CONCLUSION GENERALE
En somme, disons que la formation du personnel autochtone en
science de la santé remonte à l'époque coloniale. La
naissance des professionnels de la santé dans la société
togolaise découle de la volonté politique des Allemands d'amener
à la pratique médicale occidentale des populations qui ne se
soignaient que par les plantes avec leur médecine traditionnelle.
Les Allemands avaient eu la difficile charge d'amener les
indigènes à la pratique médicale des Blancs, tâche
délicate du fait que les guérisseurs et charlatans avaient
"pignon sur rue" et avaient parfois des connaissances en botanique.
Au fait, les "Togolais" n'avaient pas attendu
l'arrivée des Européens pour se soigner. Chaque communauté
avait ses guérisseurs, généralement appelés les
médecins traditionnels.
Cette médecine dite traditionnelle a ses fondements
dans la culture des peuples où les traditions rentrent en ligne de
compte. Elle était fortement ancrée dans les différentes
communautés traditionnelles et les maîtres de cette
médecine avaient du poids aux yeux de leurs frères. C'est dans ce
contexte que le colonisateur allemand avait cherché à introduire,
non sans difficulté, la médecine moderne. Donc elle chercha, pour
avoir du crédit aux yeux des populations, à combattre les
maladies pour au même moment écarter la main - mise des
guérisseurs traditionnels sur cette médecine. C'est à
cette tâche que s'étaient attelés les médecins
coloniaux.
Les difficultés de ces médecins, l'ignorance
des coutumes et dialectes "togolaises", mais surtout le nombre très
insuffisant du personnel allemand, avaient contraint les Allemande à
ébaucher la formation d'un corps d'auxiliaires médicaux
autochtones.
Les conditions de recrutement de ces agents de santé
qui pour la plupart étaient de niveau très peu
élevé et surtout la formation professionnelle qui leur
était donnée firent de ces auxiliaires médicaux des cadres
subalternes qui restaient sous les ordres des médecins allemands. Ainsi
donc, ce personnel de santé, composé d'Allemands et de Togolais
avaient accompli certaines actions à l'endroit des populations
togolaises car, souligne DAJA «La santé a été
l'une des tâches prioritaires de l'administration allemande au
Togo» (Dadja 1983:263). C'était le cas de la variole dont la
vaccination constituait la principale arme. C'était la maladie qui
était la plus répandue, la plus récurrente et qui faisait
le plus de ravage parmi les populations de cette époque. Pourtant,
malgré les énormes efforts pour endiguer le fléau, celui
-ci ne s'arrête pas. Durant l'été 1911, la variole
s'étant encore déclarée dans toutes les parties du Togo
avec l'importantes pertes en vies humaines dans certains cercles, il faut
encore multiplier les vaccinations. Certains cercles avaient enregistré
jusqu'à 4000 personnes ravagées par ce fléau.
La variole n'était pas la seule maladie ciblée
par le personnel de santé de la période allemande. Il y avait
aussi la maladie du sommeil, la méningite
cérébro-spinale.
Si avec la maladie du sommeil il y a un traitement et que
contre la variole il existe un vaccin préventif, il n'en était
pas de même pour certaines épidémies dont la
méningite cérébro-spinale face à laquelle les
Allemands ne disposaient d'aucun remède.
Malgré ces difficultés qu'éprouve le
pouvoir colonial dans sa lutte contre certaines maladies, on peut dire,
s'agissant de l'ensemble du protectorat dans le domaine médical que les
infrastructures existent et des médecins aussi; ces derniers
étant bien entendu aidés dans leurs travaux par les auxiliaires
médicaux autochtones.
De réels efforts sont fait dans une partie du
territoire, ce qui constitue un facteur d'évolution social important,
contrairement à la situation qui prévalait encore à
Kété- Kratchi, Sokodé- Bassari et surtout Mango -
Yendi.
Ainsi, jusqu'à la fin de la présence allemande,
ces régions ne connaissent que le régime de vaccination. En
dehors de celui -ci, pas d'infrastructures, ni de présence permanente de
médecins pour suivre régulièrement les populations et les
soigner d'autres maladies.
De toutes les circonscriptions de l'arrière - pays,
Mango-Yendi semblait la plus mal lotie. Elle ne connut qu'une campagne de
vaccination en 1908 et ceci grâce à la présence d'un
médecin dans la commission de délimitation de la
frontière.
En dehors donc de ces campagnes de vaccination, il n' y avait
plus rien comme structures sanitaires dans toute cette vaste région,
à l'exception des 2 villages de lépreux dans le cercle de
Sokodé - Bassari et celui de Bogou dans le cercle de Mango - Yendi, ce
que Ali Napo qualifie de « vide territorial de la région,
à son peuplement et surtout aux besoins en santé pour
médical que l'on peu même qualifier d'absolu si l'on fait
référence à l'étendu ces populations.»
(1995:1878t4).
De toute évidence, la formation des auxiliaires
médicaux datait depuis l'époque allemande. Mais quelle que soit
la formation, aucun d'eux n'accédait au diplôme d'Etat. Ce
comportement du colonisateur était - il au refus
délibéré pour sauvegarder sa suprématie ou
était - il dû au bas niveau intellectuel des autochtone? Deux
réponses peuvent être envisagées à cette question.
Tout d'abord la première assertion peut être
vraie dans la mesure où le personnel subalterne qu'ils acceptaient de
former était plus une contrainte qu'un souci de promouvoir
l'éducation des autochtones en science de la santé. Les
épidémies et les maladies dues au manque d'hygiène qui
sévissaient au début de la colonisation ne pouvait pas laisser
indifférents les colons car ils avaient besoin de la main- d'oeuvre
autochtone et de percevoir les taxes civiques. Il fallait alors « sauver
» ces autochtones. Mais le nombre de médecins colons était
très insuffisant pour prendre en charge tous les malades autochtones.
Pour pallier à ce déficit, les colons avaient
introduit l'enseignement de quelques notions de médecine moderne aux
autochtones. Ceux- ci, étant initiés, devaient prendre en charge
leurs compatriotes malades. Leur nombre étant aussi insuffisant pour
couvrir tout le pays, les colons avaient trouvé la
nécessité d'enseigner aux autochtones les notions
d'hygiène afin qu'ils évitent de contracter certaines maladies.
C'est d'ailleurs ce qui explique la primauté de la médecine
préventive à l'époque allemande.
La formation des autochtones n'étant pas une
priorité de l'administration mais un besoin éprouvé par le
médecin colon, on comprend pourquoi aucun programme de formation
n'était mis sur pied et que la formation elle - même
s'était réduite qu'à la pratique.
Cependant, la réponse envisagée
précédemment pourrait être réfutée parce que
les colons utilisaient une langue différente de celle des autochtones et
compte tenu du bas niveau intellectuel de ceux - ci, il n'était pas
aisé pour les colons de promouvoir leur formation. Nous avons pour
preuves le recrutement et la formation des premiers auxiliaires
médicaux. Ces derniers étaient analphabètes, mais au fur
et à mesure que le niveau intellectuel s'élevait, le choix se
portait sur les élèves de niveau des auxiliaires médicaux,
des conditions de recrutement et de la formation qui leur était
donnée, leur apport a été considérable au
côté des médecins allemands. Ils arrivaient à
intégrer certains milieux inaccessibles et hostiles aux Allemands.
Toutefois, les Allemands étaient contraints de laisser
le Togo, et donc les auxiliaires médicaux, après leur
défaite de la première guerre mondiale.
Les conditions du déclanchement de la guerre mais
aussi de sa durée au Togo (juste deux semaines) n'avaient pas permis aux
Allemands de préparer une relève qui s'occuperait du personnel
médical à leur départ.
Ainsi, le personnel médical autochtone laissé
par les Allemands en avait souffert. Par là, la guerre de 1914 - 1918
laissa de sérieuses répercussions sur les activités
médicales et sur l'émergence d'un personnel médical
autochtone.
Après le climat d'attentisme, c'est - à dire de
méfiance des Anglais et Français vis - à - vis du Togo
allemand et surtout le problème de personnel médical
créé par la guerre, certaines solutions, à titre
temporaires avaient été élaborées conjointement par
les Anglais et les Français, chacun dans sa zone d'occupation.
Mais on pouvait espérer les débuts d'une
véritable volonté de résoudre cette crise pendant la
période 1920 -1922.
Pendant ces dernières années au cours desquelles
le Togo était sous occupation anglo-française, certaines
réformes étaient enregistrées dans la partie du Togo
administrée par les Français (partie orientale).
On peut dire qu'en matière de recrutement les premiers
personnels médicaux sous occupation française, il y eut d'
abord une période de flottement entre 1914 et 1919. Mais à
partir de 1920, des clarifications furent introduites afin de définir
les règles devant régir le travail salarié.
Dans ce cadre, la situation des auxiliaires médicaux
embauchés antérieurement sans statut précis
commença à être spécifiée. Plusieurs
arrêtés furent alors signés procédant à
l'organisation des cadres, à l'établissement de la
hiérarchie professionnelle et à la fixation précise des
soldes. Mais ces réformes seront approfondies à partir de
1922.
Entre 1922 et 1960, les différents statuts
internationaux du Togo avaient de toute façon renforcé puis
consolidé le corps des auxiliaires médicaux d'une part et
favorisé l'émergence d'un nouveau corps de médecins
africains de l'autre.
D'abord entre 1922 et 1946 le Togo était sous le
régime de mandat de la SDN .Pendant cette période, les
Français inaugurèrent et affinèrent lentement une
politique de santé qui devint plus dynamique à partir des
années 1930. Une attention particulière était
accordée à l'état de santé des populations et le
recul des endémies revient sans cesse dans les rapports annuels
adressés à la SDN
.
C'était sous le régime du mandat que le
recrutement des auxiliaires médicaux connut une évolution
significative grâce aux décrets et arrêtés de cette
période. Ainsi, le niveau était alors élevé, ce
qui pouvait permettre aux auxiliaires médicaux une formation
aisée. La formation elle-même prit des avancées
considérables. Il y avait alors un programme de formation qui
concernait plus la pratique que la théorie.
Par leur rôle, ces infirmiers étaient proches des
populations. On les retrouvait dans les villages isolés en poste ou en
tournées de vaccination. Le fait qu'ils arrivaient, par leurs soins
gratuits, à soulager certains malades leur valait beaucoup de
considération et de respect.
Les principaux auxiliaires médicaux des Français
avaient joué un rôle prépondérant dans les
nouvelles innovations qu'étaient la médecine mobile et l'OEuvre
de Berceau. Etant de création française, ces innovations
avaient pour moteurs principaux le personnel médical autochone
même si elles étaient dirigées par les Français.
Par leurs oeuvres , le personnel autochtone contribuait
à la lutte contre les endémies comme la rougeole, la syphilis,
le pian , la variole et surtout la maladie du sommeil vigoureusement combattue
à partir de 1927.
Progressivement, on passa des auxiliaires médicaux aux
médecins africains. Les conditions de recrutement de ceux-ci
étaient plus rigoureuses et la formation qu'on leur donnait
n'était pas des moindres. Ils étaient formés dans une
école spéciale à Dakar d'où ils sortaient avec
le diplôme d'Etat. Un autre décret avait été pris
pour permettre aux médecins, sages- femmes et pharmaciens africains
d'accéder aux études de médecine en France à
partir des années 1950.
Ces années 1950 se situaient dans la période de
tutelle de l'ONU où le Togo était administré par la
France.
Cette tutelle couvrait de 1946 à 1960. Donc cette
facilité qu'avaient les Togolais de pourvoir compléter leur
formation en France pour être des « docteurs
complets » était le fruit de certaines circonstances. Nous
pouvons faire cas des héritages de la seconde guerre mondiale et de la
Conférence de Brazzaville. Ces circonstances, surtout la seconde a
été un effet déclencheur du brassage de connaissance
entre Français et Africains, précisément les
Togolais.
Ainsi, les réformes datant du régime du mandat
avaient été approfondies ; ce qui améliora
considérablement les conditions de vie du personnel de santé
autochtone.
En tout état de cause, nous reconnaissons que la
formation du personnel médical autochtone remonte au début de la
colonisation avec les Allemands. Ils ont été remplacés
par les Français à partir de 1914 et ces derniers étaient
présents jusqu'en 1960. Pendant toute l'époque coloniale, les
structures pouvant garantir une formation quantitative et qualitative n'avaient
pas été mises sur place jusqu'en 1956, année au cours
de laquelle le Togo est devenu République Autonome. Par ailleurs, la
formation qualitative du personnel autochtone n'a été effective
qu'après l'indépendance du pays en 1960 ?
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