à l'endroit du Cameroun((*)183).
La contradiction ainsi relevée ne fait pas pour autant
de l'action des officiels une action claire et univoque. En effet, on peut
relever une certaine ambiguïté dans cette action,
ambiguïté résultant de leur double langage. Ainsi, face
à la querelle entre le pouvoir et les acteurs sociaux camerounais de
savoir si oui ou non le Cameroun devait passer par la formule de la
conférence nationale souveraine afin de s'engager sur la voie de la
démocratisation, les politiques français étaient
divisés aussi en deux camps : ceux qui étaient favorables au
président Paul BIYA, et ceux qui affichaient de la sympathie pour les
partisans de la thèse de la conférence nationale souveraine. Dans
le premier camp, on rangeait Jean Christophe MITTERRAND, conseiller du
président François MITTERRAND pour les affaires africaines, et
Yvon OMNES, ambassadeur de France au Cameroun. Dans le second, se classaient
des africanistes du Quai d'Orsay, mais surtout Michel ROCARD qui, disait-on,
animait une cellule des conférences nationales((*)184).
Le gouvernement camerounais s'est toujours montré de
bonne disposition face à l'action de la France. En effet, il ressort des
diverses analyses que l'action française est plus soucieuse de la
préservation d'un maillon important du
« pré-carré » africain plutôt qu'
à le démocratiser. Démocratiser le Cameroun reviendrait
à « donner » le pouvoir à une clase
dirigeante qui menacerait les intérêts économiques
français, tel que Pascal LISSOUBA s'était permis de le faire au
Congo-Brazza, ou encore mettrait en péril sa zone d'influence
stratégique et culturelle. D'où l'intérêt pour la
France à garder le statu quo. Le gouvernement camerounais sous
la conduite de Paul BIYA y trouvant son compte, on ne peut point
s'étonner de la collusion de sa politique avec l'action
française.
A l'opposé, les acteurs non gouvernementaux n'ont
jamais montré de bonnes dispositions à l'égard de la
France, la considérant comme un obstacle à l'instauration
réelle d'un régime démocratique, à cause de son
soutient indéniable au régime BIYA.
D'abord, signalons la frange de l'opposition dite radicale qui
avait eu à défrayer la chronique au plus fort de la contestation
politique en 1991 en lançant un mot d'ordre de boycotte des produits
français((*)185).
Ensuite, il convient de mentionner les personnalités de l'intelligentsia
comme les professeurs Achille MBEMBE et Maurice KAMTO, le célèbre
écrivain MONGO BETI et le philosophe Fabien EBOUSSI BOULAGA - pour ne
citer que ceux-là, qui, dans leurs écrits, se sont toujours
montrés critiques à l'égard d'une démocratisation
en trompe l'oeil conduite sous la bénédiction du parrain
français. Enfin, citons des journaux tels que Challenge
Nouveau, la Nouvelle Expression, Le Messager,
qui ont toujours critiqué avec véhémence
l'ambiguïté de l'action française.
Eu égard à tout ce qui précède, il
apparaît clairement que l'action américaine en faveur de la
démocratie au Cameroun procède par la stratégie d'appui
aux partenaires sociaux de ce pays, forces qui soutiennent le changement
démocratique. A l'inverse, l'action française s'allie au
gouvernement, force qui semble ne pas soutenir le changement
démocratique, ou qui ne le fait pas en tout cas comme le voudrait son
opposition.
Cette attitude ambivalente de la France semble être
justifiée par le fait que ce pays mènerait sur le terrain
camerounais un combat pour la défense d'une certaine civilisation face
aux appétits des allemands, américains et britanniques. Les
Etats-Unis dénient de leur coté à la France le rôle
de parrain de ses ex-colonies et chercheraient par la voie de la
démocratisation du Cameroun à installer au pouvoir une classe
dirigeante qui protégerait au mieux ses intérêts((*)186).
Au-delà donc de la promotion de la démocratie,
l'intérêt national semble avoir servi de fondement à
l'implication de ces deux Etats.
SECTION 2. LA RECHERCHE DE
L'INTERET NATIONAL
La recherche des avantages matériels et/ou
immatériels par les puissances qui se déploient dans le processus
démocratique africain en général et camerounais en
particulier est un fait plus qu'évident. La recherche de
l'intérêt national met même en exergue le fondement
rationaliste de l'action française et américaine tendant à
la diffusion d'un modèle homogénéisateur de régime
politique. En effet, le déphasage manifeste des desseins des deux
puissances est consubstantiel au contraste de leurs intérêts : le
caractère notoire des intérêts français d'une part
et la marginalité avérée des intérêts
américains d'autre part.
Encore faudra-t-il rappeler que la première intervient
en tant que puissance hégémonique en Afrique francophone,
ancienne métropole et plus grand partenaire économique du
Cameroun et la seconde en tant que leader mondial.
§1. LA FRANCE EN TANT QUE
PUISSANCE HEGEMONIQUE EN AFRIQUE FRANCOPHONE , ANCIENNE METROPOLE ET PLUS
GRAND PARTENAIRE ECONOMIQUE DU CAMEROUN
Ces trois qualités confèrent à la France
des intérêts importants au Cameroun. L'importance de ces derniers
combinée à l'ambiguïté de l'action française,
est déterminante sur l'efficacité des mesures prises en vue de la
démocratisation du Cameroun. Elle soulève d'ailleurs quelques
doutes sur les résultats escomptés.
Un distinguo est à opérer entre les
intérêts politico-stratégiques et ceux économiques
et culturels.
A. Intérêts
politico-stratégiques
Le Cameroun est d'un intérêt politique et
stratégique indéniable pour la France. La situation
géographique et culturelle fait que le Cameroun se situe à la
charnière respectivement de l'Afrique francophone et anglophone,
« pièce centrale de la zone UDEAC/CEMAC »((*)187). L'implantation
militaire française autour du Cameroun en constitue un indice.
En effet, le Cameroun se situe à proximité de
deux bases militaires d'Afrique centrale ( N'djamena et Libreville avec
respectivement 950 et 680 soldats permanents )((*)188). L'accès terrestre à la base de
N'Djamena étant conditionné par l'utilisation du territoire
camerounais, il n'est pas exagéré d'affirmer que ce pays occupe
l'une des positions centrales dans la stratégie française en
Afrique.
Cette importance stratégique pourrait
s'appréhender encore à la lumière de la Mission de
Coopération Militaire et de Défense, la M.C.M.D. en sigle.
Placée sous l'autorité de l'ambassadeur de France au Cameroun, la
M.C.M.D. agit dans le cadre juridique d'accords de coopération militaire
passés entre la France et le Cameroun. Elle a pour objectif d'aider les
forces camerounaises (incluant la Gendarmerie) sous forme de projets par
partenariat à :
· Participer à la construction et au
développement de l'Etat de droit. Cette participation se réalise
par la formation des militaires à la conception d'une aide à la
stabilité et à la sécurité des institutions, avec
comme finalité d'amener l'Etat camerounais d'exercer lui-même ses
fonctions vitales.
· Défendre le territoire national, les personnes
et les biens. Ainsi, l'accord (secret) de défense de février 1974
autorise le Cameroun, sous certaines conditions, à faire appel à
l'intervention des forces françaises pour assurer sa défense ou
pour maintenir l'ordre public interne. C'est pourquoi la France fit savoir au
Nigeria lors du conflit armé qui l'avait opposé au Cameroun, en
1981, qu'elle respecterait ses accords de défense avec ce dernier.
· Développer leur aptitude aux opérations
internationales de maintien de la paix.
L'accord d'assistance militaire et technique de Février
1974 permet en outre à la France d'assurer l'essentiel de la formation
et de fourniture du matériel militaire au Cameroun par l'accueil en
France ou dans les écoles d'autres pays africains de stagiaires
camerounais. Ce « transfert » de technologies et la
diffusion d'une culture militaire permettent à la France d'exercer dans
une certaine mesure, pas de moindre, une influence sur l'organisation de la
politique de défense au Cameroun.
La France forme par ailleurs les commandants de compagnie et
de brigade à la direction d'enquêtes judiciaires ainsi qu'à
la police scientifique et technique, dans le cadre du projet du Centre de
Perfectionnement à la Police Judiciaire de Yaoundé (C.P.P.Y). Ces
privilèges stratégiques sont pour la France une sorte de
parapluie protecteur pour ses multiples intérêts
économiques et culturels.
B. Intérêts
économiques et culturels
1) . Sur le plan économique, la présence
française au Cameroun est manifeste dans trois domaines
clés : les liens monétaires, les échanges commerciaux
ainsi que les investissements directs.
· Les liens monétaires se traduisent par une
coopération franco-africaine dont le cadre de prédilection est la
zone franc. Ainsi, nonobstant le blocage du processus démocratique, le
Cameroun avait bénéficié en 1992 d'une remise de dette de
la part de la France en sa qualité de membre de la zone CFA.
· Sur le plan des échanges commerciaux, la France
occupe toujours la première place. En 2004, le Cameroun était le
deuxième client de la France dans la zone franc, après la
Côte-d'ivoire, devançant pour la première fois le
Sénégal, et son troisième fournisseur de la zone. A
l'échelle mondiale, le Cameroun est le 67ième
fournisseur et 55ième client de la France. Cette
dernière conserve sa place de premier fournisseur du Cameroun avec une
part estimée à 30% et le 2ième client,
après l'Italie ( le 1er hors pétrole)((*)189).
· Le Cameroun demeure une destination marginale de
l'Investissement Direct Etranger(I.D.E) dans le monde, mais aussi en Afrique.
La France, historiquement très présente dans le pays, renforce
ses positions suite au retour de la croissance et du programme de
privatisations en chaîne engagé par le pays depuis 1994.
Après les travaux de construction de l'oléoduc Tchad-Cameroun
achevés le 12 juin 2004, les grands chantiers d'infrastructures en cours
constituent un substrat pour des nouvelles implantations françaises.
2) Sur le plan culturel, le double héritage du Cameroun
fait que la francophonie affronte quotidiennement l'anglophonie. D'où
l'impérieuse nécessité pour la France de maintenir son
pré-carré à travers une diversité de canaux
politico-stratégiques et économiques.
Les honneurs faits par Paris au président Paul BIYA
à l'occasion de la première participation du Chef de l'Etat
camerounais à un sommet de la francophonie(sommet de Chaillot) en 1991
n'est pas un fait du hasard. C'était un acte tendant à
protéger un maillon important du pré-carré africain des
appétits du monde anglophone. En effet, le Cameroun s'était vu
refuser l'adhésion au Commonwealth la même année((*)190).
En clair, l'importance notoire des intérêts
français et l'ambiguïté de leur action sont
déterminantes dans l'évolution de la démocratie au
Cameroun. Il va sans dire que les forces qui soutiennent le changement
démocratique n'y trouvent pas leur compte.
§2. LES ETATS-UNIS EN TANT
QUE LEADER MONDIAL
La doctrine de Monroe, l'Amérique aux
américains, avait notamment eu comme conséquence la limitation de
l'action des Etats-Unis en Afrique. Ainsi, l'on note une marginalité des
intérêts américains en Afrique en général et
au Cameroun en particulier et sur le plan politico-stratégique, et sur
le plan économique et culturel.
A. Intérêts
politico-stratégiques.
La marginalisation de l'Afrique ou mieux, sa totale absence du
débat politique américain apparaît chaque fois qu'il y a
campagne électorale aux Etats-Unis. La prudence incite la classe
politique en herbe à éviter les débats de politique
étrangère et à se faire l'écho de l'opinion
publique du jour plutôt qu'à ouvrir des perspectives plus
élevées à leur pays. L'élection
présidentielle de l'an 2000 a été la troisième
d'affilée où les candidats ont évité tout
véritable débat de politique étrangère, note Henry
KISSINGER((*)191). La
récente élection présidentielle de novembre 2004, à
l'issue duquel G.W. BUSH a été élu pour un second mandat,
ne fait pas exception((*)192). En effet, l'opinion publique américaine
est et reste hantée par les préoccupations sécuritaires.
Et cette année, les américains étaient obnubilés
par la guerre en Irak et la lutte contre le terrorisme, symbolisée par
OUSSAMA BEN LADEN encore en liberté, SADDAM HUSSEIN en captivité
et les autres pays de l'axe dit du mal.
Du point de vue de la sécurité
américaine, l'Afrique n'a donc pas grande importance. Depuis l'implosion
de l'U.R.S.S., l'argument de rigueur pendant la guerre froide selon lequel il
fallait empêcher les ressources de l'Afrique de tomber entre les mains
hostiles n'est plus valable dans un avenir prévisible. En fait, aucune
puissance extérieure ne menace de dominer l'Afrique, et aucun pays
africain n'est assez puissant militairement pour se lancer dans une telle
entreprise. En l'absence d'adversaire stratégique menaçant le
continent ou d'Etat africain inamical nourrissant des ambitions
hégémoniques, les Etats-Unis semblent n'avoir pas besoin
d'élaborer une nouvelle politique africaine et paraissent se satisfaire
d'une réaction au coup pour coup face aux problèmes qui se
posent((*)193).
Toutefois, obnubilés par le sentiment triomphaliste du
rôle primordial qu'ils croient devoir jouer dans toutes les
régions du monde - leader mondial, avions-nous dit, les
Etats-Unis, en raison de leur incontestable capacité logistique
d'intervention globale, opèrent dans toutes les régions du monde,
si marginales soient-elles((*)194).
Cette considération nous amène à
établir un distinguo entre les intérêts stratégiques
américains : la stratégie mondiale et les activités
militaires.
Tout d'abord, le rôle du Cameroun dans la
stratégie mondiale des Etats-unis est très infime, lorsqu'il
n'avoisine pas le néant. En revanche, dans le domaine des
activités militaires, on peut signaler l'existence d'une assistance
militaire américaine dans le cadre de l'International Military Education
and Training (I.M.E.T.). Toutefois, aucun accord formel ne lie le Cameroun et
les Etats-Unis dans le domaine de la coopération militaire.
B. Intérêts
économiques et culturels
1° L'Afrique subsaharienne ne représente
qu'à peine 1% du commerce extérieur des Etats-Unis et un
égal pourcentage de ses investissements extérieurs directs.
Pourtant, les intérêts économiques des Etats-Unis à
l'échelle africaine ne sont pas si négligeables qu'ils ne les
paraissent. Par exemple, dans le seul domaine pétrolier, l'Afrique
fournit aux Etats-Unis 14% de leurs importations de brut (contre 18% provenant
du Moyen-Orient)((*)195).
Toutefois, paradoxalement à leur poids
économique, les intérêts américains en Afrique en
général et au Cameroun en particulier sont d'une
marginalité avérée.
Mais avec l'inauguration du pipeline Tchad-Cameroum((*)196) le 12 juin 2004, le
Cameroun apparaît comme un partenaire non négligeable pour les
américains. Surtout que des 1050 kilomètres destinés
à évacuer le pétrole brut du sud Tchadien jusqu'à
Kribi, 800 kilomètres traversent le Cameroun.
2° Sur le plan culturel, le Cameroun est un champ
d'influences non négligeable pour les américains. Le soutien
apporté aux organisations oppositionnelles et à la
société civile n'est autre chose qu'une série de
manoeuvres cherchant à arracher à la France sa chasse
gardée et à placer au pouvoir une classe dirigeante
incarnée par le Chairman John FRU NDI, qui protégerait au mieux
ses intérêts politico-stratégiques, économiques et
culturels.
En clair, par rapport à leur poids politique,
économique et culturel dans le monde, les intérêts
américains au Cameroun sont d'une marginalité
avérée. Et l'efficacité des mesures prises en faveur de la
démocratie en pâtit.
Au terme de ce chapitre, il apparaît donc clairement
qu' « avec la démocratisation, la dynamique politique
autour de l'Etat s'analyse en termes de forces de changement et de forces de
résistance au processus de démocratisation »((*)197). Dans le premier cas, on
relève une collusion entre l'action américaine et l'activisme
des acteurs non gouvernementaux du commerce politique camerounais et dans le
second, ce que l'on peut pudiquement qualifier de mariage
d'intérêt entre l'action française et la stratégie
du gouvernement camerounais.
De toute évidence, chacun essaie de tirer le drap de
son coté afin de voir triompher ses intérêts. Les forces de
changement internes y trouvant leur compte dans la conquête du pouvoir,
et les forces de résistance interne dans le statu quo.
CONCLUSION ET
PERSPECTIVES
Tout observateur africain, qui ne se voile pas les yeux par
pudeur ou par honte devant le phénomène de l'influence politique
de l'ethnicité, reconnaît l'influence néfaste de ce
paramètre sur les démocraties africaines. En effet, les
élections contredisent rarement l'appartenance tribale et
régionale de l'électeur. Dans des telles conditions, il n'est pas
assez étonnant de constater que les principes démocratiques de
mise en occident ne peuvent s'appliquer en Afrique que de manière
extrêmement précaire. Par exemple, « la
démocratie occidentale repose, sous une forme ou une autre sur la
règle de la majorité. Or celle-ci présuppose que la
majorité est susceptible de changer et que la minorité
d'aujourd'hui a des chances d'être la majorité de demain. Mais
quand les divisions suivent les lignes de clivage ethniques, tribales ou
religieuses, l'équation ne vaut plus. Un groupe condamné à
un statut minoritaire permanent ne peut pas admettre qu'il s'agit d'un
arrangement politique équitable »((*)198).
Le phénomène ne touche pas que les Etats
considérés comme étant très en retard sur la voie
de la démocratisation. Ce phénomène peut en fait
être décelé dans certains Etats lors des élections
qui sont considérées à ce jour comme démocratiques
et transparentes. Pour s'en convaincre, en Afrique du Sud, la composition
« ethnique » des grands partis que sont le Parti National,
l'ANC et l'INKHATA hypothèque lourdement l'avenir de la
démocratie dans ce pays.
Négliger tout ceci, par ignorance ou par pudeur
moderne, pourrait conduire à des solutions erronées,
irréalistes ou contestables. Sur ce, certains auteurs trouvent
impérieux, pour assoire efficacement la démocratie universelle,
de l' « inculturer » en adaptant son apprentissage aux
réalités des peuples, ce qui ne doit pas être perçu
comme étant une tentative de rejeter ou même d'entraver le
processus démocratique((*)199).
C'est donc poser en d'autres termes la problématique de
la « spécificité africaine », ou mieux, de la
« démocratie à l'africaine ».
Mais il nous faut refuser tout honneur à la
spécificité africaine. En effet, la prise en compte des
particularités a conduit certains à préconiser un
« droit à la différence », un
« droit à l'oppression » et un « droit
à la mort ». Son exacerbation présente le risque
d'un enfermement dans la glorification des particularités culturelles
qui excluraient de s'intéresser à ce qui se passe au delà
de la nation. Ces particularités culturelles, si elles sont
révélatrices de l'identité culturelle africaine,
n'apparaissent pas moins comme des limites à l'expression de la
démocratie libérale et pluraliste.
Par exemple, l'exacerbation de la spécificité de
la démocratie camerounaise((*)200) a poussé le constituant camerounais
à se prononcer pour une protection des minorités et des
« populations autochtones »((*)201). Cependant, une analyse scrupuleuse des
dispositions susmentionnées révèle que l'exacerbation de
cette spécificité de la démocratie camerounaise
énerve le principe universel de la démocratie libérale
auquel le constituant de 1996 semble pourtant accordé la
primauté.
Commençons par la première disposition, qui peut
s'interpréter comme garantissant la participation des groupes
minoritaires à la gestion de la Région. Mais face à
l'absence de définition constitutionnelle desdites minorités, on
peut esquisser une définition se composant de plusieurs critères
objectifs et d'un critère subjectif. Les éléments
objectifs tiennent au caractère ethnique de la minorité et au
fait que ce caractère la distingue de la majorité de la
population du pays, étant entendu que les membres de la minorité
possèdent la nationalité de l'Etat dans lequel ils se trouvent.
L'élément subjectif réside à la fois dans la
volonté du groupe de préserver son identité et dans le
choix effectué par chaque individu d'appartenir ou non au groupe.
Partant de cette esquisse, au regard de quelques trois
centaines de groupes ethniques peuplant le Cameroun, que seraient le ou les
groupes qui doivent être considérés comme
minoritaire ? Le risque est alors grand de voir, au regard du
critère volontariste avancé dans la définition des
minorités, tous les groupes ethniques du pays revendiquer le statut de
minorité, dans le but de bénéficier des droits
particuliers que la constitution déclare leur reconnaître((*)202).
Mais quels droits reconnaître à ces
minorités ethniques, dans l'hypothèse où elles
existeraient ? Peut être que le constituant camerounais a-t-il vu
dans la garantie des droits des populations autochtones un moyen efficace de
protection des minorités. Ce qui nous amène à analyser la
seconde disposition.
En effet, la protection des minorités passe par
l'octroi de la présidence du conseil régional aux seules
personnalités autochtones. Cette disposition introduit donc une
distinction d'un point de vue strictement juridique entre les populations
autochtones et celles allochtones appelées encore allogènes. En
effet, ces deux pôles ne jouissent pas des mêmes droits sur toute
l'étendue du territoire, leur situation juridique étant
fondée sur le lieu d'établissement. Ainsi, seuls les citoyens
autochtones sont éligibles à la présidence du conseil. Sur
le plan du droit, cette différentiation des droits politiques est une
relativisation du principe démocratique régissant l'organisation
de l'Etat, car elle introduit une discrimination portant sur un droit
démocratique essentiel, à savoir l'éligibilité
à une fonction publique. Cette disposition heurte de toute
évidence l'interdiction de traiter de manière différente
des personnes placées dans des situations analogues ou comparables en
l'absence de justification objective et raisonnable de la différence de
traitement, disposition contenue dans les différentes conventions
internationales relatives à la non discrimination. Seul l'existence
d'une minorité aurait légitimé cette discrimination. Or il
n'est pas démontré que les populations autochtones sont
minoritaires dans leurs régions, ou encore dans le sens où
l'entend la théorie du droit, pour que soit légitimé un
traitement discriminatoire en leur faveur.
L'exemple du Cameroun démontre le piège de la
perversion que le recours à la spécificité africaine peut
porter aux principes libéraux et pluralistes de la démocratie. En
effet, vouloir adapter la pratique de la démocratie en repensant des
termes comme la majorité par l'utilisation du principe ethnique, outre
le fait qu'elle porte atteinte à l'âme même de la
démocratie, peut avoir comme conséquence un dressage des ethnies
les unes contre les autres. La mémoire de l'humanité restera
longtemps marqué par le génocide rwandais, la crise
libérienne et yougoslave, nés de l'exacerbation des
identités ethniques. La même mémoire de l'humanité
est marquée au fer par les rivalités sanglantes au nord -est de
la RDC, c'est-à-dire en Ituri, entre les Hema et les Lendu, deux
populations qui après avoir vécu longtemps dans le calme, se sont
vu dressés les uns aux autres par la politique d'accentuation de
l'identité ethnique menée par l'occupant ougandais.
L'Etat démocratique moderne a déjà
été inventé, il a évolué pour devenir la
forme d'organisation la plus achevée dans le monde entier. Il convient
ainsi d'appliquer strictement ses principes tels que théorisés en
droit public.
Toutefois, cet Etat peut dans sa genèse, son
organisation et son fonctionnement c'est-à-dire en dehors de son
originalité ou de sa substance, être modelé à la
société sur laquelle il va imposer sa puissance souveraine.
Rechercher une spécificité pèche d'un subjectivisme car
aucun peuple africain ne s'est jamais prononcé, ne fut-ce que par voie
de referendum - et encore que cela serait honnête, transparent et ouvert
à tous - en faveur d'une démocratie à la congolaise,
à la camerounaise, etc. A la suite du professeur Greg BASUE BABU-KAZADI,
notons que « l'exemple de l'application de la charia au Nigeria
renseigne sur les tentatives forcées de faire table rase ou marche
arrière alors que l'évolution du monde a atteint la vitesse
cybernétique »((*)203).
Certes, il n'existe pas de théorie démocratique
applicable sans une adaptation épousant les réalités de la
société sur laquelle elle est appelée à être
modelé. En effet, la démocratie n'est pas un
« produit » à exporter sans réserve, avec un
mimétisme à tout vent. La démocratie n'est pas une
idéologie, mais le fruit capricieux d'une évolution historique.
Mais elle a tout de même un théorème qui doit s'appliquer
dans toutes les aires et les ères, sans le moindre marchandage et qui
peut s'énoncer en ces termes : « Pour que l'humanité
soit libre, mieux vaut que le peuple soit souverain, et cette
souveraineté populaire implique l'égalité politique et
sociale »((*)204).
Bien évidemment, le recours logique au fonds culturel
africain par les dirigeants africains est plus orienté vers la recherche
de solution pour se pérenniser au pouvoir, se fondant sur l'argumentaire
d'une démocratisation graduelle menée sans l'intervention des
acteurs extérieurs, ou pour disqualifier tout bonnement la
nécessité d'une intervention de la communauté
internationale.
Il est difficile de chercher à sous-estimer
l'influence potentielle que pourrait exercer la communauté
internationale dans la conduite ou l'aboutissement des processus internes de
démocratisation en Afrique. Mais il est aussi évident que ces
pressions ne sauraient, à elles seules, entraîner un changement
démocratique.
En définitive, la démocratisation est un
processus qui résulte avant tout d'un mouvement endogène,
interne. C'est l'oeuvre des peuples : la démocratie est le
pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple. Même dans les pays
occidentaux qui estiment être les plus avancés en matière
de démocratie, celle-ci est avant tout l'oeuvre d'une maturation
interne. « Ni la France, ni le Royaume-Uni ne sont devenus
démocratiques parce qu'il y avait une ONG sur la planète mars qui
était intervenue »((*)205). Cette remarque est légitime dès
lors que nous acceptons que la démocratisation est un processus.
Processus économique et social qui devient politique, qui se consolide
en processus juridique et qui crée une culture, formant un ensemble
cohérent. En d'autres termes, la démocratisation est le fruit
d'une évolution historique.
L'erreur est de considérer la démocratisation
comme une conversion. « La conversion, c'est Saul qui tombe de cheval
sur la route de Damas ». La démocratie serait
instantanée si elle équivalait à la vraie foi. L'action
internationale n'aura donc pour but que de se greffer, par la solidarité
entre les peuples, à la maturation de l'action interne.
Solidarité entre peuples, avons-nous dit ?
« Les Etats n'ont pas d'états d'âme, ils n'ont que des
intérêts », avait révélé Charles de
GAULLE ce qui n'était qu'un secret de polichinelle. L'inscription de la
donne démocratique dans la politique étrangère des nations
occidentales vise prioritairement à rechercher et préserver un
intérêt politique, économique, stratégique,
militaire, consulaire et autres. Néanmoins, l'idée de
solidarité et de coopération fondée sur la morale
internationale, les traditions judéo-chrétiennes et la
solidarité africaine atténue l'idée
d'intérêt.
Les interventions externes n'auront donc beaucoup de chances
de réussir que si elles sont couplées à des processus
endogènes de démocratisation. C'est pourquoi, pensons-nous,
l'usage des mesures de contrainte non armées, dont la contribution
à l'implantation de la démocratie ne doit pas être
sous-estimé, doit être privilégié.
Présentées de manière rhétorique comme inefficaces,
les mesures de contrainte non armées ont exercé une influence
politique majeure sur les changements politiques en Europe de l'Est ou en
Afrique du sud. Des régimes que l'on prenait pour des forteresses sont
tombés comme des châteaux de cartes, à force de pressions
économiques, politiques et diplomatiques.
L'intervention armée peut permettre de rétablir
la paix, une condition préalable de la démocratie. C'est dans ce
cadre que s'inscrit la présence de la MONUC en RDC. Mais elle ne peut
pas décréter à coup de bombes la démocratie. Durant
prés de sept ans, la RDC a connu une « guerre par procuration
menée par des sous-traitants régionaux » ((*)206) qui n'a fait que
causé des millions des morts. Les mandants et les mandataires ont plus
tué, violé et pillé, mais ils n'ont jamais instauré
la démocratie.
Depuis 2000 donc, on assiste à un « retour en
force de la bannière bleu » afin de rétablir la paix,
nécessaire à toute célébration des
élections. Aussi, formulons-nous le voeu de voir la communauté
internationale accompagner, par la solidarité entre les peuples, la
maturation de l'action interne en faveur de la démocratie. Les marches
du 03 juin 2004 et du 10 janvier 2005 prouvent la volonté du peuple d'en
finir avec les armes et la négociation comme mode de conquête du
pouvoir ((*)207). C'est
l'éveil d'une dynamique interne qui exige la célébration
urgente des élections pour le 30 juin, non pas 1960, mais 2005. Peut
être que dans les années à venir, le 30 juin, le peuple ne
commémorera plus que l'accession de la RDC à
l'indépendance, mais aussi sa réhabilitation en tant que
souverain. Désormais, dans leurs curriculums vitaes, les candidats aux
fonctions publiques n'exhiberont plus les certificats de décès
des congolais qu'ils ont envoyé sous la terre pour se faire nommer.
