Faute et Châtiment. Essai sur le fondement du Droit pénal chez Friedrich Nietzsche( Télécharger le fichier original )par Rodrigue Ntungu Bamenga Faculté de Philosophie saint Pierre Canisius Kimwenza, RDCongo - Bacchalauréat en Philosophie 2005 |
II.2.2.4. La prévention individuelleConsidérée comme la plus importante, cette fonction du châtiment vise à empêcher le malfaiteur de recommencer ses conquêtes. Jusqu'ici, toutes les juridictions pénales atteignent cette finalité par intimidation ou par amendement du criminel (le maintenir dans la bonne voie en lui inspirant des sentiments honnêtes envers la société). Ici, on espère soumettre le malfaiteur à des peines privatives de liberté, en vue de sa re-socialisation. Ces peines sont d'autant plus personnelles qu'elles entraînent des châtiments comme la prison. Nietzsche ne pense pas autrement, lorsqu'il trouve dans ce châtiment un « moyen d'empêcher le coupable de nuire et de continuer ses dommages »[1]. Ou encore une « restriction et limitation d'un trouble d'équilibre pour empêcher la propagation de ce trouble »[3].69(*) Ce qui constitue un second rôle de la prison, en plus de la protection qu'elle offre au criminel contre la vengeance de ses victimes. De toutes façons, Nietzsche doute que le châtiment ait la propriété d'éveiller le sentiment de culpabilité chez le malfaiteur. Il est moins encore un instrument propice à susciter le remords, par l'emprisonnement et d'autres procédures pénitentiaires. Car « le véritable remords est excessivement rare, en particulier chez les malfaiteurs et les criminels ; les prisons, les bagnes ne sont pas les endroits propices à l'éclosion de ce ver rongeur. (...) En thèse générale, le châtiment refroidit et endurcit. »70(*) Une incertitude plus grande encore plane sur l'amendement visé par le châtiment, étant donné la rancoeur qu'éveillent chez le coupable les représailles subies. Rancoeur dont l'origine serait d'âpres souvenirs télescopés dans la mémoire. C'est dans ce sens que se comprend le troisième but du châtiment. II.2.2.5. L'intimidation collectiveLa peine infligée au coupable vaut ici un avertissement, une mise en garde ou une prévention générale adressée aux membres de la société qui seraient tentés d'imiter son exemple. Dans ce sens, la nature du châtiment tendrait à décourager toute velléité de commettre une faute semblable, parce que connaissant les désagréments qu'elle importe. Pour NYABIRUNGU, c'est justement en vue de cette intimidation collective que les jugements sont publiquement rendus ou que, dans certains cas, ils sont publiés. Le mérite d'une telle vision du châtiment est donc de maintenir les individus sinon dans l'horreur d'un sort semblable toujours possible, du moins dans la crainte de l'autorité judiciaire. C'est la raison pour laquelle Nietzsche assigne deux sens spéciaux au châtiment : « moyen d'inspirer la terreur en face de ceux qui déterminent et exécutent le châtiment »[4] et « moyen de créer une mémoire, soit chez celui qui subit le châtiment (...) soit chez les témoins de l'exécution »[8].71(*) Somme toute, le châtiment subi par autrui a valeur d'une leçon offerte au groupe. Autrement, il peut viser l'élimination pure et simple des sujets récidivistes. * 69 GM, p. 129. * 70 Ibid., p. 131. * 71 GM, pp. 129-130. |
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