Education des enfants et société:relations complémentaires ou conflictuelles. Interroger la conscience de l'éducateur face à la société( Télécharger le fichier original )par Anne-Carole Boquillon Université de Tournai - Graduat éducateur spécialisé 2008 |
2.1.3 LA PRÉCARITÉ ET L'EXCLUSIONPierre Bourdieu, sociologue français, dans son ouvrage « La distinction », nous parle des différentes classes sociales. Il différencie deux grands types de classe : la classe dominante, qui inclue les personnes dotée d'un important capital économique et culturel ; et la classe dominé qui regroupe les personnes ayant un faible capital économique et culturel. Selon son étude, les enfants ne se trouvent pas à égalité face aux apprentissages scolaires, l'école légitimant et valorisant la culture dominante. Pour les enfants issus de la classe dominante, l'école leur fournit la continuité rassurante de leurs valeurs et de leur culture. Pour la classe dominée, il y a une rupture entre le langage et la culture pratiqués dans leur environnement et ceux pratiqués à l'école. Ce qui influence l'accès aux titres scolaires, qui ne représentent pas le même degré de difficulté d'une classe à l'autre. Nous pourrions donc insinuer qu'un enfant venant d'une cité HLM a moins de chance, voir aucune chance, de réussir des études supérieures qu'un jeune venant d'un milieu favorisé avec des parents bien intégrés dans la société. Cette étude a démontré ce que beaucoup de personnes pensent quant aux chances de réussir quand vous êtes déjà précarisés. « Le passage d'une société industrielle à une société de services, la mondialisation de l'économie, l'apparition de grandes mégapoles, le chômage et la ghettoïsation de certaines catégories de populations dans les quartiers, l'échec de l'intégration ont vu progresser côte à côte la montée de la précarité et l'isolement : verticalisation de l'habitat, éloignement géographique des familles, solitude, précarisation de l'emploi. L'exclusion est ce sentiment de solitude, unique dans l'histoire de l'humanité, qui se surajoute à la dévalorisation des personnes induite par la précarité et qui se transmet des parents aux enfants. Certains adolescents voient plusieurs générations au chômage, leurs parents et leurs grands-parents. Du fond de leur quartier ils se sentent exclus de la société active, perdent confiance en eux et savent qu'il y a peu d'espoir de réaliser leurs rêves. À l'adolescence, l'environnement socioéconomique, les éventuels dysfonctionnements familiaux aggravent la précarité et renforcent le mal-être et la mauvaise estime de soi. Les métamorphoses de la famille et l'instabilité des liens affectifs dans les nouvelles constellations familiales. Les rôles de chacun ont connu des évolutions radicales. Les parcours de vie de beaucoup d'enfants et d'adolescents sont rythmés par des ruptures. Augmentation des divorces, des séparations, recompositions familiales plus ou moins stables et fréquentes conduisent l'enfant, certes à nouer avec des tiers des liens de qualité qu'il convient de préserver mais, à l'inverse, peuvent aussi le conduire à subir péniblement les choix de vie des adultes. La société n'a pas été préparée à penser ces bouleversements, elle les supporte plus qu'elle ne les accompagne. Certaines recompositions familiales s'avèrent fragiles, l'enfant peut avoir des difficultés à se situer dans ces nouvelles configurations. De tels changements bouleversent naturellement les repères des enfants mais ils sont mieux supportés lorsqu'ils sont bien accompagnés ». 3(*) Quand on consulte l'histoire de la civilisation, nous constatons qu'il y a toujours eu un décalage entre les classes dominantes et dominées. Autrefois, nous avions les nobles et les paysans qui représentaient les différentes classes sociales. De nos jours, nous avons d'un côté une haute société avec une place dominante, une classe moyenne qui recherche un certain équilibre de vie et une classe dominée qui survit en fonction des aléas de la vie. Comment espérer que les jeunes issus de milieu défavorisé puissent avoir l'envie et le goût de se battre pour s'en sortir quand on constate qu'ils possèdent peu de chance de pouvoir prendre une trajectoire individuelle par rapport à leur trajectoire modale prédéfinie ? Bien entendu, il existe de nombreuses aides pour ces jeunes, mais celles-ci ont des difficultés à s'établir et surtout à être accepter par une population déjà désoeuvrée. Les bénéficiaires de ces aides considèrent régulièrement que le combat est inégal car rien ne pourra changer leurs conditions de vie et leur catégorisation. Catégorisation venant du fait qu'ils habitent dans des cités défavorisées, qu'ils sont susceptibles de porter des noms étrangers, et qui les classe d'office dans une perception négative. Il suffit, pour en avoir une preuve, de demander à un jeune diplômé issu d'une cité HLM, ainsi qu'à un autre jeune avec le même diplôme mais issu d'un milieu favorisé, de postuler pour le même emploi, dans la même entreprise, d'une certaine importance sociale. Dans une grande majorité des cas, la candidature du jeune favorisé sera la première retenue, sans même avoir prêté une grande attention à celle de l'autre jeune. L'adresse, le nom d'une personne cherchant un emploi, ou même un logement, peuvent être de grands obstacles pour elle dans notre société pourtant dite libre et égale pour tous. Le jeune issu de sa cité n'était apparemment pas conforme aux exigences de l'employeur, malgré son diplôme et ses capacités intellectuelles et sociales identique à son concurrent. Ces différences nous montrent que nous sommes actuellement à la recherche de normes, qui s'établissent de plus en plus dans nos vies. * 3 La Défenseure des enfants - Rapport thématique 2007 : "Adolescents en souffrance : plaidoyer pour une véritable prise en charge" |
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