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La cohésion sociale en France et au Maroc

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par Othman GAGA
Université Mohammed V Souissi - Licence en gestion, option: finance des entreprises 2008
  

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4.3. L'articulation de l'éducation avec la cohésion sociale

4.3.1. Approche didactique de l'éducation :

L

a cohésion sociale n'est rien d'autre que le partage d'un certain nombre de valeurs capables de maintenir une société solide et solidaire. En effet, au-delà de l'aspect économique, l'absence de ces valeurs peut faire submerger une société, aussi riche

et développée soit-elle, dans des profondes dissensions. Le cas de la Belgique en est la parfaite illustration. Effectivement celle-ci souffre d'un conflit inquiétant entre les flamands et les wallons (francophones) pouvant mener probablement à une scission du pays. Il est donc clair que le partage de valeurs communes, approuvées et non imposées, constitue l'ossature d'une société cohésive. Ce partage ne peut avoir lieu que par le biais d'une socialisation des individus. Les principales institutions aptes à sociabiliser ces derniers, dans le cas du Maroc, sont : la famille, l'école et la religion. Cette dernière joue un rôle non négligeable sur le comportement de la population marocaine étant donné que la société marocaine est fortement religieuse. Cependant, il faut être prudent à l'égard des idées véhiculées par des groupements religieux qui n'ont aucune légitimité. Ceux-ci cachent derrière leurs prêches des idées intégristes totalement rétrogrades appelant à la haine et à la violence. Le seul moyen dont dispose l'Etat pour contrer la montée en puissance d'un islamisme démesuré est l'école. En effet, tout ce qui est enseigné à l'école renseigne sur le projet de socialisation souhaité pour la prochaine génération. Il convient donc de signaler le rôle de l'école en tant que rempart agissant en faveur de la société contre les innombrables menaces qui la guettent.

Seulement, l'école marocaine d'aujourd'hui ne remplit guère son rôle. C'est à cause de cela qu'on peut expliquer, en partie, la montée en puissance de l'islamisme qui a trouvé le champ vide pour endoctriner une large partie de la population et surtout les couches sociales les plus défavorisées qui ont été faciles à convaincre en raison de l'exploitation de leurs conditions de vie. Pis encore, les idées islamistes commencent à pénétrer l'école par le biais de certains éducateurs, ce qui n'est pas sans danger sur l'ensemble de la société. La nécessité de repenser la mission de l'école s'impose donc avec acuité.

Avant d'aller plus loin, il est nécessaire d'essayer de donner une interprétation à l'éducation. En faisant cela, nous pourrons mieux comprendre et définir la mission d'une école qui défend des valeurs garantes d'une société cohésive. En effet, selon Philippe MEIRIEU12 l'éducation peut être définie comme : « une relation dissymétrique, nécessaire et provisoire, visant à l'émergence d'un sujet. » (Philippe MEIRIEU, 1997)

· L'éducation = Relation

L'éducation est une relation qui lie l'éducateur et l'éduqué, celle-ci ne se limite pas seulement à la simple transmission du cours mais englobe l'ensemble des outils et procédures utilisés à cette fin. En effet, la sociologie anglo-saxonne met mieux en relief cette relation, selon les études de Michael YOUNG il existe à côté du curriculum formel (programmes, instructions pédagogiques) un autre curriculum tacite où les élèves apprennent comment intervenir en classe, quelles sont les questions qui sont convenables et celles qui ne le sont pas. Dans le cas du Maroc, La relation éducateur/éduqué n'est guère exemplaire, car caractérisée, spécialement dans le secteur public, par l'oppression physique et morale. Citons à titre d'exemple le châtiment corporel qui est monnaie courante dans l'espace éducatif marocain. Cette situation serait-elle le reflet des rapports de pouvoir dans la société ?

· L'éducation = relation dissymétrique

L'éducateur effectue un tri afin de choisir ce qui est « bon » pour l'éduqué. Les concepteurs des programmes et les éducateurs choisissent les contenus qui sont jugés convenable à l'éduqué. La relation éducative, pouvant être affective ou au contraire autoritaire, est régie par un référent extérieur à elle. Le référent (Savoirs, connaissances, cultures) joue donc un rôle déterminant dans cette relation. Cela va sans dire que le contenu éducatif doit être confectionné soigneusement. Or le programme éducatif marocain a acquis sa cohérence au prix de l'écrasement des langues et cultures régionales et le refoulement de la diversité culturelle, favorisant ainsi délibérément le primat d'une logique dominante à savoir la culture arabe qui n'est pas représentative de l'ensemble de la société marocaine. Toute une frange de la population (population berbère qui représente une grande part de la population)

12 Professeur à l'université Lyon-II.

trouve leur culture exclue de l'école marocaine qui baigne dans « l'ethnocentricisme ». Effectivement, cela est plus visible en reprenant les mots de Basil BERNSTEIN : « la manière dont une société sélectionne, classe, transmet et évalue les savoirs scolaires est le reflet à la fois de la distribution du pouvoir et du contrôle social. »

· L'éducation = relation dissymétrique nécessaire

Il est évident qu'aucun de nous n'a pu parvenir à être adulte sans une transmission culturelle d'autres personnes qu'elle soit positive ou négative. La « vie » ne peut être éducative en raison de son caractère aléatoire. En cela c'est à l'école qu'incombe la tâche de l'éducation. En effet, elle doit être un espace qui permet un apprentissage progressif et exhaustif. Cela implique que l'identification du contenu à transmettre n'est pas suffisante à elle seule. Elle doit être accompagnée de l'élaboration des méthodes permettant une bonne transmission du contenu. C'est justement cet aspect qui fait défaut au système éducatif marocain, lequel n'incite guère l'éduqué à apprendre et se cantonne à l'émission de l'éducateur et à la réception passive de l'éduqué qui est sommé de recevoir le cours tel qu'il est sans aucune critique.

· L'éducation = relation dissymétrique nécessaire et provisoire

L'objet ultime de l'éducation est l'intégration du contenu éducatif par l'éduqué. Autrement dit, ce contenu doit être utilisé et réapproprié par ce dernier dans sa vie quotidienne. Cette intégration constitue le pont qui lie l'école à la société. Cela étant dit, l'établissement de ce lien n'est pas une mince affaire, car selon les penchants et les conditions d'enseignement des matières, certaines d'elles sont plus prisées que d'autres. A cela vient s'ajouter l'hégémonie de certaines matières telles que les mathématiques qui ont une place centrale dans le système éducatif et qui sont imposées à l'éduqué de façon systématique sans prendre en considération sa volonté et ses penchants. Ainsi, peut-on avancer qu'il ne peut y avoir point d'éducation s'il n'y a pas une appropriation personnelle de ce qui est transmis à l'éduqué.


· L'éducation = relation dissymétrique nécessaire et provisoire visant l'émergence d'un sujet.

L'éducation ne doit pas rimer avec fabrication, en effet cette approche est à proscrire car il est impossible d'aliéner les opinions et assigner à l'école la mission de forger des générations dociles dont les opinions sont identiques : « L'éducation-fabrication ne conduit qu'à la violence car, quand les volontés s'opposent, le conflit éclate inévitablement, avec son cortège d'humiliations ou de renonciations. » Philippe MEIRIEU La finalité de l'éducation est de veiller à ce qu'une génération autonome dotée d'un esprit analytique au niveau intellectuel puisse émerger. Pour ce faire, le système éducatif doit être un espace de liberté accordant à l'éduqué la possibilité de forger sa propre personnalité en s'appuyant sur un contenu éducatif adéquat qui anticipe la volonté et la conscience de tout un chacun.

En définitive, Sigmund FREUD n'a pas tout à fait tort en considérant l'éducation comme étant un « métier impossible » dans la mesure où il est impossible d'agir sur la conscience d'autrui. En effet, il faut plutôt se focaliser sur l'importance de prévaloir un système éducatif qui accepte les différences et qui encourage l'éduqué à poursuivre ses volontés et à les appliquer pour le bien de la société. En résumé, le processus d'éducation doit prendre en considération trois exigences indissociables13 :

o Hominisation: rendre l'éduqué sensible aux questions de l'humanité,

o Socialisation: lui apprendre le « vivre ensemble » et lui permettre de trouver

une place dans la société à travers l'insertion professionnelle par exemple,
o Personnalisation: celui-ci doit trouver dans le système éducatif un outil

efficace pour forger sa propre personnalité.

L'école doit donc permettre à l'éduqué de s'épanouir quelle que soit son origine sociale, et non pas être un facteur supplémentaire d'exclusion. Force est de constater que le système éducatif marocain et loin de répondre à ces exigences. En effet, on constate une dichotomie entre le secteur privé et le secteur public. Le premier est élitiste, réservé à une partie de la population particulièrement aisée, offrant à ses élèves un environnement adéquat à l'apprentissage tandis que le second est empêtré dans ses problèmes ne pouvant même pas fournir à ses éduqués les rudiments de l'éducation. Nous pouvons citer la situation dans les

13 Bernard CHARLOT - professeur en sciences de l'éducation, Université Paris-VIII

établissement ruraux où l'enseignant doit enseigner trois classes à la fois. Dans ce contexte, l'école, en tant que promoteur social, devient un espace de concurrence acharnée et continue, permettant aux plus compétitifs d'accéder à des établissements prestigieux. Cela dit, cette concurrence, qui n'est ni pure ni parfaite eu égard à l'inégalité d'accès au savoir, s'est d'autant plus accrue avec le nombre important de jeunes diplômés chômeurs, dû principalement à la déconnexion de l'école avec le marché du travail. L'entrée dans la vie active décente suppose impérativement l'obtention de diplômes délivrés par des établissement prestigieux très sélectifs nécessitant une durée d'études de plus en plus longue. Les savoirs et compétences scolaires deviennent des marchandises vendues aux plus offrants.

Comme on l'avait souligné avant, le système éducatif marocain doit être en phase avec les besoins actuels de la société et promouvoir ainsi des valeurs communes pouvant faire front contre les perversions qui menacent la quiétude de la société.

Pour ce faire l'école marocaine doit intégrer l'hominisation, la socialisation et la personnalisation au sein de son système. Autrement dit, l'éduqué, en sortant de l'école, doit :

o acquérir des valeurs universelles telles que les Droits de l'Homme,

o appliquer ses droits et ses obligations en tant que citoyen,

o se sentir membre de la nation sans pour autant nier les cultures régionales, o forger une personnalité forte.

Tels sont donc les défis de l'ensemble des établissements éducatifs marocains. L'enseignement de ces pratiques ne pourra se faire que dans un cadre qui favorise le développement en se basant sur l'interactivité, la diversité des opinions. Sans oublier, la nécessité de réhabiliter les établissements scolaires publics, qui est une condition sine qua non, en leur fournissant les ressources financières et humaines nécessaires à leur développement. Si toutes ces conditions sont réunies, l'éducation promouvra alors la citoyenneté et par voie de conséquence la cohésion sociale.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe