Les facteurs explicatifs de la discontinuité des soins obstétricaux en Afrique: cas du Bénin( Télécharger le fichier original )par Appolinaire TOLLEGBE Institut de Formation et de Recherche Démographiques (IFORD) - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées en Démographie 2004 |
1.1.5- Politique de santé11(*).La politique sanitaire du Bénin est élaborée par le Ministère de la Santé Publique qui définit les grandes orientations du secteur, les actions à mener et la mobilisation des ressources nécessaires. Depuis 1960, plusieurs plans et programmes ont été ainsi mis en oeuvre. Ces plans et programmes visent l'amélioration des conditions socio-sanitaires des populations. Ainsi, entre 1989 et 1993, la politique sanitaire nationale mise en oeuvre par le Gouvernement béninois a mis l'accent sur le renforcement des activités préventives (vaccination, santé maternelle et infantile, planification familiale, hygiène et assainissement, information et éducation), les activités curatives avec la mise en place d'une politique pharmaceutique de médicaments essentiels génériques, la réhabilitation et la construction d'infrastructures sanitaires, et la prévention et la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles. Cependant, tous les espoirs n'ont pas été comblés. À la table ronde qui s'est tenue en janvier 1995 sur le secteur de la santé, le Gouvernement a décidé de recentrer sa politique sanitaire et de l'adapter au processus de décentralisation en cours. Ainsi, la politique sanitaire de la période 1997-2001 a pris en compte les axes prioritaires antérieurement définis et a mis l'accent sur l'amélioration des conditions socio-sanitaires des familles à travers deux principaux objectifs : ü améliorer la qualité et l'accessibilité des prestations de soins et des services de santé ; ü améliorer la participation communautaire et l'utilisation des services de santé par les populations. Ces objectifs ont pour finalité : ü l'amélioration de la couverture sanitaire et de l'organisation de la pyramide sanitaire basée notamment sur la décentralisation de l'organisation du système de santé ; ü la moralisation et l'amélioration de la gestion du secteur de la santé ü l'amélioration du financement du secteur de la santé ; ü l'amélioration de la prise en charge des malades ; ü l'amélioration des conditions de vie de la mère et de l'enfant sur la base de programme visant à promouvoir la santé de la reproduction et la santé maternelle et infantile. Pour mettre en oeuvre cette politique, 24 programmes ont été retenus. Au nombre de ces programmes figurent : ü la réorganisation du niveau périphérique de la pyramide sanitaire en créant progressivement 36 zones sanitaires à la base de la pyramide, soit 3 tranches de 12 zones sanitaires ; ü le développement des ressources humaines, l'objectif étant de mieux maîtriser et d'améliorer la gestion des ressources humaines du secteur en cherchant à en assurer une utilisation rationnelle et une répartition équitable et à relever le niveau de qualification et de conscience professionnelle du personnel de santé ; ü l'amélioration de la santé de la reproduction. Les objectifs du Gouvernement dans ce domaine pour la période 1997-2001 étaient essentiellement de :
chez les femmes de 30 ans et plus ;
ü l'amélioration des conditions d'hygiène et d'assainissement. Il s'agit d'actualiser la politique nationale d'assainissement de base et de construire et de promouvoir des ouvrages sanitaires dans les lieux publics ; ü la lutte contre le paludisme par la réduction de son incidence moyenne chez les enfants de moins de 1 an de 32 000 à 20 000 pour 100 000 enfants au cours de la période considérée, et la réduction de 25 % de la létalité en ce qui concerne cette maladie ; ü En ce qui concerne le Programme Élargi de Vaccination : la lutte contre les maladies et les grandes épidémies par le maintien à 90 % de la couverture vaccinale dans tout le pays (BCG, DTCoq, et VAR à 1 an)12(*), l'éradication de la poliomyélite, l'élimination du tétanos néonatal, l'intensification de la vaccination des femmes en âge de procréer contre le tétanos et la réduction de l'incidence de la rougeole ; la lutte contre les maladies diarrhéiques, notamment chez les enfants de 0 à 5 ans. À ce sujet, la politique prévoit la réduction de la mortalité et de la morbidité au sein de cette tranche d'âges par la diminution de l'incidence de la morbidité et du taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans. ü le développement du système des zones sanitaires et l'amélioration de la couverture sanitaire ; La réalité est pourtant tout autre... En effet, l'examen de la répartition des infrastructures sanitaires révèle que le taux de couverture du Bénin en services sanitaires de base reste très insuffisant au Bénin. Un recensement des centres de santé publics en 2000 a permis de constater l'existence de 465 centres communaux de santé (CCS) dont 34 % environ sont en mauvais état. Cette lacune du secteur public dans son rôle de garant de la santé des populations a favorisé