1. Chapitre 1 : Genèse et définitions
L
e lien social se présente comme étant l'ensemble
des appartenances, des affiliations, des relations qui unissent les individus
et qui les amènent à se sentir membre d'un groupe. Il constitue,
de ce fait, l'ossature de la cohésion sociale.
Le lien social s'articule autours de trois axes : Social.
Economique.
Politique.
1.1. Axe social :
Emile Durkheim est l'un des premiers à s'atteler sur la
cohésion sociale, dans sa thèse de doctorat en 1893
intitulée « de la division du travail social ». Le titre de
cette thèse en dit long sur la relation de la division du travail avec
la mutation des sociétés d'une part, et le degré de
solidarité entre les individus au sein de ces sociétés
d'autre part. En effet, selon lui, à une société
traditionnelle dotée d'une conscience collective forte répond une
société moderne souffrante d'une conscience collective
affaiblie.
Avant, dans les sociétés traditionnelles ou
archaïques, les individus étaient
semblables. Ils partageaient les mêmes valeurs,
croyances, sentiments etc. Quant aux individualités et libertés
individuelles, elles étaient inexistantes. Cette similitude a
créé une solidarité sociale solide qualifiée de
mécanique, la conscience collective était alors forte.
Dans les sociétés modernes, les individus sont
tous différents, ils exercent des fonctions différentes mais
complémentaires, c'est sur la base de cette
complémentarité que la solidarité sociale est
créée, elle est dite organique. Cependant, elle est insuffisante
face à une montée de l'individualisme qui est de plus en plus
ancrée. La conscience collective est dès lors
considérablement altérée, elle devient quasiment
inopérante.
Face à ce problème, Emile Durkheim
préconise le « socialisme »1. Partant du
principe « l'homme est un loup pour l'homme » (Thomas
Hobbes, 1651), il considère l'être humain comme un être
profondément égoïste et insatiable. Le problème,
selon lui, n'est pas économique mais plutôt de socialisation des
individus. Il faut donc apaiser les conflits individuels inévitables,
animés par l'égoïsme, afin de maintenir la cohésion
sociale.
C'est d'ailleurs dans cette optique que Durkheim
définit le droit comme l'« impératif social ».les
désirs infinis des hommes ne peuvent être fixés que par le
droit. De surcroît, ce dernier permet aussi de faire de l'individu un
membre de la collectivité.
En somme, le souci majeur de Durkheim est de rendre les
sociétés modernes plus cohésives. L'organisation et la
moralisation des individus sont indispensables.
Cependant, même si la division du travail, lié
à l'industrialisation, est à l'origine de l'individualisme dont
pâtissent les sociétés modernes, il ne la condamne pas pour
autant. Au contraire, il la considère pourvoyeuse de cohésion
sociale, du fait de l'interdépendance sociale créée par la
répartition des activités productives. La division du travail
est, selon lui, la loi évolutive des sociétés. Ainsi,
écrivait-il, à ce propos : « le progrès social ne
consiste pas en une dissolution continue ; tout au contraire, plus on avance,
plus les sociétés ont un profond sentiment d'elles-mêmes et
de leur unité. Il faut donc bien qu'il ait quelque autre lien social qui
produise ce résultat ; or, il ne peut pas y en avoir d'autre que celui
qui dérive de la division du travail. »2 (E.
Durkheim, 1893)
Toutefois, des dysfonctionnements peuvent exister. En raison
de manque, voire d'absence, d'équité. La division du travail peut
ne pas être acceptée par tous. Tel est le cas pour l'antagonisme
entre le capital et le travail. Dans ce cas, ladite division ainsi que tous les
conflits sociaux engendrés par elle revêtent une forme
pathologique. On parle alors d'anomie, autrement dit, la
désintégration du lien social.
L'analyse de Durkheim fait de la division du travail une forme
prépondérante du renforcement du lien social dans les
sociétés modernes. Il parait donc essentiel d'étudier la
division du travail dans son contexte historique à savoir :
l'industrialisation. Afin de mieux
1 A ne pas confondre avec le socialisme de Marx
apprécier son impact sur les sociétés
actuelles et, par voie de conséquence, sur la cohésion
sociale.
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