4.3
L'ACCOMPAGNEMENT
L'éducateur doit essayer d'apprendre au jeune à
mentaliser, à mettre des mots sur ses ressentis afin que ceux-ci ne
provoquent pas une réaction violente. Lorsque le jeune est en crise,
nous devons tenter de remettre chaque chose à sa place avec lui. Pour
cela, il est nécessaire d'attendre un petit moment pour que la tension
qui envahit le jeune puisse retomber, car les actions en pleine crise ne
seraient peut-être pas adaptées et risqueraient d'amplifier la
révolte. Ensuite, nous nous devons de parler avec le jeune, afin de
l'aider à mentaliser, à mettre des mots sur sa souffrance, de lui
faire se rendre compte de sa réaction inadaptée et ainsi
comprendre l'élément déclencheur. De part ses
différentes actions, nous pourrons alors lui faire assumer la
conséquence de ses actes, et remettre le cadre de la loi dans notre
relation.
On peut accompagner quelqu'un pour qu'il prenne conscience de
la loi mais on ne peut l'obliger à suivre la loi. Par ceci, je veux dire
que je peux dire à un enfant qu'il n'a pas le droit de fumer dans sa
chambre, en lui rappelant le règlement interne de l'institution, afin
qu'il en prenne conscience ; mais je ne peux pas le forcer à suivre
cette règle. S'il a décidé de déroger au
règlement, la seule chose que je puisse faire est de lui donner une
sanction, qui peut-être, lui permettra d'intégrer la loi. Je ne
peux pas l'obliger, le forcer à suivre une ou plusieurs
règles.
Nous punissons la désobéissance au
règlement, mais cette sanction est susceptible de mener l'enfant
à être en colère. Cette colère peut être
légitime, il a le droit d'être en irrité, de ne pas
accepter le règlement, mais il a comme devoir de le suivre malgré
tout. Nous ne devrions pas sanctionner un enfant qui exprime son irritation,
mais l'aider à comprendre pourquoi cette sanction est donnée, et
lui rappeler les termes du règlement d'ordre intérieur de
l'institution dans laquelle il vit.
Dans les réunions, l'ensemble de l'équipe
pluridisciplinaire parle du dossier de l'enfant. Cela leur permet de voir les
tenants et les aboutissants de son évolution au sein de l'institution,
que ce soit positif ou négatif.
Chaque professionnel tient sa place par rapport à sa
spécificité. Il évalue les progrès ou les
régressions de l'enfant dans son domaine en fonction des
réactions de celui-ci avec les autres intervenants et les membres du
personnel de l'institution.
Lors de réunions, les intervenants se doivent
également de tenir compte des demandes de l'enfant. Ce dernier peut
considérer l'institution et ses intervenants comme son foyer et sa
famille. Chaque enfant est différent et vivra l'aide apportée
dans l'institution différemment d'un autre. De même, il pourra
développer des affinités particulières avec certains des
intervenants et pas avec d'autres. L'enfant peut en venir à se confier
à l'un d'eux même si l'intervenant à l'écoute de la
confidence n'est pas celui dont la profession le prédispose à
l'entendre.
L'éducateur, dans l'institution, est mené, dans
le cadre de sa profession, à parfois être le confident de
l'enfant. Sa place d'accompagnant, de soutien vis-à-vis de l'enfant,
fait que ce dernier se tournera plus facilement vers l'éducateur.
L'éducateur devra juger par lui-même si les
confidences de l'enfant doivent être transmises à ses
collègues. Parfois, cela peut être un vrai dilemme pour
l'éducateur. L'enfant qui aura confié un secret à son
éducateur ne souhaitera pas que celui-ci trahisse son secret. Mais si le
sujet est important dans le suivi de l'enfant, l'éducateur doit choisir
entre trahir le jeune en dévoilant ce savoir lors de la réunion,
et ainsi risquer de perdre la confiance de l'enfant ou alors se taire, en
prenant le risque de frustrer ses collègues et peut-être nuire
à l'évolution du dossier de l'enfant.
Nous pouvons en déduire que les éducateurs sont
des êtres de langage et de relation.
4.3.1 LA PLACE DU LANGAGE
Il y a deux catégories de langage : celui du
dictionnaire et le langage lui-même, qui n'est pas seulement quelque
chose à décoder. L'idée que nous sommes des êtres de
langage s'adresse à tout être humain. C'est dans ce cas là
que le langage et le métier de l'éducateur sont liés.
C'est le langage qui permet une relation, qui fait notre
identité ; il a une détermination directe sur notre
existence. La dimension du langage, c'est que les mots disent qui nous sommes
suivant notre façon de parler. Le fait de parler ouvre sur une certaine
intimité, découvre la personne qui parle. Cette dimension
dépasse celle du comportement. A chaque fois que nous parlons, nous
témoignons d'un lien entre l'instinct et le langage. L'instinct de
l'être humain, c'est le langage, même si cet être parlant
vient aussi du règne animal. Le langage n'a pas pris toute la place de
l'instinct, c'est l'instinct qui est traversé par le langage : il
s'agit du soma.
La différence entre l'homme et l'animal est le langage.
Chez les animaux, ce sont les signaux instinctifs (des codes) qui les font
vivre. Chez l'être humain, il ne s'agit pas d'un simple décodage
des mots. Dans l'instinct, il n'y a pas de ratage possible par rapport au
langage. L'instinct est tourné vers la vie, en comparaison avec l'homme
qui se tourne vers la destruction, le langage provoquant un ratage par le fait
que l'on ne peut rattraper une personne, une chose en parlant. Notre
qualité d'être humain nous donne la chance d'éprouver une
sorte de souffrance par rapport à l'animal, c'est le langage qui fait la
différence.
Toutes les zones de notre existence sont rendues plus
complexes par rapport au langage, le rapport à la nourriture, à
l'autre sexe, à la communication, etc.
Quand l'autre vient nous parler, il fait résonner
quelque chose en nous. C'est un peu de lui et aussi un petit peu de nous qui se
trouve dans cette parole. Quand nous parlons, on ne sait pas ce que l'autre va
entendre. Les paroles prononcées ne seront peut-être pas
interprétées par l'autre de la manière que l'on
souhaitait. Ce qui peut créer un malentendu dans la relation ou qui peut
être constructif. Ce que l'autre a capté de nos paroles peut,
peut-être, nous apprendre quelque chose de nous. Ce qui est susceptible
de créer en nous une souffrance constructive. La réflexion sur ce
malentendu peut nous permettre de nous épanouir, de nous remettre en
question. Parfois le malentendu est imposé volontairement par les
êtres de langage. Dans ce cas précis, ils ne souhaitent pas
être compris, afin de préserver leurs intimités, leurs
identités.
L'adolescent, par exemple, inventera un langage
« codé » pour établir une barrière
entre son monde et celui de l'adulte, par rapport à une mentalité
dont il ne veut pas accepter les règles. En se cachant derrière
ce malentendu, il va pouvoir construire sa vie sur ses propres
expériences et trouver sa personnalité, son identité avant
de rentrer dans ce monde d'adultes qu'il ne comprend pas encore. Il pourra
ainsi créer naturellement un lien entre lui et l'autre. Il ne cherche
pas à être compris, sinon ça serait l'équivalent de
perdre son épanouissement, l'identité qu'il se découvre
doucement et donc sa vie.
Il n'y a que la loi qui permet la structure d'une relation.
S'il n'y avait plus de loi, une parole pourrait provoquer une agression. Elle
permet de trouver l'équilibre afin que le langage mette tout le monde
d'accord. C'est en passant par la loi que le langage permet à l'individu
d'accéder à ses responsabilités.
Mais le langage a également ses défauts et ses
risques. Les risques de dérive dans notre métier sont
sous-jacents, on ne peut en prendre conscience qu'en étant
confronté à la pratique.
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