I.1.2.2. Soulèvement des
esclaves dans la morale
Pour Nietzsche, le soulèvement des esclaves dans la
morale commence « lorsque le ressentiment devient créateur et
enfante des valeurs ». Par exemple, l'on ne peut oublier la
révolte du peuple juif, parce qu'elle a été victorieuse.
Vingt siècles déjà, elle a fait école dans la
révolte morale des esclaves.
Il est indéniable que tout ce qui, sur terre, a
été entrepris contre les nobles, les puissants, les maîtres
et le pouvoir n'égale qu'apparemment le mérite des Juifs. Ce
peuple sacerdotal n'a trouvé satisfaction contre ses ennemis et
dominateurs que par un acte de vindicte essentiellement spirituel. Vengeant ses
souffrances, il a abouti au renversement des valeurs aristocratiques,
grâce à une haine d'impuissance. Désormais,
l'équation de la morale aristocratique : bon = noble = puissant =
heureux se voit tournée en dérision, au profit de l'affirmation
d'une morale qui amasse toutes les félicités du côté
des faibles : seuls les inférieurs et les misérables sont
heureux.
Reprenant l'histoire de l'affrontement entre les deux morales,
magistrale et servile, Nietzsche achève sa première dissertation
de la Généalogie de la Morale en évoquant les
phases douloureuses, qui célèbrent le triomphe des
opprimés sur les puissants : l'opposition de Rome et de la Judée,
qui finit par la victoire du Judaïsme, la Renaissance
étouffée par la réforme plébéienne et enfin
la Révolution française qui consomma la défaite de
l'idéal aristocratique. A l'horizon de toutes les analyses, une question
ultime ne peut être esquivée : n'est-ce pas le propre de
l'homme de commettre le crime ?
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