l'émergence et la prolifération de centres privés de santé. Les études montrent que de nos jours, le secteur privé contribue pour beaucoup à la promotion de la santé des populations en réduisant la distance entre les populations et les centres de santé. Cependant sur les 887 infrastructures sanitaires privées recensées en 1998, 57 % sont concentrées dans le seul département de l'Atlantique. (REP, 2001) Il existe donc en plus de l'insuffisance des infrastructures sanitaires, une inégale répartition de ces dernières entre les départements ce qui entraîne de fortes disparités au niveau de la couverture sanitaire et donc de la disponibilité de services de soins de santé offerts aux populations et ceci malgré les différentes programmations que connaît le secteur de la santé depuis 1990. (REP, 2001) Par ailleurs, si au niveau national les populations bénéficient d'une meilleure13(*) couverture sanitaire en professionnels de santé (6590 habitants/médecin, 1553 FAP14(*)/sage-femme), l'on constate néanmoins l'existence de disparités de l'offre selon les départements. En effet, on observe en 1999 dans le département de l'Atlantique un ratio de 1 médecin pour 2099 habitants contre 1 médecin pour 36743 habitants dans le département de l'Atacora et 1 médecin pour 21311 habitants dans le département du Borgou, ratios qui sont très loin des normes fixées par l'OMS. (REP, 2001). En plus de cette insuffisance en infrastructures sanitaires et des disparités urbain-rural concernant la disponibilité des centres de santé et du personnel de santé, subsiste également le problème de l'accessibilité géographique et financière des soins obstétricaux. Au niveau national, l'accessibilité aux établissements de santé constitue le principal problème cité en premier lieu dans 43 %15(*) des cas par les femmes (EDSB, 2001). En effet, au Bénin, surtout en milieu rural, les centres de soins sont souvent très éloignés des populations. Selon l'EDSB (2001), environ 16 % des femmes doivent parcourir 30 kilomètres ou plus pour accéder à un dispensaire ou un centre de santé maternelle et infantile (SMI), pourcentage qui est de 20% en milieu rural et 6% en milieu urbain. Cet éloignement des centres de SMI est aggravé par un manque crucial de moyens de transport adéquat et sûrs. Pour atteindre l'établissement le plus proche fournissant des services de santé maternelle et infantile, 33% des femmes rurales contre 52% des femmes urbaines ont moins de 31 minutes de déplacement. Parmi les femmes rurales, 24 % doivent effectuer un trajet supérieur à une heure avant de pouvoir bénéficier de services de SMI contre 4,3% seulement pour celles résidant en milieu urbain et même 0% pour les femmes résidant à Cotonou (ibid.). L'inaccessibilité financière des services de SMI est l'autre problème crucial que rencontrent les femmes béninoises dans la recherche des soins obstétricaux. C'est un des facteurs les plus importants des déterminants de la demande de soins obstétricaux. En effet, 42 % des femmes citent le coût élevé des médicaments et 16 % le coût élevé des consultations comme problème fréquemment rencontré lorsqu'il s'agit de chercher des soins (idem.). Lorsque l'on sait qu'une échographie obstétricale coûte 6000 FCFA (soit environ 22 % du salaire minimum16(*)) et que le coût d'une césarienne (94 500 FCFA) représente environ plus du triple du même salaire minimum (voir tableau A2 en annexe), l'on peut comprendre les raisons pour lesquelles les femmes préfèrent parfois recourir aux consultations divinatoires dont le coût leur est plus accessible voire selon Beninguisse (2003), souvent symbolique17(*). En conclusion, la politique de santé du Bénin dispose de très bonnes directives en matière de promotion de la santé maternelle et infantile. Cependant, les insuffisances en matière d'infrastructures sanitaires, de personnel de santé, de moyens financiers ajoutés au faible niveau de vie des populations et à leurs réalités culturelles posent des problèmes de disponibilité, d'accessibilité et de qualité des soins de SMI qui sont des plus préoccupants. Les éléments ci-dessus énumérés constituent à n'en point douter des facteurs néfastes à la fréquentation des services de santé en général et de soins obstétricaux en particulier, toute choses qui peuvent constituer le creuset d'une discontinuité des soins obstétricaux. * 11 Source : EDS Bénin (2001). * 12 BCB (Bacille Camille et Guérin), DTCoq (Diphtérie et Coqueluche), VAR (Vaccin contre la variole). * 13 Selon la classification internationale des maladies de l'OMS, il faut 1 médecin pour 10.000 habitants, 1 infirmier pour 5000 habitants et 1 sage-femme pour 5000 habitants. * 14 Femmes en Age de Procréer. * 15 Dont 23 % pour l'inexistence d'établissements et 20 % pour leur éloignement. * 16 Le salaire minimum (SMIG) est de 27 500 FCFA au Bénin. * 17 Certains devins acceptent même des paiements en nature à l'aide de vivres, de noix de cola et même du bétail, ce qui n'est pas le cas de la médecine moderne. |
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