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Faute et Châtiment. Essai sur le fondement du Droit pénal chez Friedrich Nietzsche

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par Rodrigue Ntungu Bamenga
Faculté de Philosophie saint Pierre Canisius Kimwenza, RDCongo - Bacchalauréat en Philosophie 2005
  

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Chapitre 1

L'INTENTION DE NUIRE

On ne peut tenir un discours acceptable sur l'homme souffrant, d'une souffrance subie, sans faire une remontée vers le pourquoi de son tourment, comme dans une sorte de généalogie. Autrement, le criminel ne saurait entretenir une aversion démesurée pour l'homme si tout ce qui, en lui, est « humain, trop humain » n'était porté par l'anima nocendi, cette intention délibérée de nuire que l'on nomme « préméditation ». C'est pourquoi, la règle morale comme celle du Droit trouve difficilement soutenable la culpabilité absolue d'un sujet dont "la faute" ne prouve aucune intention première de nuire à autrui1(*).

Mais l'intentionnalité a priori ne suffit pas à établir les torts, bien que toute intention s'oriente toujours vers un but. Il semble à Georges BRIERE DE L'ISLE que l'individu qui adopte un comportement déterminé parce qu'il veut un résultat, mais ne sait pas que ce résultat est condamné par la loi, que cet individu ne soit pas fautif. Car s'il y a bien eu intention et volonté d'agir, la conscience du caractère illicite de l'acte n'y était pas. Echappera-t-il à la loi pénale ? A priori oui, en fait non. Cela en vertu du principe "Nul n'est censé ignorer la loi".

La complexité de telles circonspections juridiques donne raison à Nietzsche, pour réfuter l'argument intentionnel comme critère déterminant de la faute. Il veut une approche originale, qui place le fondement de la culpabilité (schuld) dans la notion matérielle de dette (schulden), sur laquelle repose entièrement la relation créancier-débiteur. Dans ce sens,  l'endetté est un "coupable". Une culpabilité dont il doit s'exonérer sinon en payant de son revenu, du moins « en donnant satisfaction au créancier d'une autre manière. C'est ici que se situe, selon Nietzsche, la relation entre la faute et la souffrance. S'il n'est pas fait de remboursement, le créancier obtient en effet le droit de faire souffrir son débiteur. Il lui appartient alors d'exercer sa cruauté et de savourer le plaisir du sentiment de puissance qui lui est ainsi conféré. Le débiteur le paye du fait qu'il souffre. »2(*)

Dans l'histoire des hommes, cette nuisance intentionnelle a rarement atteint la portée à la fois sadique et instinctive que lui confère la morale nietzschéenne. En effet, pour Nietzsche, il semble qu'il y ait au départ l'échec de la culture à dresser le fauve humain, à conférer l'humanité à « l'homme domestiqué » irrémédiablement violent, qui reste envahi par le désir de réaliser des exploits agressifs3(*). Tout bien pesé, la culture doit ressentir comme un impératif manqué son échec à déformer l'homme dans le sens d'une socialisation qui atrophie sa violence native. D'ailleurs, quoi de plus expressif cette pensée peut-elle laisser apparaître, quant à la co-originalité de la cruauté à l'humanité et du mal à la moralité. La cruauté se dévoile, sous cette approche, comme une diathèse redoublée d'antipathie pour l'homme et qui cherche un exutoire : l'homme du ressentiment. La question de la souffrance ne se pose donc que du point de vue de cet homme faible, accablé par un "trop plein de force" mal intentionné.

* 1 Cfr. Art. 21-3 du Code Pénal, Paris, Dalloz, 1995 relatif à la responsabilité pénale : « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d'imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d'autrui. » Mais la question s'est révélée plus délicate à la doctrine et à la jurisprudence pour "l'infraction (tentative ou crime) impossible", qui est celle dont le résultat recherché par l'auteur n'a pu être atteint soit par manque d'objet, soit par inefficacité des moyens utilisés. Faut-il punir le picpocket mettant la main dans une poche vide ? C'est un fait que la loi sanctionne cet acte parce que révélant suffisamment l'intention de nuire.

* 2 Georges Goedert, Nietzsche critique des valeurs chrétiennes. Souffrance et compassion, Paris, Beauchesne, 1977, p. 286.

* 3 Friedrich Nietzsche, Généalogie de la Morale (GM), traduit par Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1948, p. 60.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore