La participation de la femme à la vie politique au Tchad:1933-2003( Télécharger le fichier original )par Eugène Le-yotha Ngartebaye Université Catholique d'Afrique Centrale - Maîtrise en Sciences Sociales option Sciences Juridiques et Politiques 2003 |
S II. DE LA PERIODE DE 1975 AU RETOUR DU MULTIPARTISMECette période fut marquée par le Conseil Supérieur Militaire (CSM) le règne des tendances du Frolinat (§ 1.) puis le retour du multipartisme (§ 2. ). § 1. Le règne du CSM et celui des tendances du Frolinat.Après le coup d'Etat qui mit fin à la première République de Ngarta Tombalbaye, le pouvoir fut assuré par les militaires réunis sous la bannière du Conseil Supérieur Militaire (CSM) (A). Ce conseil fonctionna pendant cinq ans avant de se dissoudre au profit des tendances du Front de Libération Nationale (Frolinat) (B). A-Le conseil supérieur militaire Au lendemain du coup d'Etat militaire du 13 avril 1975, le CSM faisait office de gouvernement et était composé de neuf membres. Plusieurs des officiers de ce conseil venaient de sortir des geôles de Tombalbaye, à la faveur du Coup d'Etat. Ils avaient à leur tête le Général Félix Malloum. Les premières mesures du CSM avaient été d'instituer une Commission Publique d'Enquête financière, de procéder à l'assainissement de la fonction publique, à la suppression de tous les partis politiques et, à l'interdiction des « manifestations ou concertations à caractère politique »33(*). Le CMS était confronté à plusieurs problèmes : d'abord à la rébellion qui sévissait dans le Nord du Tchad, et qu'il tenta d'arrêter par des tentatives de réconciliation ; ensuite il fut en proie à des dissensions internes quand il fut question de la réconciliation nationale. Certains membres préféraient recourir aux moyens militaires pour venir à bout de toutes les rébellions. Ce fut dans ce contexte de fragilité interne que le gouvernement militaire engagea des négociations avec la rébellion armée. Les premières négociations donnèrent les « accords de Khartoum ». Ces accords étaient conclus avec le CCFAN de Hisssein Habré, signés le 17 septembre 1977. Par ces accords, le chef rebelle devenait Premier Ministre et Chef du Gouvernement. Les accords attribuaient le « pouvoir réel » de la gestion des affaires de l'Etat au Premier Ministre, même si le Général Félix Malloum demeurait nominalement à la tête de l'Etat, comme Président de la République. Ce pouvoir détenu par Hissein Habré était d'autant plus affirmé, qu'il ne devait pas de compte au « Comité de Défense et de Sécurité » nommé à moitié par le CCFAN, et par le CSM. Cette cohabitation Malloum-Habré était devenue difficile. Dans ce contexte de « crise politique aiguë » : 34(*) résistance populaire, paralysie au sommet de l'Etat, la guerre civile au Tchad éclata le 12 février 1979. Cette guerre divisa le Tchad en deux. Le Colonel Kamougué se replia au sud avec les éléments des Forces Armées Tchadiennes (FAT), tous originaires de la zone méridionale. Il créa à Moundou un organe politique dénommé le « Comité permanent ». Présidé par le Colonel Kamougué, ce Comité représentait les différentes préfectures de la « zone méridionale », et constituait en quelque sorte un « gouvernement du sud ». Il avait pris en charge l'administration du sud et nommait des responsables à tous les postes. Le reste du pays était sous l'autorité du Frolinat dont les responsables étaient Goukouni et Habré Le « pouvoir central » au Tchad n'existait plus, le pays était pratiquement scindé en deux régions géopolitiques antagonistes . C'est dans ce contexte de « guerre civile » qu'intervint la Conférence de Kano I tenue en mars 1979 et qui donna naissance au Conseil d'Etat provisoire (CEP) présidé par Goukouni Weddeye. Le CEP vit à peine le jour à cause des difficultés d'application des clauses de la Conférences de Kano I. Quelques semaines plus tard, on assistait á l'ouverture d'une autre « Conférence de réconciliation » : Kano II. Cette conférence donna le jour au gouvernement intérimaire présidé par Lol Mahamat Choua, gouvernement qui ne dura que cinq (5) mois (Avril -Août 1979). Les tendances du Frolinat le remplaceront assez vite. B- Le règne des tendances du Frolinat La révolte paysanne de Magalmé (Supra §2 B) prit une autre dimension quand des paysans en armes, rejoints par de jeunes révolutionnaires, déjà très actifs en exil depuis plusieurs années fondèrent au Soudan en Juin 1966, le Front de Libération National : le Frolinat. Il était né de la réunion de l'Union Nationale Tchadienne (UNT) dirigée par Ibrahim Abatcha et du front National de Libération du Tchad (FNLT) animé par Ahmed Hassan Moussa. Cette organisation politico-militaire encadre désormais la révolte sur le terrain et s'en fait le porte-parole à l'étranger. Mais le Frolinat connut très tôt des divisions dans ses rangs, « le Frolinat est un mouvement profondément divisé, division qui, au fond, date du début même de la rébellion »35(*). Cette division commença en 1970 lorsque Baghalmi, alors Vice-Président du Frolinat créa l'Armée du Volcan, puis le Conseil Démocratique Révolutionnaire d'Acyl Ahmed. Avec l'arrivée de Hissen Habre le Frolinat, 2ème armée de Goukouni Weddeye prit le nom du CCFAN qui devait, à son tour connaître une scission à la suite de la conférence de Gouro en 1976 au cours de laquelle Hissein Habré créa sa propre armée ; les Forces Armées du Nord (FAN). Mais en dépit de ses multiples scissions le Frolinat arriva, par l'intermédiaire de certaines tendances, à gérer le pouvoir central. 1- Le Gouvernement d'Union Nationale de Transition (GUNT) de Goukouni Weddeye. Après la démission de Lol Mahamat Choua (supra § A), Goukouni fut désigné pour former un gouvernement de transition à la suite d'une conférence de réconciliation nationale tenue à Lagos (Nigeria) en Août 1979. Ce gouvernement intègre onze tendances politico-militaires tchadiennes. Ce principe se matérialise à N'Djamena, le 10 Novembre 197936(*) Le GUNT, présidé par Goukouni Weddeye, avait pour Vice- Président : Le Colonel Kamougué ; Ministre de la Défense : Hissein Habré, Ministre de l'intérieur : Mahamat Abba ; Ministre des Affaires étrangères : Acyl Ahmat. Les porte-feuilles ministériels étaient répartis de manière égale, entre les ressortissants du Sud (10) et ceux du Nord (10)37(*). Au sein du GUNT, des luttes ouvertes s'engagent entre nordistes et sudistes, autour de la question de la laïcité de l'Etat. Ce climat aboutit à un affrontement armé entre les FAN de Hussein Habre et les Forces Populaires de Goukouni Weddeye. Cet affrontement, connu sous le nom de « deuxième bataille de N'Djamena » fit plusieurs milliers de morts38(*) Le Président Goukouni et la coalition gouvernementale qui le soutenait contre H. Habré demanda, et obtint le soutien militaire de la Jamahiriya arabe libyenne. La « deuxième bataille » de N'Djamena déboucha sur la défaite militaire des FAN de H. Habré, qui se réfugièrent à l'Est du pays, proche de la frontière soudanaise. Le GUNT connut une deuxième tentative de renversement avec les accrochages qui opposèrent les FAP de Goukouni aux CDR d'Acyl Ahmed ministre des Affaires Etrangères. Ce dernier avait reçu le soutien de la Libye. Le 29 octobre 1981, le GUNT décida du retrait des troupes Libyennes du Tchad pour les remplacer par une Force inter-Africaine (FIA), composée des ressortissants nigérians, sénégalais et Zaïrois. Cette force avait pour mission de s'interposer entre les FAN de Hissein Habré et les forces gouvernementales afin d'empêcher la poursuite des hostilités entre les belligérants. La vie politique au Tchad se militarisa du jour au lendemain, éclipsant complètement la présence féminine. Après trois années passées à la tête de la gestion du pays, Goukouni céda la place à Hissein Habre quand les FAN réussirent à pénétrer dans la capitale tchadienne. La vie politique devint un « jeu de cache-cache » politico-militaire39(*). 2 - Le régime de Hissein Habré. Le 7 Juin 1982, Les FAN entraient triomphalement à N'Djamena dirigées par Hissein Habré. Dès le 21 octobre 1982 l'acte fondamental de la République fut rendu public et le 6 mars 1983 fut installé à N'Djamena, le premier COPOFAN (Comité Populaire des Forces Armées du Nord) défini par le nouveau Président, comme : « un instrument d'encadrement, d'organisation et de sensibilisation des masses ».40(*) D'autres comités furent installés dans tout le pays. A la date du deuxième anniversaire de la prise du pouvoir, le 7 juin 1984, Hissein Habré annonça la dissolution des Fan, et projeta la création d'un parti unique, ouvert à tous les tchadiens : « un cadre rénové et dynamique », pour tous les nationaux. Le 22 juin 1987, Hissein Habré institua officiellement l'UNIR (Union Nationale pour l'Indépendance et la Révolution) Présidé par Hissein Habré, ce nouveau mouvement fut doté de plusieurs institutions : Comité Central, Congrès, Bureau exécutif, et organes affiliés : Union national des commerçants (UNACOT), Organisation des femmes de l'UNIR (OFUNIR) Rassemblement des Jeunes de l'UNIR (Rajeunir). On note ici une apparition des femmes sur la scène politique à travers une organisation qui leur est propre. Cette apparition se fit de plus en plus ressentir à travers les groupes d'animation politique, appelés « groupes chocs ». Les femmes participent ainsi à la mise en scène, à la théâtralisation de la vie politique. Avec l'UNIR, on assista pour la première fois à la nomination d'une femme à un poste ministériel, c'était FATIME KIMTO. Cette consécration mobilisa de plus en plus les femmes car elles trouvèrent en Hissein Habré une personne qui plaidait pour la cause féminine. En réalité, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'au temps de l'UNIR la participation à ces différentes sections se faisait par la force et sous la menace ; c'était en quelque sorte un embrigadement. Ce règne connut d'intenses activités politiques : le référendum constitutionnel de 1989 ; les élections législatives de 1989 où l'on peut noter l'élection de quelques femmes à l'Assemblée Nationale (DENERAM MITARMARE, VIRGO NGARBAROUM, MINDA DJORBAYE), laquelle Assemblée n'exista que quelques mois. En Avril 1989, un différend opposa Hissein Habré à son ancien ministre de la défense et Chef d'Etat Major, Idriss Deby, qui se retira dans l'Est du pays, à la frontière du Soudan, avec quelques troupes fidèles. De là, il engagea une offensive militaire, et marcha sur N'Djamena. Le 1er Décembre 1990 Deby fit son entrée triomphale dans la capitale tchadienne, instaura le multipartisme, tandis que Habré prenait le chemin de l'exil. * 33 Ngansop G .J., Tchad, Vingt ans de crise, Paris, L'Harmattan, 1986, p. 59. * 34 DERLEMARI N., Le Labyrinthe de l'instabilité politique au Tchad, Paris, L'Harmattan, 1998, p. 30. * 35 BUIJTENHUIJS R. Le Frolinat et les guerres civiles du Tchad ,1977 à 1984, Paris, Karthala, ASC, 1987, p. 27. * 36 N'Gangbet, Op. Cit., p. 39. * 37 N'GANGBET ibidem. * 38 N'GANGBET, Op. Cit. p. 43. * 39 DERLEMARI. N. , Op. Cit. p. 36 * 40 BUIJTENHUIJS R., Op. Cit. p. 300. |
|