WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La participation de la femme à la vie politique au Tchad:1933-2003

( Télécharger le fichier original )
par Eugène Le-yotha Ngartebaye
Université Catholique d'Afrique Centrale - Maîtrise en Sciences Sociales option Sciences Juridiques et Politiques 2003
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

TITRE II : FEMME, ACTRICE POLITIQUE.

Etre actrice d'une scène ou d'une activité suppose une pleine implication dans ladite scène ou activité. Or, il apparaît qu'au Tchad, la femme connaît d'énormes obstacles pour l'exercice de l'activité politique; toutefois elle arrive par des détours à investir le champ politique.

La femme utilise soit alternativement, soit cumulativement des réseaux insoupçonnés, tels les associations, l'héritage politique pour s'ériger en actrice politique (Chapitre 1). Mais il faut dire que même devenue actrice politique, elle doit s'appuyer sur certaines structures pour améliorer ses performances. Ces structures l'aident à connaître ses droits et devoirs, à les revendiquer, à améliorer ses conditions socio-économiques. Toutefois, ces structures connaissent, elles aussi, certaines limites. Si la lecture de ces structures s'impose, elle doit se faire dans une perspective pouvant conduire à une amélioration de la participation féminine à la vie politique au Tchad (Chapitre 2).

CHAPITRE III : FEMME, RESSOURCE POLITIQUE

L'avènement du multipartisme au Tchad vint mettre un terme à une vie politique qui, jusque là était inscrite dans un cycle infernal de violence, fait de guerre civile et de succession de régimes d'oppression.

Le multipartisme ouvrit pour ainsi dire la voie aux manifestations publiques tant du côté des formations politiques que du côté des organisations de la société civile avec une émergence des femmes longtemps vues comme des citoyens de seconde zone.

Ainsi, le libéralisme politique permet à la femme d'être active dans la vie politique à travers plusieurs voies (S I) : les partis politiques, les mouvements syndicaux, les associations, etc. Cette action lui confère aujourd'hui le rôle d'actrice politique (S II) au sens plein du terme où son implication dans la gestion des affaires de la nation n'est plus à discuter.

S I - LES VOIES D'ENTRÉE DANS LA VIE POLITIQUE

En général, les formations politiques, dans le cadre des manifestations publiques (§1), contribuent à amener un individu à s'intéresser à la vie publique ; cependant la tenue de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) (§2) a été déterminante pour une entrée massive des femmes dans l'arène politique.

§1 - Les manifestations en public

Manifester, c'est exprimer, faire connaître ou encore faire une démonstration collective publique, y participer. Elle s'observe à travers le cadre associatif qui constitue un tremplin pour l'ascension dans la vie politique (A). Par ailleurs, l'entrée dans la vie politique de certaines femmes est tributaire de l'héritage politique (B) d'un parent, du mari.

A-Les associations : tremplin pour une ascension politique

Si en France, l'École Nationale d'Administration (ENA) reste le vivier producteur des cadres de la scène politique, au Tchad, l'éclosion des mouvements associatifs observée depuis les années1990 favorise l'émergence des femmes longtemps écartées des affaires politiques de la nation.

En effet, depuis la signature le 04 octobre 1991 de l'ordonnance relative aux modalités et aux conditions de création de partis politiques suspendus depuis 1962, les femmes avaient activement pris part à la fondation de certains partis politiques. Mais au sein de ces partis, eu égard aux considérations socioculturelles, elles étaient souvent sous-estimées ou négligées.

Par contre, par la renaissance des mouvements associatifs et l'instauration du processus de démocratisation, les femmes s'imposèrent grâce à leur compétence. Les associations peuvent être d'ordre professionnel (femmes juristes, associations des femmes de l'Administration publique, syndicat des femmes de la poste, etc.), commercial (Amicale des femmes vendeuses de poissons, groupements des vendeuses de pagnes, Amicale des commerçantes des produits vivriers ... etc.), régional (Association des femmes du Mandoul, femmes du Kanem pour le développement, Amicale des femmes goranes ... etc.). On en dénombre plus de 300 selon les données fournies par la Cellule de Liaison des Associations Féminines (CELIAF)59(*).

Le milieu associatif permet aux femmes de s'ouvrir aux autres, de dissiper leur timidité et de s'intéresser au débat public qui a cours dans le pays, nous affirme une personne interrogée.

Les résultats de notre enquête montrent que cent pour cent (100%) des personnes interrogées appartiennent à une association. Elles sont 50% à appartenir aux associations purement féminines ; 35% dans les associations professionnelles et mixtes et 15% dans les associations régionales.

L'appartenance à une association, déclare une personne interrogée, permet à la femme de tester ses capacités à prendre la parole en public, son aptitude à discuter et à être leader.

Le mot leader renvoie d'office à la notion de groupe. Le leader est celui qui fixe les objectifs à atteindre par un groupe et arrive à mobiliser les gens pour le suivre dans la direction qu'il a choisie. Et la leader ne peut mener à bien son travail que si elle possède un bagage intellectuel ou un niveau d'instruction moyen. Ainsi, il ressort de l'enquête que 70% des femmes politiques au Tchad furent d'anciennes leaders à différents niveaux de la vie associative (présidence, délégation, gestion secrétariat, etc.).

Mais l'efficacité du leader dépend de son niveau d'instruction, lequel niveau lui permet d'appréhender les problèmes, de réfléchir sur les voies et moyens susceptibles de les aider à trouver les solutions.

Ainsi 55% de nos enquêtées auraient atteint le niveau universitaire contre 45% le niveau secondaire; Joseph ZOBEL ne disait-il pas que « l'instruction est la clé qui ouvre la deuxième porte de notre liberté » 60(*) après le travail bien sûr !

Si le milieu associatif demeure une grande école pour l'initiation à la vie publique, il prend beaucoup de temps comme en témoignent 50% de nos enquêtées mariées et qui estiment avoir éprouvé des difficultés de communication avec leurs maris qui les considèrent comme des femmes libres. Par contre, 35% des enquêtées veuves se plaignent du manque de temps qu'elles consacrent au suivi et à l'éducation de leurs enfants et les 15% divorcées estiment que l'une des causes lointaines de leur divorce se trouverait être les absences répétées de la maison pour répondre aux obligations d'ordre associatif.

En dépit de ces maux, nos enquêtées s'accordent à reconnaître les bienfaits reçus dans le milieu associatif, telle leur nomination à des grandes instances étatiques, ou les formations reçues à l'étranger.

Outre le cadre associatif, l'héritage politique des parents ou du conjoint constitue aussi une porte d'entrée en politique.

B - L'héritage politique

Par héritage politique, nous entendons le bénéfice du capital de crédit moral qu'une personne peut jouir du fait du passé politique de son père, sa mère, ou de son conjoint.

Le phénomène de l'héritage politique s'explique par le fait qu'une femme ou une fille, ayant un parent ou un mari homme politique, arrive, dans de ses obligations conjugales ou de filles à accueillir les hôtes, à sympathiser avec les visiteurs reçus par le père ou le mari, à prendre goût aux discussions politiques qui ont cours lors des rencontres.  « J'ai été, nous dit une enquêtée, impressionnée par l'activité politique très tôt car j'accompagnais mon père le plus souvent à des rencontres politiques ». Et 25% de nos enquêtées reconnaissent que le nom de leur père a été déterminant pour elles à un moment donné de leur accession à la vie politique. Voici le témoignage d'une enquêtée « à mon élection au poste de 2ème rapporteur du présidium de la conférence nationale, il y avait eu, au départ, une résistance des chefs traditionnels présents à la cérémonie. Cette résistance s'est dissipée à la seule évocation du nom de mon père car il était un député de renom des années de l'indépendance ». Par contre 55% estiment qu'elles doivent leur entrée en politique à leurs maris qui sont des hommes d'État qui, ont contribué à leur succès en politique. « Étant musulmane, n'eût été le soutien indéfectible de mon mari, je ne serai pas arrivée en politique pour être aujourd'hui député », nous dit une enquêtée. Et comme pour renchérir, une autre nous déclare « aux élections primaires on fait intervenir l'Imam d'une petite mosquée de la ville de Faya-Largeau dont je suis originaire pour me convaincre de me désister au profit d'un homme. Mais grâce aux relations de mon mari, j'ai eu accès à la présidence de la République pour exposer mon problème au Président et avoir son soutien ».

Les 20% doivent leur entrée en politique grâce à leur militantisme n'ayant ni père ni mari comme homme politique pour les parrainer.

Néanmoins pour celles qui ont reconnu avoir bénéficié de l'héritage politique (qu'il s'agisse du mari ou du père), elles disent que l'héritage politique à lui seul ne peut suffire sinon, toutes les filles ou femmes des hommes politiques deviendraient automatiquement des politiciennes. Si elles ont percé sur le terrain de la politique, c'est aussi grâce à leur dynamisme, leur combativité et surtout grâce à l'école qui leur a permis d'être compétitive et de concurrencer les hommes.

L'éclosion des mouvements associatifs et l'apport de l'héritage politique ont permis à la femme d'être très présente aux assises de la Conférence Nationale Souveraine.

* 59 Nous tenons à préciser que le nombre de ces associations féminines est largement supérieur à celui fourni par la CELIAF, car la CELIAF ne dispose que des données des associations qu'elle coordonne qui d'ordinaire se situent dans les zones urbaines. Par contre les associations féminines des zones rurales avec des structures de fonctionnement pas très formalisées n'y figurent pas.

* 60 ZOBEL J., La rue cases-nègres, Paris, Présence Africaine 1974 p.152.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera