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La cohésion sociale en France et au Maroc

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par Othman GAGA
Université Mohammed V Souissi - Licence en gestion, option: finance des entreprises 2008
  

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4.3.2. L'éducation à la citoyenneté au Maroc

Depuis 2003, le Maroc a amorcé le projet de mettre en place dans ses établissements l'éducation à la citoyenneté en la substituant à l'éducation civique. Celle-ci était longtemps mise de côté et subordonnée à l'histoire/géographie. Cela dit, on ne peut pas dire qu'il y a eu une rupture avec l'enseignement assuré par l'éducation civique. En effet, l'éducation à la citoyenneté s'inscrit dans la continuité de l'ancienne matière, en lui ajoutant un nouveau souffle afin de rester en phase avec la situation sociale et mondiale actuelle.

La mise en place de l'éducation à la citoyenneté n'est pas fortuite. Effectivement, elle répond à un certain nombre de volontés affichées par l'Etat qui peuvent être énumérées comme suit :

o concrétiser la volonté de l'Etat à renforcer une société marocaine moderne et démocratique,

o honorer la charte de l'éducation ratifiée par le Maroc et ce :

· en enseignant des valeurs citoyennes et universelles

· en développant les compétences des apprenants (développement de la personnalité et des compétences pouvant faire oeuvre utile à l'ensemble de la société...)

· en favorisant des programmes qui dépassent l'approche quantitative et l'adoption d'une approche méthodologique qui trouve appuie dans la progressivité et la continuité,

o réorganiser le programme de l'éducation sociale (histoire, géographie, éducation à la citoyenneté) dans le souci d'appliquer leur contenu dans la vie sociale, pour qu'elles puissent jouer leur rôle pleinement à savoir : l'extension des valeurs communes au sein de la société.

Tous ces éléments ont poussé l'Etat à introduire l'éducation à la citoyenneté à la place de l'éducation civique. En effet, ce changement suppose une nouvelle approche au niveau méthodologique et pédagogique ainsi qu'une nouvelle conception des contenus proposés d'une part, et du champ d'application de ces derniers, d'autre part.

En effet, l'approche méthodologique vise la liaison entre les compétences, les programmes, la didactique utilisée pour le traitement des sujets et l'orientation des activités qui se focalisent au premier degré sur l'éduqué tout en respectant la fonction de la matière.

S'agissant de la pédagogie, elle se base sur les compétences devant être encadrés par les documents, lesquels constituent le contenu. En effet, ces compétences doivent avoir trait, d'une façon directe, à la citoyenneté

L'élaboration du contenu assigné à l'éducation à la citoyenneté passe tout d'abord par le transfert de certaines leçons de l'éducation civiques inhérentes à l'histoire ou à la géographie vers les matières y afférents, et ensuite par l'ajout de nouvelles leçons qui conviennent davantage à la matière.

Le champ d'application de l'éducation à la citoyenneté commence dès la quatrième année de l'enseignement élémentaire en prenant en compte les capacités des élèves ainsi que les priorités d'apprentissage exigé par la matière. A cet effet, le contenu sera continu et progressif et accordant une grande importance à l'aspect local qui recouvre pas moins de 30% du contenu dédié à la région et à l'établissement.

L'éducation à la citoyenneté, ainsi réorganisée, doit répandre certains principes :

o les valeurs citoyennes et de Droits de l'Homme ainsi que leur rôle à faire émerger l'amour de la nation et la volonté de la servir chez des apprenants,

o l'éducation à la citoyenneté en tant qu'outil à la fois de sensibilisation des apprenants envers leurs droits et leurs obligations et de stimulant à la pratique démocratique et de développement de la participation positive à la chose publique et locale,

o l'épanouissement de l'apprenant en réagissant positivement avec son environnement par le biais d'un esprit tolérant ouvert aux débats et acceptant les différences.

Cependant, la citoyenneté ne peut avoir lieu que si la société remplit un certain nombre de critères, à savoir :

o la pratique des valeurs enseignées dans une société démocratique,

o la nécessité de la connaissance et de la reconnaissance des droits et des obligations par tous les citoyens,

o l'égalité entre tous les citoyens.

L'objet de l'éducation à la citoyenneté est d'inciter les apprenants à appliquer le contenu qu'il leur a été enseigné. A cet égard, le dispositif pédagogique doit foisonner d'innovations

afin de transmettre aux apprenants le contenu de la matière de manière lucide et ludique. Celui-ci adopte une logique pédagogique triangulaire et progressive :

Initiation Ancrage Appropriation

Afin d'appliquer au mieux cette logique, l'apprenant doit prendre une place centrale et le considérer en tant que « partenaire » dans la démarche pédagogique en vue de l'inciter davantage à pratiquer les valeurs enseignées et de stimuler en lui les capacités à façonner ses choix et de les défendre, ce qui suppose une approche participative dans la construction des enseignements. C'est en prenant en compte ces considérations que le cycle d'apprentissage a été élaboré :

La découverte est une phase d'initiation où l'apprenant commence à connaître certains concepts tels que la justice, la dignité etc., des faits tels que l'inégalité entre homme et femme ainsi que l'analyse de certaines données. La phase de découverte a pour mission de faire naître chez l'apprenant une sensibilité et une compréhension des valeurs enseignées, cette phase est un préalable à la réaction de l'apprenant.

La réaction est une phase intermédiaire d'apprentissage où l'apprenant est amené à réagir en construisant des réponses personnelles sur des problématiques posées sous différents angles. A la fin de cette phase l'apprenant doit forger un avis propres à lui en prenant en considérations les dimensions civiles.

L'action est une phase finale qui débouche sur des voies concrétisant l'action au sein dans la société au niveau local et national, et qui mène l'apprenant à trouver une ou des solutions aux problématiques traitées et à essayer de les appliquer individuellement ou collectivement. La finalité ici est de faire de l'apprenant un citoyen actif tant au niveau local et national qu'international.

Pour mener à bien ce cycle, les apprenants ont à leur disposition des outils tels que les cartes, photographies, données statistiques etc. qu'ils pourront utiliser en s'appuyant sur des techniques pédagogiques participatives qui favorisent la dynamique du groupe, l'autonomie et la capacité à résoudre des problèmes.

En guise de conclusion, l'initiative prise par le Maroc, en matière d'éducation à la citoyenneté au sein de ses établissements, est louable. Il a ouvert une brèche dans le renforcement des apprentissages des valeurs citoyennes et conséquent au renforcement de la cohésion sociale.

Cependant entre les principes proposés et l'application de ceux-ci existe un gouffre béant, lequel efface toute la crédibilité et les efforts consentis par l'Etat. En effet, l'enseignement de cette matière rencontre une nuée de problèmes qui entravent systématiquement la mission de celle-ci, à commencer par les conditions lamentables des établissements scolaires publics, ceux-ci ne peuvent pas fournir aux jeunes apprenants les conditions les plus rudimentaires à l'apprentissage. Comment peut-il y avoir d'apprentissage participatif dans ce cas ?

A ces conditions lamentables vient s'ajouter l'insouciance d'un bon nombre d'enseignants, pour qui l'éducation à la citoyenneté n'est qu'une perte de temps ou bien encore une entreprise satanique qui tente de répandre des valeurs occidentales antinomiques avec les valeurs musulmanes. Pour le reste des enseignants qui souhaitent s'investir dans

l'enseignement de cette matière, ils ne sont malheureusement pas assez formés pour l'enseigner correctement et tombent cruellement dans le piège de l'improvisation et de l'amateurisme.

Par ailleurs, l'application positive des pratiques enseignées par l'éducation à la citoyenneté dans la société tant au niveau local que national est la finalité ultime de cette démarche. Or l'école marocaine, qui vie dans une situation autarcique, n'a aucun lien avec son environnement socioéconomique. Cette réalité heurte toutes les espérances de l'Etat au mur de l'évidence. Car on ne peut guère imaginer l'enseignement de l'éducation à la citoyenneté au sein d'un établissement qui est complètement coupé de son environnement. La pratique n'existerait qu'à l'état de virtualité.

Même si, comme on l'a vu précédemment, le ministère de l'éducation nationale affiche la volonté de rompre avec l'approche quantitative dans le souci de s'aligner avec les autres pays qui ont ratifié la charte de l'éducation. Toutefois, force est de constater que cette approche est la forme « pédagogique » la plus dominante dans le système éducatif marocain, En effet, la qualité des contenus se mesure encore par leur épaisseur et la méthode d'apprentissage qui domine est le « par coeur ». Dur donc de mettre en marche le cycle d'apprentissage triangulaire.

Avant de traiter l'éducation à la citoyenneté au Maroc, nous avons souligné l'importance de réhabiliter les établissements publics. Sans cette condition, aucune réforme scolaire ne portera ses fruits. Cet état de fait semble être éludé par le ministère de tutelle, ce qui minimise les chances de réussite de l'éducation à la citoyenneté. Pourtant, celle-ci représente une immense opportunité au Maroc pour renforcer sa cohésion sociale.

Ainsi, la mauvaise adaptation de l'éducation à la citoyenneté fait perdre au Maroc un atout de renforcement de cohésion sociale. En effet, l'éducation à la citoyenneté telle qu'elle est enseignée au Maroc peut s'apparenter à un château de carte bâti d'une façon inconsistante. Le moindre souffle de vent peut l'effondrer. Avant d'essayer de mettre en place une réforme d'une matière nécessitant des moyens financiers et humains conséquents, il est peut-être judicieux de réhabiliter les établissements scolaires au niveau financier, logistique et humain

5. Conclusion

Tout au long de ce travail, nous avons pu apprécier l'importance du renforcement de la cohésion sociale en France, au Maroc et, de façon plus générale, au sein de toute société. En effet, le présent mémoire retrace quelques plans et réformes qui visent le renforcement de ladite cohésion. Ces expériences là sont sans doute imparfaites en raison d'un certain nombre de contraintes telles que le budget alloué à celles-ci, des raisons conjoncturelles étouffantes etc., mais leur finalité est louable, car elle vise l'atténuation des inégalités sociales.

En effet, comme on l'avait précisé précédemment, les inégalités sociales sont le lot de toutes les sociétés. Il est donc vain d'essayer de les éradiquer totalement, quelques expériences socialistes comme l'ex-URSS ou Cuba peuvent étayer ces propos. La mission donc des Etats, en tant que garants de cohésion sociale, est de tenter de faire sortir le maximum de gens de la précarité et de l'exclusion. Pour ce faire, il faut introduire une logique sociale dans la dimension économique. La question qui se pose, s'articule donc autour de la manière et des moyens à mettre en place pour arriver à cette fin.

Au-delà de l'aspect économique, la cohésion sociale est un ensemble de valeurs partagées et approuvées par tous. Nous avons pu observer l'importance que revêt l'école en matière d'inculcation de ces valeurs. En effet, l'école est l'institution la plus apte à sociabiliser les individus et à faire d'eux des citoyens actifs. Cela dit, ce rôle peut être réduit à sa plus simple expression, si des conditions nécessaires ne sont pas réunies telles que la bonne gouvernance, l'équité, la bonne formation des éducateurs etc.

En résumé, on peut dire que pour renforcer la cohésion sociale, les Etats doivent à la fois lutter contre la pauvreté et l'exclusion en vue d'améliorer les conditions de vie des catégories les plus vulnérables et veiller à ce que l'école puisse répandre des valeurs citoyennes. La finalité de cette démarche est la consolidation de l'esprit d'appartenance au groupe et par voie de conséquence la consolidation de toute la société.

Telle est donc la finalité des plans et réformes cités par notre travail. Cela étant dit, lesdits plans et réformes, malgré l'importance de leurs volumes budgétaires, n'arrivent pas

souvent à atteindre les résultats escomptés. Cet état de fait est attribuable à un certain nombre de limites. En effet, en prenant l'exemple des allocations, pour le cas de la France, qui jouent le rôle de complément de revenu pour les personnes ayant un bas salaire, on trouve que celles-ci nécessitent une part considérable du budget de l'Etat et ne parviennent pas à faire sortir un grand nombre de gens de la vulnérabilité. En effet, un bon nombre d'allocataires sont en situation de dépendance envers ces allocations. Cette situation de dépendance est remarquée aussi chez les bénéficiaires de la caisse de compensation au Maroc. Ce qui nous pousse à chercher de nouvelles approches capables de faire sortir les catégories les plus pauvres de la vulnérabilité tout en les rendant moins dépendants des aides fournies par l'Etat.

Parmi les pistes à suivre, on peut citer l'économie solidaire. Cette dernière est un ensemble d'activités ayant pour but de revaloriser l'être humain au sein du processus productif. En effet, les valeurs défendues par cette approche sont : la cohésion, la solidarité et le projet collectif. Elle permet non seulement de réduire la pauvreté mais aussi de faire des classes sociales démunies un acteur actif dans la scène économique. L'économie solidaire repose sur deux piliers principaux : L'insertion par l'activité économique et le commerce équitable.

+ L'insertion par l'activité économique consiste à employer des personnes qui sont en situation de grave difficulté sociale. Cette pratique essaie de contribuer à la réinsertion sociale de ces personnes en considérant le travail comme facteur de réinsertion social.

+ Le commerce équitable est un partenariat commercial dont l'objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Au-delà de l'aspect financier, Les organisations du commerce équitable s'engagent activement à sensibiliser l'opinion et à mener des campagnes en faveur du changement dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel.

L'économie solidaire n'est qu'un exemple parmi tant d'autre qui tente de donner à l'homme une place centrale dans l'économie. En effet, au lieu d'utiliser la cohésion sociale en

tant qu'outil pour soigner les plaies engendrées par le système économique, il est plus judicieux de consacrer l'économie à la cohésion sociale.

Le système économique actuel suppose le retrait des Etats. De ce fait, la marge de manoeuvre des Etats français et marocain est très réduite. En effet, ils ne sont plus en mesure de pourvoir des emplois qui pourront résorber le chômage ou bien de prendre en charge toutes les couches sociales vulnérables en raison de leur budget réduit. Cela dit, ils peuvent investir dans l'école afin que celle-ci puisse répandre des valeurs citoyennes qui pourront créer un lien de solidarité fort entre toutes les classes sociales. En faisant cela, les membres de la société participeront massivement à côté de l'Etat pour lutter contre la pauvreté, en se réunissant dans des ONG ou d'autres formes d'associations.

En définitive, La France ainsi que le Maroc se sont penchés sur l'établissement d'une société cohésive basée sur l'équité et n'ont lésiné guerre sur les moyens. Cependant, ils doivent encore redoubler d'efforts pour renforcer davantage la cohésion sociale. Cela ne peut se faire qu'en donnant à l'économie un aspect social et en répandant via l'école des valeurs citoyennes et universelles capables de consolider l'esprit de solidarité chez tous les membres de la société.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon