1ÈRE PARTIE : LE MARCHE CAMEROUNAIS DES
ASSURANCES : ETAT DES LIEUX
SECTION 1 : EVOLUTION DU MARCHÉ DES
ASSURANCES AU CAMEROUN
I - Historique
L'assurance naît au Cameroun
avec la promotion des investissements privés et/ou publics pendant la
période coloniale. Il s'agissait alors essentiellement de la protection
des investissements issus de l'appareil colonial et/ou de ses
démembrements. Mais, aux lendemains des indépendances, les
agences commises à cette tâche deviennent Chanas et les Assurances
Conseils du Cameroun (ACC). En même temps, les pouvoirs publics
créent, la Société Camerounaise d'Assurances et de
Réassurances (SOCAR). Progressivement, le service d'assurance prend
corps au pays et le marché des assurances connaît ses
premières mutations avec des cessions et/ou reprises de tout ou partie
de certaines entreprises. Ce fut le cas lorsque les ACC & Chanas deviennent
les agents généraux de la SOCAR, faisant d'elle le leader du
marché.
En 1973 est éditée une ordonnance qui
régule le marché. Celle-ci constitue la première
initiative du législateur camerounais visant à encadrer
l'activité des assurances. En effet, jusque là c'est la loi
française du 13/07/1930, dite loi 30, qui réglementait le
marché des assurances au Cameroun. 12 ans plus tard, une nouvelle
ordonnance stipule que toutes les sociétés exerçant au
Cameroun doivent être de droit camerounais, accentuant ainsi le
contrôle de l'autorité publique sur l'activité des
assurances au Cameroun. Malheureusement, la crise économique des
années 80 n'épargne pas le secteur. Dès 1989, un
comité d'experts se réunit pour plancher sur un plan de
restructuration du marché et, 3 ans plus tard, en juin 1992, est
ratifié le traité CIMA par 12 pays. Le 15/02/1995, il rentre en
application au Cameroun. Depuis lors, le marché camerounais des
assurances subit aussi les différents chocs (internes et externes) qui
ébranlent la structure globale de l'économie nationale.
II - Aperçu général du
marché : tendance et évolution
L'embellie récente de l'économie camerounaise a
entraîné une forte croissance du marché d'assurance et
conduit à une augmentation du nombre de compagnies. Dans le secteur, 25
compagnies, 52 courtiers et 48 agents généraux se partagent un
marché dont le chiffre d'affaires (mesuré par les primes3(*) émises) était de
94,2 milliards de FCFA en 2005 (tableau 1) et de 96.114.992.203 FCFA en
2006.
Parmi les 25 compagnies d'assurance établies au
Cameroun, les cinq premières - Chanas, Axa, Saar, AGF et Activa -
détenaient en 2005 environ 72,5% du marché global et les deux
premières contrôlaient 35% du marché global et près
de 60% du marché des risques industriels et des grands risques
commerciaux4(*).
Les deux entreprises d'État (AMACAM et CNR) ont
été liquidées. Néanmoins, des intérêts
camerounais sont présents dans des sociétés d'assurance
à l'étranger. C'est le cas avec la SAFAR, société
d'assurance créée au Tchad en 2001 et de la CICARE, une compagnie
de réassurance commune aux pays membres de la Conférence
interafricaine des marchés d'assurance (CIMA).
Les activités de réassurance ont
enregistré un déficit supérieur à 16,9 milliards de
francs CFA en 2005.
Tableau 1 : Primes émises et taux
de rentabilité par branche, 2003-2005
|
Primes émises (PE) (milliards de
FCFA)
|
Produits financiers nets (PFN) (milliards de
FCFA)
|
Taux de rentabilité (PFN/PE) (pour
cent)
|
|
2003
|
2004
|
2005
|
2003
|
2004
|
2005
|
2003
|
2004
|
2005
|
Vie
|
13,3
|
14,8
|
16,0
|
1,9
|
1,8
|
3,2
|
14,6
|
12,5
|
31,9
|
IARDT
|
71,4
|
75,0
|
78,2
|
2,6
|
3,6
|
5,1
|
3,7
|
4,8
|
4,1
|
Total
|
84,7
|
89,7
|
94,2
|
4,6
|
5,4
|
8,3
|
5,4
|
6,1
|
8,8
|
IARDT : Incendie, accidents, risques divers et
transport.
Source: Ministère de l'économie
et de finances (2006), Rapport sur le marché camerounais des
assurances, Exercice 2005, décembre.
Le marché des assurances se caractérise par une
faible couverture des risques industriels, un très faible taux de
couverture des ménages, et une assurance-vie encore peu
développée. Selon certaines sources, seules une maison sur 10 et
une voiture sur deux seraient assurées.5(*) La dépense d'assurance par habitant
était estimée à environ 5 000 francs CFA en 2002. Selon
les autorités, la plupart des gros risques sont
réexportés. Par branche, le secteur automobile représente
environ 27% du chiffre d'affaires global bien que de nombreux véhicules
en circulation ne sont pas assurés et ce en dépit de la garantie
responsabilité civile obligatoire. Le chiffre d'affaires de l'assurance
maladie est en forte croissance, son taux de progression se situant au-dessus
de 8% depuis 2002.
Toutes les sociétés d'assurance adhèrent
à l'Association des sociétés d'assurance du Cameroun
(ASAC) créée en 1973 et reconnue par le code CIMA, dont le
siège est à Douala.6(*) L'ASAC fait partie de la Fédération des
sociétés d'assurance de droit national en Afrique (basée
à Dakar), qui regroupe les associations nationales de la CEMAC et de
l'UEMOA. Enfin, au plan continental, l'Organisation des assureurs africains,
dont les bureaux sont à Douala, chapeaute l'ensemble des organisations
africaines.
Les courtiers ont créé, en l'an 2000,
l'Association professionnelle des courtiers d'assurance et de
réassurance (Apcar). Une vingtaine de courtiers en assurances est
agréée au Cameroun. Ce marché est dominé par deux
intervenants majeurs, Gras-Savoye Cameroun (filiale de Gras-Savoye France) et
ACC (Assureurs conseils Camerounais, groupe Ascoma, Monaco) qui drainent
environ 40% du chiffre d'affaires des compagnies et 90% du chiffre d'affaires
de l'ensemble du courtage. Ces deux sociétés contrôlent,
à elles seules, près de 80% de l'assurance des risques
industriels et des grands risques commerciaux.
Du point de vue de la réglementation, l'exercice
de la profession d'assureur est placé sous la tutelle du
Ministère des finances et est régi par le Code des assurances de
la CIMA7(*). Le Code des assurances,
annexé au traité instituant la CIMA, est entré en vigueur
en 1995. Il a pour but d'uniformiser, d'organiser et de développer le
secteur des assurances. Le traité a renforcé la mise en
application des règles prudentielles par les opérateurs, tant sur
le plan de la constitution des sociétés, que de leurs
activités. Il a également redéfini le rôle des
agents et courtiers qui ont dû se soumettre à une procédure
d'agrément. La CIMA est dotée d'un Conseil des ministres, d'une
Commission régionale de contrôle des assurances (CRCA) et d'un
Secrétariat général.
Conformément au Code, seuls les ressortissants d'un
État membre de la CIMA peuvent exercer les professions d'agent
général; la profession de courtiers d'assurances est libre. Les
entreprises d'assurances (quelle que soit l'origine de leur capital) ne peuvent
commencer leurs opérations au Cameroun qu'après avoir obtenu un
agrément du Ministre chargé des finances, après l'avis
favorable de la CRCA. Toute demande d'agrément doit comporter, entre
autres, la liste des branches dans lesquelles l'entreprise se propose de
pratiquer et, le cas échéant, l'indication des pays où
l'entreprise se propose d'opérer. La demande doit également
comporter un programme d'activités, y compris, pour chacune des branches
faisant l'objet de la demande d'agrément, deux exemplaires des tarifs.
Le capital minimum exigé depuis avril 2007 par le Code CIMA lors de la
création d'une compagnie d'assurance est de 1 milliard de francs
CFA pour les sociétés anonymes et de 800 millions de francs CFA
pour les sociétés mutuelles.
