SECTION 2 : GUERILLA ET SOUVERAINETE
NATIONALE.
Les Etats en tant qu'entités souveraines, s'acharnent
toujours à défendre cette souveraineté par tous les moyens
dont ils disposent et à considérer plusieurs actes et
événements comme portant atteinte à cette dernière.
Parmi les événements considérés comme une menace au
principe de souveraineté, nous trouvons la formation de groupes
armés dissidents sur le territoire d'un Etat. Nous verrons en premier
lieu la portée de cette menace à la souveraineté et
à stabilité politique de l'Etat (1), et en deuxième lieu
les enjeux de la de la reconnaissance de la guérilla en tant que groupe
belligérant (2).
1- LA GUERILLA COMME « MENACE » A LA
STABILITE
POLITIQUE DE L'ETAT.
Pour un Etat, l'existence de groupes armés dissidents
sur son territoire constitue une menace à sa stabilité
politique.
Au cours de notre première année à la
faculté de droit, bon nombre des cours auxquels nous avions eu droit,
portaient sur les éléments constitutifs de l'Etat. On essaiera
donc, de voir la portée de cette menace à la lumière des
trois éléments classiques, constitutifs de l'Etat, à
savoir : le territoire la population et la souveraineté. Nous
commencerons d'abord par la notion de territoire et nous verrons ensuite
respectivement celles de population et souveraineté.
Etat et territoire sont deux notions indissociables, ce sont
les frontières géographique qui limitent l'expansion du pouvoir
de l'Etat. Le territoire est l'élément objectif essentiel dans la
définition de l'Etat, et c'est lui qui définit le cadre de
compétence de ce dernier (15).
Le territoire est un moyen d'action pour l'autorité qui
y règne, le pouvoir de l'Etat comme celui du groupe dissident, peut
facilement obliger les individus à avoir un comportement donné.
Le territoire de l'Etat correspond au sol, sous-sol des espaces maritimes et
aériens qui surplombent le territoire terrestre, maritime et fluvial.
Dans le cas des guérilleros nous nous limiterons aux espaces terrestres
maritimes et fluviaux puisque ces derniers n'ont généralement pas
les moyens de contrôler plus.
(15) Rolland DEBBASCH, Droit constitutionnel, litec,
paris, 2000, p.8.
En principe chaque Etat doit défendre son territoire et
doit y être présent, il ne peut en aucun cas consentir à
l'abondons d'une partie de ce territoire. Cependant lorsqu'un Etat se confronte
au problème de l'existence de groupes dissidents, le principe de
l'intangibilité des frontières perd de son importance et
l'autorité Etatique se voit contrainte à abandonner une partie de
son territoire aux insurgés, surtout quand ces derniers sont assez forts
pour la contraindre à le faire.
Là où la force publique est vacante, l'Etat
n'exerce pas sa souveraineté, ceci concerne le territoire comme la
population. L'Etat se voit donc concurrencé et contesté par des
groupes qu'ils considère comme illégaux, et sur ce qui constitue
son territoire géographique. Il n'a donc aucune représentation
tangible et concrète sur ce territoire.
L'autorité possède de droit un territoire qui ne
lui appartient pas de fait, et dans le cas où ce territoire contiendrait
des ressources naturelles, l'Etat ne pourra pas les exploiter parce que le
groupe dissident l'en empêche.
Concernant le deuxième élément,
c'est-à-dire la population, on parle de l'Etat comme
société organisée parce qu'il se compose d'individus sur
lesquels il exerce son pouvoir. La population est un ensemble limité
d'hommes et de femmes soumis à un ordre juridique au sein des
frontières géographiques de cet Etat (16) . Dans le
cas d'existence de groupes guérilléros, ces dispositions
étatiques peuvent leur être assimilées.
En effet, quand un groupe dissident contrôle un
territoire déterminé, ses individus ne sont plus soumis à
l'autorité étatique mais à celle des insurgés,
cette soumission peut être consentie ou imposée par la
contrainte.
(16) Ibid. p.9.
La population des territoires contrôlés par les
insurgés, devient assujettie au pouvoir des rebelles et non à
celui de l'Etat à qui elle appartient juridiquement. Ces individus ne
sont donc plus soumis à l'ensemble des normes nationales comme le reste
des citoyens mais bien aux règles et aux normes qui leur sont
édictées par les groupes dissidents.
La souveraineté quant à elle constitue le
troisième élément, c'est la caractéristique
juridique de l'Etat, l'Etat est en principe le seul à posséder un
pouvoir souverain, elle lui permet de n'obéir à aucune autre
autorité si ce n'est la sienne(17). Cependant, la
présence de la guérilla représente un danger pour la cette
souveraineté, l'Etat ne peut pas exercer son pouvoir dans les zones
contrôlées par cette dernière, il n'est donc plus souverain
sur son propre territoire, et par conséquent il ne peut plus exercer son
pouvoir sur ses individus. Cette atteinte à la souveraineté est
beaucoup plus accentuée dans les cas où l'Etat en question est
absent physiquement de ces territoires, cette absence peut être
constatée aussi bien par l'absence de forces publiques que par l'absence
d'instances civiles.
L'Etat se retrouve donc dans une situation, où il n'est
plus souverain sur son propre territoire et où l'autorité des
guérilleros est supérieure à la sienne.
Pour résumer, nous pourrions dire qu'avec l'existence
de groupes dissidents contrôlant un territoire déterminé,
l'Etat possède juridiquement des territoires qui ne lui appartiennent
pas, et dont la population est soumise à des normes autres que les
siennes et que sa souveraineté est gravement bafouée. On pourrait
parler de l'existence d'un Etat dans l'Etat. Or aucun Etat n'assumerait
favorablement cette situation. Cette menace contre la stabilité
politique de l'Etat est encore plus éminente quand les groupes
guérilleros jouissent d'une reconnaissance internationale de la part
d'Etats tiers.
(17) Ibid. p.10.
Vu, la menace que représente l'existence des groupes
armés dissidents sur le territoire d'un Etat aussi bien au niveau
interne qu'international, on comprend pourquoi ces derniers adoptent un
comportement timoré à l'égard de leur reconnaissance en
tant que groupes belligérants.
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