Puisse le processus actuel en RDC aboutir à la formule
démocratique 1+ 60.000.000 des congolais !!!!!!!!!!!!
BIBLIOGRAPHIE
A. DOCUMENTS OFFICIELS
1. Charte des Nations-Unies et Statut de la cour
internationale de justice, Service de l'information des N-U NEW-YORK, 1945.
2. Résolution 2131 (XX) du 21 décembre 1965 de
l'Assemblée générale sur l'Inadmissibilité de
l'intervention dans les affaires intérieures des Etats et la protection
de leur indépendance et de leur souveraineté.
3. Résolution 2625 (XXV) du 24 décembre 1970 de
l'Assemblée générale Relative aux principes touchant
les relations amicales et la coopération entre les Etats
conformément à la charte des Nations Unies.
4. Résolution 36/103 du 09 décembre 1981 de
l'Assemblée générale sur l'Inadmissibilité de
l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures
des Etats.
5. Résolution 45/150 du 18 décembre 1990 de
l'Assemblée de générale sur le Renforcement des
principes de la souveraineté nationale et de la non-ingérence
dans les affaires intérieures des Etats en ce qui concerne les processus
électoraux.
6. Résolution 45/151 du 18 décembre 1990 de
l'Assemblée générale sur le Respect de la
souveraineté nationale et de la non-ingérence dans les affaires
intérieures des Etats en ce qui concerne les processus
électoraux.
B. OUVRAGES
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Paris, Presses de la
Fondation Nationale de Sciences Politiques, 1979.
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13. EBOLO Martin Dieudonné, « Nationalisme
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14. GUICHAOUA André, « Les nouvelles
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15. KEUTCHA TCHAPNGA, « Les mutations
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16. MEDARD Jean-françois, « L'Etat
patrimonialisé », in politique africaine
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le droit pénal au Cameroun », in Revue de la
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18. SINDJOUN Luc, « Identité Nationale et
« révision constitutionnelle » du
18 janvier 1996 : comment constitutionnalise-t-on le
« nous » au Cameroun dans l'Etat
post-unitaire ? », in Polis / Revue camerounaise de science
politique, Volume 1 n° spécial février 1996.
19. SIPA Jean Baptiste, « Cameroun : Paul Biya
bientôt président à vie » Le Messager,
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20. SOUDAN François, « L'après Biya a
déjà commencé », in Jeune Afrique
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21. VEDRINE Hubert, « Quelles perspectives pour la
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Allocution à la Conférence mondiale
des fondations démocratiques, Paris, le 21 mars 2003.
D. COURS
1. BASUE BABU - KAZADI Greg, Introduction à la
science politique, Cours
polycopié 1er graduat A, Faculté de
droit, UNIKIN, 2001-2002.
2. BASUE BABU - KAZADI Greg, Structures et institutions
socio - politiques de
l'Afrique traditionnelle, Cours polycopié
2ème graduat A, Faculté de droit, UNIKIN,
2001-2002.
3. BASUE BABU - KAZADI Greg, Vie internationale,
Cours polycopié 2ème
graduat B, Faculté de droit, UNIKIN, 2002-2003.
4. MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO Auguste, Droit international
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Faculté de droit, UNIKIN, 1998-1999.
5. MAVUNGU, Politique étrangère de la RDC,
Notes de cours, 3ème graduat
Droit public, Faculté de droit, UNIKIN, 2003-2004.
E. THESES, DIPLOME D'ETUDES APPROFONDIES ET TRAVAIL DE
FIN DE CYCLE
1. BASUE BABU - KAZADI Greg, « L'action
internationale en faveur de la
démocratie en Afrique. Le cas du
Zaïre », Thèse de doctorat en droit, Université de
Nancy 2, 1998-1999.
2. OBIANG Jean François, Aide française et
processus de démocratisation.
Le cas du Bénin et du Gabon (1990-1994), D.E.A en
Etudes africaines, Département de sciences politiques, Université
de Paris 1 / Panthéon - Sorbonne, 1995-1996.
3. NGUELA KATAMBA Yvette, L'égalité Souveraine
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veto au sein du Conseil de sécurité des
Nations-Unies, TFC, Faculté de droit, UNIKIN, 2002-2003.
F. AUTRES SOURCES
1.
www.ambafrance-cm.org (site
de l'ambassade de France au Cameroun).
2.
http://usembassy.state.gov
(site de l'ambassade des Etats-Unis au Cameroun).
3.
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4.
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5.
www.afrilex.u-bordeaux4.fr
(site hébergeant la revue électronique afrilex).
6.
www.politique-africaine.com
(site de la revue politique africaine).
7.
www.polis.sciencespobordeaux.fr
(site de la Polis, Revue camerounaise de science politique).
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE
i
DEDICACE
ii
REMERCIEMENTS
iii
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES
v
INTRODUCTION
1
1. HISTORIQUE
1
2. DEFINITION
2
3. INTERET DU SUJET
4
4. DELIMITATION DU SUJET
5
5. METHODOLOGIE DE RECHERCHE
5
6. PROBLEMATIQUE
6
7. ANNONCE DU PLAN
7
I ère PARTIE
L'INTERVENTION EN FAVEUR DE LA DEMOCRATIE AU REGARD
DU DROIT INTERNATIONAL
8
CHAPITRE I
A LA RECHERCHE DES JUSTIFICATIONS DE L'INTERVENTION
10
SECTION 1. MOTIVATIONS ET FONDEMENTS DE L'INTERVENTION
10
§1. MOTIVATIONS POLITIQUES
11
A. La diffusion d'un modèle homogène de
régime politique : la démocratie libérale
11
B. L'intérêt national
13
§2. LES PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL AYANT UNE INCIDENCE
SUR L'ACTION INTERNATIONALE EN FAVEUR DE LA DEMOCRATIE
16
A. L'égalité souveraine des Etats
17
B. Le droit des peuples a disposer d'eux-mêmes
20
SECTION 2 : LE PRINCIPE DE
NON-INTERVENTION
22
§1. LA GENESE ET LE CONTENU DU PRINCIPE
22
A. La genèse du principe
22
B. Le contenu du principe
23
§2. LES EXCEPTIONS ADMISES PAR LE DROIT INTERNATIONAL AU
PRINCIPE DE NON-INTERVENTION
26
A. Les limitations à la libre élection du
système politique
26
B. La protection des droits de l'homme
28
CHAPITRE 2
LES MODALITES DE L'INTERVENTION
31
SECTION 1. UNE REACTION NON CONTRAIGNANTE N'EST PAS
CONSTITUTIVE D'INTERVENTION ILLICITE
31
§1. DEFINITION DE LA CONTRAINTE
32
A. Approche exégétique : L'article 2
paragraphe 7 de la charte
32
B. Approche jurisprudentielle : l'affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(C.I.J., arrêt du 27 juin 1986)
34
§2. LA PRATIQUE DU PRINCIPE DE LA LICEITE DES MESURES NON
CONTRAIGNANTES
36
A. Les relations économiques internationales
36
B. Les positions officielles exprimées à propos des
situations internes
38
SECTION 2. UNE REACTION CONTRAIGNANTE EXERCEE EN DEHORS
DU « DOMAINE RESERVE » N'EST PAS CONSTITUTIVE
D'INTERVENTION ILLICITE
40
§1. NOTION DU DOMAINE RESERVE
41
A. Le critère de l'engagement international
42
B. Les conséquences de l'application du critère de
l'engagement international
45
§2. MODALITES D'EXERCICE DES MESURES DE CONTRAINTE
47
A. La rétorsion
48
B. Les représailles ou contre-mesures
48
II ème PARTIE
50
L'ACTION INTERNATIONALE EN FAVEUR DE LA DEMOCRATIE
AU CAMEROUN
50
CHAPITRE 1
53
ANALYSE INSTITUTIONNELLE DU SYSTEME POLITIQUE
CAMEROUNAIS
53
SECTION 1. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET
CONSTITUTIONNELLE DU CAMEROUN DEPUIS 1990
54
§1. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE D'AVANT
1996
55
A. Contexte global de la démocratisation au Cameroun
55
B. Par quel chemin se démocratiser : révision
constitutionnelle, élaboration d'une nouvelle constitution dans le cadre
ou non d'une Conférence Nationale Souveraine ?
58
§2. SITUATION INSTITUTIONNELLE ET CONSTITUTIONNELLE D'APRES
1996
63
A. De la nature juridique de « la loi constitutionnelle
n ° 96/06 portant révision de la constitution du 02 juin
1972 »
64
B. Du régime politique institué par l'acte
constituant du 18 janvier 1996
67
SECTION 2. APPROCHE EVALUATIVE DU CADRE THEORIQUE ET
INSTITUTIONNEL DE LA DEMOCRATIE AU CAMEROUN
70
§1. EVALUATION DU CADRE THEORIQUE
71
A. L'adhésion du Cameroun au courant universel des droits
de l'homme
71
B. La consécration du principe démocratique
74
§2. EVALUATION DU CADRE INSTITUTIONNEL
77
A. Le suffrage
77
B. La séparation des pouvoirs
80
CHAPITRE 2
83
LA DYNAMIQUE DE L'IMPLICATION DE LA COMMUNAUTE
INTERNATIONALE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS
83
SECTION 1. L'EXPORTATION DU MODELE LIBERAL DE LA
DEMOCRATIE
83
§1. L'IMPLICATION PAR LE BIAIS DE L'AIDE PUBLIQUE AU
DEVELOPPEMENT
84
A. L'action américaine
84
B. L'action française
85
§2. L'IMPLICATION DIRECTE DE LA FRANCE ET DES ETATS-UNIS
PORTEUSE D'APPROCHES DIFFERENTES
87
A. L'implication des Etats-Unis en faveur de la démocratie
au Cameroun : la congruence entre l'action officielle et l'activisme des
acteurs privés
87
B. L'ambiguïté de l'action française en faveur
de la démocratie au Cameroun
90
SECTION 2. LA RECHERCHE DE L'INTERET NATIONAL
93
§1. LA FRANCE EN TANT QUE PUISSANCE HEGEMONIQUE EN AFRIQUE
FRANCOPHONE , ANCIENNE METROPOLE ET PLUS GRAND PARTENAIRE ECONOMIQUE DU
CAMEROUN
93
A. Intérêts politico-stratégiques
93
B. Intérêts économiques et culturels
95
§2. LES ETATS-UNIS EN TANT QUE LEADER MONDIAL
97
A. Intérêts politico-stratégiques.
97
B. Intérêts économiques et culturels
98
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
101
BIBLIOGRAPHIE
108
TABLE DES MATIERES
115
* (1) G.BASUE BABU-KAZADI,
« l'action internationale en faveur de la démocratie en
Afrique : le cas du Zaïre », Thèse de
doctorat en droit, Université de Nancy 2, 1998-1999, p.2.
* (2) La définition
est tirée de l'art.2 de la constitution française du 4 octobre
1958.
* (3) C'est sur base de cette
même solidarité que l'on peut relever, depuis quelques
décennies, un revirement de la politique étrangère
américaine. Voir à cet égard S.P.HUNTIGTON,
Troisième vague. Les démocratisations de la fin du
XXième siècle, Paris, Nouveaux Horizons, p.90-98.
* (4)
A.J.TOUDONOU, « influences extérieures et processus
démocratique en Afrique » in P. SALMON (S.D.),
Processus démocratique en Afrique : impact et
perspectives, Cotonou, Pierre Salmon, 1994, p.76.
* (5) Voir Q.D.NGUYEN, P.
DAILLIER et A. PELLET, Droit international public,
7ème édition, Paris, L.G.D.J, 2002 p.401.
* (6) J.SALMON,
Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001,
p.205.
* (7) Q.D.NGUYEN et alii,
op.cit, p.403.
* (8) Certains auteurs
réfutent l'idée de l'existence de la communauté
internationale. Le déséquilibre croissant du niveau de vie entre
pays riches et pays pauvres, les différences de race, de culture et de
civilisation séparent les Etats au lieu de les assembler. Cependant,
pensons-nous, l'existence de la communauté internationale ne doit pas
être confondue avec le degré de sa cohésion.
L'identité générale des conceptions morales, le sentiment
général de justice, l'aspiration générale à
la paix, l'interdépendance économique sont autant des
éléments qui renforcent la volonté des Etats à
vivre ensemble. Voir à cet égard Q.D.NGUYEN et alii, op.cit,
p.38-39.
* (9) S.P.HUNTIGTON,
op.cit, p.7.
* (10) Idem, p.5.
* (11) Voir l'article 2,
paragraphe 7 de la charte des Nations Unies.
* (12) MBOKO DJ'ANDIMA,
Principes et usages en matière de rédaction d'un travail
universitaire, Kinshasa, Cadicec, 2004, p.21.
* (13) Y.NGUELA
KATAMBA, l'égalité souveraine des Etats et le
droit de veto au sein du conseil de sécurité des Nations
Unies, TFC, Faculté de Droit, UNIKIN, 2002-2003, p.8 et 11.
* (14) G. BASUE BABU-KAZADI,
l'action internationale..., op.cit,
p.248.
* (15) Voir supra, p.2.
* (16) M.DUVERGER, Les
régimes politiques, collection que sais-je ? n° 289,
Paris, PUF, p.20.
* (17) S.P.HUNTIGTON,
op.cit, p.86.
* (18) C'est sur cette base
que l'organisation a condamné la rébellion survenue en Haïti
en septembre de 1991 et a « demandé le respect de la
constitution et du gouvernement issu de la volonté du peuple librement
exprimé lors des élections de décembre 1990 ».
Voir O.CORTEN et P.KleIn, Droit d'ingérence ou obligation de
réaction ? , 2ième édition,
Bruxelles, Bruylant, 1996, p.97.
* (19) S.BULA-BULA,
«les fondements de l'union africaine», in A.A.D.I,
volume 9/2001, p.62.
* (20) On peut du moins se
permettre de s'interroger sur l'efficacité d'une sanction pareille,
dès lors que l'on sait que l'acte a été adopté
à Lomé, l'une des capitales qui excelle dans cette pratique, et
voté par une majorité des chefs d'Etats issus des changements non
constitutionnels sinon inconstitutionnels ! Voir S.BULA-BULA,
op.cit, p.63.
* (21) O.Corten et P.Klein
op.cit, p.98 et G.Basue Babu-Kazadi, op.cit, p.216-217
s'interrogent aussi en ces termes.
* (22) M.MERLE, cité
par M.D. EBOLO, « L'implication des puissances occidentales dans le
processus de démocratisation en Afrique : analyse des actions
américaine et française au Cameroun(1989-1997) », in
polis/RCSP, Volume 6 Numéro 2/1998, p.31.
* (23) )
M.DUVERGER, Introduction à la politique, coll. Idées,
Paris, Gallimard, 1964, p.127.
* (24) HANS MORGENTHAU,
cité par M.D.EBOLO, op.cit, p.31.
* (25) Cité par
M.D.EBOLO, op.cit, p.23.
* (26) M.D.EBOLO,
op.cit, p.31.
* (27) G.BASUE BABU-KAZADI,
op.cit, p.249.
* (28) Il convient de
souligner la particularité du passé colonial camerounais. Colonie
allemande au XIXiième siècle, le Cameroun sera partagé
entre les britanniques et les français avant la fin de la
première guerre mondiale. Les deux puissances se verront
octroyées par la SdN la mission de préparer les camerounais
à l'autonomie. En application de cette option, l'indépendance de
la partie francophone est proclamée le 1ier janvier 1960.
Cependant, aucun moyen d'accéder à la souveraineté
internationale n'était ouvert à la partie du Cameroun sous
administration britannique. En effet, par la résolution 1350(XIII) du 13
mars 1959, l'Assemblée générale des N.U. recommandait que
des plébiscites séparés soient organisés dans les
parties septentrionale et méridionale du Cameroun sous administration
britannique. La question est la même dans les deux parties du
territoire : une indépendance par rattachement au Nigeria ou
à la République du Cameroun. Les plébiscites
séparés sont organisés les 11 et 12 février 1961.
Dans la partie septentrionale, les partisans du rattachement au Nigeria
l'emportent, alors que le résultat inverse est obtenu dans la partie
méridionale. Le rattachement de cette dernière à la
République du Cameroun sera concrétisé par une
constitution fédérale adoptée le 1ier septembre
1960. La dénomination du pays devint alors République unie du
Cameroun. Pourtant, cette réunification n `apportera pas de
modification significative aux relations privilégiées que le
Cameroun avait déjà nouées avec la France. La faible
autonomie des provinces prévue par la constitution a fini par
disparaître totalement sous l'action centralisatrice du président
Ahmadou AHIDJO, par ailleurs très lié aux intérêts
français et à la firme ELF. Ce denier a notamment imposé
le franc CFA comme monnaie nationale au détriment de la livre sterling.
En février 1984, Paul BIYA, successeur d'Ahmadou AHIDJO à la
présidence, supprima l'adjectif unie accolé au nom du
pays qui devint, dès lors, la République du Cameroun.
Pour les responsables des mouvements anglophones, cette modification constitua
l'acte final du processus d'annihilation historique de leur identité
particulière.
* (29) Froide pour
l'occident, chaude pour l'Afrique au Darfour et à l'Est de la RDC.
* (30) G.BASUE BABU-KAZADI,
op.cit, p.274.
* (31) Voir A.MAMPUYA K.T.,
Droit international public, cours polycopié,
3ème graduat, Faculté de Droit Unikin, 1998-1999,
p.78.
* (32) J.COMBACAU et S.SUR,
Droit international public, 5ème édition,
Paris, Montchrestien, 2001, p.233.
* (33) Idem, p.23 et G.
BASUE BABU-KAZADI, Introduction à la science politique, cours
polycopié, 1ier graduat, Faculté de Droit, Unikin, 2001-2002,
p.15-16.
* (34) J.Combacau et S.Sur,
op.cit, p.23.
* (35) J.VERHOEVEN,
Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p.126.
* (36) Voir Q.D.NGUYEN et
alii, op.cit, p.422.
* (37) Cité par G.
BASUE BABU-KAZADI, l'action..., op.cit, p.28.
* (38) S.BULA-BULA,
« l'idée d'ingérence à la lumière du
nouvel ordre mondial », in RADIC Tome 6/1994, p.28.
* (39) G. BASUE BABU-KAZADI,
l'action.... op.cit, p.277.
* (40) G. BASUE BABU-KAZADI,
introduction à la science...op.cit, p.14.
* (
41) G. BASUE BABU-KAZADI, op.cit., p.
14
* (42) P.-M.Dupuy, Droit
international public, 6ème édition, Paris,
Dalloz, 2002, p.133.
* (43) Idem, p.493 et
494.
* (44) Voir BENEDETTO
CONFORTI, «le principe de non-intervention», in M.BEDJAOUI (S.D.),
Droit international public. Bilan et perspectives, Tome 1,
Paris, Unesco, Pedone, 1991, p.434.
* (45) J SALMON,
op.cit, p.419.
* (46) S. CALOGEROPOULOS,
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Bruxelles,
Bruylant, 1973, p.149.
* (47) Voir CIJ, affaire
relative au Timor Oriental, arrêt du 30/06/1995, § 29 in
www.icj-cij.org.
* (
48) Cour suprême du Canada, affaire de la
sécession du Québec, 20 août 1998, cité par
J.Verhoeven, op.cit, p.293.
* (49) BENEDETTO CONFORTI,
op.cit, p. 489.
* (50) La résolution
2625 (XXV) reprend et précise le contenu de la résolution
2131(XX) du 21 décembre 1965. C'est nous qui soulignons.
* (51) CIJ, affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,
§ 202.
* (52) G. GUILLAUME,
« commentaire de l'article 2 paragraphe 7 », in J.P. COT et
A. PELLET, La charte des Nations Unies. Commentaire article par
article, Paris, Economica, Bruxelles, Bruylant, 1985, p.146.
* (53) Idem, p.146. Voir
notamment CORTEN et KLEIN, op.cit, p. 42.
* (54) G.GUILLAUME,
op.cit, p.147. C'est nous qui soulignons.
* (55) G.GUILLAUME,
op.cit, p.147.
* (56) O. CORTEN et P.
KLEIN, op.cit, p.43-44.
* (57) Le texte de la DUDH
n'est pas un traité à caractère coercitif. Elle n'est
qu'une déclaration ayant eu la forme d'une résolution de
l'Assemblée générale des N.U. Elle exprime un idéal
à atteindre et non un ensemble de règles qui s'imposent aux
gouvernants. Cependant, à travers les années, elle a acquise, de
par la force morale des principes qui la sous-tendent, la dignité d'un
ensemble de règles du droit coutumier des droits de l'homme. Voir KEBA
MBAYE, Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pedone, 1992, p.78.
* (58) Voir les articles 1,
19 al. 1 et 2, 21, 22, al. 1 et 25 litera a et b.
* (59) S. BULA-BULA,
«l'idée d'ingérence... », op.cit, p.29.
* (60) Idem.
* (61) A.MAMPUYA K.T.,
op.cit, p.54-55.
* (62) KEBA MBAYE,
op.cit, p.78.
* (63) Les droits
proclamés par ces divers instruments n'ont pas seulement une
portée négative en se contentant d'établir quelques
barrières que l'Etat ne doit pas franchir au risque de s'attirer
l'attention des autres membres de la communauté internationale ;
Tout au contraire, certains des droits proclamés sont positivement
indispensables pour que s'engagent les débats publics sans lesquels un
groupe ne peut prétendre s'autodéterminer, ce qui est
l'expression la plus plénière de la démocratie :
liberté d'expression, de réunion, d'association, etc.
* (64) S. CALOGEROPOULOS,
op.cit, p.152-163.
* (65) Idem, p.153.
* (66) G.Basue Babu-Kazadi,
l'action... op.cit, p.293.
* (67) C.I.J., affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci, § 205. C'est nous qui soulignons.
* (68) O.Corten et P.Klein,
op.cit, p.18.
* (69) Ainsi, l'adoption des
mesures non contraignantes permise au Conseil de sécurité l'est
aussi aux Etats en vertu du principe contenu à l'article 2 § 7. Sur
l'étendue de ce dernier, voir supra, pp.23-25.
* (70) C.I.J, Affaire
de certaines dépenses, avis consultatif du 20 juillet 1962.
* (71) O. CORTEN et P.
KLEIN, op.cit, p. 45 notent que l'affaire du droit d'asile ne permet
pas de se prononcer sur les mesures à propos desquelles le
problème de la non-intervention se pose: pressions économiques,
injonctions verbales, prises de position, etc. car cet arrêt du 20
novembre 1950 ne concerne qu'une matière particulière, le droit
d'asile. Il en va autrement de l'arrêt que nous nous proposons
d'analyser.
* (72) Voir l'extrait de la
note diplomatique des Etats-unis au Nicaragua, expliquant les raisons de
l'embargo in O.CORTEN et P.KLEIN, op.cit, p.46.
* (73) O.CORTEN et P.KLEIN,
op.cit, p.47.
* (74) Idem, p. 47-48. Voir
résolution 2625 (XXV) et 2131 (XX).
* (75) Voir § 241 de
l'arrêt.
* (76) O. CORTEN et P.
KLEIN, op.cit, p.48.
* (77) Voir § 276 de
l'arrêt.
* (78) G. BASUE BABU-KAZADI,
l'action... op.cit, p.302.
* (79) Propos reproduit par
O.CORTEN et P. KLEIN, op.cit, p.51. Le texte est en anglais, la
traduction est nôtre.
* (80) SCHACHTER,
cité par G. BASUE BABU-KAZADI, op.cit, p. 308.
* (81) G. BASUE BABU-KAZADI,
op.cit, p.309.
* (82) Voir le Phare n°
2326 du 27 Avril 2004, p.2. C'est nous qui soulignons. La sommation dans cet
article ne doit pas être pris dans le sens juridique d'un ultimatum.
.
* (83) Art. 53 :
«...aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords
régionaux ou par des organismes régionaux sans l'accord du
conseil de sécurité ».
* (84) Voir O.CORTEN et
P.KLEIN, op.cit, p.19-20.
* (85) Avis partagés
par O.CORTEN et P.KLEIN, op.cit, p.20.
* (86) C.I.J, affaire du
mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (RDC/Belgique) Arrêt du 14
février 2000, §.62 et 63. C'est nous qui soulignons.
* (87) Voir Q.D. NGUYEN et
alii, op.cit, p.438.
* (88) Quand on sait que ce
sont les Etats qui sont maîtres des avancées du droit
international, c'est-à-dire des restrictions progressives du domaine
réservé!
* (89) C.P.J.I, affaire
des décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au
Maroc, extrait cité par O.CORTEN et P.KLEIN, op.cit,
p.84.
* (90) Idem, p.85.
* (91) C.I.J, affaire
des activités militaires,... § 205.
* (92) Idem, § 241.
C'est nous qui soulignons.
* (93) Ibidem, § 258.
C'est nous qui soulignons.
* (94) Ibidem, §
259.
* (95) Aux termes de l'art.
160 de la constitution de la transition, la C.E.I. doit être régie
par une loi organique. Or pour des telles lois, la majorité des membres
des deux chambres du parlement est requise, condition qui a été
respectée par le vote du 19 avril 2004 (voir art. 121 de la constitution
de la transition). Qui plus est, c'est la cour suprême de justice qui
déclare à priori une loi organique conforme ou
non à la constitution avant sa promulgation par le chef de l'Etat (voir
art.121 al.2 de la constitution).
* (96) Voir Annexe IV de
l'accord global et inclusif. L'art.1 al.2 de la constitution de transition
stipule que « l'accord global et inclusif et la constitution
constituent la seule source du pouvoir pendant la transition », la
constitution étant élaborée sur base de l'accord global.
* (97) Même si M.
KUDURA KASONGO, porte parole du Président de la République,
déclarait le 7/05/2004 que le CIAT a pour rôle d'accompagner et
non de gérer le pays à la place des congolais, en se substituant
aux institutions de la transition. Toutefois, M. KUDURA devait se
référer à la mise en place par le CIAT de l'Etat Major de
l'armée suite au désaccord des parties à l'accord. Voir le
journal Le potentiel n° 3116 du lundi 3 mai 2004.
* (98) Bindschedler,
cité par O.CORTEN et P.KLEIN, op.cit, p.86.
* (99) Bin Cheng,
cité par O.CORTEN et P.KLEIN, idem.
* (100) La doctrine du
domaine réservé par nature est une filiation directe de
l'idée inacceptable que l'Etat a « la compétence de la
compétence », et réserve aux Etats la
responsabilité de la définition de leur domaine
réservé. Voir Q.D.Nguyen, op.cit., p.439.
* (101) Voir AIDI, 1984,
p.292, reproduit par O.Corten et P.Klein, op.cit, p.86.
* (102) Idem.
* (103) C.P.J.I,
Affaire des décrets de nationalité promulgués en
Tunisie et au Maroc, extrait cité par Q.D. Nguyen et alii,
op.cit, p.440.
* (104) Voir § 262 de
l'arrêt précité.
* (105) J.Salmon,
op.cit, p.1007 II.
* (106) J.Salmon,
op.cit, p.979.
* (107) F.EBOUSSI BOULAGA,
La démocratie de transit au Cameroun, Paris, Systèmes,
2000. Pour l'auteur il n' y a pas eu de transition démocratique, mais
c'est la démocratie qui était de transit au Cameroun.
* (108) voir F.EBOUSSI
BOULAGA, op.cit,p.7.
* (109) J.RAWLS,
Théorie de la justice, Paris, Seuil, 1987, p.86.
* (110) F.EBOUSSI BOULAGA,
op.cit,p.8.
* (111) J.RAWLS,
op.cit, p.33.
* (112) F.EBOUSSI BOULAGA,
op.cit, p.8.
* (113) M.Kamto,
« Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme
politique au Cameroun »,in G.Conac,op.cit, p.209.
* (114) M. KAMTO,
op.cit, p.214 note 2.
* (115) Idem, p.211.
* (116) Ibidem, p.214.
* (117) Sur la gestion
néo-patrimoniale de l'Etat en Afrique, l'on consultera J.-F.MEDARD,
« L'Etat patrimonialisé », in Politique
africaine n°39, septembre 1990, pp.25-36.
* (118) Sur la politique du
ventre, lire J.-F.BAYART, l'Etat en Afrique. La politique du ventre,
Paris, Fayard, 1989.
* (119) F.CONSTANTIN et
B.CONTAMIN, « Perspectives africaines et bouleversements
internationaux », in Politique africaine n° 39,
septembre 1990, p.64.
* (120) Alors que le mis en
cause n'aurait été trouvé qu'en possession d'un document
intitulé « coordination nationale pour la démocratie et
le multipartisme ». Voir
M.D.EBOLO, « L'implication... », op.cit, p.25
note XLVII.
* (121) Parmi ces lois de
décembre 1990 doit être mentionné la loi n°90/46
abrogeant l'ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962 portant
répression de la subversion.
* (122) Sur cette question,
voir M.KAMTO, op.cit, p.210-211.
* (123) Le 6 novembre 1982,
lorsque Ahmadou AHIDJO démissionne de ses fonctions de Président
de la République, c'est son Premier ministre Paul BIYA qui lui
succède conformément aux dispositions de la constitution du 2
juin 1972. Par une révision intervenue en date du 4 février 1984,
Paul BIYA fera supprimer la fonction de premier ministre, enlevant ainsi
l'échelle qui l'avait amené au pouvoir.
* (124) Avant d'être
nommé Premier ministre, M. SADOU HAYATOU exerçait la fonction de
secrétaire général à la Présidence.
* (125) S.P. HUNTIGTON,
op.cit, p.151.
* (126) Idem, p.152.
* (127) Il s'agit du SDF de
John FRU NDI, l'UNDP de MAIGARI BELLO BOUBA, l'UPC de Frédérick
KODOCK et l'UDC d'ADAMOU NDAM NJOYA.
* (128) S.P. HUNTIGTON,
op.cit, p.152.
* (129) « Le vent
d'est n'est pas une panacée...au contraire nos planteurs savent que le
vent est destructeur, qu'il vienne de l'Est ou de l'Ouest",lançait
M.Jean Jacques EKINDI, alors président de la section RDPC (parti
présidentiel) du Wouri, lors d'une marche de soutien au régime et
d'opposition au multipartisme organisés par le RDPC le 28 Mars 1991.
* (130) S.P.
HUNTINGTON, op.cit, p.152.
* (131) Ce large
débat comportait trois phases : la phase
d'élaboration était confiée à un
« comité » d'experts, assisté d'un
secrétariat où se déroule le large débat. Les
propositions parviennent au secrétariat du comité technique par
voie de presse(journaux, télé), mémorandums, projets de
constitution, par téléphone ou fax ; La phase de
discussion se déroule dans un comité consultatif
constitutionnel ouvert aux partis politiques, aux confessions religieuses,
à la société civile. La phase d'adoption
dépend du seul chef de l'Etat, qui pourra le faire adopter par vote de
l'Assemblée nationale ou par référendum.
Les travaux du comité technique s'ouvrirent le 15
décembre 1994. Ils sont marqués par une grande
précipitation que l'importance du sujet n'autorise pas. 42 membres sur
57 sont soit du RDPC, soit ses alliés, soit des « hommes du
président ». Le président et le rapporteur du
comité nommés appartiennent à ce groupe, comme le fort
contingent de vieillards depuis longtemps retirés de la vie publique,
aux forces physiques et aux facultés intellectuelles
diminuées(Voir F.EBOUSSI BOULAGA,op.cit, p187). Le respect du
calendrier deviendra la fin, et le contenu un simple moyen. Il est
marqué par l'oubli des personnalités importantes, tel que le
président de la commission épiscopale et
l ` éminent constitutionnaliste Maurice KAMTO.
Mais fort malheuresement, les travaux sont
marqués par une déconnexion des
« débats » précédents, énervant
de ce fait un processus qui devait être continu et dont on avait
indiqué les étapes mutuellement liées les unes aux autres.
Aussi, pouvait-on observer la disparition pure et simple de
l `Avant-projet de 1993, produit de la phase d'élaboration
et la proposition faite aux membres du comité consultatif
constitutionnel de la constitution de 1972.
* (132) La constitution du
Cameroun, adoptée par référendum le 20 mai 1972, a
été modifié par les lois constitutionnelles du 9 mars
1975, du 29 juin 1979, du 21 juillet et 18 novembre 1983, du 4 février
1984 et du 23 avril et 16 décembre 1991.
* (133) voir P. MOUKOKO
MBONDJO, op.cit, p.247. La position de force dans laquelle se trouvait
le président BIYA était confortée par un début de
positionnement claire des officiels français sur l'inopportunité
d'organiser une conférence nationale au Cameroun. C'est dans ce cadre
que s'inscrivaient les déclarations du sénateur Charles PASQUA et
de l'ancien président et eurodéputé Giscard d'ESTAING, en
visite au Cameroun respectivement le 9 novembre 1991 et le 28 janvier 1992,
favorables à la solution électorale et opposés à
l'organisation d'une conférence nationale souveraine.
* (134) Le discours du
président Paul BIYA lors du dépôt du projet devant
l'Assemblée nationale le 27 novembre 1995 et l'intitulé de la loi
constitutionnelle consacrent le terme révision, de même que le
communiqué du directeur du cabinet civil de la Présidence de la
République du 19 janvier 1996.
* (135) Voir E. MPONGO
BOKAKO BAUTOLINGA, Institutions politiques et droit constitutionnel,
Kinshasa, E.U.A., 2001, p. 98.
* (136) E.MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA, op.cit, p. 99-100.
* (137) Idem, p.101. C'est
nous qui soulignons.
* (138) Voir L.Sindjoun,
« Identité nationale et « révision
constitutionnelle » du 18 janvier 1996 : Comment
constitutionnalise-t-on le « nous » au Cameroun dans l'Etat
post-unitaire ? », in Polis/RCSP, volume 1
numéro spécial février 1996, p.2.
* (139) Dans le même
sens, Pierre PACTET, citant LIET-VAUX, note que si la révision porte sur
un très grand nombre de dispositions, et à fortiori si elle est
totale, on peut en venir à l'élaboration d'une nouvelle
constitution, ce qui équivaut à une fraude à la
constitution. Voir P. PACTET, Institutions politiques et Droit
constitutionnel, 12ème édition, Paris,
Masson,1993 p.76.
* (140) F. EBOUSSI
BOULAGA, op.cit, p. 194.
* (141) Idem, p. 193.
* (142) Ibidem, p.197.
* (143) Voir P.PACTET,
op.cit, p. 154.
* (144) Sur ce, nous
signalons que ce constat que nous faisons notre est aussi celui fait par F.
EBOUSSI BOULAGA, op.cit, p.181 sur la primature instaurée par
la révision constitutionnelle du 23 avril 1991.
* (145) C'est nous qui
soulignons.
* (146) E. MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA, op.cit, p. 292.
* (147) Idem.
* (148) Ibidem.
* (149) Ibidem, p.293.
* (150) G. BASUE BABU-KAZADI,
structures...,op.cit., p.40.
* (151) F. EBOUSSI
BOULAGA, op.cit, p.172. Jean FOCHIVE , faucon du régime au plus
fort de la contestation politique, a été relevé de ses
fonctions le premier mars 1996 sur la pression de la France.
* (152) H.N'GBANDA
ZAMBO-KO-ATUMBA, Afrique : Démocratie piégée,
(Sl),Equilibres Aujourd'hui, 1994, p.27.
* (153) Il s'agit par
exemple de la présomption d'innocence, du respect de
l'intégrité physique et morale de tout individu, de
l'interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant ainsi que le
principe du droit à un environnement sain. On consultera avec beaucoup
d'intérêts
R. MEVOUNGOU NSANA, « Constitution du 18
janvier 1996 et le droit pénal au Cameroun », in
RCADH, tome 7, 1998, numéro 2, p.151-176. Voir notamment
L.DONFACK SOKENG," Existe-t-il une identité démocratique
camerounaise? La spécificité camerounaise à
l'épreuve de l'universalité des droits fondamentaux",in
Polis/RCSP, Volume 1 Numéro spécial février 1996,
pp.8-9.
* (154) Cet arsenal de
textes constitue pour le Cameroun ce que nous avions appelé l'engagement
international. Voir supra, pp.41 à 47.
* (155) Il serait toutefois
outré d'alléguer qu'aucune norme infra-constitutionnelle de tout
l'ordre juridique n'en ait fait état auparavant. Voir J.-C ABA'A OYONO,
« les mutations de la justice à la lumière du
développement constitutionnel de 1996 », in Afrilex
n° 01 novembre 2000, pp.7-8.
* (156) E. MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA, op.cit,p.10.
* (157) Idem.
* (158) J. -C.ABA'A OYONO,
op.cit, p.9.
* (159) G.BASUE
BABU-KAZADI, Vie internationale, cours polycopié,
deuxième graduat, Faculté de Droit, UNIKIN, 2002-2003, p.82.
* (160) E.MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA, op.cit, p.167.
* (161) Art. 2 de la
constitution : " Les autorités chargées de diriger l'Etat
tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d'élection au suffrage
universel direct ou indirect, sauf dispositions contraires de la
présente constitution ".
* (162) Voir art. 20 al.
2.
* (163) KEUTCHA TCHAPNGA, "
Les mutations récentes du droit administratif camerounais", in
Afilex n° 01,novembre 2000, p.6.
* (164) Baffoussam,
Bamenda, Ebolowa, Edéa, Garoua, Kumba, Limbe, Maroua et Nkogsamba. A ces
villes, il faut ajouter les communautés urbaines de Yaoundé et de
Douala, divisées en communes urbaines d'arrondissement , au nombre,
respectivement, de 5 et 6.
* (165) S. P. HUNTIGTON,
op.cit, p.5.
* (166) F. EBOUSSI BOULAGA,
op.cit, p.235.
* (167) Notons que c'est la
première fois que l'indépendance du pouvoir judiciaire soit ainsi
libellé dans la loi fondamentale camerounaise. En effet, avant cette
disposition, toutes les constitutions du Cameroun n'ont jamais fait grand cas
de la justice, en se prononçant pour une "autorité de l'Etat
exercée par le Président de la République et le Parlement
". La constitution du 18 janvier 1996, même si elle reprend cette
disposition en son article 4, rompt avec la continuité en proclamant en
son art. 37 al. 2 l'indépendance du pouvoir judiciaire.
* (168) Cette
indépendance varie cependant selon que l'on relève de la
magistrature assise ou debout. Dans le premier cas, le magistrat ne
relève dans sa fonction juridictionnelle que de la loi et de sa
conscience (art. 37 in fine). Dans le second, elle est relative puisque les
Procureurs de la République et les Procureurs généraux
peuvent recevoir, en raison du fait hiérarchique qui s'applique à
leur cadre, des instructions des collègues plus gradés, du
ministre de la justice et du Président de la République.
* (169) J.-C.ABA'A OYONO,
op.cit, pp.14-15.
* (170) G. BASUE
BABU-KAZADI, L'action... op.cit, p. 248
* (171) Nous n'avons point
la prétention de réduire l'action internationale en faveur de la
démocratie au Cameroun à ces deux puissances. La
définition de la communauté internationale proposée au
début de notre travail nous interdit d'adopter cette
démarche(voir supra, pp.2-3). Cependant, sur base des
considérations exposées plus haut (voir supra, pp.14-16),
l'action des deux puissances précitées résume et illustre
le mieux l'implication de la communauté internationale dans le processus
démocratique camerounais.
* (172) L'aide est une
forme récente de
« coopération Nord/Sud »,car au cours de la
période coloniale, les métropoles entretenaient avec leurs
colonies des relations commerciales privilégiées qui
s'inscrivaient dans une toute autre rationalité que l'A.P.D. A
l'époque, il s'agissait moins de contribuer au
« développement » des colonies que d'assurer la
« mise en valeur » du patrimoine métropolitain par
une politique d'investissements publics et l'établissement d'un
marché protectionniste. Voir J.LAROCHE, Politique
internationale, 2ème édition, Paris, L.G.D.J.,
2000,p.385.
* (173) H.KISSINGER, La
nouvelle puissance américaine, Paris, Fayard, 2003, p.13.
* (174) Allocution de
Warren CHRISTOPHER le 21 mai 1993 à la session de clôture de
l'Assemblée annuelle de l'African American Institute, extrait
cité par M.D.EBOLO, op.cit,p.26.
* (175) Sur
l'évolution de la politique étrangère américaine en
matière de promotion et de protection des droits de l'homme voir
S.P.HUNTIGTON, op.cit, pp. 90-93.
* (176) Extrait reproduit
par M.D.EBOLO, op.cit, p.27.
* (177) Sur la question,
lire J.F.OBIANG, « Aide française et processus de
démocratisation. Le cas du Bénin et du
Gabon(1990-1994) », D.E.A. en Etudes africaines, Département
de Sciences politiques, Université de Paris 1 /Panthéon -
Sorbonne, 1995-1996.
* (178) Le cas d'ELF
AQUITAINE rentre dans la même visée politique. Celle-ci a abouti
au renversement par les armes du président congolais élu
démocratiquement par le peuple, Pascal LISSOUBA, au profit de Denis
SASSOU NGUESSO, qu'il avait battu aux urnes. Et ce, avec la
bénédiction de la France.
* (179) M.D. EBOLO,
op.cit, p.28.
* (180) Idem, p.28 et
29.
* (181) Pour plus de
détails, voir M.D.Ebolo, « Nationalisme gouvernemental et
pressions extérieures dans le contexte de démocratisation :
le cas camerounais », in Polis/RCSP, Volume 1 numéro
spécial février 1996, pp. 5-7.
* (182) Voir M.D.Ebolo,
« L'implication des puissances.... », op.cit,
pp.37-38. Voir aussi le même auteur dans « Nationalisme
gouvernemental », op.cit, pp.10-12.
* (183) Non loin de nous,
c'est-à-dire en 2004, l'interview de Monseigneur Christian TUMI
diffusé sur les antennes de RFI le 20 octobre, qualifiant le scrutin du
11 octobre 2004 de mascarade, avait provoqué l'ire du Ministre de la
communication, M.Pierre MOUKOKO MBONDJO qui, par un communiqué virulent
diffusé le même jour, qualifiât ladite interview de
« violation flagrante des lois universelles de la déontologie
journalistique » et accusait RFI « de traiter les
événements majeurs du Cameroun avec un parti pris
inadmissible ».Continuant toujours sur le même ton, le ministre
de la communication s `étonnait du fait que RFI, pourtant
placée sous la tutelle du Ministère français des affaires
étrangères, n `avait même pas tenu compte du message
de félicitation envoyé à Paul BIYA par son homologue
français, Jacques CHIRAC, à l'issu dudit scrutin.
* (184) Voir Z..NGNIMAN,
op.cit, p.214 et svt.
* (185)J.F.BAYART,
« Réflexions sur la politique africaine de la
France », in Politique africaine n° 58, Juin 1995,
p.44.
* (186) On ne peut donc
s'étonner dans ces conditions que l'ambassadeur américain Mme
Frances COOK ait mené à visage découvert la campagne
présidentielle de John FRU NDI
( l'opposant principal à Paul BIYA) lors des
élections présidentielles de 1992.
* (187) M.D.EBOLO,
«L'implication des...», op.cit, p.32.
* (188) Voir Courrier
international n° 701 du 8 au 14 Avril 2004, p.39.
* (189) En 2001, la France
était le 1ier fournisseur du Cameroun avec une part de 27%,
suivi de l'Allemagne et du Nigeria avec 9% chacun et de la Belgique avec 5%.
Voir J.-D.GESLIN, « Cameroun. Pourquoi ça
redémarre », in Economia n° 8, juin
2001,p.32.
* (190) Signalons que le
Cameroun a effectivement adhéré au Commonwealth le 16 octobre
1995.
* (191) H.KISSINGER,
op.cit, p.14.
* (192) Même si
Laurent GBAGBO, le Chef de l'Etat ivoirien, en visite aux Etats-Unis le 07 juin
2004, affirmait le contraire sur les ondes de RFI, alors que sa propre visite
était passée inaperçue et que les problèmes
internes de son pays n'ont pas été une préoccupation des
candidats à la présidence, ni encore moins du président
nouvellement réélu.
* (193) H.KISSINGER,
op.cit, p.14-15 et 223.
* (194) E. BUSTIN,
« Etats-Unis - Afrique. La politique africaine des
Etats-Unis », in Universalia 2001, p.173 I.
* (195) Idem, 173 II.
* (196) OEuvre de la
société américaine EXXON à la tête du
consortium EXXON 34,6%, SHELL 34,6 %, ELF 17,3% avec une faible participation
du Cameroun 8,5% et du Tchad 5%.
* (197) G. Basue
Babu-Kazadi, Structures et institutions socio-politiques de l'Afrique
traditionnelle, cours polycopié, 2ème graduat,
Faculté de droit, UNIKIN, 2001-2002. L'auteur continue en disant qu'il
convient «...
pour la RDC que les enjeux politiques du moment militent en faveur du
changement et permettent par le recours à l'institution du dialogue la
naissance de la 3éme République qui, ce notre souhait (le notre
aussi), sera réellement démocratique ».
* (198) H.KISSINGER,
op.cit, p.225.
* (199) Voir H.N'GBANDA,
op.cit, p.140.
* (200) « Le
Cameroun c'est le Cameroun », lançait Paul BIYA le 27 juin
1991 à l'Assemblée nationale pour faire comprendre à ses
opposants que les contingences inhérentes aux réalités
camerounaises n'imposent pas forcément un mimétisme à tout
vent. Mais paradoxalement à la revendication de la démocratie de
son pays, en visite à Paris le 3 avril 1991, répondant à
la question de la presse de savoir si en considération des
préceptes de la Baule il était bon ou mauvais
élève, Paul BIYA déclarait : « Eh bien, je
ne crois pas déformer la pensée du président MITTERAND en
disant qu'il estime que je suis parmi les meilleurs
élèves » !
* (201) Voir
préambule de la constitution : « L'Etat assure la
protection des minorités et préserve les droits des populations
autochtones conformément à la loi ». Voir notamment
l'art. 57 al .2 in fine et al.3 : Le conseil régional doit
refléter les différentes composantes sociologiques de la
région d'une part, et « être présidé par
une personnalité autochtone de la Région élue en son sein
pour la durée du mandat du conseil » d'autre part.
* (202) Le même
problème transposé en RDC, il est légitime de
s `interroger si quelle ethnie, dans un pays qui en compte plus de trois
centaines, peut être considéré comme minoritaire : les
« Banyamulenges » au Nord-Kivu, les Bateke et Bahumbu
à Kinshasa, les Bashilele au Kasai-occidental, etc. ? En
réalité et de prime abord, seuls les pygmées semblent
présenter les caractéristiques qui permettent l'identification
aisée d'une minorité nationale, vu leurs difficultés
à s'intégrer dans la société moderne (l'affirmation
vaut aussi pour le Cameroun). Aussi, déplorons- nous les tentatives
menées de l'extérieur en vue de fragiliser l'unité
nationale en RDC et de provoquer la désintégration du pays, en se
targuant de certaines violations des droits humains à l'encontre d'un
groupe ethnique privilégié que dans certaines capitales
occidentales on qualifie avec une dose d'ignorance mêlée de
mauvaise foi de « minorité ». Paraphrasons ainsi le
professeur Sayeman BULA- BULA qui s'étonne du fait que le Conseil de
sécurité des N.U. se soit transformé en «
Conseil des droits de l'homme, suivant la tête du plaideur, dissolvant
ainsi l'humanité au Congo dans ses groupes ethniques, choisis
sélectivement » sans avoir assumé sa
responsabilité d'enrayer l'agression dont a été victime la
RDC. Voir S.BULA-BULA, L'ambiguïté de
l'humanité en droit international, Kinshasa, PUK, 1999, p.12
* (203) G.BASUE BABU-KAZADI,
Structures...op.cit, p.43.
* (204) Jacques BARZUN,
cité par L.DONFACK SOKENG, op.cit, p.26.
* (205) H.VEDRINE,
« Quelles perspectives pour la démocratie en
Afrique ? », allocution à la conférence mondiale
des fondations démocratiques, Paris, le 21 mars 2003.
* (206) S.BULA-BULA,
L'ambiguïté...op.cit, p.9.
* (207) Pauvre peuple,
accusé chaque fois d'être manipulé quand il descend
à la rue pour manifester et revendiquer ce qui lui revient de droit.
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