Sauf dérogation expresse du Ministre des finances, les
risques situés au Cameroun doivent être couverts par des
entreprises agréées localement. Toute demande d'agrément
présentée par une entreprise étrangère (celle dont
le siège social est situé hors du Cameroun) doit comporter la
justification que l'entreprise possède au Cameroun une succursale
où elle fait élection de domicile8(*). Les compagnies étrangères non
agréées peuvent cependant offrir des services de
réassurance. Toutefois, toute cession en réassurance à
l'étranger portant sur plus de 75% d'un risque situé sur le
territoire d'un État membre de la CIMA est soumise à
l'autorisation du Ministre en charge des assurances, à l'exception des
branches d'assurance portant sur les véhicules et le transport
ferroviaire, aérien, et maritime, pour lesquelles l'autorisation n'est
pas requise.
Les risques situés en dehors des pays membres de la
CIMA peuvent être assurés par les compagnies résidentes au
Cameroun. Mais, les risques situés au Cameroun doivent être
assurés par des compagnies agréées au Cameroun. Les
personnes physiques ou morales résidentes ne peuvent pas souscrire des
contrats d'assurance directe ou de rente viagère non libellés en
francs CFA9(*), sauf sur
autorisation du Ministre en charge des finances. Par ailleurs, depuis le
1er janvier 2002, les compagnies d'assurance sont tenues
de séparer leurs branches assurance-vie des autres branches
d'activités (incendies, accidents, risques divers). Il leur faut donc
constituer des sociétés distinctes ayant chacune un capital
social minimum de 1 milliard de francs CFA pour les sociétés
anonymes et 800 millions pour les mutuelles.
Suivant des dispositions pertinentes du Code CIMA (livre II),
seules les assurances automobiles (responsabilité civile) sont
obligatoires. En responsabilité civile automobile, les tarifs doivent
être au moins égaux au minimum approuvé par la Commission
de contrôle pour chaque État membre. Ce tarif minimal repose,
notamment, sur les critères suivants: la zone géographique de
circulation; les caractéristiques et l'usage du véhicule, le
statut socioprofessionnel et les caractéristiques du conducteur
habituel. Dans la pratique, il y a un tarif minimum unique homologué au
niveau de la CIMA pour la responsabilité civile, tarif fixé par
le Ministre des finances après consultation des opérateurs et
soumis à l'approbation de la CIMA. Les primes des autres types
d'assurance sont établies librement par les compagnies. Un
contrôle est exercé uniquement au moment où une compagnie
commence ses activités ou adopte une nouvelle police.
Le Code CIMA est complété par la
législation nationale, les circulaires et autres décisions y
afférentes du Ministre des finances.
Selon les autorités, l'assurance fret est obligatoire
au Cameroun, de même que l'assurance des risques de chantier pour les
constructions dont le coût est supérieur à 100 millions de
francs CFA. Une loi de 1975 oblige à souscrire l'assurance fret
auprès d'une compagnie camerounaise si le montant des marchandises
importées est égal ou supérieur à 500.000 FCFA. Les
hôtels et la plupart des professions libérales doivent aussi
souscrire une assurance responsabilité civile.
* 3 La prime désigne
la contribution que verse l'assuré à l'assureur en contre partie
de la garantie qui lui est accordée, ASAC, rapport 2005 sur le
marché camerounais des assurances
* 4 ASAC, rapport 2005 sur le
marché camerounais des assurances
* 5 Ambassade de France au
Cameroun - Mission économique (2006b).
* 6 ASAC information en ligne.
Consulté sur: http://asac-cameroon.com.
* 7 Signé en juillet
1992, le traité instituant la CIMA s'applique dans les pays suivants: le
Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte
d'Ivoire, le Gabon, la Guinée-Bissau, la Guinée
équatoriale, le Mali, le Niger, la République centrafricaine, le
Sénégal, le Tchad et le Togo (CIMA, information en ligne.
Consulté sur: http://www.cimaonline.net/Traite/Code/traite7.htm).
* 8 Article 328, Code CIMA
* 9 Article 3, Code CIMA
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